AFFAIRE : N° RG 20/02755
N° Portalis DBVC-V-B7E-GUSC
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire d'ALENCON en date du 27 Novembre 2020 - RG n° 19/00337
COUR D'APPEL DE CAEN
chambre sociale -section 3
ARRET DU 09 FEVRIER 2023
APPELANTE :
S.A.S. [5]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne-Laure DENIZE, substitué par Me BODSON, avocats au barreau de PARIS
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ORNE
[Adresse 1]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Mme DESLANDES, mandatée
DEBATS : A l'audience publique du 21 novembre 2022, tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 09 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la [5] d'un jugement rendu le 27 novembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Alençon dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne.
FAITS et PROCEDURE
M. [G] [O], salarié de la [5] (la société [5]) en qualité de désosseur de lapins, a complété le 26 juillet 2018 une déclaration de maladie professionnelle au titre d'un 'syndrome canal carpien gauche', à laquelle était joint un certificat médical initial du 25 juillet 2018 faisant état d'un 'canal carpien gauche' et d'une date de première constatation médicale au 18 juillet 2018.
Par courrier du 23 août 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne (la caisse),visant en référence une maladie du 25 juillet 2018 et un numéro de dossier 180725764, a transmis à la société [5] copie de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial.
Le 25 octobre 2018, la caisse a informé la société [5] de la nécessité d'un délai complémentaire d'instruction.
Le 31 décembre 2018, la caisse a informé la société [5] de la clôture de l'instruction et que préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie devant intervenir le 21 janvier 2019, elle avait la possibilité de venir consulter le dossier.
Par courrier du 21 janvier 2019, visant en référence une maladie du 18 juillet 2018 et un numéro de dossier 180718769, la caisse a notifié à la société [5] la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie 'syndrome du canal carpien gauche' inscrite au tableau 57 des maladies professionnelles.
Le 20 mars 2019, la société [5] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse.
Son recours a été rejeté le 22 mai 2019.
Le 4 juillet 2019, la société [5] a contesté cette décision devant le tribunal de grande instance d'Alençon.
Par jugement du 27 novembre 2020, le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire d'Alençon a :
- confirmé la décision de rejet de la commission de recours amiable de la caisse en date du 22 mai 2019,
En conséquence,
- déclaré opposable à la société [5] la décision de prise en charge par la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par M. [O] le 26 juillet 2018
- condamné la société [5] aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 11 décembre 2020, la société [5] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 21 novembre 2022 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société [5] demande à la cour :
Vu les articles L 461-1 et R 441-10 et suivants dans leur rédaction applicable au litige,
Vu le jugement du 27 novembre 2020,
- la déclarer recevable en son appel,
Y faisant droit,
Sur l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie du 18 juillet 2018 :
¿ constater que la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire en ne procédant pas à une nouvelle clôture de l'instruction après avoir modifié un élément faisant grief à la société [5] préalablement à la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie du 18 juillet 2018,
¿ constater que la caisse a manqué à son obligation d'information en ne communiquant pas le certificat médical du 18 juillet 2018 qui lui a permis de fixer la date de première constatation médicale et de dater la maladie alors que ces éléments font grief à la société [5]
En conséquence, infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau:
- déclarer inopposable à la société [5] la décision de la caisse de reconnaître le caractère professionnel de la maladie du 18 juillet 2018,
En tout état de cause,
- débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes.
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 31 octobre 2022, soutenues oralement à l'audience par sa représentante, la caisse demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- constater que l'ensemble des conditions médicales et réglementaires afférentes au tableau n° 57 des maladies professionnelles étaient réunies et que dès lors, c'est à bon droit que la caisse a pris en charge la pathologie de M. [O] au titre de la maladie professionnelle,
- constater que la caisse a respecté le principe du contradictoire, de sorte que la décision de prise en charge de la maladie de M. [O] est opposable à la société [5],
- dire que les arrêts de travail et soins prescrits bénéficient de la présomption d'imputabilité et qu'ils sont antérieurs à la date de guérison de M. [O] ,
- dire que la société [5] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ayant justifié les soins et arrêts de travail prescrits à M. [O],
- confirmer et déclarer opposables à la société [5] les soins et arrêts de travail prescrits à M. [O],
- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes,
- Si par extraordinaire, la cour sollicite une expertise médicale, que les frais soient mis à la charge de l'employeur.
Il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
MOTIFS
La lettre de la caisse du 23 août 2018 transmettant à la société [5] la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical initial,ainsi que tous les courriers adressés par la caisse à la société au cours de l'instruction, font référence à une maladie du 25 juillet 2018 instruite dans un dossier n° 180725764.
Seule la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, notifiée le 21 janvier 2019 à la société [5], mentionne que la maladie est du 18 juillet 2018 et qu'elle est instruite dans un dossier portant le numéro 180718769.
La société [5] fait valoir que le changement de date de la maladie, qui lui fait nécessairement grief, obligeait la caisse à procéder à une nouvelle clôture de l'instruction préalablement à la décision de prise en charge, dans la mesure où, au regard des éléments du dossier, elle ne pouvait savoir que la date de la maladie ainsi que le numéro de sinistre allaient être modifiés lors de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.
La caisse réplique que c'est suite à l'avis du médecin conseil mentionné sur le colloque médico- administratif que la date de première constatation médicale a été reportée du 25 juillet 2018 au 18 juillet 2018, que la [5], destinataire de la lettre de clôture de l'instruction, avait la possibilité de venir consulter le dossier, de prendre connaissance de la date de première constatation médicale retenue par le médecin conseil et d'émettre des observations. Elle ajoute que le nouveau numéro de dossier est la conséquence de la nouvelle date de la maladie fixée au 18 juillet 2018 ( 180718769).
Les dispositions de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale prévoient, pour les maladies professionnelles déclarées à compter du 1er juillet 2018, qu'est assimilée à la date de l'accident, la date de première constatation médicale de la maladie.
Dès lors, c'est cette date qui constitue désormais la date de la maladie et donc le point de départ des prestations susceptibles d'être versées par la caisse à l'assuré et notamment les indemnités journalières.
Ainsi, elle fait nécessairement grief à l'employeur et ce d'autant que depuis le 1er juillet 2018, elle remplace la date du certificat médical initial.
La caisse ne pouvait donc modifier la date de première constatation médicale et prendre une décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie sans en avoir préalablement informé l'employeur.
En l'absence de cette information, la caisse a violé le principe du contradictoire.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré, d'infirmer la décision de la commission de recours amiable et de déclarer inopposable à la société [5] la décision de la caisse du 21 janvier 2019 de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée le 26 juillet 2018 par M. [G] [O].
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la caisse.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
Infirme la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne du 22 mai 2019 ,
Déclare inopposable à la société [5] la décision du 21 janvier 2019 de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée le 26 juillet 2018, par M. [G] [O],
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX