La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2023 | FRANCE | N°22/02374

France | France, Cour d'appel de Caen, Indemnisation détention, 25 avril 2023, 22/02374


N° N° RG 22/02374 - N° Portalis DBVC-V-B7G-HCBA

 



COUR D'APPEL DE CAEN



Minute n° 2023/3













PROCÉDURE DE RÉPARATION A RAISON D'UNE DÉTENTION PROVISOIRE



ORDONNANCE DU 25 AVRIL 2023









ENTRE LE REQUÉRANT :



Madame [O] [M]

[Adresse 4]

[Localité 1]



non comparante représentée par Me Serge DESDOITS, avocat au barreau d'ARGENTAN substitué par Me ARSLAN, avocat au barreau de CAEN





ET:>


Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]



non comparant représenté par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN



MINISTÈRE PUBLIC



Monsieur le Procureur Général pris en la personn...

N° N° RG 22/02374 - N° Portalis DBVC-V-B7G-HCBA

 

COUR D'APPEL DE CAEN

Minute n° 2023/3

PROCÉDURE DE RÉPARATION A RAISON D'UNE DÉTENTION PROVISOIRE

ORDONNANCE DU 25 AVRIL 2023

ENTRE LE REQUÉRANT :

Madame [O] [M]

[Adresse 4]

[Localité 1]

non comparante représentée par Me Serge DESDOITS, avocat au barreau d'ARGENTAN substitué par Me ARSLAN, avocat au barreau de CAEN

ET:

Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

non comparant représenté par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN

MINISTÈRE PUBLIC

Monsieur le Procureur Général pris en la personne de monsieur Patrice LEMONNIER, avocat général

COMPOSITION LORS DES DÉBATS :

PRÉSIDENTE

Madame Sandra ORUS, première présidente

GREFFIER

Estelle FLEURY

DÉBATS

L'affaire a été appelée à l'audience publique du 04 Avril 2023

ORDONNANCE

rendue publiquement, le 25 avril 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, et signée par Madame ORUS, Première Présidente, et par Estelle FLEURY, greffière.

FAITS ET PROCEDURE

Mme [O] [M], déférée le 13 mars 2020 devant le tribunal correctionnel d'Argentan pour être jugée en comparution immédiate du chef d'incendies volontaires, a été placée en détention provisoire.

Le 17 avril 2020, le tribunal correctionnel d'Argentan a prononcé sa relaxe, et Mme [M] a été immédiatement mise en liberté.

Le 13 mai 2022, la chambre correctionnelle de la cour d'Appel de Caen a confirmé le jugement de relaxe, décision devenue définitive le 19 mai 2022.

Le 9 septembre 2022, Mme [M] a déposé une requête auprès du premier président de la cour d'appel de Caen aux fins d'indemnisation de son préjudice causé par la détention provisoire, et sollicite, sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale, une indemnisation à hauteur de 18 000 euros en réparation de son préjudice moral, psychologique et matériel.

Mme [M] soutient qu'elle s'est trouvé incarcérée pour la première fois, en pleine pandémie, qu'elle a un casier judiciaire vierge ; qu'elle mène une vie saine et honnête ; qu'elle a été séparée de son compagnon du fait de la détention.

Elle fait également valoir que cette expérience l'a affectée psychologiquement, et a révélé des états de stress, d'anxiété et de peur, qui ont été attestés médicalement.

Elle soulève enfin n'avoir pu échanger avec sa famille pendant sa période de détention.

Dans ses conclusions, l'agent judiciaire de l'Etat soulève l'irrecevabilité de la requête en indemnisation au motif qu'il n'est pas justifié du caractère définitif de la relaxe. Subsidiairement, il demande qu'il lui soit alloué la somme de 6 000 euros en indemnisation de son préjudice moral ; il conclut au débouté des autres demandes indemnitaires.

Il fait valoir qu'il s'agissait de la première incarcération de Mme [M] ; que son casier judiciaire est vierge ; que les conditions d'incarcération pendant la pandémie doivent être prises en compte ; qu'elle vivait conjointement au moment de sa privation de liberté.

L'agent judiciaire précise que le choc carcéral a indéniablement atteint psychologiquement Mme [M], ce qui lui cause un préjudice certain. Toutefois, il soutient que Mme [M] ne justifie pas d'un préjudice matériel du fait de sa détention provisoire puisqu'elle a rompu conventionnellement son contrat de travail.

Le ministère public conclut à la recevabilité de la demande dès lors qu'aucun pourvoi n'a été formé dans le délai légal suivant l'arrêt du 13 mai 2022. Sur le fond, il formule une offre de 6 000 euros en indemnisation du préjudice moral subi par Mme [M] du fait de sa détention injustifiée et considère que son préjudice matériel n'est pas justifié, le motif de la fin de son contrat de travail, postérieur à l'incarcération, n'étant pas précisé.

SUR CE

Vu les pièces de la procédure et les documents,

Sur la recevabilité de la requête

Il résulte de l'article 149 du code de procédure pénale qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive; cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement lié à la privation de liberté.

L'article 149-2 du code de procédure pénale précise que la requête en réparation de détention doit être déposée dans les six mois de la décision.

La requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R26 du même code. Le délai de six mois ne courant à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit à demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code de procédure pénale.

La décision de relaxe a été rendue par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Caen le 13 mai 2022, et il résulte du certificat de non pourvoi, délivré le 23 novembre 2022, que cet arrêt est définitif depuis le 19 mai 2022.

La requête de Mme [M] a été déposée le 6 septembre 2022, dans un délai de six mois suivant l'arrêt d'acquittement devenu définitif.

Dès lors, la requête de Mme [M] est recevable sur la forme, en application de l'article 149-2 du code de procédure pénale.

Sur la réparation du préjudice moral

Mme [M] a été incarcérée du 13 mars 2020 au 17 avril 2020, soit 36 jours de détention provisoire.

Elle était âgée de 22 ans au moment de son placement en détention provisoire, soit une situation qu'elle n'avait jamais connue auparavant, et vivait en concubinage stable. Le choc carcéral important subi de ce seul fait, accentué par le contexte sanitaire particulier, sont des facteurs aggravants du préjudice moral qui doivent être pris en considération.

De plus, il est confirmé par le thérapeute de Mme [M] qu'elle a subi une dégradation de son état psychologique suite à sa détention.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de Mme [M] et de fixer la réparation de son préjudice moral, lié à sa détention provisoire, à la somme de 7 000 euros.

Sur le préjudice matériel

Si Mme [M] allègue un préjudice matériel du fait de la perte de son emploi, pour autant, son contrat de travail a été rompu conventionnellement et postérieurement à son incarcération.

Il s'ensuit que la perte d'emploi est sans lien avec l'incarcération.

Ainsi, il ne peut être fait droit à la demande de Mme [M] concernant la réparation de son préjudice matériel.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Contrainte d'agir en justice pour obtenir la réparation de son préjudice, Mme [M] doit être indemnisée de ses frais irrépétibles à hauteur de 1 000 euros.

Les dépens de la présente procédure doivent être mis à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Nous, Sandra Orus, première présidente de la cour d'appel de Caen,

Statuant en audience publique par ordonnance contradictoire susceptible d'appel,

Déclarons Mme [O] [M] recevable en sa requête ;

Lui allouons la somme de 7 000 euros en indemnisation de son préjudice moral ;

La déboutons de sa demande de réparation de son préjudice matériel ;

Lui allouons la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Mettons les dépens à la charge du trésor public.

La Greffière La Première Présidente

Estelle FLEURY Sandra ORUS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Indemnisation détention
Numéro d'arrêt : 22/02374
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;22.02374 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award