AFFAIRE : N° RG 21/02481
N° Portalis DBVC-V-B7F-G2J4
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Caen en date du 30 Juin 2021 RG n° 19/00583
COUR D'APPEL DE CAEN
1ère chambre sociale
ARRÊT DU 19 JANVIER 2023
APPELANTE :
Madame [H] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 4] / France
Représentée par Me Noémie HUET, avocat au barreau de CAEN
INTIME :
Monsieur [J] [X] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la société « [C] », SARL unipersonnelle, dont le siège se situe [Adresse 2].
[Adresse 1]
Non représenté
Association UNEDIC DELEGATON AGS CGEA DE ROUEN, représentée par sa directrice nationale Madame [U] [L],
[Adresse 3]
Représentés par Me SALMON, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur
Mme PONCET, Conseiller,
Mme VINOT, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 03 novembre 2022
GREFFIER : Mme ALAIN
ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 19 janvier 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prolongation du délibéré fixé au 5 janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier
Le 8 décembre 2017, Mme [Y] a été engagée verbalement par la Sarl [C] en qualité de vendeuse en boulangerie à temps complet et moyennant un salaire brut de 1522.77 €. Elle était alors la compagne de M. [C] gérant de la société ;
Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 4 septembre 2019 et n'a pas repris son travail ;
La société a été placée en redressement judiciaire le 3 mars 2020, puis en liquidation judiciaire le 4 novembre 2020 ;
Par lettre du 16 novembre 2020, Maître [X] liquidateur judiciaire de la société [C] a convoqué Mme [Y] à un entretien préalable fixé du 25 novembre suivant et l'a licenciée pour motif économique par lettre recommandée du 26 novembre 2020 ;
Le 1er décembre 2020, Mme [Y] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle ;
Entre temps, se plaignant d'heures supplémentaires non payées, de harcèlement moral et d'un licenciement verbal le 10 août 2019, sollicitant en outre la résiliation judiciaire de son contrat de travail, elle a saisi le 19 novembre 2019 le conseil de prud'hommes de Caen lequel par jugement rendu le 30 juin 2021 a débouté Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens ;
Par déclaration au greffe du 28 août 2021, Mme [Y] a formé appel de cette décision qui lui avait été notifié le 4 août 2021 ;
Par conclusions n°2 remises au greffe le 2 février 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, Mme [Y] demande à la cour de :
- infirmer le jugement
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl [C] les sommes suivantes :
-rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 3 363.39 €
- congés payés afférents : 336.34 €
- indemnité pour travail dissimulé : 14 595.93 €
- dommages et intérêts pour non-respect de la durée du travail : 5 000 €
- dommages et intérêts pour harcèlement moral : 25 000 €
- remboursement de l'emprunt : 6 676.74 €
- indemnité compensatrice de préavis : 2.364,86 € bruts
- congés payés afférents : 236,49 € bruts
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 23.000 € nets
- dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure : 2.364,86 € nets.
- à titre subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et fixer au passif les mêmes sommes au titre de l'indemnité de préavis et congés payés et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- en tout état de cause
- débouter Me [X] et l'AGS CGEA de leurs éventuelles demandes ;
- déclarer la décision opposable à l'AGS CGEA et l'a condamnée à prendre en charge les sommes fixées au passif sauf l'indemnité de procédure ;
- condamner Me [X] à lui régler une somme de 4800 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Par conclusions remises au greffe le 3 novembre 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, l'AGS CGEA demande à la cour de :
- à titre principal,
- débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes,
- à titre subsidiaire,
- réduire les demandes dans les plus amples proportions,
- en tout état de cause,
- mettre hors de cause l'AGS sur la demande au titre du remboursement du prêt,
- à titre infiniment subsidiaire,
- si la Cour fait droit à la demande au titre de la résiliation judiciaire, mettre hors de cause l'AGS sur l'intégralité des sommes qui pourraient être accordées à X au titre de la rupture du contrat travail,
- mettre hors de cause l'AGS CGEA sur les demandes présentées quant à la remise d'un document sous astreinte et sur le paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- rejeter la demande d'exécution provisoire,
- déclarer la décision à intervenir opposable à l'AGS CGEA de ROUEN dans les seules limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 3253-6 et L3253-8 et suivants du Code du Travail et des articles D3253-5 et suivants du Code du Travail, les seules créances garanties étant celles découlant de l'exécution du contrat de travail. La garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail. ;
Maître Lizé, qui s'est vu signifier par actes des 25 octobre et 8 novembre 2021 délivrés autrement qu'à personne la déclaration d'appel et les conclusions, n'a pas constitué avocat ;
Il a adressé un courrier au greffe de la cour le 2 novembre 2021 indiquant qu'il n'avait pas les moyens de constituer avocat ;
MOTIFS
I - Sur les heures supplémentaires
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ;
La salariée produit aux débats un décompte établi semaine par semaine du 11 décembre 2017 jusqu'au 11 août 2019 inclus, mentionnant la réalisation de 3 heures supplémentaires par semaine correspondant à des tâches de secrétariat pour 2h30 par semaine, puis à compter du 4 mars 2019, 3.30 heures supplémentaires correspondant outre les tâches de secrétariat à une augmentation des tâches de boulangerie ;
Elle indique également dans ses conclusions que la boulangerie était ouverte les lundis, jeudi, vendredi, samedi et dimanche de 7h à 19h30 et de 7h30 à 19h30 le dimanche (12.5 pendant 4 jours et 12 heures le dimanche) soit 62 heures par semaines, précisant qu'une autre vendeuse travaillait 22h30 par semaine, soit un horaire hebdomadaire de 39.30 heures pour elle ;
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments ;
L'AGS CGEA se limite à soutenir que les éventuelles fonctions de secrétariat et/ou de gestion correspondent à l'activité complémentaire de conjoint collaborateur non rémunéré voire de l'entraide familiale ;
Toutefois, l'analyse des bulletins de salaire démontre que la salariée percevait chaque mois une prime de secrétariat de 260 € ce qui exclut toute activité en qualité de conjoint collaborateur ou d'entraide familiale, laquelle ne repose en toute état de cause sur aucun élément ou pièce ;
Les bulletins de salaire produits aux débats mentionnent une durée de travail de 151.67 heures et la réalisation chaque mois d'heures supplémentaires à hauteur de 17.33 heures majorées à 25% ;
Le décompte produit par la salariée n'est pas dans son quantum discuté y compris à titre subsidiaire.
Il convient ainsi par infirmation du jugement de lui allouer une somme de 3 363.39 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées entre le 11 décembre 2017 et le 11 août 2019 inclus, ainsi que celle de 336.34 € au titre des congés payés afférents ;
II - Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales relatives au temps de travail
La salariée fait valoir qu'elle a travaillé de 7h à 19h voir 19h30 sans bénéficier du temps de pause de 20 minutes après 6 heures de travail ;
L'AGS CGEA oppose l'absence de tout manquement et du préjudice causé par lui ;
La salariée n'est pas utilement contestée lorsqu'elle soutient qu'elle travaillait seule comme vendeuse de 7h à 19h ;
Il appartient alors à l'employeur de rapporter la preuve qui lui incombe que la salariée a été remplie de son droit à la pause ;
L'AGS CGEA n'indique pas en quoi la salariée pouvait prendre son temps de pause de 20 minutes après 6 heures de travail, et ne produit à fortiori aucun élément en ce sens ;
La salariée fait valoir qu'elle s'est investie dans ses fonctions et a respecté les instructions de M. [C] ce qui l'a épuisé tant psychologiquement que physiquement. Elle caractérise ainsi un préjudice qui sera réparé par une somme de 1000 € ;
III - Sur le travail dissimulé
La salariée soutient que l'employeur a profité de l'influence qu'il avait sur elle pour lui faire réaliser de nombreuses heures de travail, qu'il a versé une prime sans se préoccuper des heures effectuées au titre de cette tâche ;
L'AGS CDEA conteste tout intention frauduleuse rappelant que la salariée dit elle-même s'être investie compte tenu des liens l'unissant à l'employeur ;
En application de l'article L8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment « de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ». Elle n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a de manière intentionnelle mentionné sur le bulletin de paie un nombre inférieur ;
Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires ;
En l'espèce, il n'est pas établi que l'employeur ait pu constater que la salariée effectuait les heures de secrétariat en dehors des 39.30 heures figurant sur les bulletins de salaire, d'autant que la salariée indique elle-même qu'il gérait deux boulangeries et n'était pas systématiquement présent ;
Le caractère intentionnel de la dissimulation n'est donc pas caractérisé ;
La demande sera par confirmation du jugement rejetée ;
IV- Sur le licenciement verbal
La salariée considère qu'elle a été licenciée verbalement le 10 août 2019, après qu'elle ait rompu sa relation sentimentale avec M. [C] et produit aux débats des extraits de sms que ce dernier lui a envoyé ;
Ainsi, dans un sms du 8 août 2019, il lui indique « ('..) tu gâches tout pour si peu je suis vachement triste extrêmement triste évidement mais je respecte ta décision je vais demander à la comptable qu'elle te prépare ton contrat (') comme tu as bien travaillé je pense que tu as le droit au moins 2 ans de chômage » ;
De même, l'extrait du sms du 12 août 2019, par lequel il indique « Tu fais préparer ton contrat de fin de travail pour la rentrée » ;
Dans un extrait de son compte Facebook du 14 août 2019, M. [C] indique à ses « amis » être à la recherche d'une vendeuse à 35 heures ;
Or Mme [Y] a systématiquement masqué les messages qu'elle a elle-même adressé à M. [C], si bien qu'il n'est pas possible de savoir ce à quoi M. [C] répond. Notamment pour le sms du 8 août qui peut s'analyser comme une réponse à l'annonce de Mme [Y] de rompre la relation sentimentale mais également de rompre aussi la relation professionnelle ;
Ces messages sont donc insuffisants pour caractériser une volonté de M. [C] de rompre le contrat de travail de Mme [Y] ;
De même, le fait qu'il lui dise dans un sms du 18 août « je te donnerai ton solde de tout compte dans trois mois », ne révèle en rien qu'il soit à l'origine de la rupture du contrat de travail, cette origine ne pouvant au vu de ce qui précède être déterminée avec certitude. Au surplus, dans le courrier du 30 octobre 2019 adressé par son conseil à M. [C], il était indiqué que Mme [Y] n'avait pas été destinataire de ses documents de fin de contrat ;
Au vu de ces éléments, il convient de débouter par confirmation du jugement Mme [Y] de ses demandes en lien avec un licenciement verbal ;
V - Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Selon l'article L.1154-1 (dans sa rédaction issue de la loi N°2016-1088 du 08/08/2016) du même code , le salarié a la charge de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Les éléments de fait laissant supposer une situation de harcèlement moral au travail sont caractérisés, lorsqu'ils émanent de l'employeur, par des décisions, actes ou agissements répétés, révélateurs d'un abus d'autorité, ayant pour objet ou pour effet d'emporter une dégradation des conditions de travail du salarié dans des conditions susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
La salariée invoque les faits suivants :
- la réalisation d'heures supplémentaires
- le non-respect du temps de pause
Au vu de ce qui vient d'être jugé, ces deux faits sont établis ;
- la pression de M. [C] qui était son compagnon pour qu'elle contracte un prêt destiné à combler le découvert de sa société en décembre 2018 ;
Il est établi que Mme [Y] a souscrit un prêt de 7500 € le 13 décembre 2018 auprès du Crédit Mutuel remboursable en 60 mensualités de 139.31 € ;
Le fait que la somme prêtée soit destinée à M. [C] ne résulte d'aucune pièce mais il est établi par les échanges de sms et les relevés de compte que celui-ci réglait l'échéance de ce prêt ;
Toutefois, Mme [Y] ne produit aucun élément ou pièce de nature à établir une quelconque contrainte de ce dernier pour qu'elle accepte ce prêt ;
Elle établit des retards depuis le mois de septembre 2019 dans le règlement des échéances, laissant à sa charge des frais même si l'échéance était finalement réglée mais n'établit pas que les échéances ne sont plus réglées depuis le mois de décembre 2019 ;
Ce fait n'est donc pas établi ;
- la rupture de leur relation sentimentale compte tenu de l'adultère de M. [C] et la rupture immédiate par ce dernier de son contrat de travail ;
Il a été jugé que le licenciement verbal n'était pas établi ;
- comportement menaçant de M. [C] envers elle et ses enfants ;
La salarié se fonde sur des sms adressés par M [C] qui relèvent de la rupture de leur relation personnelle et dont les propos ne caractérisent aucune menace concrète envers Mme [Y] et encore moins envers ses enfants. Ainsi, le sms du 14 août est relatif au conflit sur le remboursement du crédit contracté par Mme [Y], celui du 18 août dans lequel M. [C] indique « je vais venir les chercher je vais inscrire ma fille à [Localité 4], tu as déjà beaucoup de chance que je ne porte pas plainte contre toi je te laisse jusqu'à demain pour me rendre mes affaires » est lié au refus de Mme [Y] de lui restituer ces affaires ;
Ce fait ne sera pas retenu ;
- un certificat médical du 19 août 2019 de son médecin généraliste qui a constaté qu'elle présente des signes d'angoisse avec épisode de panique et des symptômes anxio depressifs, et qui rapporte les propos de Mme [Y] quant au harcèlement qu'elle indique subir ;
De ce qui vient d'être exposé, les faits établis relatifs à l'existence d'heures supplémentaires non payés et au non-respect du droit de pause, pris dans leur ensemble et en dépit des éléments médicaux, ne sont pas suffisants pour faire présumer d'un harcèlement moral ;
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;
VI- Sur la demande en remboursement du solde du prêt
La salariée ne développe aucun moyen au soutien de cette demande à laquelle l'AGS CGEA s'oppose puisqu'elle ne garantit que les sommes de nature salariale et liées à un contrat de travail ;
Comme il a été relevé ci-avant la salariée n'établit pas, même si M. [C] rembourse les échéances du prêt, que le prêt ait été affecté pour son entreprise ;
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;
VII - Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
La salariée invoque le non-paiement des heures supplémentaires, la non-respect des durées minimales de repos, le harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité et le comportement déloyal.
L'AGS CGEA demande dans cette hypothèse sa mise hors de cause pour les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail au motif qu'il s'agit d'une rupture à l'initiative de la salariée et non du mandataire ;
La salariée ne répond pas sur ce point ;
En l'occurrence, les manquements liés au non-paiement des heures supplémentaires, au non-respect du droit au repos sont établis. Au vu de ce qui a été précédemment jugé, le harcèlement moral n'a été retenu, et le manquement à l'obligation de sécurité et le comportement déloyal reproché ne sont pas développés ;
Les deux premiers manquements compte tenu notamment de leur durée, constituent des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ;
Il convient ainsi par infirmation du jugement de prononcer la résiliation judiciaire au tort de l'employeur, la rupture étant fixée au 26 novembre 2020 date du licenciement ;
Produisant tous les effets d'un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse, la résiliation judiciaire ouvre doit pour la salariée aux indemnités de rupture ;
Les droits de la salariée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, non contestés dans leur quantum, seront précisés au dispositif de l'arrêt ;
Elle ouvre droit également à des dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 ;
C'est en vain que la salariée sollicite que cette disposition soit écartée en application de l'article 24 de la Charte et de l'article 10 de la convention n°158 de l'organisation internationale du travail ;
En effet, d'une part, eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de la charte sociale européenne révisée, les dispositions de l'article 24 de celle-ci ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ;
D'autre part, aux termes de l'article 10 de la Convention n°158 de l'organisation internationale du travail (OIT), les organismes mentionnés à l'article 8 de la convention doivent, s'ils arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée, que ces stipulations sont d'effet direct en droit interne, que selon la décision du Conseil d'administration de l'OIT le terme 'adéquat' visé à l'article 10 signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi ;
Or, les dispositions des articles L.1235-3, L.1235-3-1 et L.1235-4 du code du travail, et notamment celles de l'article L.1235-3 qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 précité avec les stipulations duquel elles sont compatibles ;
En conséquence, le salarié peut prétendre, au vu de son ancienneté de 2 années complètes et de la taille de l'entreprise inférieure à 11 salariés, à une indemnité comprise entre 0.5 et 3.5 mois de salaire brut, soit une indemnité maximale de 8277.01 € ;
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, Mme [Y] justifiant percevoir une allocation Pôle Emploi depuis le mois de février 2021, il convient de lui allouer une indemnité de 7000€ ;
En ce qui concerne la garantie de l'AGS CGEA, il convient de rappeler que les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail, s'entendent d'une rupture à l'initiative de l'administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur, c'est qui n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'il a été fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formée par la salariée ;
Dès lors, il convient de considérer que la garantie de l'AGS CGEA n'est pas due pour les sommes en lien avec la rupture du contrat de travail ;
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront infirmées ;
Les dépens de première instance et d'appel seront fixés au passif de la liquidation judiciaire ;
Une indemnité de 2500 € sera allouée à Mme [Y] et fixée au passif de la liquidation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement rendu le30 juin 2021 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ses dispositions relatives au travail dissimulé, au harcèlement moral, au solde du crédit souscrit par Mme [Y] et au licenciement verbal ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la Sarl [C]
Fixe la créance de Mme [Y] au passif de la liquidation judiciaire de la société Sarl [C] aux sommes de :
- 3 363.39 € au titre des heures supplémentaires
- 336.34 € à titre de congés payés afférents
- 1000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause
- 2364.86 € à titre d'indemnité de préavis
- 236.49 € à titre de congés payés afférents
- 7000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Dit que la garantie de l'AGS CGEA n'est pas due pour les sommes en lien avec la rupture du contrat de travail ;
Déclare dans cette limite l'AGS tenue dans les termes des articles L 3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles ;
Fixe les dépens de première instance et d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la société Sarl [C] ;
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;
Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. ALAIN L. DELAHAYE