AFFAIRE : N° RG 20/02833
N° Portalis DBVC-V-B7E-GUXN
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de COUTANCES en date du 18 Novembre 2020 - RG n° 16/00253
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRÊT DU 02 MARS 2023
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE DE LA MANCHE
[Adresse 5]
Représentée par M. [H], mandaté
INTIMES :
S.A. [4]
[Adresse 3]
Représentée par Me Corinne POTIER, substitué par Me HUBERT, avocats au barreau de PARIS
Monsieur [T] [Y]
[Adresse 1]
Représenté par Me Cécile LABRUNIE, substituée par Me BOUDEBESSE, avocats au barreau de PARIS
Madame [J] [N], mandataire ad'hoc de la SA [7]
[Adresse 2]
Non comparante ni représentée
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Dispensé de comparaître en vertu des articles 946 et 446-1 du code de procédure civile
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
DEBATS : A l'audience publique du 05 janvier 2023
GREFFIER : Mme GOULARD
ARRÊT prononcé publiquement le 02 mars 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, président, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche ( la caisse ) d'un jugement rendu le 18 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l'opposant à la société [7] (la société [7]), la société [4] (la société [4]), le fonds d'indemnisation des victimes d'amiante (le FIVA) et M. [T] [Y].
FAITS et PROCEDURE
M. [T] [Y] a travaillé au sein de la société [7] de 1973 à 1985 en qualité de monteur tuyauteur puis au sein de la société [4] en qualité de charpentier fer de 1998 à 2010.
Le 13 octobre 2015, M. [Y] a établi une déclaration de maladie professionnelle au titre d'un 'carcinome bronchique 30 bis'.
Le certificat médical initial du 1er octobre 2015 fait état d'une 'carcinome bronchique en lien avec une exposition professionnelle à l'amiante, maladie figurant dans le tableau 30 bis du régime général. Les premiers symptômes remontent au 18 août 2015.'
Par courrier du 23 décembre 2015, la caisse a informé la société de la prise en charge de la maladie déclarée par M. [Y] (cancer broncho-pulmonaire) sur le fondement du tableau 30 bis, au titre de la législation professionnelle.
M. [Y] s'est vu attribuer un taux d'incapacité permanente partielle de 70 %.
Il a déposé une demande d'indemnisation auprès du FIVA le 5 juillet 2016.
Selon offre du 5 octobre 2016, le FIVA proposait à M. [Y] une indemnisation sur la base d'un taux de 100 % du 14 septembre 2015 au 13 septembre 2017, puis de 70 % du 14 septembre 2017 au 13 septembre 2020, puis de 40 % à compter du 14 septembre 2020 à hauteur d'une somme globale de 60 000 euros.
M. [Y] a contesté cette offre devant la cour d'appel de Caen qui, par arrêt du 2 février 2018, a :
- constaté l'accord des parties sur :
* la date de première constatation de la maladie au 14 septembre 2015
* le taux d'incapacité de 100 % réévaluable au 14 septembre 2017
* l'indemnisation du préjudice d'incapacité fonctionnelle à hauteur de 5 838,69 euros complétés par une rente de 1237,18 euros par trimestre au 1er octobre 2016 jusqu'au 14 septembre 2017
* l'indemnisation du préjudice d'agrément : 14 800 euros
* l'indemnisation du préjudice esthétique : 1 000 euros;
- rejeté la demande de M. [Y] au titre du préjudice physique;
- fixé à 40 000 euros l'indemnisation du préjudice moral de M. [Y]
- rappelé que les dépens restent à la charge du FIVA
- condamné le FIVA à payer à M. [Y] la somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par requête du 19 décembre 2016, M. [Y] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [7].
Le FIVA est intervenue volontairement à l'instance.
La société [4] a été mise en cause à la demande de la caisse.
Me [N], est intervenue à l'instance ès qualité de mandataire judiciaire de la société [7].
Par jugement du 18 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Coutances, auquel le contentieux de la sécurité sociale a été transféré à compter du 1er janvier 2019, a :
- déclaré recevable le FIVA en son action subrogatoire des droits de M. [Y]
- prononcé la mise hors de la cause de la société [4]
- dit que la maladie professionnelle dont est atteint M. [Y] est due à la faute inexcusable de la société [7]
en conséquence,
- ordonné la majoration de la rente à son montant maximal
- dit que cette majoration devra suivre automatiquement l'éventuelle augmentation du taux d'incapacité permanente partielle de l'intéressé, y compris en cas de décès au bénéfice d'une éventuelle rente de conjoint survivant
- fixé l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux comme suit :
* souffrances morales : 35 900 euros
* souffrances physiques : 14 900 euros
* préjudice d'agrément : 6 000 euros
* préjudice esthétique : 1 000 euros
soit une somme de 61 900 euros;
- dit que la caisse versera :
* les arriérés de majoration de la rente dus jusqu'à la date de la présente décision, au FIVA dans la limite des sommes qu'il a versées jusqu'à cette même date et à M. [Y] pour le solde éventuel
* les arrérages de majoration de rente à échoir à M. [Y]
* le montant des préjudices alloués à M. [Y] en réparation de sa maladie professionnelle du 1er octobre 2015 directement au FIVA
- dit que la caisse est tenue de faire l'avance des sommes allouées à M. [Y] dans le cadre de la procédure de reconnaissance de faute inexcusable de son employeur
- déclaré opposable à la société [7] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par M. [Y] le 1er octobre 2015
- fait droit à l'action récursoire de la caisse à l'encontre de la société [7]
- ordonné l'inscription des sommes mises à la charge de la société [7] au passif de la liquidation judiciaire
- débouté la caisse de son action contre la société [4]
- condamné la société [7] aux dépens
- rejeté toutes demandes plus amples et contraires
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 18 décembre 2020, la caisse a formé appel du jugement en ce qu'il a:
- prononcé la mise hors de cause de la société [4]
- débouté la caisse de ses demandes contre la société [4] à savoir :
* dire que les conditions de prise en charge de la pathologie de M. [Y] sont réunies
* dire que la décision de prise en charge de la pathologie de M. [Y] est opposable à la société [4]
* faire droit à son action récursoire à l'encontre de la société [4] dans le cadre de la procédure de reconnaissance de faute inexcusable.
Selon conclusions reçues au greffe le 26 décembre 2022 soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 18 novembre 2020 mettant hors de cause la société [4]
- déclarer recevable la mise en cause de la société [4] par la caisse
sur la prise en charge de la pathologie de M. [Y] au titre de la législation sur les risques professionnels,
- constater que les conditions de prise en charge de la pathologie de M. [Y] au titre du tableau 30 bis, au titre de la législation professionnelle sont réunies
- déclarer la décision de prise en charge de la pathologie de M. [Y] au titre de la législation professionnelle opposable à la société [4]
sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,
- reconnaître la faute inexcusable des sociétés [4] et [7]
- faire droit à l'action récursoire de la caisse à l'encontre des sociétés [4] et [7]
- condamner la société [4] au remboursement des sommes avancées par la caisse dans le cadre de son action récursoire au prorata temporis
- condamner la société [4] aux dépens.
Par conclusions déposées au greffe le 25 novembre 2022 soutenues oralement à l'audience, la société [4] demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement
à titre subsidiaire,
- déclarer irrecevable la demande de la caisse à l'encontre de la société aux fins de reconnaître sa faute inexcusable
Suivant conclusions reçues au greffe le 7 décembre 2022 soutenues oralement à l'audience, M. [Y] demande à la cour de :
- juger que le jugement est définitif à l'égard de la société [7] qui n'a pas interjeté appel
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Selon courrier du 15 décembre 2022, le FIVA qui a été autorisé à ne pas se présenter à l'audience en application de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, a demandé à la cour qu'elle constate qu'il s'en remettait à la juridiction s'agissant des chefs du jugement critiqués par la caisse et de confirmer le jugement pour le surplus.
Me [N] ès qualités de mandataire de la société [7] régulièrement convoquée par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 24 juin 2022, n'a pas comparu à l'audience, ni sollicité de dispense de comparution.
Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs conclusions écrites conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Il résulte des observations susvisées et en particulier des termes précis de la déclaration d'appel que la cour est uniquement saisie d'un appel de la caisse portant sur les chefs du jugement ayant mis hors de la cause la société [4] et débouté la caisse de son action récursoire.
La caisse demande que la prise en charge de la maladie de M. [Y] déclarée le 13 octobre 2015, au titre de la législation professionnelle soit déclarée opposable à la société [4] et que la faute inexcusable de cette société soit reconnue afin qu'elle puisse exercer à son encontre son action récursoire au 'prorata temporis'.
- Sur l'opposabilité de la prise en charge de la maladie de M. [Y] au titre de la législation professionnelle, à l'égard de la [4]
Par arrêt de ce jour, la présente cour a statué sur la même demande dans le cadre de l'instance enrôlée sous le numéro 20 - 2834, décidant que cette prise en charge n'était pas opposable à la [4].
Il convient de le constater au dispositif.
- Sur la faute inexcusable et l'action récursoire
Il résulte des articles L 452-3 et L 452-4 du code de la sécurité sociale que seuls la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ou ses ayants-droit peuvent agir pour voir reconnaître l'existence d'une faute inexcusable et statuer sur les conséquences de cette faute.
La caisse n'a donc pas qualité pour solliciter la reconnaissance d'une faute inexcusable à l'encontre de la société [4].
La demande de la caisse aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [4] sera donc déclarée irrecevable.
Compte tenu de ces observations, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a mis la société [4] hors de cause et en ce qu'il a débouté la caisse de son action récursoire à l'encontre de la société [4].
- Sur les dépens
Succombant, la caisse sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Constate que par arrêt du 2 mars 2023 (RG N° 20 - 2834), la cour d'appel de Caen a déclaré inopposable à la société [4], la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche de prise en charge de la maladie déclarée par M. [Y] le 13 octobre 2015 au titre de la législation professionnelle;
Confirme le jugement du 18 novembre 2020 dans les limites de la saisine de la cour, en ce qu'il a :
- mis la société [4] hors de cause
- débouté la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche de son action récursoire à l'encontre de la société [4];
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [4];
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche à payer les dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX