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13/06/2024 | FRANCE | N°22/03082

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 13 juin 2024, 22/03082


AFFAIRE : N° RG 22/03082 Portalis DBVC-V-B7G-HDUH

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lisieux en date du 17 Novembre 2022 - RG n° F 21/00167









COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 13 JUIN 2024



APPELANTES :



S.A.S. CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]


r>S.A.S. CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE Prise en la personne de son représentant légal, domicilé en cette qualité audit siège

[Adresse 1]



Représentées par Me Jérémy VILLENAVE, avocat ...

AFFAIRE : N° RG 22/03082 Portalis DBVC-V-B7G-HDUH

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lisieux en date du 17 Novembre 2022 - RG n° F 21/00167

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 13 JUIN 2024

APPELANTES :

S.A.S. CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

S.A.S. CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE Prise en la personne de son représentant légal, domicilé en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

Représentées par Me Jérémy VILLENAVE, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [X] [J]

[Adresse 2]

Représenté par Me Claire ANDRIEU, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 11 mars 2024, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme JACQUETTE-BRACKX

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 13 juin 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, par prorogation du délibéré initialement fixé au 23 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 3 janvier 2000, M. [X] [J] a été engagé à temps partiel par la société SPGO en qualité d'agent de prévention de sécurité à compter du 3 janvier 2000. Même si aucun contrat antérieur n'est produit, les parties s'accordent sur une ancienneté conventionnelle du 2 avril 1993.

Par jugement du 4 janvier 2013, le tribunal de commerce de Lisieux a adopté le plan de redressement par voie d'apurement de passif de la société SPGO sous réserve de l'autorisation des cessions d'actions à la société Challancin.

A la suite de la transmission universelle de patrimoine du 18 décembre 2015, la société Challancin Prévention Sécurité est devenu l'employeur de M. [J].

Il a été placé en arrêt de travail le 11 juillet 2019.

Une visite médicale de pré reprise du 11 décembre 2019 a prévu une reprise à mi temps avec des horaires de journée.

Une visite de reprise du 19 février 2020 a préconisé « une reprise en temps partiel thérapeutique à 50% de son temps de travail habituel au moins les trois premiers mois en horaire de journée. »

Le 1er septembre 2020, M. [J] s'est vu notifier un avertissement.

Le 28 septembre 2020, le médecin du travail a vu le salarié à sa demande et, considérant qu'il présente un état de santé entrainant restriction, a préconisé : « pas d'exposition à des irritants ou toxiques respiratoires, pas de port de chaussures de sécurité haute tenant les chevilles, peut porter des chaussures de sécurité basses ».

Le 31 octobre 2020, un certificat médical ATMP de rechute pour « douleurs de la cheville droite » a prévu un arrêt de travail jusqu'au 4 novembre prolongé jusqu'au 30 novembre 2020, puis jusqu'au 30/12.

Une visite médicale de pré reprise du 23 décembre 2020 a préconisé : « pas d'exposition à des irritants ou toxiques respiratoires, pas de port de chaussures de sécurité haute tenant les chevilles, son état de santé ne lui permet plus de faire de ronde, et serait apte à un poste sédentaire ».

Le 12 janvier 2021, M. [J] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.

Par lettre recommandée du 15 février 2021, il a été licencié pour inaptitude professionnelle avec dispense de reclassement.

Poursuivant l'annulation de l'avertissement, de son licenciement ou de son absence de cause réelle et sérieuse, M. [J] a saisi le 14 septembre 2021le conseil de prud'hommes de Lisieux lequel par jugement rendu le 17 novembre 2022 a :

- condamné la société Challancin Prévention Sécurité à lui payer les sommes de 1000 € nets pour manquement à son obligation de réentraînement, 7000 € nets pour manquement à l'obligation de loyauté, 6916.17 € nets à titre de régularisation de l'indemnité de licenciement, de 5126.49 € à titre d'indemnité de préavis et de 512.64 € au titre des congés payés afférents, de 717.72 € au titre des 10.5 jours de congés payés  et celle de 1300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [J] de ses autres demandes ;

- ordonné à la société de lui remettre sous astreinte les documents sociaux et bulletins de salaire conformes au jugement ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration au greffe du 8 décembre 2022, la société Challancin a formé appel de ce jugement

Par déclaration au greffe du 14 décembre 2022, M. [J] a formé appel de ce jugement.

Les deux instances ont été jointes le 13 septembre 2023 ;

Par conclusions récapitulatives remises au greffe le 20 février 2024 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Challancin Prévention Sécurité demande à la cour de :

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [J] de ses demandes ;

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [J] à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par conclusions récapitulatives remises au greffe le 13 février 2024 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [J] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui payer les sommes de 7000 € nets pour manquement à l'obligation de loyauté, 6916.17 € nets à titre de régularisation de l'indemnité de licenciement, de 5126.49 €à titre d'indemnité de préavis et de 512.64 € au titre des congés payés afférents, de 717.72 € au titre des 10.5 jours de congés payés et celle de 1300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'infirmer pour le surplus ;

- prononcer la nullité de l'avertissement ;

- prononcer la nullité du licenciement ;

-condamner la société à lui payer les sommes de

* 8 000 € net de CSG-CRDS à titre de dommages intérêts pour avertissement injustifié et discriminatoire,

* 5.000 € net de CSG-CRDS, à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de surveillance médicale adaptée,

* 30.000 € net de CSG-CRDS à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

* 10.000 € net de CSG-CRDS à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de réentrainement au travail,

* 2.500 € net de CSG-CRDS à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de formation,

* 2.000 € net de CSG-CRDS à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de paiement des salaires,

* 15. 000 € net de CSG-CRDS à titre de dommages intérêts pour discrimination,

* 32.500 € net de CSG-CRDS à titre de dommages intérêts pour licenciement nul et en tout état de cause pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* Fixer la rémunération mensuelle de base à la somme de 1 708.83 €,

* rappel de salaire équivalent à 4 jours, soit la somme de 227.84 € brut à laquelle s'ajoutera l'indemnité de congés payés équivalente à 10 % soit 22.78 € brut,

* 285,08 € brut au titre de la différence entre 22 h et 24 h hebdomadaires, à laquelle s'ajoutera la somme de 28.50 € brut au titre de rappel des congés payés ;

* 500 € brut pour rappel des différentes primes de nuit, d'ancienneté d'habillage, majoration de dimanche,

* 717.72 € brut pour rappel de 10,5 jours de congés payés,

* 4 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société à lui remettre sous astreinte les documents sociaux et bulletins de salaire conformes ;

- condamner la société aux dépens.

MOTIFS

I- Sur la nullité de l'avertissement

La lettre du 1er septembre 2020 après avoir rappelé ses fonctions d'agent de sécurité qualifié, lui reproche le non-respect des consignes concernant la tenue réglementaire applicable au site, soit le 29 août 2020 sur le site Knorr Bremse, le port d'une paire de chaussures de sécurité au lieu d'une paire de rangers.

Le salarié ne conteste pas avoir ce jour là porté des chaussures de sécurité au lieu des rangers, dit qu'il ne pouvait porter des rangers compte tenu de son handicap et des préconisations de la médecine du travail.

L'employeur indique que les aménagements du médecin du travail sont postérieurs et le statut de travail handicapé a été reconnu le 13 avril 2021.

Le règlement intérieur prévoit que chaque salarié se trouve à son poste en tenue de travail.

Le salarié produit un extrait de son dossier médical du 12 septembre 2005 (l'employeur était la société SPGO) avec le commentaire suivant : apte éviter la marche prolongée avec la mention « demande RGTH de type médical prescrit », une attestation du 12 avril 2022 de la MDPH attestant que le salarié a bénéficié d'une décision faisant état de l'attribution de la reconnaissance qualité travailleur handicapé du 29 décembre 2005 sans limitation de durée et enfin deux lettres adressées par le médecin du travail à la SPGO le 6 juin 1996 et le 12 septembre 2005, la première faisant état de séquelles suite à un accident du travail(IPP 10%) faisant obstacle à des rondes importantes et la seconde mentionnant l'augmentation de l'IPP à 15%, évoquant une souffrance du surmenage de sa cheville et préconisant un poste plus sédentaire.

Il produit également la décision de la MDPH du 15 mars 2016 lui reconnaissant la qualité de travailleur handicapé du 29 décembre 2015 au 28 décembre 2020, et celle du 13 avril 2021 lui reconnaissant la qualité de travailleur handicapé du 29 décembre 2020 sans limitation de durée.

Au vu de ces éléments et ceux rappelés ci-avant, il n'existait, au moment où l'avertissement a été prononcé, aucune préconisation du médecin du médecin du travail relatives aux chaussures pouvant être portées par le salarié.

Cependant le salarié justifie avoir écrit à son employeur le 9 septembre 2020 qu'il était reconnu travailleur handicapé, et que compte tenu des ses difficultés médicales au niveau de la cheville droite, il ne pouvait porter des rangers, lui indiquant qu'il allait solliciter le médecin du travail.

Ce courrier n'a fait l'objet d'aucune réponse de l'employeur qui a maintenu sa sanction.

Dès lors, le port des chaussures de sécurité plutôt que des chaussures type rangers n'a pas un caractère fautif.

Il y a lieu par infirmation du jugement d'annuler l'avertissement.

Il convient d'allouer au salarié pour réparer le préjudice moral résultant de cette sanction injustifiée une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.

II - Sur le défaut de surveillance médicale

Le salarié invoque le non respect des dispositions de l'article L4624-1 du code du travail prévoyant un suivi médical adapté selon une périodicité de trois ans, en ce que cette périodicité n'a pas été respecté de 2005 à 2016, ni après octobre 2016.

Du fait de la transmission universelle de patrimoine de la société SPGO opérée au bénéfice de la société Chanllancin Prévention et Sécurité , celle-ci a remplacé la société dissoute dans tous les droits, créances et dettes de celles-ci, et le courrier du médecin du travail à la société SPGO en 2005 établit que la qualité de travailleur handicapé était connue et est établie par l'attestation de la MDPH.

Toutefois, les dispositions de l'article L4624-1 invoquées n'étaient pas en vigueur dans ces termes avant le 1er janvier 2017.

L'employeur justifie d'un entretien avec l'infirmier santé au travail le 20 juillet 2015 et le 19 octobre 2016.

Il ne justifie pas d'un suivi médical adapté à compter du 1er janvier 2017, lequel ne se confond pas avec les visites de pré-reprise ou de reprise.

Ce manquement a occasionné un préjudice au salarié qui sera réparé par des dommages et intérêts d'un montant de 1000 €.

III- Sur l'absence de visite médicale de reprise et de respect des préconisations du médecin du travail

Le salarié invoque l'absence de respect des préconisations du médecin du travail du 19 février 2020 en ce qu'il préconisait un horaire de journée pendant trois mois, et en ce qu'il prévoyait une nouvelle visite le 30 juin 2020.

Lors de la visite de reprise du 19 février 2020, le médecin du travail a préconisé « une reprise en temps partiel thérapeutique à 50% de son temps de travail habituel au moins les trois premiers mois en horaire de journée. », et à revoir au plus tard le 30/06/2020.

Au vu des bulletins de salaire produits, le salarié a repris son travail en février 2020 à mi-temps thérapeutique jusqu'au mois d'août 2020 puis à temps normal jusqu'à son nouvel arrêt de travail en novembre 2020 pour rechute de l'accident de travail.

Le salarié soutient sans être contredit qu'il travaillait de 16h à23h30 et les WE de 8h30 à 20h30, l'employeur indiquant que ce n'est pas un horaire de nuit et qu'il n'a perçu aucune prime de nuit.

Mais les bulletins de salaire de février à avril 2020 mentionnent une prime de nuit. Il s'en déduit le non respect des mesures prises par le médecin du travail.

Par ailleurs, l'employeur ne justifie pas avoir organisé la visite médicale le 30 juin 2020 alors même qu'il ne faisait plus travailler le salarié à mi-temps thérapeutique. Il se fonde sur les difficultés liées à la crise sanitaire mais ne produit aucun élément de nature à établir qu'il a au moins tenté de l'organiser.

Le non respect de ces mesures n'a pas permis au salarié de reprendre son poste dans des conditions respectueuses de sa santé et lui a ainsi occasionné un préjudice, le salarié justifiant par ailleurs avoir demandé (dans son courrier du 9 septembre 2020) une diminution de ses heures de travail compte tenu de son état de santé.

Il lui sera alloué une somme de 2500 € à titre de dommages et intérêts.

IV - Sur le manquement à l'obligation de réentrainement

Selon l'article L5213-5, tout établissement ou groupe d'établissement appartenant à une même activité professionnelle de plus de 5000 salariés assure après avis médical le réentrainement au travail et la rééducation professionnelle de ses salariés malades et blessés.

Il n'est pas contesté que la société Challancin prévention et sécurité comporte 1500 salariés. Elle fait certes partie d'un groupe de 5000 salariés mais ce groupe inclut des sociétés ayant une activité différente la SAS Entreprise Guy Challancin dont l'activité selon l'extrait KBIS relève de l'activité  de nettoyage industrielle.

Dès lors, il n'est pas établi l'existence de liens entre la société Challancin Prévention Sécurité et les différents établissements ou groupe d'établissements du groupe Challancin, de nature à former un ensemble appartenant à une même activité professionnelle, de sorte qu'elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 5213-5 du code du travail.

Le salarié invoque par ailleurs un accord du 30 décembre 2019 qui est un accord d'entreprise conclu entre l'entreprise Guy Challancin et les organisations syndicales qui n'est donc pas applicable à la société société Challancin Prévention et Sécurité, personne moral distincte.

Le salarié sera donc débouté de sa demande à ce titre et le jugement infirmé.

V- Sur le manquement à l'obligation de formation

Il résulte des pièces produites que le salarié a bénéficié le 19 avril 2016 d'une formation MAC SST 9/09/2016 d'une formation Equipier de première intervention le 10/10/2017 d'une formation à la palpation, le 9 avril 2018 d'une formation en vue d'une habilitation (électrique) et le 16 septembre 2020 d'une formation « Equipier Première intervention ».

Le salarié considère qu'il ne s'agit pas de formation visant à adapter son emploi et à garantir sa capacité à occuper un emploi, et que l'employeur n'a pas respecté les préconisations du médecin du travail en 2005 pour une adaptation du poste vers un poste sédentaire.

Mais le salarié n'indique pas en quoi les formations suivies ne sont pas de nature à adapter son emploi ou à garantir sa capacité à occuper un emploi, et que le non respect des mesures du médecin du travail outre qu'il a déjà été examiné ci-avant dans le cadre d'une autre demande indemnitaire, ne caractérise pas un manquement à l'obligation de formation.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande.

VI- Sur le non respect de l'obligation de payer le salaire

Le salarié invoque le non paiement des salaires dus lors de ses deux arrêts de travail.

Il se fonde sur sa pièce n°11 qui est une lettre du 11 avril 2020 adressée à l'employeur par laquelle il indique ne pas avoir perçu les indemnités d'arrêt maladie, de la part de la mutuelle d'entreprise du 26 décembre 2019 au 31 janvier 2020.

Ce seul élément est insuffisant alors même que les bulletins de salaire de décembre 2019 et janvier 2020 mentionne le versement d'un complément maladie pour caractériser un manquement de l'employeur à ce titre.

En outre et au demeurant, le salarié ne justifie pas d'un préjudice.

Il sera par confirmation du jugement débouté de sa demande de dommages et intérêts.

VII- Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié fait valoir l'absence d'adaptation à son poste de travail, l'absence de formation et l'absence d'entretien professionnelle.

L'absence d'adaptation au poste a été précisément examinée (demande au titre du suivi médical et demande relative au non respect des mesures du médecin du travail), et il a été jugé que l'accord du 30 décembre 2019 n'était pas applicable à l'employeur.

Il a par ailleurs été jugé que l'employeur avait satisfait à son obligation de formation.

En revanche, il n'est pas justifié que le salarié ait bénéficié de l'entretien professionnel prévu à l'article L6315-1 du code du travail consacré aux perspectives d'évolutions professionnelles, ce d'autant que le salarié a été absent plusieurs mois à deux reprises pour maladie.

L'absence de cet entretien qui était l'occasion de vérifier les perspectives professionnelles du salarié après ces deux arrêts de travail pour maladie dont le dernier a conduit à un avis d'inaptitude a occasionné un préjudice au salarié qui sera réparé par une somme de 800 € à titre de dommages et intérêts.

VIII- Sur les autres demandes de rappels de salaires

- rappel de congés payés durant l'arrêt de travail pour maladie professionnelle

Le salarié invoque le maintien de son droit à congés payés durant les périodes d'accident du travail ou de maladie professionnelle prévu par la convention collective.

L'employeur fait valoir que selon décision du tribunal judiciaire, l'accident du travail ou la maladie professionnelle lui était inopposable, que l'accident du travail du 31 octobre 2020 est une rechute d'un accident de 1984 donc inopposable à la société et qu'en outre les bulletins de paie mentionne une augmentation des congés payés à cette période.

Mais outre que l'employeur ne produit pas le jugement du tribunal judiciaire mais seulement une décision de la CPAM faisant état de ce jugement laquelle le rattache à une maladie professionnelle du 5 juin 2019 et non à une rechute d'accident du travail constatée le 31 octobre 2020.

Il est vrai que le certificat de rechute fait état d'un accident du travail du 30 août 1984. Toutefois, au vu des courriers adressés par le médecin du travail en 1996 et 2005 précédemment visé aux fins de voir muter le salarié sur un poste plus sédentaire à la SPGO (devenue Challancin Prévention et Sécurité à la suite de transmission universelle de patrimoine) au vu des avis du médecin du travail de 2020 et 2021 constant l'impossibilité pour le salarié de faire des rondes, il existe un lien entre la rechute de l'accident et les conditions de travail auprès de la société Challancin, exclusif de l'application de l'application de l'article 1226-6 du code du travail.

Enfin, si les bulletins de salaire mentionnent effectivement l'augmentation des jours de congés pendant la période d'arrêt de travail pour rechute de l'accident du travail, l'employeur ne justifie pas les avoir réglés, et ne conteste pas y compris subsidiairement la somme réclamée à ce titre par le salarié pour 10.5 jours de congés payés.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.

- rappel de salaire durant la procédure de licenciement pour les jours du 12 au 15 février 2021

L'employeur devait reprendre le paiement du salaire à compter du 12 février 2021, le salarié n'étant à cette date ni reclassé ni licencié.

L'employeur ne conteste pas ne pas avoir réglé le salaire du 12 au 15 février 2021 expliquant que le salarié a bénéficié d'une prise en charge « dans le cadre de la prévoyance et l'indemnité temporaire d'inaptitude ». Il se réfère à la seule pièce 17 produite par le salarié qui est une demande faite par ce dernier auprès de la CPAM d'une indemnité temporaire d'inaptitude du 12 janvier 2021 en application de l'article L433-1 du code de la sécurité sociale.

Outre que cette pièce n'établit pas que le salarié ait effectivement perçu cette indemnité, l'employeur n'indique pas en quoi son versement le dispenserait de la reprise du paiement du salaire.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

- rappel de salaire pour le non respect des dispositions relatives au temps partiel

Le salarié reproche à l'employeur d'avoir prévu une durée de travail inférieure à 24 heures hebdomadaire soit 22 h et vise un avenant au contrat.

Mais l'avenant cité dans les conclusions n'est pas daté et le seul produit aux débats date du 1er octobre 2007 qui mentionne une durée hebdomadaire de 30 heures par semaine.

Par ailleurs, il forme une demande de 285.08 € de rappel de salaire sans fournir de décompte expliquant notamment la période retenue, et alors que les bulletins de salaire produits sont sur une base de 130 heures par mois (sauf mi temps thérapeutique).

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ainsi que la demande de 500 €, pour rappel des primes de nuit, d'ancienneté d'habillage et de majoration de dimanche, comme conséquence de la différence de salaire revendiquée.

IX- Sur la nullité du licenciement

-sur la nullité pour manquement à l'obligation de reclassement

Le salarié invoque le retard pour la visite de reprise, l'absence de démarche après la visite de pré reprise prévoyant un reclassement sur un poste sédentaire, et l'absence de mention sur l'avis d'inaptitude d'une dispense de reclassement.

Il sera au préalable rappelé que l'obligation de reclassement a pour point de départ l'examen médical de reprise du travail.

L'avis d'inaptitude du 12 janvier 2021 mentionne « inapte au poste apte à un autre. M. [J] présente un état de santé entrainant restriction. Pas d'exposition à des irritants ou toxiques respiratoires. Pas de port de chaussures de sécurité hautes tenant les chevilles. Son état de santé ne lui permet plus de faire des rondes. Il est inapte définitif à son poste d'agente de sécurité. Il est apte sur des tâches tenant compte de ses restrictions ».

Au vu de l'original de l'avis d'inaptitude, le médecin du travail n'a pas coché les cases des « cas de dispense de l'obligation de reclassement ».

Mais, à la suite d'une demande de l'employeur du 22 janvier 2021, le médecin du travail a indiqué le 26 janvier 2021 qu'en réponse au courrier du 22 janvier 2021 « concernant la situation d'inaptitude de M. [X] [J]. Je vous confirme avoir coché la case « tout maintien du salaire dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ». Qu'il est bien inapte à son poste. Et que vous n'avez pas de recherches de reclassement à effectuer dans sa situation ».

Dès lors au vu de la réponse apportée postérieurement par le médecin du travail à l'avis d'inaptitude, l'employeur était dispensé de son obligation de reclassement, et qu'il ne peut donc lui être reproché un manquement à cette obligation.

Le licenciement ne peut donc être annulé pour ce motif.

- sur la discrimination

Le salarié estime qu'il a fait l'objet d'une discrimination liée à son état de santé et à son statut d'handicapé, invoquant l'absence de mesure de l'employeur pour remédier à la situation et l'absence de réponse à ses courriers.

Il invoque les faits suivants :

- prononcer une sanction disciplinaire parfaitement injustifiée, dès le retour du salarié à son poste de travail dès la fin du mi-temps thérapeutique du salarié alors que le port des chaussures de sécurité était prescrite par la médecine du travail et accepté manifestement depuis plusieurs années par l'employeur,

Il a été jugé que cette sanction reposait sur des faits non fautifs et a été annulée.

- la non organisation des visites médicales du fait du statut de travailleur handicapé,

Il a jugé que cette disposition n'avait pas été respectée.

- le non respect des préconisations du médecin du travail dans le cadre du mi-temps thérapeutique,

Il a jugé que la mesure prescrite par le médecin du travail quant aux horaires de journée n'avait pas été respectée.

- la non organisation d'une visite médicale de reprise à l'issue du mi-temps thérapeutique,

La visite de reprise a bien été organisée le 19 février 2020. Ce fait ne sera pas retenu.

- le non respect des obligations en matière d'adaptation du poste à tout salarié handicapé (tout au long de l'exécution du contrat de travail) mais également à l'issue d'un long arrêt de travail, et

- la non prise en compte du respect des mesures prévues à l'article L 5213-6 du Code du travail pour lui permettre de conserver son emploi ou favoriser son insertion professionnelle.

Il a été précédemment jugé que l'employeur n'était pas tenu d'une obligation de ré-entrainement. Ces faits ne seront pas retenus.

- le défaut de mise en place de formation professionnelle liée au statut de travailleur handicapé.

Il a été précédemment jugé que l'obligation de formation avait été respectée.

- la modification d'un contrat de travail sans le respect des obligations d'insertion professionnelle.

Ce fait n'est ni expliqué ni fondé sur des pièces. Il ne sera pas retenu.

- le non respect de l'obligation de reclassement ;

Il a été précédemment jugé que l'employeur était dispensé de reclassement. Ce fait n'est pas retenu.

- Le non respect des obligations de mise en place d'une visite médicale de reprise dans les 8 jours à compter de la fin de l'arrêt de travail et annulation de la visite médicale de reprise par l'employeur sans aucune justification.

Le dernier arrêt de travail du salarié a pris fin le 31 décembre 2020. Au vu de la lettre adressée par le salarié à l'employeur le 5 janvier 2021, il a été convoqué à une visite de reprise le 4 janvier 2021, que cette visite a été annulé par l'employeur sans qu'il soit prévenu et reportée au 12 janvier suivant.

L'employeur ne s'explique pas sur les motifs de l'annulation.

La visite de reprise a bien eu lieu au-delà du délai de 8 jours de la reprise de travail. Ce fait est établi.

- la non prise en compte du caractère professionnel de l'inaptitude malgré plusieurs rappels du salarié, ;

Ce fait n'est pas expliqué.

- le non versement des indemnités liées au caractère professionnel de l'inaptitude malgré plusieurs rappels du salarié,

- le non versement des salaires selon les dispositions de la Convention Collective et l'application de l'accord de prévoyance malgré plusieurs relances du salarié.

Le salarié produit une lettre du 29 janvier 2021 réclamant le formulaire lui permettant d'obtenir d'indemnité de prévoyance, les documents lui permettant de bénéficier d'une rente d'incapacité de prévoyance, la régularisation des maintiens de salaire (maintien du salaire selon la convention collective) pendant les deux arrêts de travail, et une lettre du 27 février 2021 par laquelle il réclame ses documents de fin de contrat et les maintiens de salaire.

Si les documents de fin de contrat ont été remis au salarié le 25 février 2024, l'employeur ne justifie pas les réponses faites à ces courriers.

L'absence de réponse à ces courriers est donc établie.

De ce qui vient d'être exposé, les faits établis, annulation de l'avertissement, insuffisance des visites médicales, non respect des préconisations du médecin du travail quant au travail en journée, visite de reprise tardive en 2021 (retard de trois jours) et absence de réponse à deux courriers du salarié ne sont pas de nature à faire présumer une discrimination en lien avec l'état de santé du salarié et/ou son statut de travailleur handicapé.

La discrimination n'étant pas retenue, la nullité du licenciement comme fondée sur cette discrimination ne peut l'être davantage.

Le salarié sera débouté par confirmation du jugement de sa demande de dommages et intérêts et de nullité du licenciement.

X - Sur le bien fondé du licenciement

Le salarié considère que l'absence de visite médicale obligatoire à la suite de la visite de reprise de février 2020, le non respect des prescriptions du médecin du travail au cours du mi temps thérapeutique caractérise un manquement à l'obligation de sécurité qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a été précédemment considéré que l'employeur n'avait pas organisé la visite du 30 juin 2020 prévue dans l'avis du médecin du travail lors de la visite de reprise du 19 février 2020 et n'avait pas non plus respecté les préconisations de ce dernier relatives à la mise en place d'un horaire de journée pendant trois mois.

Ces manquements ont également été indemnisés et ne peuvent l'être une seconde fois sur le fondement de l'obligation de sécurité. Le salarié sera débouté à ce titre.

Par ailleurs, le salarié n'explique toutefois pas le lien entre ces manquements et l'inaptitude prononcée par le médecin du travail, lequel n'a au demeurant pas repris de mesures relatives à des horaires en journée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

XI - Sur les autres demandes

- sur le rappel au titre de l'indemnité de licenciement

Le salarié fait valoir que l'employeur lui a versé une indemnité de licenciement doublée mais dont le calcul qui ne prend pas en compte de travail à temps complet et à temps partiel est erroné.

L'employeur conteste le caractère professionnel de la maladie, que l'accident du travail est au demeurant antérieur à la reprise du contrat et qu'aucun décompte n'est produit.

Il sera observé que l'employeur a selon la lettre de licenciement prononcé un licenciement pour inaptitude professionnelle, et le fait que le médecin du travail ait dit dans un courrier adressé à l'employeur qu'il « ne peut pas communiquer sur l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude » ne se réfère qu'au secret médical et est sans incidence sur l'origine professionnelle ou pas de l'inaptitude.

Les derniers arrêts de travail avant l'inaptitude son liés à une rechute d'accident du travail (problème cheville droite), et il a déjà été répondu ci-avant sur l'ancienneté de l'accident du travail.

Par ailleurs, un avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles du 10 juin 2020 qui fait un lien entre la maladie pulmonaire du salarié et ses conditions de travail.

L'avis d'inaptitude ayant relevé des restrictions liées à sa maladie pulmonaire en prohibant l'exposition à des irritants ou toxiques respiratoires et à ses difficultés sur la cheville droite (rechute de l'accident du travail) en prohibant le port de chaussures de sécurité hautes et les rondes, l' inaptitude a bien au moins partiellement une origine professionnelle. En outre, l'employeur lorsqu'il a notifié le licenciement avait connaissance de celle-ci s'agissant d'arrêts de travail délivrés pour rechute d'accident de travail.

Enfin à ce que soutient l'employeur, le salarié a produit un décompte du complément de l'indemnité de licenciement (pièce n°29) qui ne fait l'objet d'aucune critique.

Il sera par confirmation du jugement fait droit à sa demande.

- indemnité de préavis

Le salarié réclame l'indemnité compensatrice prévue en cas d'inaptitude d'origine professionnelle car inaptitude d'origine professionnelle.

Cette demande ne fait l'objet d'aucune observation ou critique de l'employeur.

Au vu de ce qui précède sur l'origine professionnelle, il sera fait droit à cette demande.

Toutefois cette indemnité prévue par l'article L1226-14 du code du travail dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et que, dès lors, elle n'ouvre pas droit à congés payés.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a assorti la somme de 5126.49 € d'une somme de 512.64 € au titre des congés payés afférents.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.

En cause d'appel, l'employeur qui perd le procès sera condamné aux dépens et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Il versera en équité et sur ce même fondement une somme de 1700 € au salarié.

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 17 novembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Lisieux sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement, sur la demande de dommages et intérêts pour surveillance médicale, en ce qu'il a accordé des dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de réentraînement au travail, sur le montant des dommages et intérêts alloués pour exécution déloyale du contrat, en ce qu'il a accordé des congés payés sur l'indemnité compensatrice et en ce qu'il a assorti d'une astreinte la remise des documents ordonnée ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Prononce la nullité de l'avertissement ;

Condamne la société Challancin Prévention Sécurité à payer à M. [J] les sommes suivantes :

- 500 € à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié ;

- 1000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect du suivi médical ;

- 2500 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des mesures préconisées par le médecin du travail ;

- 800 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

Déboute M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de réentraînement, de sa demande de congés payés au titre de l'indemnité compensatrice,

Condamne la société Challancin Prévention Sécurité à payer à M. [J] la somme de 1700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La déboute de ce chef de demande ;

Condamne la société Challancin Prévention Sécurité aux dépens d'appel ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt;

Dit que les intérêts se capitaliseront quand ils seront dus pour une année entière ;

Ordonne à la société Challancin Prévention Sécurité de remettre à les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi) et des bulletins de salaire complémentaires (à raison d'un bulletin par année) conformes au jugement et au présent arrêt, ce dans le délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/03082
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.03082 ?
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