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19/03/2024 | FRANCE | N°23/01024

France | France, Cour d'appel de Caen, Indemnisation détention, 19 mars 2024, 23/01024


N° N° RG 23/01024 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HGJ4

 



COUR D'APPEL DE CAEN



Minute n° 02/2024













PROCÉDURE DE RÉPARATION A RAISON D'UNE DÉTENTION PROVISOIRE



ORDONNANCE DU 19 MARS 2024













ENTRE LE REQUÉRANT :



Monsieur [N] [Y]

Elisant domicile chez Me Kian BARAKAT

[Adresse 2]

[Localité 1]



Non comparant, représenté par Me Kian BARAKAT, avocat au Barreau de CAEN




>ET:



MONSIEUR L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Non comparant, représenté par Me Marion BILLY, avocat au Barreau de CAEN, substituée par

Me Marine VIGNON, avocat au Barreau de CAEN



COMPOSITION LORS D...

N° N° RG 23/01024 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HGJ4

 

COUR D'APPEL DE CAEN

Minute n° 02/2024

PROCÉDURE DE RÉPARATION A RAISON D'UNE DÉTENTION PROVISOIRE

ORDONNANCE DU 19 MARS 2024

ENTRE LE REQUÉRANT :

Monsieur [N] [Y]

Elisant domicile chez Me Kian BARAKAT

[Adresse 2]

[Localité 1]

Non comparant, représenté par Me Kian BARAKAT, avocat au Barreau de CAEN

ET:

MONSIEUR L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Non comparant, représenté par Me Marion BILLY, avocat au Barreau de CAEN, substituée par

Me Marine VIGNON, avocat au Barreau de CAEN

COMPOSITION LORS DES DÉBATS :

PRÉSIDENTEf

Madame Sandra ORUS, Première Présidente

MINISTÈRE PUBLIC

Monsieur Marc FAURY, Avocat général

GREFFIER

Madame Jocelyne LEBOULANGER

DÉBATS

L'affaire a été appelée à l'audience publique du 20 février 2024

ORDONNANCE

Rendue publiquement, le 19 mars 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, et signée par Madame ORUS, Première Présidente, et par Madame LEBOULANGER, greffière.

FAITS ET PROCEDURE

M. [N] [Y], mis en examen du chef d'assassinat, a été placé en détention provisoire le 31 mai 2019.

Le 18 juin 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen a infirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire et a ordonné le placement sous contrôle judiciaire de M. [Y].

Le 14 février 2020, le juge des libertés et de la détention du tribunal judicaire de Caen a ordonné l'incarcération provisoire de M. [Y] pour 4 jours, soit jusqu'au 19 février 2020, date à laquelle le juge a révoqué le contrôle judiciaire du requérant, pour s'être volontairement soustrait aux obligations de ce dernier. Il a à nouveau été placé en détention provisoire.

Par arrêt du 24 novembre 2020, la chambre d'instruction de la cour d'appel de Caen a infirmé l'ordonnance de rejet de demande de mise en liberté rendue le 15 octobre 2020 et a ordonné la mise en liberté de M. [Y] et son placement sous assignation à résidence sous surveillance électronique pour une durée de 6 mois.

Le 27 avril 2021, M. [Y] a été à nouveau placé en détention provisoire, pour s'être volontairement soustrait aux obligations de ce dernier.

Le 7 juin 2021, le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Caen a rendu une ordonnance de non-lieu du chef d'assassinat, ainsi qu'une ordonnance de remise en liberté de M. [Y].

Par arrêt du 24 octobre 2022, la cour d'assises des mineurs du département du Calvados a prononcé l'acquittement de M. [Y] des chefs d'assassinat et de violences volontaires sans ITT.

Le 25 avril 2023, M. [Y] a déposé une requête auprès du premier président de la cour d'appel de Caen aux fins d'indemnisation de son préjudice causé par la détention provisoire, et sollicite, sur le fondement des articles 149 et suivants du code de procédure pénale, une indemnisation à hauteur de 70 000 euros en réparation de son préjudice moral ; de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel ; de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; et laisser les dépens à la charge de l'État.

Sur le fondement de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, M. [Y] soutient que les conditions particulièrement mauvaises de sa détention à la maison d'arrêt de [Localité 5], la privation répétée de liberté, la découverte de l'univers carcéral au sortir de l'adolescence, le déficit d'accès aux soins, une première incarcération, sa répercussion sur ses proches, la crainte de ne pas être cru lui ont causé un préjudice moral.

Il fait également valoir que cette expérience l'a affecté matériellement en raison des frais par lui exposés pour faire valoir sa défense dans le cadre de la discussion sur la détention dont il a fait l'objet tout au long de la procédure.

Dans ses conclusions orales à l'audience, l'agent judiciaire de l'État soulève l'irrecevabilité de la requête en indemnisation au motif qu'il n'est pas justifié du caractère définitif de l'arrêt du 24 octobre 2022, faute de production de certificat de non-recours. Subsidiairement, il demande que soit alloué à M. [Y] la somme de 27 500 euros en indemnisation de son préjudice moral ; ramené à de plus justes proportions l'indemnité sollicitée au titre de l'article 700 du code de procédure civile . Il conclut au débouté des autres demandes indemnitaires, notamment au titre du préjudice matériel lié aux frais de défense engagés.

Il fait valoir qu'à la date de son incarcération, M. [Y] était âgé de 17 ans ; qu'il s'agissait de sa première incarcération ; qu'il a été incarcéré pendant une période indemnisable de 340 jours ; qu'il a été assigné à résidence sous surveillance électronique durant 103 jours ; qu'il ressort de son casier judiciaire une condamnation à une peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant 2 ans par le tribunal pour enfants de Caen le 28 février 2023, pour des infractions commises du 16 octobre 2019 au 2 février 2020, au cours de sa période de placement sous contrôle judiciaire.

L'agent judiciaire précise que si M. [Y] a droit à réparation du préjudice moral subi du fait de l'incarcération, la somme réclamée apparaît manifestement excessive. De plus, il soutient que M. [Y] ne justifie pas d'un préjudice matériel du fait des honoraires qu'il a exposé en lien avec sa détention.

Le ministère public conclut à la recevabilité de la requête dès lors qu'elle est intervenue moins de 6 mois après la décision définitive et n'entre pas dans les 5 cas prévus à l'article 149 du code de procédure pénale. Sur le fond, il se range derrière le montant formulé par l'agent judiciaire de l'État en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice moral subi par M. [Y], et rejette la demande d'indemnisation du préjudice matériel.

SUR CE

Sur la recevabilité de la requête

Il résulte de l'article 149 du code de procédure pénale qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement lié à la privation de liberté.

L'article 149-2 du code de procédure pénale précise que la requête en réparation de détention doit être déposée dans les six mois de la décision.

La requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R26 du même code. Le délai de six mois ne courant à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit à demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code de procédure pénale.

En l'espèce, il ne fait plus débat que la requête de M. [Y] a été déposée le 25 avril 2023, dans un délai de six mois suivant l'arrêt d'acquittement devenu définitif.

Dès lors, la requête de M. [Y] est recevable sur la forme.

Sur l'indemnisation

La durée de la détention indemnisable est de 443 jours, dont 340 jours d'incarcération et 103 jours d'assignation à résidence avec surveillance électronique.

Sur le préjudice moral

M. [Y] justifie avoir subi un préjudice moral du fait de son jeune âge au moment de la détention, de l'effet du choc carcéral alors qu'il n'avait jamais été incarcéré, des conditions de détention très mauvaises en raison de la vétusté des lieux, de son état de santé précaire, de la crainte de ne pas être cru.

Au regard du préjudice personnellement subi par M. [Y], en considération des facteurs d'aggravation liés aux conditions d'incarcération notoirement mauvaises dans la maison d'arrêt de Caen, mais en tenant compte des nombreuses condamnation portées sur son casier judiciaire dont la condamnation à une peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis probatoire prononcée par le jugement du tribunal pour enfants à l'encontre de M. [Y] le 28 février 2023 pour des infractions commises du 16 octobre 2019 au 2 février 2020, pendant sa période de placement sous contrôle judiciaire. il y a lieu de fixer son préjudice à la somme de 24 000 euros.

L'indemnisation du préjudice né de son assignation sous surveillance électronique durant 103 jours sera évaluée à 3500 euros.

Sur le préjudice matériel

Concernant le remboursement sollicitait par M. [Y] des honoraires versés à son avocat pour les diligences qui selon lui seraient liées au contentieux de la détention, il appartient au demandeur de justifier des frais de défense qu'il a exposés et seuls sont indemnisables les honoraires correspondant aux prestations directement liées à la privation de liberté.

En l'espèce, M. [Y] ne fournit aucun élément qui permettrait de justifier des honoraires qu'il a exposés en lien avec la détention.

Dès lors, sa demande de ce chef sera rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les sommes qu'il a dû engager dans le cadre de la présente procédure. Il convient de lui allouer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de la présente procédure doivent être mis à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique par ordonnance contradictoire,

Déclarons M. [N] [Y] recevable en sa requête ;

Allouons à M. [N] [Y] la somme de 27 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

Déboutons M. [N] [Y] de sa demande de réparation de son préjudice matériel ;

Allouons à M. [N] [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

LA GREFFIERE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

Jocelyne LEBOULANGER Sandra ORUS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Indemnisation détention
Numéro d'arrêt : 23/01024
Date de la décision : 19/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-19;23.01024 ?
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