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16/02/2023 | FRANCE | N°21/02906

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 16 février 2023, 21/02906


AFFAIRE : N° RG 21/02906

N° Portalis DBVC-V-B7F-G3M3

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Caen en date du 30 Septembre 2021 - RG n° f 20/00306









COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 16 FEVRIER 2023





APPELANT :



Monsieur [K] [L]

Cabinet d'avocat AP [Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barre

au de PARIS





INTIMEE :



S.A.S. CARREFOUR ADMINISTRATIF FRANCE Représentée par ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 1]



Représentée par Me Jérôme WATRELOT,...

AFFAIRE : N° RG 21/02906

N° Portalis DBVC-V-B7F-G3M3

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Caen en date du 30 Septembre 2021 - RG n° f 20/00306

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 16 FEVRIER 2023

APPELANT :

Monsieur [K] [L]

Cabinet d'avocat AP [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

S.A.S. CARREFOUR ADMINISTRATIF FRANCE Représentée par ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS

DEBATS : A l'audience publique du 08 décembre 2022, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de Mme PONCET, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 16 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

M. [K] [L] a été embauché par la SAS Carrefour administratif France à compter du 1er avril 2007, comme directeur du centre des services partagés, avec une reprise d'ancienneté au 20 mai 1985.

Il est devenu directeur trésorerie France le 1er juillet 2015.

Le 12 décembre 2018, il a adhéré au congé de fin de carrière.

Le 20 juillet 2020, il a saisi le conseil de prud'hommes de Caen en demandant, en dernier lieu, des dommages et intérêts pour harcèlement moral discriminatoire, des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, une indemnité au titre de la clause de non concurrence, un rappel d'allocation de remplacement pour la période de décembre 2018 à mai 2019, un rappel d'indemnité de rupture spécifique, une indemnité de fin de contrat, un rappel d'indemnité pour départ rapide.

Par jugement du 30 septembre 2021, le conseil de prud'hommes l'a débouté de toutes ses demandes.

M. [L] a interjeté appel du jugement.

Vu le jugement rendu le 30 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Caen

Vu les dernières conclusions de M. [L], appelant, communiquées et déposées le 9 novembre 2022, tendant à voir le jugement infirmé, tendant à voir la SAS Carrefour administratif France condamnée à lui verser : 65 730,05€ de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral discriminatoire, 39 439,04€ de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, 157 752,16€ au titre de l'indemnité de non concurrence, 5 001€ de rappel d'allocation de remplacement pour la période de décembre 2018 à mai 2019, 26 664,24€ de rappel d'indemnité de rupture spécifique, 78 876,08€ d'indemnité de fin de contrat, 1 111€ de rappel d'indemnité pour départ rapide, 6 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu les dernières conclusions de la SAS Carrefour administratif France intimée communiquées et déposées le 19 avril 2022, tendant, au principal, à voir le jugement confirmé, subsidiairement, à voir limiter le montant alloué au titre du préjudice moral et de la violation de l'obligation de sécurité au préjudice réellement démontré et à voir M. [L] condamné à lui verser 6 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 novembre 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la rupture du contrat de travail

M. [L] fait valoir que le salaire de référence utilisé pour calculer l'allocation de remplacement, l'indemnité de rupture spécifique et l'indemnité de départ rapide est inexact, que l'indemnité de fin de contrat aurait dû versée pendant 18 et non 12 mois et qu'il a droit à une indemnité de non concurrence.

1-1) Sur le salaire de référence

M. [L] fait valoir que ce salaire de référence doit être établi sur la moyenne des 12 derniers mois (de décembre 2017 à novembre 2018) en excluant l'intéressement et la participation mais en incluant la monétisation du CET, ce que conteste la SAS Carrefour administratif France.

L'accord collectif sur le plan de départs volontaires siège prévoit que les trois indemnités pour lesquelles M. [L] demande un rappel sont calculées sur la base du 'salaire plein tarif' ainsi défini : 'Rémunération mensuelle brute moyenne perçue par le salarié au cours des 12 derniers mois civils ayant précédé (...) la signature de la proposition d'adhésion au CFC (...) hors éléments exceptionnels (intéressement participation...)'.

Le compte épargne temps ayant pu être alimenté grâce à des congés acquis avant la période de référence, sa monétisation pendant la période de référence ne correspond pas nécessairement à une rémunération acquise pendant cette période.

En outre, tous les 'éléments exceptionnels' sont exclus et non pas seulement l'intéressement et la participation -certes cités mais non à titre exclusif puisqu'ils sont suivis de points de suspension-. La monétisation du compte épargne temps constitue un élément exceptionnel puisqu'elle se fait de manière ponctuelle en fonction des dispositions conventionnelles et légales applicables.

En conséquence, il n'y a pas lieu de prendre en compte cette monétisation dans la rémunération annuelle servant de base au calcul du salaire plein tarif.

Le calcul de ce salaire n'étant pas autrement contesté, M. [L] sera débouté de ses demandes tendant à obtenir un rappel au titre des trois indemnités ou allocations litigieuses, demandes uniquement fondées sur une contestation du salaire plain tarif utilisé comme base.

1-2) Sur l'indemnité de fin de contrat

M. [L] a bénéficié de l'indemnité conventionnelle de départ en retraite de 12 mois augmentée de 12 mois de 'salaire plein tarif' en application de l'accord PDV (plan de départ volontaire). Il estime qu'il aurait dû, outre les 12 mois résultant de l'accord PDV bénéficier de l'indemnité de 18 mois prévue par son contrat de travail, ce que conteste la SAS Carrefour administratif France.

Dans le cadre du dispositif CFC (congé de fin de carrière) dont a bénéficié M. [L], l'article 13-2 de l'accord sur le plan de départ volontaire prévoit que l'indemnité de départ est composée, d'une part, de l'indemnité de départ en retraite prévue par la convention collective de la société d'appartenance du salarié, d'autre part de 12 mois de salaire brut (salaire plein tarif).

En l'absence de toute possibilité en ce sens ouverte par l'accord sur le PDV, l'indemnité conventionnelle de départ en retraite qui constitue l'une des deux composantes de cette indemnité ne saurait être remplacée, comme le réclame M. [L], par l'indemnité de départ, plus avantageuse, prévue à son contrat de travail.

M. [L] sera donc débouté de sa demande en ce sens.

1-3) Sur la clause de non concurrence

Le contrat de travail offre la possibilité à l'employeur de renoncer à la clause de non concurrence à condition d'en informer le salarié 'par écrit, par lettre recommandée avec AR dans les 30 jours suivant le départ effectif du salarié'.

M. [L] fait valoir que ces modalités de renonciation n'ont pas été respectées et que l'indemnité compensant cette clause lui est donc due.

La SAS Carrefour administratif France a levé la clause de non concurrence au moment du départ effectif du salarié dans le bulletin d'adhésion au CFC signé le 12 décembre 2018 par M. [L]. Elle ne pouvait pas le faire plus tard car une renonciation après le départ effectif du salarié comme prévu contractuellement l'aurait exposé à devoir payer l'indemnité compensant cette clause.

La modalité contractuelle de renonciation était donc inapplicable quant au délai prévu. Quant à la manière dont l'employeur a manifesté sa renonciation, elle permettait au salarié d'en avoir connaissance avec autant de garantie que par la réception d'une lettre recommandée.

En conséquence, M. [L] sera débouté de sa demande de versement de l'indemnité compensant la clause de non concurrence.

2) Sur l'exécution du contrat de travail

1-1) Sur le harcèlement moral discriminatoire

Il appartient à M. [L] d'établir la matérialité d'éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral. En même temps que les éléments apportés, à ce titre, par M. [L] seront examinés ceux, contraires, apportés par la SAS Carrefour administratif France quant à la matérialité de ces faits. Si la matérialité de faits précis et concordants est établie et que ces faits laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral voire d'un harcèlement moral discriminatoire lié à l'âge, il appartiendra à la SAS Carrefour administratif France de démontrer que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [L] soutient s'être vu imposer un changement de poste, avoir été mis à l'écart et traité défavorablement ce qui a altéré sa santé et avoir été contraint d'accepter des conditions défavorables de fin de carrière.

' Sur le changement de poste imposé

M. [L] fait notamment valoir que la SAS Carrefour administratif France lui a imposé le poste de directeur trésorerie France, qu'il a dû remplir ces fonctions sans l'avoir accepté, sans évolution de sa rémunération et avec des contraintes supplémentaires de déplacement à [Localité 4] [Localité 5].

La SAS Carrefour administratif France admet que ce nouveau poste constituait une modification du contrat de travail. Elle a d'ailleurs proposé à trois reprises en janvier 2015, mai 2017 et mars 2018 des avenants que M. [L] a refusé de signer. Cette modification n'a donc pas été expressément acceptée par M. [L].

Il est également constant que cette nouvelle affectation alors prévue au premier trimestre 2015 a été annoncée le 24 avril 2014, deux jours avant son départ en Chine, alors qu'il avait indiqué que cette annonce était prématurée.

Enfin, il est établi que le 13 août 2014, il a été prévu d'aménager une salle de réunion en bureau pour lui ce qui laisse penser que son bureau a été occupé par son successeur avant janvier 2015. Cette annonce n'a toutefois suscité aucune réaction de sa part.

Les courriels qu'il vise n'établissent pas en revanche, faute notamment de toute contextualisation, que son successeur aurait pris contact avec ses équipes le 1er août 2014.

Il ressort en toute hypothèse d'un courriel qu'il a adressé le 24 août 2018 (pièce 5) à son employeur qu'il avait bien candidaté sur ce poste qui constituait une promotion.

Son refus de signer les avenants s'explique par son désaccord sur le salaire afférent -et non sur les fonctions- puis, après que la SAS Carrefour administratif France a accédé à ses revendications en juin 2017, sur la manière de prendre en compte la période antérieure, sachant que M. [L] considérait que son intégration en 2007 à la SAS Carrefour administratif France aurait généré un manque à gagner qu'il entendait voir rattraper à l'occasion de ces nouvelles fonctions.

M. [L] produit divers mails de location de studio à [Localité 4] [Localité 5] établissant que trois à quatre fois par mois il passait une voire deux nuits à [Localité 4]. Il n'établit pas en revanche que ce découché a débuté avec ses nouvelles fonctions.

Enfin, il ne justifie s'être plaint ni du fait que son successeur l'ait doublonné dans son poste pendant environ un trimestre avant son départ, ni de ses nouvelles fonctions, ni des contraintes qui y seraient liées.

' Sur sa mise à l'écart

M. [L] fait valoir qu'il a été évincé des comités de direction comptables (CDC) et des réunions mensuelles, exclu des réunions de clôture, qu'il n'a plus été destinataire des comptes-rendus de réunion auxquelles il assistait, que les éléments nécessaires à son travail ne lui ont plus été transmis et que son statut de président de la société FINIFAC a été vidé de sa substance.

Il justifie avoir été avisé que le comité de direction prévu le 23 avril 2015 serait remplacé par un séminaire de trois jours. Il soutient ne pas avoir été convié à ce séminaire. Il ne produit toutefois aucun élément établissant ce fait, ni aucune protestation de sa part à ce sujet. Le 13 mai 2015, le directeur administratif et comptable l'a informé par courriel que les CDC seraient recentrés sur des sujets 'exclusivement transverses' et qu'en conséquence il serait dispensé de cette réunion mensuelle tout en ayant la possibilité, en cas de besoin, de demander à y participer. Le 18 mai, M. [L] a répondu qu'il comprenait les nouvelles orientations et qu'il demandait à être invité 'pour des sujets CAF comme les informations RH qu'il conviendrait de positionner en début de CDC'. Il ne ressort pas de cette réponse que M. [L] ait ressenti cette dispense comme une exclusion. Il ne produit pas d'éléments autres en ce sens et n'établit pas non plus qu'on aurait omis de l'inviter lorsque les sujets qu'il avait signalés étaient traités.

Par courriel du 6 décembre 2017, le contrôleur de gestion France a informé '[E]' avec copie notamment à M. [L] que 'pour les prochaines réunions de clôture vous pouvez exclure' suivent deux noms (dont celui de M. [L]) 'et rajouter' suit un nom. M. [L] expose qu'il avait été prévu que ne participeraient à ces réunions que les contributeurs au résultat opérationnel courant ce qui expliquait l'éviction du directeur fiscal mais pas la sienne puisque, indique-t'il, la société qu'il présidait, la FINIFAC, participait à ce résultat. M. [L] ne justifie ni ne soutient pourtant avoir protesté à ce propos.

M. [L] n'établit pas ne plus avoir reçu les comptes-rendus des réunions auxquelles il participait. Au soutien de cette allégation, il vise un courriel échangé en mars 2015 entre deux salariés à propos de la relecture d'un compte-rendu. Rien dans cette pièce ne permet d'en conclure que M. [L] n'aurait pas été destinataire de ce compte-rendu une fois finalisé, ni d'un quelconque autre compte-rendu.

M. [L] produit un courriel envoyé le 29 décembre 2017 dans lequel il indique que lui manquent diverses données pour finaliser son travail. Rien n'établit que les données manquantes ne lui ont pas été transmises en retour à réception de son mail. En conséquence, ce courriel ponctuel ne saurait établir que M. [L] aurait été privé des données nécessaires à son travail.

Il ressort en filigrane des pièces produites que M. [L] était non seulement salarié de la SAS Carrefour administratif France mais également président non rémunéré d'une société FINIFAC filiale du groupe Carrefour. Il se plaint à ce titre d'une atteinte à ses prérogatives.

Outre le fait que ces atteintes ne concernent pas ses fonctions salariées, les pièces qu'il produit à ce propos ne sont pas probantes.

Il indique que la DRH aurait versé une indemnité transactionnelle à un salarié bien qu'il ait refusé de transiger avec lui. Toutefois, dans le courriel qu'il produit (pièce 57) il se plaint seulement de ne pas avoir été informé des modalités de calcul du solde de tout compte et interroge le service RH sur la régularisation de jours de congé et de RTT attribués à tort.

Il indique que des 'recrutements niveau 8" auraient été faits sans concertation avec lui. Toutefois, les courriers produits (pièce 88) censés en attester démontrent seulement des discussions entre le service RH et lui sur le niveau et le coefficient à attribuer à un salarié transféré d'une autre société. L'échange se conclut par un accord de M. [L] sur la proposition faite. Enfin, les courriels également évoqués (pièces 89 à 91) portent sur d'autres points relatifs, au salaire et à la voiture de fonction d'un salarié et non au niveau de son recrutement.

Il soutient que lorsqu'il demandait la création de libellés de postes correspondant aux tâches des salariés, il n'obtenait pas de réponse. Toutefois dans son courriel du 5 octobre 2017 (en réponse à un courriel des ressources humaines) produit à l'appui de cette allégation, il fait état de deux intitulés de poste qui 'ne sont toujours pas corrects'. Il s'en déduit qu'une discussion était en cours sur l'intitulé à appliquer à ces salariés et non que la DRH aurait omis de lui répondre. Dans un second courriel du 25 juin 2018, la responsable des ressources humaines l'interroge sur la liste de nouveaux intitulés de postes à créer. Il n'est ni établi qu'il aurait répondu ni, à supposer que tel ait le cas, que ses remarques n'aient pas été prises en compte.

Il indique qu'il n'a pas été donné suite à sa proposition de mettre en place des IRP dans cette société. M. [L] produit des courriels échangés à ce propos en septembre 2016 avec les ressources humaines où la question et ses implications sont évoquées. Aucun élément supplémentaire n'est apporté de sorte que l'issue de cette discussion reste inconnue. Faute d'éléments, il n'est donc pas établi que sa proposition n'aurait pas connu de suite comme soutenu.

M. [L] produit une délégation de pouvoir à son profit pour des engagements de 100 000€. Toutefois, il n'a pas signé ce document non daté et n'établit donc pas que cette délégation se serait effectivement appliquée. Quant à la réduction de ses pouvoirs à des engagements inférieurs à 2 500€, elle résulterait de la proposition d'avenant du 14 mars 2018 qui lui a été soumis (disposition du reste plus complexe qu'indiqué puisque le montant des engagement varie selon les domaines) et qu'il n'a pas signé. M. [L] n'établit pas que l'obligation d'obtenir un aval pour les engagements supérieurs à 2 500€ lui aurait été appliquée malgré son absence de signature. En conséquence, M. [L] ne justifie ni avoir eu une délégation de pouvoir pour des engagements allant jusqu'à 100 000€ ni avoir vu cette délégation être limitée à 2 500€.

' Sur un traitement différencié défavorable

M. [L] se plaint de l'absence d'évaluation et de plan de rémunération variable, de sa classification, d'avoir dû rédiger des comptes-rendus et d'avoir été exclu des bonus.

M. [L] fait valoir qu'à partir de 2015, son évaluation a négligé plusieurs rubriques et qu'aucun plan de rémunération variable n'a été établi après 2014.

Il est constant que M. [L] a bénéficié d'entretien de performance et de développement personnel chaque année et, en dernier lieu, en février 2016, mars 2017 et avril 2018. M. [L] a indiqué dans une note de transmission à son avocat que les documents produits ne sont pas les documents définitifs. Dès lors, la comparaison avec les documents antérieurs définitifs, effectivement plus consistants, n'est pas significative. Il est constant qu'après l'année 2014, M. [L] n'a plus bénéficié de plan de rémunération variable -ce qui correspond à sa mutation au poste de directeur trésorerie France-. Il ne justifie pas toutefois s'être plaint de cette situation. la SAS Carrefour administratif France ne s'explique pas sur ce point.

M. [L] se plaint de ne pas avoir été classé directeur senior, contrairement à son successeur, ce qui a notamment entraîné un choix moins qualitatif de voiture de fonction.

M. [L] n'établit toutefois pas que ses collègues de même niveau que lui aurait bénéficié de cette classification. Il n'établit pas non plus que tel aurait été le cas de son successeur, la capture d'écran censée en justifier (pièce 14) étant illisible.

Enfin, la pièce 42 supposée démontrer le choix moins qualitatif de voiture de fonction se résume à un 'catalogue B' listant un certain nombre de véhicules dont rien n'établit qu'il s'appliquait aux directeurs non seniors. En outre, M. [L] ne produit pas un autre catalogue plus qualificatif qui aurait vocation à s'appliquer aux directeurs seniors.

M. [L] justifie avoir rédigé les comptes-rendus du comité finance. Il indique, dans ses conclusions, que cette tâche était humiliante. Il ne justifie toutefois pas s'être plaint de cette situation et n'établit ni même ne soutient qu'il aurait été le seul salarié de son niveau à rédiger des comptes-rendus.

M. [L] produit une note peu lisible qui a été adressé le 14 février (ou juillet') 2018 à divers destinataires -dont lui- leur indiquant qu'ils sont maintenant dans la revue salariale et bonus et leur indiquant que 'les enveloppes' doivent être utilisées au profit de ceux qui ont fait montre de leur engagement ou qui sont 'l'avenir de la société' et dont le salaire est bas et préconisant revanche 'zéro bonus zéro augmentation etc' pour les personnels 'qu'on sait que partiront dans le PDV'.

M. [L] destinataire de cette note n'établit pas en quoi ces préconisations qu'il avait vocation à appliquer à ses subordonnés lui auraient été appliquées. Il ne précise notamment pas de quel bonus ou augmentation il aurait été exclu, sachant qu'à l'occasion de son départ il a, au contraire, perçu un bonus non négligeable en janvier 2019 .

' Sur l'atteinte à sa santé

M. [L] justifie avoir consulté un médecin en mars 2014 pour des problèmes de sommeil et une baisse de moral dans un contexte de stress professionnel intense selon ce qu'indique le médecin, et s'être vu prescrire un anxiolytique en mars, un antidépresseur et un somnifère en avril, un antidépresseur en mai, août et octobre 2014.

M. [L] indique que ce stress était lié aux atermoiements et à la communication erratique de sa hiérarchie à ce moment-là au sujet de sa future affectation.

' Sur les conditions défavorables de fin de carrière

Il ressort des développement relatifs à la rupture du contrat de travail que M. [L] a été rempli de ses droits en ce qui concerne le montant mensuel de l'allocation de remplacement, l'indemnité de rupture spécifique, l'indemnité de départ rapide, l'indemnité de fin de contrat et qu'il n'avait pas droit à une indemnité de non concurrence.

Il fait toutefois valoir que l'allocation de remplacement ne lui a été versée que pendant six mois et non 30 mois, que la société a attendu janvier 2019 pour lui verser un bonus afin d'éviter qu'il ne soit pris en compte pour le calcul du salaire plein tarif, qu'il a perdu des congés d'ancienneté et que, de manière générale, il a été contraint d'accepter ce congé de fin de carrière à raison du harcèlement moral qu'il subissait.

En application de l'article 8.7.2 de l'accord PDV, l'allocation de remplacement est versée jusqu'à la fin du mois civil précédant celui à partir duquel le salarié sera en mesure de liquider sa retraite à taux plein. M. [L] ne conteste pas que tel était le cas en mai 2019. Il n'avait donc vocation à percevoir cette allocation que pendant 6 mois.

Il est exact que M. [L] a perçu une rémunération variable exceptionnelle en janvier 2019 dont le versement avait été convenu avant son départ avec le service des ressources humaines. Si la SAS Carrefour administratif France ne s'était pas engagé sur la date de ce versement, il est constant néanmoins que si ce versement était intervenu plus tôt, il aurait pu, le cas échéant, s'il n'avait pas été considéré comme un 'élément exceptionnel' être intégré au salaire de référence servant de base à diverses indemnités de départ.

M. [L] considère avoir perdu des congés d'ancienneté pour la période du 1er juin au 31 décembre 2018, ce que la SAS Carrefour administratif France a contesté dans une lettre du 6 août 2019. Il n'explique toutefois pas combien de jours il aurait perdu pour cette période. La lettre qu'il vise dans ses conclusions (courrier du 5 juin 2019) n'est pas plus précise à cet égard. Dès lors, la réalité de cette perte n'est pas établie.

Compte tenu du contexte dans lequel ils prennent place et qui a été précédemment évoqué, les éléments matériellement établis (modification de son contrat de travail sans avoir recueilli son acceptation expresse, annonce prématurée de sa nouvelle affectation, dispense d'assister aux comités de direction comptable à partir de mai 2015, exclusion des réunions de clôture à partir de décembre 2017, rédaction des comptes-rendus du comité finance, dégradation de sa santé entre mars et octobre 2014 qu'il attribue à un stress au travail, versement d'une rémunération variable en janvier 2019 et non en 2018), même pris en leur ensemble, ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral. Ils ne laissent pas non plus présumer, pris individuellement ou dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral discriminatoire.

M. [L] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

2-2) Sur le manquement à l'obligation de sécurité

M. [L] fait valoir que ses demandes de rupture conventionnelle circonstanciées, les réserves émises lors de son adhésion au congé de fin de carrière, son courrier du 5 juin 2019 et celui de son avocat le 30 décembre 2019 auraient dû alerter l'employeur sur le harcèlement moral et la discrimination qu'il subissait et l'amener à prendre des mesures pour préserver sa sécurité.

Le départ effectif de M. [L] ayant eu lieu le 7 décembre 2018, aucune mesure n'avait à être prise après cette date pour préserver sa sécurité. Dès lors, seule l'absence de réponse de l'employeur à des dénonciations antérieures pourrait, le cas échéant, s'analyser en un manquement à son obligation de sécurité.

M. [L] indique avoir demandé une rupture conventionnelle lors de son entretien d'évaluation de mars 2017. Le document produit (pièce 83) ne porte trace ni d'une telle demande ni d'ailleurs de griefs de la part de M. [L] sur ses conditions de travail ou le traitement dont il ferait l'objet.

Il indique avoir réitéré cette demande lors de l'entretien d'avril 2018. Le document produit (pièce 84) ne porte pareillement ni trace d'une telle demande ni trace de doléances de la part de M. [L].

S'il est néanmoins constant que M. [L] a effectivement sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail, puisque la SAS Carrefour administratif France en fait également état, M. [L] n'établit pas avoir motivé sa ou ses demandes ni évoqué, à cette occasion, de difficultés particulières.

Dès lors, M. [L], qui n'a pas été victime de harcèlement moral ou de harcèlement moral discriminatoire comme développé précédemment, n'établit pas non plus avoir fait état, auprès de son employeur, de difficultés qui auraient justifié une réaction de sa part.

Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

3) Sur les points annexes

En ce qui concerne lesfrais irrépétibles, le salarié, succombant, sera débouté de sa demande ainsi que la SAS Carrefour administratif France à qui il n'apparaît pas inéquitable de laisser supposter ces frais.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- Confirme le jugement

- Y ajoutant

- Déboute les deux parties de leurdemande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne M. [L] aux dépens de l'instance d'appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02906
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;21.02906 ?
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