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13/06/2024 | FRANCE | N°22/03091

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 13 juin 2024, 22/03091


AFFAIRE : N° RG 22/03091

N° Portalis DBVC-V-B7G-HDU2

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 10 Novembre 2022 - RG n° 21/00525









COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 13 JUIN 2024



APPELANTE :



S.A.S. GUY HOQUET L'IMMOBILIER représentée par son dirigeant légal en exercice

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me P

ierre-Luc NISOL, avocat au barreau de VIENNE, substitué par Me CANTOIS, avocat au barreau de CAEN





INTIME :



Monsieur [E] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par Me David LEGRAIN, avocat au ...

AFFAIRE : N° RG 22/03091

N° Portalis DBVC-V-B7G-HDU2

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 10 Novembre 2022 - RG n° 21/00525

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 13 JUIN 2024

APPELANTE :

S.A.S. GUY HOQUET L'IMMOBILIER représentée par son dirigeant légal en exercice

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Pierre-Luc NISOL, avocat au barreau de VIENNE, substitué par Me CANTOIS, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [E] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 14 mars 2024, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de Mme VINOT, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme JACQUETTE-BRACKX

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 13 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, par prorogation du délibéré initialement fixé au 23 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 3 novembre 2014, M. [E] [B] a été engagé par la société Guy Hocquet L'Immobilier en qualité de développeur statut cadre niveau C1, puis à compter du 1er janvier 2019 en qualité de Responsable développement, enfin à compter du 1er janvier 2020 en qualité de Directeur du développement.

Il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 juillet 2021par lettre remise par huissier le 7 juillet précédent, mis à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 août 2021.

Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, M. [B] a saisi le 29 octobre 2021 le conseil de prud'hommes de Caen, qui, statuant par jugement du 10 novembre 2022, a :

- dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- dit que la convention de forfait est privée d'effets ;

- condamné la société à lui payer les sommes de 16.386,60 € bruts en remboursement de sa mise à pied conservatoire outre 1.638,66 € bruts au titre des congés payés afférents, de 89.816,53 € bruts au titre de rappel d'heures supplémentaires outre 8.981,65 € bruts au titre des congés payés afférents, de 41.835,92 € nets au titre de la contrepartie obligatoire en repos non pris outre 4.183,59 € nets au titre des congés payés afférents, de 50.854,98 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 5.085,50 € bruts au titre des congés payés afférents, de 1.300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [B] à payer à la société la somme de 1.005,75 € brut de remboursement des jours de RTT dont il a bénéficié sur la période non-prescrite entre le 04 août 2018 et le 31 décembre 2019 ;

- condamné la société à lui remettre sous astreinte de 50 € par jour de retard les documents de fin de contrat et bulletins de salaire conformes ;

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire incluant les heures supplémentaires à 16 073.74 € ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration au greffe du 9 décembre 2022, la société Guy Hoquet L'Immobilier a formé appel de cette décision.

Par conclusions remises au greffe le 22 juin 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ses dispositions relatives au forfait, aux heures supplémentaires, à la contrepartie obligatoire en repos, au remboursement des jours RTT, à la remise des documents, à la moyenne des salaires, aux indemnités de procédure et aux dépens ;

- le confirmer pour le surplus ;

- statuant à nouveau, dire la convention de forfait valable et bien exécutée, débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [B] aux dépens.

Par conclusions remises au greffe le 10 novembre 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [B] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société à lui payer les sommes de 89.816,53 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, 8.981,65 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents, 41.835,92 € à titre d'indemnité pour repos non pris, 4.183,59 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents, 16.386,60 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, 1.638,66 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents, 50.854,98 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 5.085,50 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents, et celle 1.300,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et sauf en ce qu'il l' a condamné à payer à la société la somme de 1.005,75 € de remboursement des jours de RTT dont il a bénéficié sur la période non prescrite entre le 4 août 2018 et le 31 décembre 2019 ;

- statuant à nouveau, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la société à lui payer les sommes de 34.427,86 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement de 27.585,75 € à titre d'indemnité légale de licenciement, de 15.000,00 € à titre de rappel de commissions indument restituées sur bulletins de paie d'avril et mai 2021, de 1.500,00 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents, de 46.268,83 € à titre de rappel de commissions au titre du droit de suite, de 4.626,88 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents, de 47.138,55 € à titre de rappel de congés payés sur commissions, de 118.661,62 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 2.700,00 € d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens ;

- de condamner la société à lui remettre les documents de fin de contrat et bulletins de salaire sous astreinte.

MOTIFS

I- Sur la convention de forfait

Le contrat de travail au visa d'un accord d'entreprise du 22 novembre 2010, mentionne que le salarié relève de la catégorie professionnelle des cadres autonomes itinérants compte tenu de son autonomie et de son niveau de responsabilité et fixe la durée du travail à 217 jours par an.

L'accord prévoit un suivi de la charge de travail avec un document de suivi individuel mentionnant le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées et non travaillées avec leur qualification qui est contrôlé par l'employeur, et chaque année un entretien individuel distinct de l'entretien d'évaluation pour établir : le bilan de la charge de travail de la période écoulée, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'amplitude des journées d'activité, l'adéquation de sa rémunération avec sa charge de travail et l'éventuel calendrier prévisionnel des jours de repros pour la prochaine période de référence ».

Le salarié soutient que le forfait est inopposable l'employeur n'ayant jamais procédé au suivi du temps ni de la charge de travail.

Pour preuve du respect de ses obligations, et de la réalisation de trois entretiens annuels, l'employeur se réfère à ses pièces n°2, 3 et 4 qui sont les modalités de calcul de la rémunération variable du salarié pour 2019 et 2020 (pièces 2 et 4) et l'avenant contractuel relatif à la promotion du salarié en qualité de directeur du développement (pièce n°3). Outre que ces documents ne contiennent contrairement à ce que soutient l'employeur aucune mention de nature à établir que la charge de travail du salarié a été prise en compte afin de lui proposer les objectifs à atteindre et/ou sa promotion, ils ne révèlent en rien que l'employeur ait évoqué avec le salarié sa charge de travail qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et sa rémunération.

Dès lors, à défaut de respect des conditions d'exécution du forfait jour, celui-ci est inopposable au salarié pour la durée de la défaillance de l'employeur.

C'est inexactement que l'employeur soutient que l'inexécution de la convention de forfait ne peut conduire qu'à des dommages et intérêts. Elle permet en effet le décompte de la durée du travail en heures conformément au droit commun et que le salarié peut donc réclamer pour la période de 2018 à 2019 le paiement des heures supplémentaires éventuellement réalisées.

II- Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Le salarié produit :

- les calendriers 2018 et 2019 sur lesquels sont mentionnés chaque jour les heures d'arrivée et de fin de travail, le nombre d'heures effectuées par semaine, avec mention des jours de congés, et un décompte semaine par semaine des heures supplémentaires et des modalités de calcul ;

- des liasses de courriels professionnels qu'il a adressés entre janvier 2019 et juin 2021, non commentés par le salarié ;

- des extraits d'agenda électronique de juin 2018 à juin 2021 mentionnant des rendez vous, réunions ou évènements divers.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.

L'employeur soutient que compte tenu des responsabilités et de l'autonomie du salarié, les parties avaient convenu de renoncer au calcul de la durée du travail en heures, ce qui est inopérant puisque la convention de forfait est précisément inopposable.

Il forme par ailleurs les observations suivantes :

- l'absence de pause et du temps de pause déjeuner. Le salarié ne répond rien sur ce point et ne donne donc aucune explication quant à l'absence de déduction d'un temps de pause pour le déjeuner. Il convient en conséquence de déduire 30 minutes par jour soit, au vu des tableaux(pour les semaines où des heures supplémentaires sont réclamées), 79.90 heures pour l'année 2018 et 46.10 heures pour l'année 2019 ;

- l'absence de prise en compte d'un voyage en Laponie du 11 au 14 janvier 2018. Au vu des pièces produites par l'employeur ce voyage était un voyage de récompense en Laponie offert par la société à plusieurs salariés dont M. [B]. Le salarié fait valoir qu'il s'agit d'un voyage certes d'agrément mais organisé dans un cadre professionnel et qu'il ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles. Il ne produit toutefois pas qu'il est tenu durant ce voyage à des obligations professionnelles. Il convient en conséquence de déduire les heures supplémentaires pour cette période soit 8.24 heures.

- l'absence de prise en compte d'une journée RTT le 30 avril 2018 et le 24 décembre 2018.

Le bulletin de salaire de mai 2018 mentionne un RTT le 30 avril 2018. Toutefois (au vu du calendrier 2018) le salarié n'a pas compté d'heures ce jour là.

En revanche les bulletins de salaire produits ne mentionnent aucun RTT pour le 24 décembre 2018, mais le salarié n'a compté aucune heure de travail ce jour là.

- l'absence de prise en compte des jours RTT du 30 juillet au 2 août 2018 et de prise en compte des congés payés le 23 juillet 2018

Le bulletin de salaire d'août 2018 mentionne des congés payés du 24 au 27 juillet 2018 qui n'inclut donc pas le 23 juillet. Toutefois le salarié a sur le calendrier indiqué être en congés ce jour là.

Il mentionne également des jours RTT du 30 juillet au 2 août inclus, et sur le calendrier le salarié a noté qu'il est en congés et n'a comptabilisé aucune heure de travail.

-absence du salarié les 9 et 10 août 2018. L'employeur produit une facture d'hôtel en Gironde pour cette période au nom du salarié. Ce dernier ne conteste pas ce fait indiquant que ce voyage était professionnel, ce que l'employeur ne conteste pas utilement, le bulletin de salaire d'août 2018 ne mentionnant aucun congé à cette date.

-l'absence de prise en compte d'un voyage en Afrique du Sud du 25 au 29 janvier 2019. Au vu des pièces produites il s'agit d'un voyage organisé par l'employeur pour certaines salariés dont M. [B], du vendredi 25 janvier au mercredi 30 janvier. Mais le salarié n'a comptabilisé aucune heure de travail ces jours là dans le calendrier 2019.

- absence de prise en compte de jours RTT le 31 mai, 10 juin, 16 août et 27 décembre 2019.

Il sera observé que le salarié ne mentionne sur le calendrier 2019 aucune heure de travail pour le 10 juin et le 16 août 2019.

La copie d'écran pour l'outil de gestion des congés mentionne un jour RTT les 31 mai et 27 décembre 2019.

Le calendrier 2019 mentionne des heures de travail pour ces deux jours. Le salarié explique qu'il s'agit de jours RTT imposé par l'employeur et qu'il a travaillé ces jours là. Il lui appartient dans ce cas d'établir qu'il a travaillé ces jours là, ce qu'il ne fait pas. Il convient de déduire 6.99 heures supplémentaires la semaine 22. En revanche pour la semaine 52 (27 décembre) le salarié n'a compté aucune heure supplémentaire.

- absence de prise en compte des congés payés les 25 et 26 juillet 2019

Le bulletin de salaire de juillet 2019 mentionne des congés payés du 15 au 26 juillet 2019, et le salarié a noté dans le calendrier 2019 des heures de travail pour le 25 et 26 juillet. Il n'établit pas comme il le soutient qu'il a été dans l'obligation de travailler ces jours là. Il résulte toutefois du tableau qu'il n'a compté aucune heure supplémentaire pour cette semaine là.

L'employeur fait valoir enfin que le salarié était conduit à se déplacer régulièrement, que ces déplacements ne sont pas du temps de travail effectif et doit être déduit. Toutefois il n'indique pas les périodes correspondant selon lui à du temps de travail effectif et n'apporte aucun élément en ce sens.

Dès lors, les contestations de l'employeur seront rejetées à l'exception de la déduction des pauses déjeuners et de la journée du 31 mai 2019.

Les heures supplémentaires établies sont donc pour l'année 2018 de 37.10 heures (taux de 25%) et de 40 heures (taux de 50%), soit une somme totale de 3992.75€ outre la somme de 399.27 € au titre des congés payés afférents, et pour l'année 2019 de 229.91 heures (taux de 25%) et de 224 heures (taux de 50%) soit une somme totale de 69 449.15 € outre celle de 6944.91 € au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé sur le quantum.

Concernant la demande formée par l'employeur en première instance de remboursement des jours RTT dont le salarié a bénéficié en conséquence de l'inopposabilité de la convention de forfait, l'employeur en demande l'infirmation sans toutefois développer de moyen à ce titre dans ses conclusions, tandis que le salarié demande confirmation du jugement sur ce point.

Il convient ainsi de confirmer le jugement sur ce point.

III- Sur les repos compensateurs

En plus des majorations de salaire, les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent ouvrent droit pour le salarié à une contrepartie obligatoire en repos. Lorsque le salarié n'a pas été en mesure, du fait de l'employeur, de bénéficier de sa contrepartie obligatoire en repos, il a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Celle-ci comporte à la fois l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos et le montant de l'indemnité de congés payés afférents audit repos.

En l'occurrence, au vu des heures supplémentaires retenues et des calculs non autrement contredits par l'employeur y compris à titre subsidiaire, le contingent de 220 heures par an a été dépassé seulement en 2019. Le salarié peut prétendre pour cette période à une indemnité totale de 28 689.05 € (26 080.96 € outre les congés payés afférents de 2608.09).

Le jugement sera infirmé sur le quantum.

IV- Sur le rappel de la commission de 15 000 € restituée

Selon le bulletin de salaire du mois de janvier 2021, une « prime objectif CA 2020 » de 15 000 € a été versée au salarié. Par courriel du 6 avril 2021, Mme [C] responsable administratif et financier lui a communiqué le suivi des contrats 2020, et lui a indiqué que l'objectif de 100 contrats facturés sur 2020 n'avait pas été atteint, et que l'objectif chiffre d'affaires sur contrat de franchise facturé fixé à 1 700 000 € n'avait pas été atteint et que « à la suite de ta demande, la prime concernant le chiffre d'affaires a été versée sur ton salaire de janvier 2021. Cette prime n'est pas due et sera donc récupérée sur les prochains mois ».

La prime a été déduite du salaire d'avril (pour 5000€) et de mai 2021 (pour 10 000€).

Le salarié estime que cette déduction n'a pas été fait conformément aux dispositions de l'article L3251-3 du code du travail et qu'elle devait lui demeurer acquise.

Le salarié perçoit une rémunération fixe et une rémunération variable. Le document signé par les parties le 28 février 2020 relatif aux modalités de calcul de la rémunération variable pour l'exercice 2020 distingue le calcul des commissions variables sur contrat de franchise, le calcul des commissions variables sur honoraires de vente et le calcul des commissions variables sur objectifs annuels.

Au titre de ces dernières, il mentionne « Si le chiffre d'affaires développement sur contrat de franchise facturés en 2020 est de 170 000 €, alors la prime est de 15000€. Si le nombre de contrats facturés sur 2020 est de 100 contrats, alors la prime est de 15 000€. »

Il est constant que la prime litigieuse de 15 000 € correspond à la commission variable sur objectifs annuels. Dès lors, le salarié ne peut contester les modalités de calcul en ce que le document contractuel prévoit la prise en compte du contrat de franchise signé et enregistré, le terme « facturé » ayant été biffé par les parties. En effet, ces conditions sont celles selon le document applicable au calcul des commissions variables sur contrat de franchise et non celles du calcul des commissions variables sur objectifs annuels dont la mention « facturé » n'a pas été biffé, y compris sur l'exemplaire produit par le salarié.

Le salarié ne contestant pas par ailleurs qu'il n'avait pas atteint un chiffre d'affaires sur contrat de franchise facturé de 170 000 €, la prime de 15 000 €ne lui est donc pas due.

La prime ayant été versée indûment et le contrat de travail ayant été rompu, l'éventuel non-respect de l'article L3251-3 du code du travail quant aux retenues sur salaire est sans objet, étant relevé que son non-respect ne pourrait conduire qu'à des dommages et intérêts qui ne sont pas demandés.

V- Sur le droit de suite lié aux commissions

L'employeur n'est pas contredit lorsqu'il indique que le salarié qui n'est pas négociateur immobilier ne peut prétendre à un droit de suite, lequel n'est par ailleurs pas prévu par son contrat de travail.

Le salarié fait valoir que l'employeur applique un droit de suite pour d'autres développeurs notamment M. [J] et Mme [P] et invoque une inégalité de traitement qui lui a occasionné un préjudice. Il n'invoque plus à ce titre un usage au sein de la société.

L'employeur ne conteste pas avoir appliqué un droit de suite au bénéfice de Mme [P] mais en application d'un contrat signé le jour de la rupture de son contrat de travail le 30 juin 2021 qui prévoit un droit de suite de 6 mois.

Le registre du personnel produit mentionne que M. [J] n'a pas quitté la société, que plusieurs salariés engagés en qualité de développeur ont quitté la société et l'employeur justifie par le solde de tout compte et le dernier bulletin de salaire pour l'un d'entre eux, M. [A] que celui-ci n'a rien perçu au titre du droit de suite.

Le salarié n'établit pas par ailleurs comme il soutient que M. [J] a perçu un droit de suite lors de son changement de service au sein de la société, les courriels qu'il produit concernent les primes dont il estime être redevables et ne concernent en rien M. [J].

Dès lors, les éléments produits par le salarié ne sont pas de nature à faire présumer une inégalité de traitement à ce titre.

VI- Sur l'indemnité de congés payés sur commissions

Le salarié estime que l'employeur n'a pas correctement calculé l'indemnité de congés payés en ce qu'il n'a pas intégré dans l'assiette de l'indemnité de congés payés la rémunération variable. Il réclame les congés payés sur les commissions réglées entre août 2018 et août 2021.

L'employeur se réfère au contrat et avenants qui ont exclus la rémunération variable de l'assiette des congés payés. L'avenant du contrat de travail dit « commissions 2017 » signé le 30 janvier 2017 contient la clause suivante « elle [la rémunération variable] ne rentre pas dans le calcul des congés payés et RTT]. Cette clause est reprise pour les avenants signés pour l'exercice 2019, 2020 et 2021.

Mais les règles définissant le calcul de l'indemnité de congés payés sont d'ordre public

Or, doit entrer dans l'assiette de l'indemnité de congés payés, les éléments de rémunération qui résultent de l'activité personnelle du salarié, ce qui en l'espèce est le cas des commissions. En effet, il résulte des modalités de calcul de ces commissions telles que décrites sur les avenants signés que ces dernières sont calculées selon les contrats de franchise signés et/ou facturés, et sont donc bien la contrepartie de l'activité personnelle du salarié.

Dès lors, nonobstant les clauses contractuelles contraires, les commissions devaient être incluses dans l'assiette de congés payés.

Il sera fait droit à la demande du salarié sauf à déduire toutefois la commission de 15 000 € qui ne lui était pas due et qu'il inclue dans son décompte. Il convient ainsi de lui allouer une somme de 45 638.54 €.

VII- Sur le licenciement

La lettre de licenciement, après avoir évoqué une altération du climat du confiance compte tenu de l'octroi de la prime de 15 000 €, fait état de trois reproches au salarié.

- des propos intolérables à l'égard de ses collaborateurs, la lettre vise des propos tenus le 8 juin 2021 lors d'une réunion de directeurs et chefs de services à l'encontre de M. [W] soit « Putain il commence à me casser les couilles celui-là ».

Au vu des attestations produites (Mme [L] directrice juridique, M. [J] consultant, M. [T] auditeur financier, M. [S] directeur métier, M. [H] directeur des performances) par l'employeur, cette réunion a eu lieu en présentiel au siège de la société, le salarié étant en visio-conférence, et lorsque le dossier [Y] a été évoqué, M. [J] a précisé à M. [B] qu'il manquait l'extrait KBIS de la société de gestion pour laquelle il fallait établir un avenant au contrat et que M. [W], développeur ne l'avait pas récupéré, M. [B] a alors indiqué à propos de ce dernier « putain il commence à me casser les couilles celui-là ». Le salarié ne conteste pas avoir tenu ses propos. Il se borne à indiquer que ces propos sont insuffisants pour justifier un licenciement et que M. [W] visé par cette remarque s'est indigné de l'attitude de l'employeur qui a essayé en vain d'obtenir son témoignage. Il produit un courriel que lui a adressé M. [W] le 6 juillet 2021 à propos d'un dossier [G] dans lequel [D] [X] lui a indiqué qu'il ne validait pas ce dossier pour lequel une signature était prévue le lendemain car il n'était pas au courant de la candidature et qu'il lui a demandé de faire un courrier contre M. [B] en contrepartie de la validation du dossier.

Toutefois, outre que les termes du courrier sollicité ne sont pas mentionnés, l'employeur explique cet échange par le fait que M. [X] qui n'avait pas validé ce dossier [G] avait demandé à M. [W] s'il était prêt à affirmer par écrit qu'il lui avait donné cet accord, ce qui est donc sans lien avec le grief repproché dans la lettre de licenciement.

Par ailleurs, si deux auteurs des attestations produites par l'employeur indiquent que M. [B] était un habitué des propos fleuris envers ses collaborateurs, ils ne les citent pas ne permettant pas à la cour d'en apprécier le caractère intolérable visé dans la lettre de licenciement.

Les propos tenus à l'encontre de M. [W] seul sont donc établis.

- d'avoir signé des contrats de franchise en méconnaissance des dispositions de la loi Doubin.

La lettre vise une demande d'annulation de M. et Mme [N] du contrat de franchise signé le 4 mai 2021 et indique que l'étude de cette demande a permis d'établir que le délai de 20 jours entre la notification du document d'information pré-contractuelle et la signature du contrat n'avait pas été respecté puisqu'il était en l'occurrence de 3 jours.

Le non respect de ce délai qui porte sur un seul contrat et n'est pas à l'origine de la demande d'annulation formée par M. et Mme [N] ne peut caractériser « un mépris de la législation applicable » par le salarié pour servir ses résultats à l'origine d'un préjudice pour la société », tel que mentionné dans la lettre de licenciement. Ce fait relève en réalité d'une insuffisance professionnelle qui n'a aucun caractère fautif.

Il ne sera pas retenu.

- d'avoir calomnié sa hiérarchie le 6 juillet 2021 auprès de l'actionnaire de la société

L'employeur produit aux débats un courriel adressé par le salarié à M. [V] dont les parties s'accordent à dire qu'il est le premier actionnaire de la société Guy Hocquet L'Immobilier.

Il résulte de ce courriel que le salarié, à la suite d'un entretien avec M. [V], lui a rapporté des propos tenus par M. [D] [X], puis lui a fait, pour illustrer ce qui l'a conduit à lui faire part de son désarroi, une chronologie de différents évènements dans lesquels il met en cause le comportement de M. [X] vis-à-vis de lui-même ou d'autres salariés ( le fait de revenir sur les parties variables des rémunérations, de dire qu'il va baisser les salaires, des propos injurieux lors d'une réunion, des menaces de sanctions, des propos humiliants) et également dans le traitement des dossiers (changements d'avis réguliers, du fait qu'il impose ses amis, qu'il rencontre des personnes ou prend des engagements sans en parler à la personne qui gère le dossier).

Le salarié fait référence au désarroi dont il a fait état à M. [V] lors de leur entretien et termine son courriel en ses termes : « Il est donc difficile de suivre les dossiers du service avec un président qui interfère en permanence dans les dossiers, mène des négociations sans prévenir personne et change d'avis en permanence. Comme je vous l'ai dit, je suis très attaché à mes collaborateurs, à l'entreprise et à la marque mais le harcèlement et les menaces que je subis au quotidien ne sont plus supportables ».

Le salarié dit qu'il n'a fait qu'user de sa liberté d'expression, qu'il a dénoncé les faits de harcèlement moral. Il explique que M. [V] a voulu une retranscription écrite des propos tenus.

L'employeur dit que les propos sont calomnieux, non établis, que compte tenu de son niveau de responsabilité il n'a pas usé de sa liberté d'expression.

Le courriel litigieux a été adressé à une seule personne qui n'est pas un tiers de l'entreprise puisqu'elle est son principal actionnaire. Au vu des propos qu'il contient, le salarié a en réalité dénoncé une situation de harcèlement moral, ce qui ne peut lui être reproché même si les faits dénoncés s'avèrent faux, sauf à établir sa mauvaise foi, ce qui n'est pas invoqué en l'espèce.

Ce fait ne peut être retenu.

Dès lors, les propos contre M. [W] seront seuls retenus. Le salarié lors d'une réunion impliquant plusieurs personnes a tenu contre ce dernier dont il était le supérieur hiérarchique des propos excessifs. Le fait reproché présente ainsi un caractère fautif. Toutefois, outre que M. [W] n'était pas présent lors de cette réunion, au vu de l'ancienneté du salarié et de l'absence de tout antécédent pour des faits similaires, le licenciement prononcé apparaît comme une sanction disproportionnée. Il est donc par infirmation du jugement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié est par conséquent en droit de prétendre, non seulement aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents, indemnité légale ou conventionnelle de licenciement), mais également au remboursement de la mise à pied et à des dommages et intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Concernant l'indemnité compensatrice de préavis, la somme allouée par les premiers juges n'est pas contestée et sera donc confirmée.

Concernant l'indemnité de licenciement, le salarié conteste la somme allouée par les premiers juges en ce qu'elle n'a pas réintégré la prime de 15 000 € et en tout état de cause à ce qu'ils n'ont pas pris en compte la moyenne des salaires perçus durant les 12 derniers mois soit une somme mensuelle de 15 738.65 €.

Il a été jugé que la prime de 15 000 € n'était pas due, il n'y a donc pas lieu à la réintégrer.

Concernant le salaire à prendre en compte, c'est la rémunération qui est la contrepartie du travail effectif. Les premiers juges n'ont pas pris en compte que la rémunération fixe et non pas la rémunération variable. Par ailleurs l'employeur ne forme aucune contestation sur le salaire moyen fixé par le salarié, si bien qu'il sera fait droit à la demande de ce dernier.

Concernant le remboursement du salaire durant la mise à pied conservatoire, la somme allouée par les premiers juges n'est pas contestée et sera donc confirmée.

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre, au vu de son ancienneté de 6 années complètes et de la taille de l'entreprise, à une indemnité comprise entre 3 et 7 mois de salaire brut.

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, le salarié ne produit aucun élément sur sa situation actuelle, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 80 000 €;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.

En cause d'appel, l'employeur qui perd le procès sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En équité, il réglera, sur ce même fondement, une somme de 1700 € au salarié.

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant.

Le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement rendu le 10 novembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ses dispositions relatives au rappel de la prime de 15 000 €, au rappels de salaire au titre du droit de suite, au salaire et aux congés payés afférents durant la mise à pied conservatoire, à l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, au remboursement des jours RTT, et aux indemnités de procédure et aux dépens ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Guy Hocquet L'Immobilier à payer à M. [B] les sommes suivantes :

- 3992.75 € outre la somme de 399.27 € au titre des congés payés afférents, à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées en 2018 ;

- 69 449.15 € outre celle de 6944.91 € au titre des congés payés afférents à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires réalisées en 2019 ;

- 28 689.05 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

- 45 638.54 € à titre d'indemnité de congés payés

- 27 585.75 € à titre d'indemnité de licenciement ;

- 80 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à la société Guy Hocquet L'Immobilier de remettre à M. [B] les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi) et des bulletins de salaire complémentaires (à raison d'un bulletin par année) conformes au présent arrêt, ce dans le délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;

Condamne Guy Hocquet L'Immobilier à lui payer à la somme de 1700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande aux mêmes fins ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que les intérêts se capitaliseront quand ils seront dus pour une année entière ;

Condamne la société Guy Hocquet L'Immobilier à rembourser à l'antenne France Travail concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressé depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ;

Condamne la société Guy Hocquet L'Immobilier aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/03091
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.03091 ?
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