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19/01/2023 | FRANCE | N°21/01987

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 19 janvier 2023, 21/01987


AFFAIRE : N° RG 21/01987

N° Portalis DBVC-V-B7F-GZIE

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LISIEUX en date du 23 Juin 2021 - RG n° F19/00083









COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 19 JANVIER 2023



APPELANTE :



Madame [T] [S]

[Adresse 3]



Représentée par Me Karine FAUTRAT, avocat au barreau de CAEN





INTIMES :

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Monsieur [V] [K]

[Adresse 4]



S.A.R.L. FHB Prise en la personne de Maître [U] [R] ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde prise en son établissement de [Localité 5] domiciliée en cette qualité ...

AFFAIRE : N° RG 21/01987

N° Portalis DBVC-V-B7F-GZIE

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LISIEUX en date du 23 Juin 2021 - RG n° F19/00083

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 19 JANVIER 2023

APPELANTE :

Madame [T] [S]

[Adresse 3]

Représentée par Me Karine FAUTRAT, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur [V] [K]

[Adresse 4]

S.A.R.L. FHB Prise en la personne de Maître [U] [R] ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde prise en son établissement de [Localité 5] domiciliée en cette qualité [Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentés par Me Vanessa LEMARECHAL de la SARL LEXO AVOCATS, avocat au barreau de LISIEUX

DEBATS : A l'audience publique du 14 novembre 2022, tenue par Mme VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller, rédacteur

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 19 janvier 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Mme [S] a été embauchée en qualité de vendeuse par M. [K] exploitant une boutique de prêt à porter [Adresse 6] pour la durée déterminée du 23 juin au 31 juillet 2014, prorogée jusqu'au 9 puis jusqu'au 11 septembre 2014.

À compter du 14 novembre 2014, Mme [S] a été embauchée à durée indéterminée en qualité de vendeuse.

À compter du 1er janvier 2017 elle est devenue chef adjoint de magasin.

Elle a connu des arrêts de travail à compter du 1er avril 2017 et le 20 juin 2017 elle a pris acte de la rupture du contrat de travail.

Le 11 juin 2019, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Lisieux aux fins d'obtenir paiement d'un rappel de salaire pour heures effectuées le dimanche et des jours fériés, une indemnité pour contrepartie en repos non prise, voir juger que la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir paiement de diverses indemnités à ce titre.

Par jugement du 9 mars 2018 le tribunal de commerce avait prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de M. [K] et désigné la selarl Beuzeboc en qualité de mandataire judiciaire et la selarl FHB en qualité d'administrateur judiciaire et par jugement du 12 juin 2019 il a prononcé l'adoption d'un plan de sauvegarde et désigné la selarl FHB en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 23 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Lisieux a :

- débouté Mme [S] de sa demande de paiement des jours de travail le dimanche et d'attribution d'un repos compensateur par jour travaillé le dimanche

- condamné M. [K] à payer à Mme [S] la somme de 1 146,80 euros au titre des jours fériés majorés et la somme de 114,68 euros à titre de congés payés afférents

- débouté Mme [S] de sa demande de revalorisation des salaires, de sa demande de requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de ses demandes d'indemnités au titre du licenciement

- condamné Mme [S] à payer à M. [K] la somme de 3 689,50 euros à titre d'indemnité de préavis

- débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- laissé à la charge respective des parties les dépens de l'instance.

Mme [S] a interjeté appel de ce jugement, en celles de ses dispositions l'ayant déboutée de ses demandes au titre du rappel de salaire pour dimanches, de la contrepartie en repos, de revalorisation de ses salaires, de sa demande de voir dire que la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de ses demandes au titre du licenciement et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ayant limité la condamnation au titre des jours fériés à 1 146,80 euros et l'ayant condamnée au paiement d'une indemnité de préavis et à partie des dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 18 février 2022 pour l'appelante et du 9 décembre 2021 pour l'intimé.

Mme [S] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en celles de ses dispositions l'ayant déboutée de ses demandes au titre du rappel de salaire pour dimanches, de la contrepartie en repos, de revalorisation de ses salaires, de sa demande de voir dire que la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de ses demandes au titre du licenciement et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ayant limité la condamnation au titre des jours fériés à 1 146,80 euros et l'ayant condamnée au paiement d'une indemnité de préavis et à partie des dépens

- condamner M. [K] à lui payer les sommes de :

- 12 929,09 euros à titre de rappel de salaire pour heures de travail les dimanches et jours fériés

- 1 292,91 euros à titre de congés payés afférents

- 10 566,25 euros à titre d'indemnité pour contrepartie en repos non prise

- 1 231,67 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 4 478,86 euros à titre d'indemnité de préavis

- 447,79 euros à titre de congés payés afférents

- 14 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- débouter M. [K] de sa demande au titre de l'indemnité de préavis

- à titre subsidiaire limiter la durée du préavis à 1 mois

- rejeter la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

- condamner M. [K] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [K] et la selarl FHB ès qualités de liquidateur de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde demandent à la cour de :

- confirmer le jugement

- en conséquence débouter Mme [S] de toutes ses demandes

- subsidiairement dire que le rappel pour jours fériés ne pourra excéder 1 172,43 euros

- condamner Mme [S] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 26 octobre 2022.

SUR CE

1) Sur le travail le dimanche

Mme [S] fait valoir qu'en qualité de chef adjoint de magasin elle travaillait quasiment tous les dimanches, que l'employeur s'est contenté de la rémunérer des heures effectuées au taux normal et non majoré de 100% et ne l'a pas fait bénéficier d'une journée de repos compensateur par dimanche travaillé.

Chacune des parties cite des dispositions légales ou conventionnelles dont toutes n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce.

Le contrat ayant été rompu en juin 2017, les dispositions de la loi du 6 août 2015 ne reçoivent pas application dès lors que l'entrée en vigueur de cette loi a été reportée, s'agissant des contreparties du travail le dimanche, au 1er août 2018 et, sur ce point, les parties s'accordent.

Reçoivent donc application les dispositions légales existant jusqu'à l'entrée en vigueur de cette loi.

N'étant pas contesté que la commune de Deauville était classée commune d'intérêt touristique depuis 1994, les établissements de vente au détail non alimentaires n'avaient besoin d'aucune autorisation administrative pour faire travailler leurs salariés le dimanche et bénéficiaient d'une dérogation à titre permanent, la loi ne prévoyant aucune contrepartie spécifique.

Cependant, cette absence de référence à une contrepartie dans la loi n'excluait pas que des stipulations conventionnelles puissent prévoir une contrepartie, notamment financière.

En l'espèce, Mme [S] fait état d'un avenant du 13 octobre 1989 relatif aux dispositions particulières au Calvados ajouté à la convention collective nationale du commerce de détail de l'habillement et articles textiles, étendu par arrêté du 14 octobre 1990, aux termes duquel les heures effectuées le dimanche seront payées double, le salarié bénéficiant en outre d'une journée de repos compensatrice.

Les intimés indiquent en réponse que les dispositions de la convention collective ne sauraient, en application du principe de spécialité, faire échec aux dispositions qu'ils rappellent, dispositions qui sont celles de la loi du 6 août 2015 dont ils indiquent eux-mêmes que son application a été retardée au 1er août 2018 et l'attestation de la fédération nationale de l'habillement qu'ils produisent confirme que si les contreparties n'étaient pas obligatoires avant le 1er août 2018 elles pouvaient cependant avoir été prévues par un usage ou un accord d'entreprise ou un accord territorial.

Dès lors, en application de l'avenant précité, la réclamation d'une majoration de 100% pour les dimanches travaillés et l'octroi d'une contrepartie d'un jour par dimanche travaillé est justifiée dans son principe, le seul fait que Mme [S] n'ait pas formé de réclamation pendant le cours du contrat ni n'ait évoqué cette question lors de la prise d'acte n'étant pas de nature à faire échec à la demande.

S'agissant du montant réclamé, Mme [S] présente un tableau sur lequel elle a mentionné pour chaque dimanche ses heures de début et fin d'activité matin et après-midi, outre des plannings et deux attestations émanant pour l'une d'un employé du restaurant situé juste en face de la boutique déclarant confirmer que Mme [S] était présente chaque dimanche en boutique et d'une personne affirmant que Mme [S] a travaillé les dimanches mais sans indiquer en quelle qualité il atteste.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.

Celui-ci indique que Mme [S] 'ne tient pas compte du temps de travail effectif' mais n'indique pas en quoi le temps mentionné n'était pas du temps de travail effectif et ne détaille pas autrement cet argument.

Il indique en outre que Mme [S] ne tient pas compte des dimanches qui n'ont pas été travaillés conformément aux plannings qu'elle produit, ne citant à cet égard que deux dimanches, à savoir le 18 septembre 2016 date pour laquelle Mme [S] ne comptabilise en réalité aucune heure et le 6 novembre 2016 date pour laquelle le planning produit ne prévoit effectivement pas la présence de Mme [S].

En conséquence, Mme [S] ne justifiant pas qu'elle pouvait parfois être contactée par son employeur pour travailler alors qu'elle n'était pas programmée, seul ce dimanche n'est pas du et la réclamation est fondée à hauteur de 11 398,89 euros pour les majorations de dimanches et à hauteur de 10 482,67 euros pour les repos compensateurs.

2) Sur les jours fériés

Mme [S] fait valoir qu'elle travaillait l'essentiel des jours fériés, que l'employeur s'est contenté de la rémunérer des heures effectuées au taux normal et non majoré de 100% alors que la convention collective de l'habillement et des articles textiles énonce que lorsqu'un jour férié est travaillé les heures effectuées ledit jour férié sont majorées de 100% mais ne peuvent être récupérées.

Aucune contestation n'est élevée sur l'application de cette stipulation.

Les premiers juges ont expressément indiqué quels jours fériés ils considéraient comme travaillés et Mme [S] n'élève aucune critique de sorte que le jugement sera sur ce point confirmé.

3) Sur la rupture

Mme [S] fait valoir les manquements suivants de l'employeur : non-paiement des majorations de salaire et non attribution du repos compensateur le dimanche, non-respect des repos hebdomadaires et quotidiens, manquements renouvelés à l'obligation d'exécuter de bonne foi du contrat de travail.

Sur ces derniers points, elle soutient qu'elle était soumise à une pression constante de l'employeur qui ne cessait de lui donner des ordres et directives et de la contacter pour des raisons liées à son emploi pendant ses temps de repos, ses jours de repos, ses arrêts maladie et à toute heure du jour et de la nuit, remettant en cause ses choix et la légitimité de ses arrêts de travail, ce qui a conduit à la dégradation de son état de santé.

Elle verse aux débats des échanges de SMS et mails et des attestations.

S'agissant des échanges de SMS et mails elle en produit une vingtaine pour la période allant de juillet 2014 à avril 2017 et n'en commente précisément que deux, un SMS du samedi 19 septembre 2015 à 20h47 lui indiquant n'avoir pas reçu les chiffres de vendredi et samedi, l'employeur s'excusant ensuite de n'avoir pas réussi à se mettre dans la tête qu'elle avait droit à des vacances bien méritées et un SMS du 12 juillet 2014 qui ne saurait être lu comme un reproche pendant un arrêt maladie, M. [K] se contentant d'indiquer qu'il espère qu'elle va mieux et lui demandant des chiffres de vente sans qu'il soit établi qu'elle était encore alors en arrêt de travail.

Pour le surplus Mme [S] observe simplement les heures tardives de certains messages, ce qui est exact mais sans qu'il se déduise du contenu de ces messages qu'une réponse immédiate était attendue, notamment s'agissant de ceux de 6h21 et 1h29 dont il ne peut raisonnablement être soutenu que l'employeur en attendait une réponse par retour.

Et elle n'argumente pas autrement sur le contenu des mails.

S'agissant de la charge de travail elle l'évoque en termes généraux en indiquant qu'elle était 'très importante' sans faire état de ses horaires précis ni de la réalisation d'heures supplémentaires de sorte que les attestations de membres de sa famille (son beau-frère, sa soeur et sa mère) qui s'expriment en termes généraux sur les 'dépassements' ou ne citent que ponctuellement des fins de travail à 20h45 ou ne font que relater le ressenti exprimé par Mme [S] sont insuffisantes à faire la preuve d'un manquement de l'employeur à cet égard.

Mme [S] produit certes le certificat d'un médecin ayant posé un diagnostic de syndrome anxieux généralisé réactionnel suite à une doléance relative à une situation de souffrance psychique reliée au travail mais ce seul élément n'est pas suffisant à établir la réalité des graves manquements de l'employeur prétendus, étant encore observé que Mme [S] ne conteste en rien les observations de l'employeur relatives au fait qu'elle a bénéficié de formations, d'un séjour de vacances gratuit au Maroc et d'une recommadation auprès d'un autre employeur potentiel.

Pour autant, il a été exposé ci-dessus que l'absence de paiement des salaires et contreparties dus pour les dimanches et jours fériés travaillés était avérée et compte tenu de la proportion dans laquelle elle l'a été sur plusieurs années consécutives, le manquement doit être jugé comme empêchant la poursuite du contrat et justifiant que la rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ceci ouvre droit au paiement d'une indemnité de préavis et du solde d'indemnité de licenciement réclamé sur la base d'un salaire mensuel énoncé par Mme [S] comme étant de 2 239,43 euros et non contesté par l'employeur.

Ceci ouvre droit en outre au paiement de dommages et intérêts en application de l'article L.1235-5 dans sa version applicable à la date du licenciement en considération de l'ancienneté et du nombre de salariés inférieur à 11.

Compte tenu de l'ancienneté, du salaire perçu et de ce que Mme [S] a retrouvé un emploi peu après la rupture les dommages et intérêts seront évalués à 6 500 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions ayant condamné M. [K] à payer à Mme [S] la somme de 1 146,80 euros au titre des jours fériés majorés et celle de 114,68 euros à titre de congés payés afférents.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne M. [K] à payer à Mme [S] les sommes de :

- 11 398,89 euros pour les majorations de dimanches

- 1 139,88 euros à titre de congés payés afférents

- 10 482,67 euros à titre de repos compensateurs

- 1 231,67 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 4 478,86 euros à titre d'indemnité de préavis

- 447,79 euros à titre de congés payés afférents

- 6 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne le remboursement par M. [K] à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [S] dans la limite de 1 mois d'indemnités.

Condamne M. [K] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01987
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;21.01987 ?
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