AFFAIRE : N° RG 20/01229
N° Portalis DBVC-V-B7E-GRTR
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 08 Juin 2020 - RG n° 18/00151
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023
APPELANT :
Monsieur [U] [K]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Chloé DELL'AIERA, avocat au barreau de CAEN
INTIME :
URSSAF DE NORMANDIE venant aux droits de L'URSSAF de Basse-Normandie
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Mme [Z], mandatée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
DEBATS : A l'audience publique du 17 novembre 2022
GREFFIER : Mme GOULARD
ARRÊT prononcé publiquement le 02 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [U] [K] d'un jugement rendu le 8 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l'opposant à l'Urssaf de Basse Normandie.
FAITS et PROCEDURE
M. [U] [K] exerce la profession de chirurgien- dentiste, conventionné secteur 1, depuis le 1er décembre 1973 dans le cadre d'une SELARL. Par ailleurs, il est gérant non salarié de l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Le Haras du Grand Caugy dont l'activité est l'élevage de chevaux depuis le 15 novembre 2006 et gérant non salarié de l'EURL Domaine du Grand Caugy depuis le 12 juillet 2013, dont l'activité est traiteur.
Par courrier du 23 février 2016, le cabinet comptable de M. [K] a saisi l'Urssaf de Basse Normandie (l'Urssaf) d'une requête concernant la base de calcul de ses cotisations d'assurance maladie au titre de l'année 2011.
En réponse, l'Urssaf lui a demandé de communiquer ses liasses fiscales, puis, par lettre du 24 mai 2017, lui a notifié un redressement au titre des cotisations maladie et allocations familiales pour les années 2013 à 2016 au motif que les déficits déclarés au titre de l'EARL et de l'EURL ne peuvent être pris en compte en raison de son statut de médecin conventionné et de la non application des règles de la pluriactivité aux travailleurs non salariés qui cumulent une activité agricole et non agricole.
Le 28 août 2017, l'Urssaf lui a indiqué qu'au regard des règles de prescription, le redressement portait uniquement sur les cotisations dues pour les années 2014 à 2016 pour un montant de 81 198 euros.
Le 14 septembre 2017, l'Urssaf a émis deux mises en demeure:
- l'une au titre des cotisations et contributions sociales 2014 à 2016 en tant que travailleur indépendant, d'un montant total de 49 174 euros
- l'autre au titre des cotisations et contributions 2014 à 2016 en tant que 'praticiens et auxiliaires médicaux' d'un montant total de 36 284 euros.
Le 17 novembre 2017, M. [K] a contesté ces mises en demeure devant la commission de recours amiable de l'Urssaf.
Le 17 février 2018, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen d'une contestation de la décision implicite de rejet de la commission.
Une décision explicite de rejet est intervenue le 27 mars 2018, que M. [K] a également contestée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen par courrier du 15 mai 2018.
Par jugement du 8 juin 2020, le tribunal judiciaire de Caen, auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :
- ordonné la jonction des recours n° 20180151 et n° 20180386 sous le seul n° 20180151,
- déclaré recevable le recours de M. [K] à l'égard de la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf de Basse -Normandie du 27 mars 2018 notifiée le 6 avril 2018,
- débouté M. [K] de sa fin de non- recevoir,
- dit mal fondé le recours de M. [K] et confirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 27 mars 2018 validant le redressement en date du 24 mai 2017 et les mises en demeure délivrées le 24 septembre 2017,
- condamné en conséquence M. [K] au paiement :
¿ de la somme réactualisée de 24 970 euros au titre de la mise en demeure 2C05922435022 concernant l'activité ' praticiens et auxiliaires médicaux'
¿ de la somme réactualisée de 38 340 euros au titre de la mise en demeure 2C05922435015 concernant l'activité ' travailleur indépendant'
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- rejeté la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [K] aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 10 juillet 2020, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions n°2 déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil,
M. [K] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa fin de non recevoir, dit son recours mal fondé, confirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 27 mars 2018 et l'a condamné à payer à l'Urssaf les sommes de 24 970 euros ( activité praticiens et auxiliaires médicaux) et de 38 340 euros ( activité travailleur indépendant),
En conséquence et statuant à nouveau,
- prononcer l'irrecevabilité de la demande de condamnation de M. [K] au paiement des cotisations et contributions sociales au titre de l'année 2014 visées dans les mises en demeure du 14 septembre 2017, celles - ci étant prescrites,
- annuler les deux mises en demeure du 14 septembre 2017 et le redressement de cotisations du 24 mai 2017,
A titre subsidiaire,
- annuler les deux mises en demeure du 14 septembre 2017 et le redressement de cotisations correspondant,
- infirmer la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf de Basse Normandie en date du 27 mars 2018,
A titre très subsidiaire,
- dire que M.[K] était fondé à déclarer ses revenus agricoles lors de la déclaration de ses revenus de chirurgien dentiste,
- infirmer la décision de la commission de recours amiable du 27 mars 2018,
- annuler les deux mises en demeure du 14 septembre 2017 et le redressement de cotisations correspondant,
A titre infiniment subsidiaire,
- reconnaître l'existence de deux décisions implicites de l'Urssaf à l'égard de M. [K], par courriers des 15 et 18 décembre 2014, aux termes desquelles il lui est reconnu le droit de déduire de ses revenus tirés de la SELARL les revenus issus de l'EURL et de l'EARL pour le calcul de ses cotisations d'assurance maladie et d'allocations familiales,
- réduire les sommes dues par M. [K] à l'Urssaf et réclamées par mises en demeure du 14 septembre 2017 aux sommes suivantes:
¿ 25 476, 63 euros au titre des cotisations maladie (années 2014 à 2016)
¿ 26 510,64 euros au titre des cotisations d'allocations familiales (années 2014 à 2016) dont il conviendra de déduire les règlements d'ores et déjà effectués par M. [K] et pris en compte par l'Urssaf,
En toute hypothèse,
- condamner l'Urssaf de Basse -Normandie à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance et en cause d'appel,
- condamner l'Urssaf de Basse- Normandie aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- débouter l'Urssaf de Basse Normandie de ses demandes .
Par conclusions du 5 septembre 2022, déposées et soutenues oralement à l'audience par sa représentante, l'Urssaf Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse Normandie, demande à la cour de :
- déclarer l'appel de M. [K] mal fondé,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- rejeter les entières demandes de M. [K],
- statuer ce que de droit sur le surplus.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR
Les dispositions du jugement déféré, relatives à la jonction des recours et à la recevabilité du recours de M. [K] à l'égard de la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf de Basse- Normandie en date du 27 mars 2018 notifiée le 6 avril 2018, ne sont pas contestées. Elles sont donc acquises.
I - Sur la prescription des cotisations réclamées au titre de l'année 2014
En application de l'article L 244-3 du code de la sécurité sociale,dans sa version issue de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre desquelles elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle elles sont dues.
M. [K] fait valoir qu'en application de ces dispositions, les mises en demeure qui lui ont été notifiées le 14 septembre 2017, soit après le 30 juin 2017, ne pouvaient porter valablement sur des cotisations de l'année 2014, celles - ci étant prescrites.
Les deux mises en demeure du 14 septembre 2017 visent des cotisations des années 2014, 2015 et 2016.
En application des dispositions susvisées, le délai de prescription de trois ans des cotisations et contributions dues au titre de l'année 2014, a commencé à courir le 30 juin 2015.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'Urssaf avait jusqu'au 30 juin 2018 pour les réclamer.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [K] de sa fin de non - recevoir tiré de la prescription des cotisations dues au titre de l'année 2014.
II - Sur la régularité des mises en demeure du 14 septembre 2017
M. [K] fait valoir qu' elles ne mentionnent aucun délai de paiement alors que l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale exige que la mise en demeure adressée au cotisant l'invite à régulariser sa situation et ce dans un délai d'un mois, que le renvoi à l'article L 244-2 est insuffisant.
L'Urssaf rétorque que la référence à l'article L 244-2 susvisé, qui fixe le délai d'un mois octroyé au cotisant pour régulariser sa situation, permet à ce dernier d'avoir connaissance de ce délai.
En l'espèce, les deux mises en demeure du 14 septembre 2017 mentionnent : ' L'examen de votre compte fait ressortir que vous êtes redevable d'une somme dont vous trouverez le détail ci- dessous. La présente constitue la mise en demeure obligatoire en vertu de l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale. A défaut de règlement des sommes dues, nous serons fondés à engager des poursuites sans nouvel avis et dans les conditions indiquées au verso.'
Au verso ( pièces 5 et 6 de l'Urssaf communiquées en 1ère instance) à la rubrique ' comment effectuer votre paiement '', le délai dans lequel le paiement doit intervenir n'est pas indiqué.
En conséquence, les mentions figurant sur la mise en demeure ne portent pas à la connaissance du cotisant le délai d'un mois qui lui est imparti pour le paiement, ce qui lui fait nécessairement grief. En effet, l'absence d'information caractérise une atteinte au droit de la défense justifiant l'annulation des mises en demeure.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré et d'annuler les mises en demeure du 14 septembre 2017.
- Sur les autres demandes
L'Urssaf qui succombe, supportera les dépens d'appel et de première instance.
L'équité commande d'allouer à M. [K] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a:
- ordonné la jonction des recours n° 20180151 et n° 20180386 sous le seul n° 20180151,
- déclaré recevable le recours de M. [K] à l'égard de la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf de Basse- Normandie du 27 mars 2018 notifiée le 6 avril 2018,
- débouté M. [K] sa fin de non - recevoir tiré de la prescription des cotisations dues au titre de l'année 2014,
L'infirme pour le surplus,
Annule les mises en demeure émises le 14 septembre 2017 par l'Urssaf de Basse- Normandie à l'encontre de M. [K] d'un montant de 49 174 euros et de 36 284 euros,
Condamne l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse- Normandie, aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse -Normandie, à payer à M. [K] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX