AFFAIRE : N° RG 21/00084
N° Portalis DBVC-V-B7F-GVF4
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pole social du Tribunal Judiciaire d'ALENCON en date du 11 Décembre 2020 - RG n° 19/00105
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
APPELANTE :
Madame [D] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Serge DESDOITS, avocat au barreau d'ARGENTAN, substitué par Me LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5]
Département juridique, [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Mme DESLANDES, mandatée
DEBATS : A l'audience publique du 08 décembre 2022, tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,,
ARRET prononcé publiquement le 23 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Mme [D] [Y] d'un jugement rendu le 11 décembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Alençon dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5].
FAITS et PROCEDURE
Mme [D] [Y] est salariée de la société [4] en qualité de vendeuse.
Le 9 octobre 2018, son employeur a complété une déclaration d'accident de trajet en ces termes:
- date: 6 octobre 2018 à 19h 10
- lieu: [Adresse 6]
- au cours du trajet entre le domicile et le lieu de travail
- activité de la victime: Elle courait en direction de sa voiture
- nature de l'accident : chute sur le trottoir
- objet dont le contact a blessé la victime : trottoir
- siège des lésions: genou droit
- nature des lésions: douleurs
- horaires de la victime: 9h30 à 12h et de 14h15 à 19 heures
- accident connu le 8 octobre 2018 à 9h 05 par l'employeur.
Le certificat médical initial en date du 7 octobre 2018 du centre hospitalier de [Localité 3] fait état d'une entorse du genou droit et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 17 octobre 2018.
Une enquête a été diligentée par les services de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] (la caisse).
Le 28 novembre 2018, la caisse a refusé de prendre en charge l'accident du 6 octobre 2018 au motif qu'il n'entre pas dans le champ d'application de l'article L 411-2 du code de la sécurité sociale en ce que 'la preuve que l'accident déclaré se soit produit pendant le trajet aller ou retour du travail n'est pas apportée.'
Le 5 décembre 2018, Mme [Y] a saisi la commission de recours amiable pour contester cette décision.
Le 27 février 2019, son recours a été rejeté, aucun élément matériel ne permettant de corroborer les dires de l'assurée concernant le fait accidentel.
Mme [Y] a dès lors saisi le tribunal de grande instance d'Alençon aux fins de contester cette décision.
Par jugement du 11 décembre 2020, ce tribunal, devenu tribunal judiciaire, a :
- débouté Mme [D] [Y] de son recours,
- confirmé la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] du 27 février 2019,
- condamné Mme [D] [Y] aux entiers dépens.
Par déclaration du 12 janvier 2021, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions du 22 février 2021, déposées et soutenues oralement par son conseil, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- constater que l'accident dont elle a été victime le 6 octobre 2018 est un accident de trajet ayant un caractère professionnel,
- rapporter l'avis de la commission de recours amiable de la sécurité sociale et la décision de non prise en charge à titre professionnel de l'accident par la caisse primaire d'assurance maladie,
- dire que la caisse devra prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle depuis le 6 octobre 2018,
- condamner en tant que de besoin la caisse à lui verser l'intégralité des prestations, allocations et indemnités de toute nature découlant de cette reconnaissance depuis la date de l'accident,
- condamner la caisse à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la caisse aux entiers dépens.
Par conclusions du 2 septembre 2022 développées et soutenues oralement à l'audience par sa représentante, la caisse demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré,
- constater que Mme [Y] ne rapporte pas la preuve que les faits qui se sont déroulés en date du 6 octobre 2018 sont consécutifs à un accident de trajet,
- dire que l'accident de Mme [Y] ne peut être pris en charge au titre de la législation professionnelle et que la caisse a fait une exacte application des dispositions en vigueur,
- débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes.
Il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
MOTIFS
Aux termes de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée et dont il est résulté une lésion corporelle.
Aux termes de l'article L.411-2, l'accident de trajet se définit comme l'accident survenu sur le parcours aller et retour entre le lieu de travail et la résidence principale (ou secondaire) du travailleur ou tout autre lieu où il prend ses repas où il se rend pour des raisons d'ordre familial. Il appartient à la victime d'un accident de trajet de rapporter la preuve de ce que cet accident a eu lieu sur le temps et le lieu de trajet, de simples affirmations étant insuffisantes.
Ainsi le salarié, qui prétend avoir été victime d'un accident de trajet doit établir les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel par des éléments objectifs et concordants et faire médicalement constater les lésions dans un temps proche du fait accidentel. Cette preuve ne peut résulter des seules allégations de l'intéressé.
Dans le questionnaire que la caisse lui a transmis, Mme [Y] a indiqué :
- qu'elle avait quitté son lieu de travail vers 19 heures, pour se rendre à son domicile, empruntant la [Adresse 7], la rue du 6 juin puis la rue des pages où avait eu lieu l'accident,
- que presque arrivée à sa voiture, elle avait glissé sur le bord du trottoir ( il pleuvait)
- que la première personne avisée était son compagnon, M. [R] [U]
- que sur le coup, elle n'avait pas trop de douleurs, que ce n'est que le lendemain qu'elle était allée aux urgences car les douleurs étaient plus fortes.
Elle précisait ne pas avoir prévenu sa collègue au moment des faits, car elle n'en voyait pas la nécessité puisque la douleur était supportable. Elle avait pensé que ce n'était pas grave.
Elle justifie, par la production d'un certificat médical initial daté du lendemain, 7 octobre 2018, s'être rendue au centre hospitalier de [Localité 3] où a été diagnostiquée une entorse du genou.
Elle verse aux débats différentes attestations :
- Mme [A] [J] expose, par écrit daté du 2 octobre 2019, avoir vu Mme [Y] tomber le soir du 6 octobre 2018 à quelques mètres d'elle . Elle précise ' je men souviens car j'ai été sur le point d'aller la voir mais comme elle s'est relevée et montée dans sa voiture. Je suis donc partie et j'ai fait le rapprochement par la suite car je ne la voyais plus garer sa voiture et c'est sa collègue que je connais bien qui m'a dit que finalement elle s'était blessée lors de sa chute'.
- Mme [A] [H] déclare avoir vu le samedi soir 6 octobre Mme [Y] avec son compagnon qui la ramenait chez eux.
- Mme [D] [N], responsable du magasin où travaille Mme [Y], expose que celle - ci l'a prévenue par téléphone le dimanche 7 octobre 2018, de ce qu'elle était tombée la veille au soir en se rendant à sa voiture après son travail et qu'elle avait un arrêt de travail pour une entorse du genou.
- M. [R] [U] expose que sa compagne, Mme [Y] l'a appelée le 6 octobre 2018 suite à sa chute. Il est arrivé rapidement à sa voiture et l'a raccompagnée à leur domicile car elle ne se sentait pas apte à conduire. Il précise qu'elle ne pensait pas nécessaire d'aller aux urgences.
Le témoignage de M. [U] est insuffisant à emporter la conviction compte tenu du lien affectif qui l'unit à Mme [Y].
L'attestation de Mme [H] n'apporte aucun élément, n'ayant pas été témoin des faits.
En revanche, le témoignage de Mme [J] est particulièrement circonstancié et confirme la relation des faits exposés par Mme [Y].
Les premiers juges n'ont pas retenu ce témoignage pour absence de conformité à l'article 202 du code de procédure civile.
Cependant, Mme [J] a rédigé un document daté du 24 juillet 2020 par lequel elle déclare être au courant que son témoignage en faveur de Mme [Y], suite à sa chute du 6 octobre 2018 après son travail, sera produite en justice.
Mme [D] [N] a rédigé un document dans les mêmes termes
Dès lors, ces témoignages seront retenus.
L'ensemble de ces éléments établit que Mme [Y] a fait une chute, sur son trajet entre son lieu de travail et son domicile, [Adresse 6] le 6 octobre 2018 vers 19h 10 dont il est résulté une entorse du genou.
Mme [Y] a donc été victime le 6 octobre 2018 d'un accident de trajet qui doit être pris en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle.
Il convient d'infirmer la décision de la commission de recours amiable et le jugement déféré et de renvoyer Mme [Y] devant la caisse pour la liquidation de ses droits.
La caisse qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande d'allouer à Mme [Y] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Infirme la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] du 27 février 2019,
Dit que Mme [D] [Y] a été victime le 6 octobre 2018 d'un accident de trajet qui doit être pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] au titre de la législation professionnelle,
Renvoie Mme [D] [Y] devant la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] pour la liquidation de ses droits,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] à payer à Mme [D] [Y] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX