AFFAIRE : N° RG 19/02137
N° Portalis DBVC-V-B7D-GLYG
 Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 17 Juin 2019 - RG n° 15/00336
COUR D'APPEL DE CAEN
chambre sociale- section 3
ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023
APPELANT :
URSSAF DE [Localité 8] VENANT AUX DROITS DE L'URSSAF DE [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
SAS [5] venant aux droits de [5] (venant elle-même aux droits de [10]) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Franck DREMAUX, substitué par Me GEVAERD, avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
DEBATS : A l'audience publique du 17 novembre 2022
GREFFIER : Mme GOULARD
ARRÊT prononcé publiquement le 02 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'Urssaf de [Localité 3] d'un jugement rendu le 17 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Caen dans un litige l'opposant à la société [5].
FAITS et PROCEDURE
La société [10], aux droits de laquelle est venue la société [5], aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société [5] (la société), était affiliée pour son établissement de [Localité 6] auprès de l'Urssaf du [Localité 4].
Elle a fait l'objet d'un contrôle des services de l'Urssaf de [Localité 9], devenue l'Urssaf [Localité 7], portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, en son établissement de [Localité 6].
A l'issue de ce contrôle, les inspecteurs du recouvrement de l'Urssaf de [Localité 9] ont adressé à la société une lettre d'observations en date du 19 octobre 2012 portant sur les chefs de redressement suivants:
- 1°) avantage en nature véhicule: principe et évaluation: 1070 euros
- 2°) primes de salissure: absence de justificatifs: 8 160 euros
- 3°) cadeaux en nature au personnel: 158 euros
soit un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS d'un montant total de 9388 euros.
Par lettre du 21 novembre 2012, la société a fait valoir ses observations.
Par courrier du 27 novembre 2012, l'inspecteur du recouvrement a maintenu le redressement notifié.
Le 5 décembre 2012, la société a réglé la somme de 158 euros au titre du chef de redressement n° 3.
Le 17 décembre 2012, l'Urssaf du [Localité 4] a adressé à la société une mise en demeure de payer 9388 euros de cotisations et 1098 euros de majorations de retard soit la somme totale de 10 486 euros.
Le 17 janvier 2013, la société a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf du [Localité 4] aux fins de contester la totalité du redressement opéré.
Par décision du 25 février 2015, la commission de recours amiable de l'Urssaf de [Localité 3] a rejeté ce recours.
Le 23 avril 2015, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du [Localité 4] pour contester le contrôle opéré par l'Urssaf tant sur la forme que sur le fond.
Par jugement du 17 juin 2019, le tribunal de grande instance de Caen, auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :
- dit que le recours introduit par la société [5] à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable rendue en sa séance du 25 février 2015 est recevable,
- dit que l'Urssaf de [Localité 9] était compétente pour procéder au contrôle de l'établissement situé à [Localité 6],
- dit en revanche que l'Urssaf de [Localité 9] n'avait pas qualité pour adresser l'avis de contrôle,
Par voie de conséquence,
- déclaré la procédure irrégulière,
- annulé la mise en demeure adressée le 17 décembre 2012,
- débouté la société [5] tendant au remboursement de la somme de 158 euros avec intérêts et capitalisation,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de l'Urssaf de [Localité 3].
Par déclaration du 15 juillet 2019, l'Urssaf de [Localité 3] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions n° 2 reçues au greffe le 22 avril 2022, l'Urssaf [Localité 8], venant aux droits de l'Urssaf de [Localité 3], demande à la cour :
- de recevoir l'Urssaf de [Localité 8], venant aux droits de l'Urssaf de [Localité 3], en son intervention volontaire et son appel,
L'y déclarant bien fondée,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a :
¿ dit que l'Urssaf de [Localité 9] n'avait pas qualité pour adresser l'avis de contrôle,
¿ déclaré la procédure irrégulière,
¿ annulé la mise en demeure adressée le 17 décembre 2012,
¿ rejeté les demandes de l'Urssaf de [Localité 3],
¿ laissé les dépens à la charge de l'Urssaf de [Localité 3]
Statuant à nouveau,
- dire que l'Urssaf de [Localité 9] avait qualité pour adresser l'avis de contrôle à la société [10],
- dire que la procédure de contrôle est régulière,
- valider la mise en demeure notifiée à la société [10] le 17 décembre 2012,
- donner acte à l'Urssaf de [Localité 3] de ce qu'elle renonce au bénéfice du chef de redressement n° 1 'avantage en nature véhicule, principe et évaluation',
- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 31 mai 2015 pour le surplus,
- rejeter toutes les demandes et prétentions de la société [5] qui seraient contraires aux présentes,
- condamner la société [5] à payer à l'Urssaf de [Localité 8], venant aux droits de l'Urssaf de [Localité 3], les majorations de retard dues au titre de l'article R 243-18 du code de la sécurité sociale,
- condamner la société [5] à payer la somme de 3000 euros à l'Urssaf de [Localité 8], venant aux droits de l'Urssaf de [Localité 3], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit pour le surplus.
Par conclusions reçues au greffe le 5 mai 2022, la société demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 158 euros avec intérêts et capitalisation,
Si par extraordinaire, le jugement devait être infirmé, il conviendrait en statuant de nouveau de:
I - A titre principal: l'incompétence de l'Urssaf contrôleuse et l'avis de contrôle irrégulier
a) l'incompétence de l'Urssaf contrôleuse
Vu notamment les dispositions des articles L213-1, L 225-1-1 et D 213-1 à D 213-6 dont l'article D 231-1-2 , R 243-6 et R 243-59 du code de la sécurité sociale,
- dire que le contrôle de la société ( et notamment de son établissement de [Localité 6]) était un contrôle concerté tel que prévu par les articles L 225-1-1 et D 213-1-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable,
- dire l'Urssaf de [Localité 9] incompétente pour procéder au contrôle de l'établissement de [Localité 6] de la société faute d'avoir avant tout acte en lien avec les opérations de contrôle ou à un moment quelconque avant sa clôture:
* justifié de l'existence ( et a fortiori de la préexistence au regard de la date de début des opérations de contrôle) de Conventions Spécifiques de réciprocité obligatoires en vertu de l'article D 213-1-2 du code de la sécurité sociale avec l'Urssaf du [Localité 4] aux droits de laquelle est venue l'Urssaf [Localité 3],
En conséquence,
- annuler la mise en demeure du 17 décembre 2012,
- condamner l'Urssaf de [Localité 3] à lui rembourser en compensation, deniers ou quittance la somme de 158 euros versée en règlement partiel ( sous réserve de l'issue de la contestation) augmentée des intérêts au taux légal à compter du versement ainsi que de la capitalisation des intérêts,
b) l'avis de contrôle irrégulier
Vu notamment l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale,
- dire également que l'Urssaf contrôleuse a adressé un avis de contrôle irrégulier à la société contrôlée,
- dire que l'Urssaf de [Localité 9] n'avait pas compétence pour délivrer l'avis de contrôle,
En conséquence,
- annuler la mise en demeure litigieuse du 17 décembre 2012,
- condamner l'Urssaf de [Localité 3] à lui rembourser en compensation, deniers ou quittance la somme de 158 euros versée en règlement partiel ( sous réserve de l'issue de la contestation) augmentée des intérêts au taux légal à compter du versement ainsi que de la capitalisation des intérêts,
II - Subsidiairement: la nullité de la mise en demeure et l'annulation au fond du redressement
a) la mise en demeure
Vu les dispositions des articles L 244-2 et L 244-3 et suivants du code de la sécurité sociale
- constater que la mise en demeure litigieuse du 17 décembre 2012 ne satisfait pas aux exigences de ces textes et de la jurisprudence,
En conséquence,
- annuler la mise en demeure litigieuse du 17 décembre 2012 avec l'ensemble des conséquences de droit qui en découlent,
b) Sur le non - respect par les contrôleurs de leurs obligations et l'annulation des chefs de redressement:
Vu les articles R 243- 59 et suivants, R 242-5, L 242-1 du code de la sécurité sociale ainsi que des différents textes visés dans chaque chef de redressement,
- dire que ces textes ainsi que le principe du contradictoire et des droits de la défense n'ont pas été respectés,
- dire que les chefs de redressement ne sont pas fondés en droit ni en fait et que tous les textes sur lesquels l'Urssaf prétend se fonder pour chiffrer les cotisations réclamées ne sont pas visés pour chaque chef de redressement,
En conséquence,
- annuler les chefs de redressement et la mise en demeure du 17 décembre 2012,
- prendre acte du renoncement de l'Urssaf renonce au bénéfice du redressement relatif à 'l'avantage en nature véhicule, principe et évaluation'
Subsidiairement, si par impossible les chefs de redressement n'étaient pas annulés :
- constater que les contrôleurs n'ont pas mentionné dans la lettre d'observations, pour chaque chef de redressement, les textes relatifs au Fnal, au versement transport , aux contributions assurance chômage et aux cotisations AGS,
En conséquence,
- réduire le montant du redressement au titre du chef n°1 à la somme de 1197 euros,
III - Dans tous les cas,
- débouter l'Urssaf de l'ensemble de ses demandes,
- dire que la somme de 158 euros réglée doit en toute hypothèse être déduite de la mise en demeure.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR
Conformément à sa demande et en application de l'arrêté du 28 juillet 2021, l'Urssaf de [Localité 8], venant aux droits de l'Urssaf de [Localité 3], sera reçue en son intervention volontaire et en son appel.
I ) Sur le grief tiré de l'incompétence de l'Urssaf [Localité 9] pour procéder au contrôle de l'établissement de [Localité 6] situé dans le [Localité 4]
La société fait valoir qu'en application de l'article R 243-6 du code de la sécurité sociale, l'employeur verse les cotisations à l'organisme dont relève son établissement et que c'est cet organisme qui doit procéder aux opérations de contrôle pour cet établissement, excepté en présence d'une situation de versement en un lieu unique (VLU) et/ ou en présence d'une délégation de compétences régulièrement accordée par une Urssaf à une autre Urssaf, soit par une convention générale de réciprocité pour les contrôles courants, en vertu des articles L 213-1 et D 213-1-1 , soit par une convention spécifique de réciprocité pour les contrôles concertés, en vertu des articles L 225-1-1 et D 213 -1- 2 du code de la sécurité sociale.
La société expose que l'établissement de [Localité 6] relevait de la compétence de l'Urssaf du [Localité 4] auprès de laquelle il était affilié, que dès lors seule l'Urssaf du [Localité 4], Urssaf d'affiliation, avait compétence pour procéder aux opérations de contrôle de cet établissement sauf en cas de délégation de compétence régulière, ce qui n'est pas le cas.
Elle soutient que le contrôle opéré par l'Urssaf de [Localité 9] sur le fondement d'une convention générale de réciprocité, est irrégulier, le contrôle étant intervenu dans le cadre d'une action concertée au sens de l'article L 225-1-1-3° quinquies et L 213-1-2 du code de la sécurité sociale imposant une convention de délégation de contrôle spécifique prévue à l'article D 213-1-2 du même code. Elle affirme qu'une convention générale de réciprocité au sens de l'article D 213- 1-1 ne peut suppléer l'absence de délégation spécifique prévue par l'article D 213-1-2. Elle ajoute que l'ACOSS, organisme de tutelle des Urssaf, qui a souligné dans son courrier du 3 février 2012 la nécessité d'établir une convention de délégation de contrôle spécifique concernant l'ensemble des entités contrôlées, n'a fait qu'appliquer les textes et en particulier les articles L 225-1-1 et D 213-1-2 susvisés.
L'Urssaf réplique que dès lors que l'Urssaf de [Localité 9] figure dans la liste des organismes ayant adhéré à la convention de réciprocité, celle - ci disposait d'une délégation des compétences de l'Urssaf du [Localité 4].
Si chaque Urssaf, dans le cadre de sa mission de contrôle des cotisations et contributions sociales prévue par l'article L 213-1-6° du code de la sécurité sociale, exerce cette compétence au sein d'une circonscription territoriale fixée dans les conditions de l'article D 213-1, cette règle de compétence connaît cependant plusieurs exceptions ou tempéraments. Notamment, une Urssaf peut, sous certaines conditions, déléguer sa compétence à une autre dans des conditions fixées par décret, en application de l'article L 213-1 in fine.
Deux catégories de délégation sont prévues: la convention générale de réciprocité et la convention de réciprocité spécifique.
L'article D 213-1-1 du code de la sécurité sociale prévoit que pour l'application de l'article L 213-1, la délégation de compétences en matière de contrôle entre unions de recouvrement prend la forme d'une convention générale de réciprocité ouverte à l'adhésion de l'ensemble des unions, pour une période d'adhésion minimale d'un an, renouvelable par tacite reconduction. Le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale ( Acoss) est chargé d'établir cette convention et de recevoir l'accord des unions.
L'article D 213-1-2 dispose qu'en application du pouvoir de coordination prévu à l'article L 225-1-1 et pour les missions de contrôle spécifiques, le directeur de l'Acoss peut, à son initiative ou sur demande émise par une union, demander à une union de recouvrement de déléguer ses compétences en matière de contrôle à une autre union de recouvrement. La délégation prend la forme d'une convention de réciprocité spécifique. Le directeur de l'Acoss est chargé d'établir cette convention et de recevoir l'accord des unions concernées.
En l'espèce, l'avis de contrôle que l'Urssaf de [Localité 9] a adressé le 19 janvier 2012 à la société [10] mentionne notamment: ' Conformément aux dispositions des articles L 213-1 et D 213-1-1 du code de la sécurité sociale, l'Urssaf de [Localité 9] a adhéré à la convention générale de réciprocité portant délégation de compétences en matière de contrôle à tous les autres organismes de recouvrement et qu'à ce titre tous les établissements de votre entreprise sont susceptibles d'être vérifiés .'
Il importe peu, sur le terrain de la compétence de l'Urssaf de [Localité 9], que le contrôle soit intervenu dans le cadre d'un contrôle concerté national du groupe [5], comme le soutient la société [5] qui invoque à cet égard un courrier du directeur de l'Acoss du 24 octobre 2011 et une lettre de l'Acoss du 3 février 2012.
En effet , il est acquis, aux termes d'une jurisprudence constante depuis un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 30 mars 2017 ( pourvoi n° 16-12.851), que si, selon l'article D 213-1-2 du code de la sécurité sociale, en application du pouvoir de coordination prévu par l'article L 225-1-1 et pour des missions de contrôle spécifiques, le directeur de l'Acoss peut, à son initiative ou sur demande émise par une union, demander à une union de recouvrement de déléguer, sous la forme d'une convention de réciprocité spécifique, ses compétences en matière de contrôle à une autre union de recouvrement, ce texte n'a ni pour objet ni pour effet de subordonner la régularité d'un contrôle concerté à l'existence préalable d'une convention de réciprocité spécifique, mais uniquement d'étendre la compétence des organismes chargés d'y procéder.
Dans le cadre d'un contrôle concerté, une délégation spécifique de compétence n'est pas nécessaire lorsque ces organismes bénéficient déjà d'une délégation de compétence prenant la forme d'une convention générale de réciprocité consentie en application de l'article L 213-1.
En l'espèce, cette adhésion des Urssaf du [Localité 4] et de [Localité 9], à la convention générale de réciprocité, au jour de l'avis de contrôle est justifiée par les pièces versées aux débats.
Dès lors, les moyens opposés par la société tenant à l'absence de convention de réciprocité spécifique et donc à l'incompétence de l'Urssaf de [Localité 9] pour procéder au contrôle doivent être rejetés.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
II) Sur la procédure de contrôle
II- 1) Sur l'absence d'envoi de l'avis de contrôle par l'Urssaf en charge du recouvrement des cotisations
La société fait valoir qu'en application de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, l'avis de contrôle doit être adressé au cotisant par l'organisme en charge du recouvrement des cotisations, c'est à dire par l'Urssaf dans le ressort géographique de laquelle se trouve l'établissement et à laquelle la société verse habituellement ses cotisations, qu'en l'espèce l'avis de contrôle n'a pas été adressé à la société par l'Urssaf du [Localité 4] mais par l'Urssaf de [Localité 9], que l'Urssaf du [Localité 4] n'a délégué sa compétence qu'en matière de contrôle mais qu'elle est restée seule en charge du recouvrement, de sorte que l'avis de contrôle ne pouvait être adressé que par la seule Urssaf du [Localité 4]. Elle souligne d'ailleurs que la mise en demeure a été émise par l'Urssaf du [Localité 4]. Elle en conclut que les opérations de contrôle sont irrégulières et doivent être annulées.
La convention générale de réciprocité portant délégation de compétences en matière de contrôle entre les organismes de recouvrement signée le 14 mars 2002 prévoit que l'Urssaf du [Localité 4], signataire, délègue ses compétences notamment à toutes les Urssaf en matière de contrôle des employeurs et des travailleurs indépendants prévu à l'article L 213-1-4 ° du code de la sécurité sociale pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction.
L'article 3, consacré au champ de la délégation, prévoit que la délégation de compétences prévue à l'article 1er de la convention s'applique à toutes les opérations de contrôle des employeurs et des travailleurs indépendants visées à l'article L 243-7 du code de la sécurité sociale dans les conditions prévues à l'article R 243-59.
L'envoi de l'avis de contrôle faisant partie des opérations de contrôle, l'Urssaf de [Localité 9] avait bien reçu délégation de compétence pour l'adresser à la société.
Le moyen tiré de ce que la faculté ouverte à l'Urssaf délégataire d'adresser cet avis ne résulterait que de l'entrée en vigueur du décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016 réformant l'article R 243-59
est donc inopérant.
En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a retenu que la procédure était irrégulière et que par voie de conséquence, la mise en demeure devait être annulée.
II- 2) Sur l'irrégularité de l'avis de contrôle
La société [5] prétend que l'avis de contrôle est irrégulier, fallacieux et traduit un comportement déloyal en ce qu'il ne fait pas référence au contrôle concerté, qu'il ne vise pas les textes concernés et qu'il lui a communiqué des informations erronées le mettant dans l'impossibilité de se préparer utilement.
L'article R 243 -59 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, prévoit que tout contrôle effectué en application de l'article L 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher les infractions aux interdictions mentionnées à l'article L 324-9 du code du travail.
Cet avis mentionne qu'un document présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code, lui sera remis dès le début du contrôle et précise l'adresse électronique où ce document est consultable. Lorsque l'avis concerne un contrôle mentionné à l'article R 243-59-3, il précise l'adresse électronique où ce document est consultable et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande, le modèle de ce document, intitulé ' charte du cotisant contrôlé', est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
Il n'est justifié d'aucune contravention aux obligations prévues par ce texte, n'imposant d'ailleurs pas la mention de la délégation au titre de laquelle le contrôle sera mené par l'organisme, ceux des établissements susceptibles de faire l'objet d'un contrôle, ou encore les dispositions de l'article L225-1 du code de la sécurité sociale.
Pour le surplus, outre les mentions exigées par le texte précité, l'avis adressé à la société 21 jours avant le contrôle annoncé contient un ensemble d'informations lui ayant permis de le préparer utilement ( organisme menant le contrôle, numéro de Siren , date et heure du début de contrôle, motifs et période du contrôle, énonciation du cadre légal des vérifications opérées, présentation de la liste des documents nécessaires à la vérification devant être mis à disposition) .
La déloyauté alléguée de l'avis de contrôle n'est donc pas établie.
Le moyen tenant à son irrégularité doit être rejeté.
III - Sur la mise en demeure
La société soutient que la mise en demeure est irrégulière en ce qu'elle ne mentionne pas la date jusqu'à laquelle les versements effectués ont été comptabilisés, la mettant dans l'impossibilité de vérifier que la créance est liquide et exigible et ce d'autant qu'un versement partiel effectué le 6 décembre 2012 n'a pas été pris en compte, qu'il est donc réclamé un montant supérieur à ce qui est réellement dû.
En application des articles L 244- 2 et R 244- 1 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure, constitutive d'une invitation impérative adressée au débiteur à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé de connaître la nature, la cause et l'étendue de ses obligations. A cette fin , il est obligatoire qu'elle comporte, à peine de nullité et sans que soit exigée la preuve d'un préjudice, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent.
Il importe peu que le montant des cotisations afférentes à la période que vise la mise en demeure ait été ramené à un chiffre inférieur à celui qui y était primitivement porté, la réduction du montant de la créance de l'Urssaf n'affectant pas la connaissance par le débiteur de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.
En outre, ces dispositions ne prévoient pas à peine de nullité, la mention de la date jusqu'à laquelle les versements effectués ont été comptabilisés . Le fait qu'un versement n'ait pas été comptabilisé n'affecte donc pas la validité de la mise en demeure.
Celle - ci est donc régulière.
Le jugement déféré sera donc infirmé.
IV- Sur les chefs de redressement
IV-1) Sur le chef de redressement n° 1
Conformément à sa demande, il sera donné acte à l'Urssaf [Localité 8], venant aux droits de l'Urssaf de [Localité 3], de ce qu'elle renonce au bénéfice de ce chef de redressement.
IV-2) Sur le chef de redressement n° 2: prime de salissure : absence de justificatif
Lors des opérations de contrôle, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la société versait forfaitairement une prime de salissure à ses salariés, non soumise à cotisations sociales, dont elle ne justifiait pas de son utilisation conformément à leur objet. L'Urssaf les a donc réintégrées dans l'assiette des cotisations sociales.
La société s'y oppose faisant valoir qu'étant spécialisée dans les travaux publics, les tenues des salariés sont des vêtements de protection et de sécurité, équipés de logos et de bandes réfléchissantes, qui doivent toujours être en état de propreté, que pour des raisons pratiques, elle ne prend pas en charge leur lavage mais indemnise les salariés qui l'assurent. Elle ajoute que ces frais sont impossibles à individualiser et qu'elle est tenue au paiement de cette indemnité en vertu des accords de branche dont elle relève.
En application de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, sont soumises à cotisations toutes les sommes versées et tous les avantages accordés à un salarié en contrepartie ou à l'occasion du travail à l'exception des sommes revêtant le caractère de frais professionnels, c'est à dire les charges inhérentes à la fonction ou à l'emploi que le salarié supporte dans l'accomplissement de ses missions.
L'indemnisation de ces frais s'effectue, soit sur la base du remboursement des dépenses réellement engagées par le salarié et qui doivent être justifiées, soit sur la base d'allocations forfaitaires que l'employeur est autorisé à déduire dans les conditions fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002.
Conformément aux dispositions de l'article 2 de cet arrêté relatif aux frais professionnels, il incombe à l'employeur de prouver l'utilisation effective de l'indemnité litigieuse conformément à son objet, sans exclure la possibilité de l'apporter par tous moyens ni exiger la justification du montant exact des dépenses réelles.
En l'espèce, il n'est pas contesté que les travaux effectués par les salariés concernés sont salissants voire très salissants et nécessitent le lavage fréquent des tenues professionnelles qui constituent également des équipements de sécurité, étant précisé en outre que le versement de la prime de salissure est prévu par les accords de branche dont relève la société.
Celle - ci a fait le choix de laisser à ses salariés le soin de procéder au lavage des tenues en échange du versement d'une prime de salissure destinée à en couvrir les frais.
La société verse aux débats des attestations de salariés indiquant qu'ils procèdent eux-mêmes au lavage de leur tenue professionnelle. Ces écrits suffisent à démontrer l'utilisation de la prime de salissure conformément à son objet et l'Urssaf ne soutient pas que le montant de cette prime serait disproportionné par rapport à son utilisation supposée.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'exiger de l'employeur qu'il justifie des dépenses réellement engagées par les salariés.
Il convient donc d'annuler ce chef de redressement.
IV-3) Sur le chef de redressement n°3
La société ne fait valoir aucun moyen de contestation à son encontre.
Celui - ci sera donc maintenu.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société de sa demande de remboursement de la somme de 158 euros avec intérêts et capitalisation.
V- Sur les demandes accessoires
La société justifie avoir réglé dès le 6 décembre 2012 la somme de 158 euros au titre du chef de redressement n° 3.
L'Urssaf ne justifie pas du montant des majorations de retard dont elle demande le paiement. Sa demande sera donc rejetée.
L'Urssaf, qui succombe partiellement, supportera les dépens d'appel et sera déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a mis à la charge de l'Urssaf les dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Reçoit l'Urssaf [Localité 8], venant aux droits de l'Urssaf de [Localité 3],en son intervention volontaire et en son appel,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit recevable le recours introduit par la société [5] à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable rendue en sa séance du 25 février 2015,
- dit que l'Urssaf de [Localité 9] était compétente pour procéder au contrôle de l'établissement situé à [Localité 6],
- débouté la société [5] de sa demande de remboursement de la somme de 158 euros avec intérêts et capitalisation,
- condamné l'Urssaf de [Localité 3] aux dépens,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a:
- dit que l'Urssaf de [Localité 9] n'avait pas qualité pour adresser l'avis de contrôle,
- déclaré la procédure irrégulière,
- annulé la mise en demeure,
Statuant à nouveau et y ajoutant:
- dit que l'Urssaf de [Localité 9] avait qualité pour adresser l'avis de contrôle,
- dit que la procédure de contrôle est régulière,
- dit que la mise en demeure émise le 17 décembre 2012 par l'Urssaf de [Localité 3] est régulière,
- donne acte à l'Urssaf [Localité 8], venant aux droits de l'Urssaf de [Localité 3], de ce qu'elle renonce au bénéfice du chef de redressement n° 1 : avantage en nature véhicule- principe et évaluation,
- annule le chef de redressement n°2: prime de salissure- absence de justificatif
- maintient le chef de redressement n° 3,
- déboute l'Urssaf [Localité 8], venant aux droits de l'Urssaf de [Localité 3], de sa demande relative aux majorations de retard,
- condamne l'Urssaf [Localité 8], venant aux droits de l'Urssaf de [Localité 3], aux dépens d'appel,
- déboute l'Urssaf [Localité 8], venant aux droits de l'Urssaf de [Localité 3], de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX