AFFAIRE : N° RG 20/01354
N° Portalis DBVC-V-B7E-GR4L
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de COUTANCES en date du 24 Juin 2020 - RG n° 17/00449
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023
APPELANT :
Monsieur [F] [D]
[Adresse 1]
Représenté par Me David DREUX, avocat au barreau de CAEN
INTIME :
Urssaf de Normandie venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie
[Adresse 2]
[Adresse 4]
Représentée par Mme MOREL, mandatée
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Maître Eric GIRAUDEAU, ès qualités de mandataire judiciaire au Redressement Judiciaire de M. [F] [D]
[Adresse 3]
Représenté par Me David DREUX, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
DEBATS : A l'audience publique du 17 novembre 2022
GREFFIER : Mme GOULARD
ARRÊT prononcé publiquement le 02 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [F] [D] d'un jugement rendu le 24 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l'opposant à l'Urssaf de Basse-Normandie.
FAITS ET PROCEDURE
Dans le cadre de la recherche d'infractions de travail dissimulé, l'Urssaf de Basse-Normandie (l'Urssaf) a procédé à un contrôle le 31 mars 2017 au sein de l'entreprise de M. [D].
L'Urssaf a adressé à M. [D] une lettre d'observations le 13 avril 2017 concluant à un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS d'un montant de 54 406 euros sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016.
Selon courrier du 12 mai 2017, M. [D] a contesté le redressement qui a été entièrement maintenu par l'inspecteur dans sa lettre du 18 mai 2017.
L'Urssaf a adressé à M. [D] une mise en demeure le 27 juin 2017 de régler la somme globale de 67 902 euros se décomposant comme suit :
- 54 406 euros de cotisations dues
- 5 427 euros de majorations de redressement
- 8 069 euros de majorations.
Suivant courrier du 24 août 2017, M. [D] a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable de l'Urssaf.
Par décision du 12 octobre 2017, la commission a rejeté la contestation de M. [D].
Par requête du 24 novembre 2017, M. [D] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche.
Par jugement du 24 juin 2020, le tribunal judiciaire de Coutances, auquel le contentieux de la sécurité sociale a été transféré à compter du 1er janvier 2019, a :
sur la forme
- annulé la mise en demeure du 27 juin 2017 établie par l'Urssaf à l'encontre de M. [D] en ce qu'elle est irrégulière en la forme,
sur le fond,
- validé le redressement opéré par l'Urssaf à l'encontre de M. [D] à la suite du contrôle réalisé le 1er décembre 2016 et portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016 pour son entier montant de 54 406 euros, outre les majorations de redressement s'élevant à la somme de 5 427 euros,
- débouté l'Urssaf de sa demande de condamnation de M. [D] à payer 67 902 euros représentant les cotisations et majorations dues au titre des années 2012 à 2016,
- débouté M. [D] ainsi que l'Urssaf de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile
- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
M. [D] a formé appel de ce jugement par déclaration du 26 juillet 2020.
Par jugement du tribunal de commerce de Coutances du 8 décembre 2020, M. [D] a été placé en redressement judiciaire et Me Giraudeau a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Aux termes de conclusions reçues au greffe le 16 novembre 2022 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, M. [D] et Me Giraudeau, ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [D], demandent à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Coutances le 24 juin 2020 en ce qu'il a validé le redressement opéré par l'Urssaf à l'encontre de M. [D] portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016 pour son entier montant de 54 406 euros, outre les majorations de redressement s'élevant à la somme de 5 427 euros,
statuant à nouveau,
- infirmer la décision de la commission de recours amiable ayant rejeté son recours du 27 août 2018 aux fins d'annulation de la mise en demeure du 27 juin 2017 de payer la somme de 67 902 euros incluant en outre la somme de 8 069 euros de majorations,
- débouter l'Urssaf de ses demandes,
- condamner l'Urssaf à payer à M. [D] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner l'Urssaf aux dépens.
Par conclusions reçues au greffe le 1er août 2022 et soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie, demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a validé le redressement opéré par l'Urssaf,
- infirmer le jugement pour le surplus
statuant à nouveau,
- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 23 mai 2017,
- fixer la créance de l'Urssaf à la somme de 67 902 euros au titre des années 2012-2013-2014-2015 et 2016,
- condamner M. [D] aux dépens,
- débouter M. [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [D] à payer à l'Urssaf la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour l'exposé complet des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures.
MOTIFS
Il résulte de l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale que toute action effectuée en application de l'article L 244-8-1, c'est à dire toute action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, est obligatoirement précédée d'une mise en demeure adressée à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, l'invitant à régulariser sa situation dans le mois.
En l'espèce, l'Urssaf a d'abord adressé à M. [D] une lettre d'observations le 13 avril 2017 concluant à un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS d'un montant de 54 406 euros sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016.
Nonobstant les contestations de M. [D], l'inspecteur a maintenu la proposition de redressement dans une lettre du 18 mai 2017, puis l'Urssaf a adressé à M. [D] une mise en demeure le 27 juin 2017, aux fins de règlement de la somme globale de 67 902 euros au titre de cotisations dues (54 406 euros), de majorations de redressement (5427 euros) et de majorations (8 069 euros).
Cette mise en demeure ne contient aucune mention expresse du délai d'un mois imparti à M. [D] pour régulariser sa situation, la seule référence à l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale étant insuffisante.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a annulé la mise en demeure du 27 juin 2017.
M. [D] affirme que la nullité de cette mise en demeure aurait dû conduire le tribunal à rejeter la demande de validation du redressement formée par l'Urssaf.
Suite au jugement de première instance, l'Urssaf a fait délivrer à M. [D] une nouvelle mise en demeure le 9 octobre 2020 qui 'annule et remplace la mise en demeure du 27/06/2017', portant sur les mêmes cotisations et majorations de retard que celles visées dans la mise en demeure du 27 juin 2017.
Cependant, il résulte de l'article L 244-2 que la mise en demeure doit précéder toute action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard.
La mise en demeure du 9 octobre 2020, censée annuler et remplacer la mise en demeure du 27 juin 2017, est postérieure à l'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard puisque la demande de 'validation du redressement' a été faite par l'Urssaf devant le tribunal avant cette mise en demeure. Elle est même postérieure à la déclaration d'appel.
Cette mise en demeure du 9 octobre 2020 ne peut donc pas régulariser a posteriori la demande le redressement.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a validé le redressement litigieux.
Statuant à nouveau, il convient de :
- infirmer la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf ayant rejeté le recours de M. [D] aux fins d'annulation de la mise en demeure du 27 juin 2017 de payer 67 902 euros au titre des cotisations et majorations de retard des années 2012 à 2016
- débouter l'Urssaf de sa demande de validation du redressement afférent à ces cotisations et majorations de retard et de fixation de sa créance à hauteur de la somme de 67 902 euros.
Succombant, l'Urssaf sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Il est en outre équitable de la condamner à payer à M. [D] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Constate l'intervention volontaire de Me Giraudeau, ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de M. [D];
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a annulé la mise en demeure du 27 juin 2017 de l'Urssaf de Basse- Normandie, aux droits de laquelle vient l'Urssaf de Normandie, à l'encontre de M. [D] en ce qu'elle est irrégulière en la forme et en ce qu'il a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,
Infirme le jugement en ce qu'il a validé le redressement de l'Urssaf de Basse Normandie, à l'encontre de M. [D] portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016 pour son entier montant de 54 406 euros outres majorations de redressement à hauteur de 5427 euros;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Infirme la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf de BasseNormandie ayant rejeté le recours de M. [D] du 27 août 2017 aux fins d'annulation de la mise en demeure du 27 juin 2017 de payer la somme de 67 902 euros;
Déboute l'Urssaf de Normandie de sa demande de validation du redressement portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016 et de sa demande de fixation de sa créance à hauteur de 67 902 euros;
Condamne l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse Normandie, aux dépens d'appel;
Condamne l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse Normandie, à payer à M. [D] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Déboute l'Urssaf de Normandie,venant aux droits de l'Urssaf de Basse Normandie, de sa demande au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX