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13/06/2024 | FRANCE | N°22/03192

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 13 juin 2024, 22/03192


AFFAIRE : N° RG 22/03192

N° Portalis DBVC-V-B7G-HD4Q

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 18 Novembre 2022 - RG n° F 21/00531









COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 13 JUIN 2024





APPELANT :



Monsieur [K] [D]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN







INTIMEE :



S.A.S.U. MEDIAPOST

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Anne-Gaëlle LECLAIR, avocat au barreau de RENNES









DEBATS : A l'audience publique du 08 avril 2024, tenue par Mme PONCET, Consei...

AFFAIRE : N° RG 22/03192

N° Portalis DBVC-V-B7G-HD4Q

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 18 Novembre 2022 - RG n° F 21/00531

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 13 JUIN 2024

APPELANT :

Monsieur [K] [D]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A.S.U. MEDIAPOST

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne-Gaëlle LECLAIR, avocat au barreau de RENNES

DEBATS : A l'audience publique du 08 avril 2024, tenue par Mme PONCET, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 13 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 17 février 2016, M. [K] [D] a été engagé par la société Médiapost en qualité de préparateur manutentionnaire statut employé coefficient 1.2, (avec une ancienneté depuis le 27 août 2015) puis selon avenant à effet du 1er décembre 2020 en qualité de pilote machine, agent de maîtrise coefficient 2.1.

Aux fins d'obtenir le versement d'une prime de remplacement et des dommages et intérêts pour absence de versement, il a saisi le 4 novembre 2021 le conseil de prud'hommes de Caen lequel par jugement rendu le 18 novembre 2022 l'a débouté de ses demandes, a condamné la société Médiapost à lui payer la somme de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté  les parties de leurs autres demandes et a laissé les dépens à la charge de chacune.

Par déclaration au greffe du 21 décembre 2022, M. [D] a formé appel de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe le 29 février 2024 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [D] demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la société Médiapost à lui payer la somme de 6295 € à titre de rappel de prime, de 629.50 € à titre de congés payés y afférents, celle de 10 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 1800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises au greffe le 19 mars 2024 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Médiapost demande à la cour de confirmer le jugement sauf ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile, de débouter M. [D] de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 1800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société Médiapost est une entreprise de distribution directe de documents publicitaires. Des plates formes de mécanisation préparent et assemblent les documents avant leur distribution. Ce service de mécanisation comprend des préparateurs manutentionnaires et les pilotes machines, un chef d'équipe et un responsable de plate-forme.

L'accord sur l'activité mécanisation au sein de Médiapost du 28 mai 2009 qui s'applique à l'ensemble des salariés qui participent à l'activité de mécanisation prévoit en son article 2 (règles de remplacement temporaire) que « dans l'hypothèse où un salarié venait à être remplacé de manière temporaire pour cause d'absence (maladie, formation, congés etc') et pour une durée de plus de 3 jours ouvrés consécutifs, par un salarié de classification inférieure (ex un pilote machine remplacé par un préparateur manutentionnaire ou un chef d'équipe remplacé par un pilote machine), ce dernier bénéficiera d'une lettre de mission qui indiquera le montant de la « prime de remplacement ». L'article décrit ensuite les modes de calcul de cette prime.

Un avenant du 14 juin 2011 a modifié le dispositif de calcul de la prime de remplacement et a augmenté les missions du pilote machine.

Cet accord et son avenant sont visés dans le contrat de travail et son avenant de M. [D] qui prévoient outre les tâches de préparateur manutentionnaire le « remplacement temporaire et programmé systématique du pilote machine ». Les tâches de préparateur manutentionnaire telles que décrites dans le contrat (niveau 1.1 et son avenant (niveau 1.2) sont identiques.

Pour établir qu'il a exercé les fonctions de pilote machine de décembre 2018 à novembre 2020, le salarié considère qu'il n'y avait pas au sein de la plateforme un pilote machine (PIMA) par machine contrairement à l'accord de mécanisation, que les préparateurs manutentionnaires ont été ainsi conduit à remplacer des pilotes machines dans leurs fonctions, qu'il était affecté à l'avant de la machine poste dédié au pilote machine et effectuait également les réglages de la machine ainsi que les poignées test.

Il produit les témoignages écrits suivants :

- de M. [U], magasinier au sein de la plate forme de Carpiquet qui indique : « M. [P] [A], M. [K] [D], Mme [Z] [V], tous exerçant comme préparateur manutentionnaire au sein de Médispost Carpiquet ont été affectés comme pilote machine sur des lignes de machine durant une longue période alors que la fonction n'était point en corrélation avec le poste » ;

- de M. [E], préparateur manutentionnaire, indique que « travaillant sur la même ligne de machine que M. [P] [A], ce dernier exerçait la fonction de pilote machine et formateur alors qu'il n'avait reçu au préalable une lettre de mission à cet effet » ;

- de M. [B], pilote machine sur la plate forme de Carpiquet, « les nommés ci-après [P] [A], M. [K] [D], Mme [Z] [V] ont exercé les fonctions de pilote durant une longue période sans avoir reçu les lettres de missions dédiées à cet effet » ;

- de M. [R], membre élu au CSE, membre élu au CSSCT, que la plateforme de Carpiquet n'a jamais remis de lettres de mission aux personnes exerçant l'activité de pilote machine, il s'agit notamment de [P] [A], M. [K] [D], Mme [Z] [V] » ;

- de M. [S], pilote machine au sein de la plate forme de Carpiquet que [P] [A], M. [K] [D], Mme [Z] [V], n'ont jamais reçu de lettres de mission dans le cadre de leurs activités » ;

- de M. [M], préparateur manutentionnaire sur la plate forme de Carpiquet que [P] [A], M. [K] [D], Mme [Z] [V], ont exercé les fonctions de pilote machine sans au préalable avoir reçu les lettres de mission destinées à cet effet » ;

Il produit également une attestation (du 21 février 2024) de Mme [V] qui indique « avoir réalisé les tâches de pilote machine depuis le 19/06/2016 date du début de mon CDI dans la société Médiapost sans avoir eu de lettre de mission et avoir effectué les tâches suivantes : responsable des poignées test en amont de la production, responsable du rendement de production, suivi du plan de production et du réapprovisionnement de ma machine, gérer les dysfonctionnements et mise en place de solutions telle que l'insertion manuelle de documents par des intérimaires, superviser le travail des préparateurs par le dispatche des documents sur la machine, réalisation de paramétrage machine concernant la vitesse et réglage du tapis, réaliser les contrôles qualité, manager les préparateurs par le contrôle réglage ainsi que le sens des documents, responsable du port de l'EPI obligatoire, formation des nouveaux intérimaires sur ma ligne de production, convocation dans le bureau du responsable pour des éventuelles erreurs de production avec des risques de sanction ainsi que toutes mes tâches de préparateur manutentionnaire (approvisionnement de la machine, chargement de la machine, cerclage, maintenance et nettoyage de la machine) ».

Il estime qu'il doit percevoir la prime de remplacement prévue par l'accord de mécanisation et à son avenant.

L'employeur fait valoir que le salarié ne démontre pas avoir exercé les fonctions de pilote machine, qu'il ne décrit pas les tâches qu'il aurait effectuées en qualité que le fait que chaque machine ne disposait pas à l'époque d'un pilote machine est insuffisant puisque le pilote machine était conduit à gérer plusieurs machines, que l'accord de mécanisation ne lui fait pas obligation d'affecter un pilote machine par machine, que le préparateur manutentionnaire comme le pilote machine peut travailler indifféremment à l'avant ou à l'arrière de la machine, que les tâches de réglage de machine incombent étalement au pilote machine, que la prime de remplacement suppose que le salarié se voit confier l'intégralité des missions du poste.

La fiche de poste du préparateur manutentionnaire mentionne au titre de la manutention, la préparation, l'assemblage et le conditionnement : manutentionne et approvisionne les documents autour de la machine, règle et charge les documents en machine, réalise la fusion manuelle, assure le conditionnement des produits sur la ligne (cerclage et mise en contenant) et assure le flux des contenants autour de la ligne d'assemblage, au titre des tâches de réception, dispersion et expédition : contrôle de conformité des commandes et préparation ventilation de documents et saisie dans les outils informatiques et au titre de l'entretien et de la sécurité : participe aux opérations de rangement et de nettoyage des chantiers et contribue aux opérations de maintenance de premier niveau sur les matériels pour lesquels il est habilité.

La fiche de pilote machine mentionne au titre de la préparation coordination et pilotage de l'activité d'assemblage mécanisé : optimise le fonctionnement de la ligne et de l'organisation du travail en organisant la rotation du personnel sur les lignes dans le cadre de la polyvalence, supervise ou réalise le paramétrage et le réglage des machines d'assemblage, veille au respect des prescrits et procédures métier et met en 'uvre les contrôles qualité sur l'ensemble du process, réalise ou contribue à la saisie des informations et analyse de données, suit l'avancement de la production, détermine les retards ou avances et rend compte au chef d'équipe, identifie les dysfonctionnements, propose et participe à la mise en 'uvre d'actions correctrices en lien avec le chef d'équipe, maintient l'outil de production en bon état de fonctionnement (pilote et participe à la maintenance préventive de premier niveau notamment le nettoyage du matériel, réalise la maintenance curative de premier niveau), au titre de la participation à l'ensemble des tâches de la production : approvisionnement et chargement des documents sur les machines, cerclage, fusion manuelle, mise en contenant et évacuation des contenants en ligne départ et au titre de l'animation et la supervision de l'activité de l'équipe de ligne de production : assurer l'intégration et le formation des nouveaux arrivants, participe à la montée en compétence et à la polyvalence de l'équipe, respecte et fait respecter les consignes et les régles de sécurité et les régles de prévention notamment les échauffements et remonte au CE(chef d'équipe) les alertes concernant les collaborateurs et enfin remplace ponctuellement le CE en son absence.

L'avenant du 14 juin 2011 ajoute également au titre des missions managériales du pilote machine (communication) que ces derniers organisent un briefing hebdomadaire avec ses équipes et peut participer au débriefing de la vie des affaires avec son chef d'équipe.

En l'espèce le tableau relatif à l'effectif des PIMA (pilote machine) produit par l'employeur mentionne 2 PIMA au 31/12/15, 4 PIMA au 31/12/2016, 5 PIMA au 31/12/2017, 6 PIMA au 31/12/2018 au 30/09/20, puis 8 à compter du 1er décembre 2020. L'employeur précisant qu'il y avait à cette dernière date autant de pilote machine que de machine.

L'attestation de M. [W] agent de maîtrise au sein de la plate forme produite par le salarié et non utilement contredite, évoque 5 pilotes machines pour de l'an 2018 au premier trimestre 2019.

Au vu de ces éléments, pour la période considérée, il y avait donc pour 8 machines 5 pilotes machines jusqu'au 31 mars 2019 puis 6 6 pilotes machine jusqu'au 30 septembre 2020, puis 8 à compter du 1er décembre 2020.

L'accord de mécanisation et son avenant ne contiennent aucune disposition obligeant la présence d'un pilote machine par machine, et l'employeur produit une attestation de M. [H] responsable de plateforme non utilement contredite qui indique qu'un pilote machine initialement se voyait confier la supervision de plusieurs machines et que la présence d'un pilote machine auprès de la machine n'est pas nécessaire pour qu'elle fonctionne. Par ailleurs, l'augmentation des pilotes machine répond à un objectif de favoriser le management de proximité des préparateurs manutentionnaires ce que confirme l'avenant du 14 juin 2011 et également l'attestation de M. [H] qui précise en outre que la participation plus importante des pilotes machine à la production était possible car dans le même temps certaines de leurs autres tâches avaient été améliorées par des outils dédiés (planification). Dès lors, le seul fait que durant la période visée par le salarié il n'y avait pas un pilote machine par machine ne peut en soit établir que le préparateur manutentionnaire effectuait nécessairement des tâches inhérentes à celles de pilote machine.

Il en est de même concernant le positionnement du salarié à l'avant de la machine. En effet, dans son attestation, M. [H] indique que le préparateur manutentionnaire comme le pilote machine peut travailler à l'avant et à l'arrière de la machine, ce qui résulte de la description des tâches résultant des fiches de poste, le préparateur pouvant approvisionner « autour de la machine », assurant le tri des contenants « autour » de la ligne. Le salarié dit que c'est faux sans s'expliquer davantage et sans produire d'éléments contraires.

Les témoignages produits par le salarié telles que rappelées ci-avant s'expriment par propos généraux et ne décrivent pas précisément les tâches réalisées par M. [D], que si l'attestation de Mme [V] est précise concernant les tâches réalisées, son témoignage ne concerne toutefois qu'elle-même.

Le salarié indique dans ses conclusions qu'il effectuait les réglages de la machine ainsi que les poignées test.

Ces tâches sont néanmoins communes aux fonctions de préparateur manutentionnaire et de pilote machine, les fiches de postes respectives mentionnent des fonctions de réglage pour chacune et M. [H] indique que certaines missions sont communes notamment l'assemblage des poignées et l'entretien du matériel et le nettoyage du chantier.

Mais à supposer même que M. [D] ait pu effectuer certaines tâches inhérentes à la fonction de pilote machine, il n'en demeure pas moins qu'il n'a pas effectué la totalité des tâches relevant de cette fonction. M. [H] indique à ce titre que depuis le 15 janvier 2019 (date de sa prise de fonction), et le 1er décembre 2020, M. [D] a exercé uniquement les activités habituelles d'un opérateur, à savoir réglage chargement de document en machine, assemblage des poignets, entretien, nettoyage du chantier. Ce témoin précise qu'il n'a pas effectuer de tâches d'animation, de management ou disciplinaire, qu'il n'avait pas accès aux outils informatiques ou de pilotage ou à un quelconque système d'information opérationnelle.

Or, la prime de remplacement qui selon l'accord et son avenant qui intervient en cas d'absence du salarié suppose donc le remplacement dans toutes les fonctions.

A ce titre, le salarié indique que cela importe peu mais sans donner d'explications particulières, citant l'attestation de Mme [V] dont il a été observé qu'elle ne témoignait que pour elle-même et non pour M. [D].

Dès lors, et au vu de tout ce qui précède, M. [D] ne peut prétendre à la prime de remplacement, ni en conséquence à des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail fondée sur le seul défaut de versement de cette prime.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront infirmées.

En cause d'appel, il n'y a pas lieu à indemnités de procédure mais M. [D] qui perd le procès sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 18 novembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux indemnités de procédure ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à indemnités de procédure ;

Condamne M. [D] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/03192
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.03192 ?
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