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12/01/2023 | FRANCE | N°21/02353

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 12 janvier 2023, 21/02353


AFFAIRE : N° RG 21/02353

N° Portalis DBVC-V-B7F-G2BE

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTAN en date du 20 Juillet 2021 - RG n° F19/00110









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 12 JANVIER 2023





APPELANTE :



Madame [O], [B], [K] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Mme [Y] [D], défenseu

r syndical





INTIMEE :



Association ADMR DE [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Thierry SABLE, avocat au barreau d'ALENCON





DEBATS : A l'audience publique du 07 novembre 2022, ten...

AFFAIRE : N° RG 21/02353

N° Portalis DBVC-V-B7F-G2BE

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTAN en date du 20 Juillet 2021 - RG n° F19/00110

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 12 JANVIER 2023

APPELANTE :

Madame [O], [B], [K] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Mme [Y] [D], défenseur syndical

INTIMEE :

Association ADMR DE [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Thierry SABLE, avocat au barreau d'ALENCON

DEBATS : A l'audience publique du 07 novembre 2022, tenue par Mme PONCET, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 12 janvier 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYSE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [O] [W] a travaillé comme agent à domicile pour l'association ADMR (Aide à domicile en milieu rural) de [Localité 4] dans le cadre de 4 contrats à durée déterminée du 5 juillet au 27 août 2017 puis, en contrat à durée indéterminée du 28 août au 7 septembre 2017, date à la quelle elle a démissionné, enfin, dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée de septembre 2017 jusqu'au 4 août 2019.

Le 27 novembre 2019, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Argentan pour demander, en dernier lieu, la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le versement d'une indemnité de requalification, pour voir dire que la fin du dernier contrat à durée déterminée s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir des indemnités de rupture et des dommages et intérêts. Elle a également sollicité le paiement des heures non travaillées entre les contrats et un rappel de salaire à temps plein au titre de 5 des contrats à durée déterminée.

Par jugement du 20 juillet 2021, le conseil de prud'hommes a dit irrecevable la demande de requalification du contrat à durée déterminée du 7 août 2017, a débouté Mme [W] de toutes ses demandes et l'a condamnée à verser 100€ à l'association ADMR de [Localité 4] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [W] a interjeté appel du jugement.

Vu le jugement rendu le 20 juillet 2021 par le conseil de prud'hommes d'Argentan

Vu les dernières conclusions de Mme [W], appelante, communiquées et déposées le 10 juin 2022, tendant à voir le jugement réformé et à voir l'association ADMR de [Localité 4] condamnée à lui verser : 1 600€ d'indemnité de requalification, 2 062,63 € (outre les congés payés afférents) d'indemnité compensatrice de préavis, 728,68€ d'indemnité de licenciement, 4 203,93€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 13 502,78€ (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire pour les heures non travaillées entre les contrats, 2 000€ (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire sur la base d'un temps plein au titre de 5 contrats à durée déterminée, 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et tendant à voir l'association ADMR de [Localité 4] condamnée à lui remettre sous astreinte 'des bulletins de paie conformes pour chaque mois où ils ne sont pas conformes à un temps plein', un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes

Vu l'ordonnance du 25 mai 2022 par laquelle le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées par l'association ADMR de [Localité 4]

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 19 octobre 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l'exécution du contrat de travail

1-1) Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Mme [W] demande la requalification des contrats à durée déterminée parce que deux de ces contrats à durée déterminée (ceux des 7 août 2017 et 27 septembre 2018) mentionnent le remplacement de plusieurs salariés, parce qu'un des contrats ne précise pas le nom de la salariée absente (contrat du 14 mai 2018), parce que l'association ADMR de [Localité 4] ne justifie pas du surcroît d'activité motivant le recours à un contrat à durée déterminée (contrat du 7 janvier 2019).

Le conseil de prud'hommes a déclaré cette demande irrecevable car prescrite.

Le délai de prescription applicable aux actions tendant à la requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est de deux ans. Ce délai court à partir du moment où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître son droit.

Sauf en ce qui concerne le contrat du 7 janvier 2019, la requalification est réclamée à raison d'éléments figurant dans le contrat. Dès lors, la salariée pouvant connaître son droit à la lecture du contrat, le délai de prescription court à compter de la date du contrat.

La prescription a été interrompue le 27 novembre 2019, quand Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes. En conséquence, la demande de requalification portant sur le contrat conclu le 7 août est prescrite. En revanche, la demande de requalification portant sur les autres contrats ci-dessus mentionnés n'est pas prescrite.

Le premier de ces contrats est celui du 14 mai 2018. Le nom de la salariée remplacée ne figure pas dans le contrat puisque c'est le nom de Mme [W] qui a, par erreur, été mentionné aux titres à la fois de la salariée remplacée et de la salariée embauchée en contrat à durée déterminée. Il y a lieu, en conséquence, de requalifier, à compter du 14 mai 2018, la relation de travail en contrat à durée indéterminée.

Mme [W] est fondée à obtenir une indemnité de requalification. Son montant sera fixé en fonction du salaire prévu dans le dernier contrat à durée déterminée soit 1 409,22€.

1-2) Sur la requalification à temps complet

Le délai de prescription de cette demande tendant à obtenir un rappel de salaire est de trois ans. En conséquence, quelque soit la période visée, cette demande n'est pas prescrite, l'intégralité de la relation contractuelle s'étant déroulée moins de trois ans avant la saisine du conseil de prud'hommes.

Mme [W] fait valoir que, pour cinq des contrats à durée déterminée conclus, aucun planning ne lui a été remis au moment de la conclusion du contrat si bien qu'elle n'était pas en mesure de connaître son rythme de travail. Elle indique que l'association ADMR de [Localité 4] a reconnu cette absence de planning et indiqué qu'il était dû au fait que Mme [W] avait été embauchée en remplacement d'urgence. Il ressort des mentions du jugement que ce point n'a en effet pas été contesté par l'association ADMR de [Localité 4] qui s'est contentée d'indiquer que Mme [W] avait alors la possibilité de refuser l'offre.

Mme [W] demande la requalification à temps complet de contrats conclus selon elle du 5 au 9 juillet 2017, du 28 août au 24 septembre 2017, du 12 au 25 mars 2018, du 9 avril au 30 juin 2018 et du 29 avril au 2 juin 2019.

La plupart de ces dates ne correspondent pas aux contrats produits. Ainsi, il n'existe pas de contrat :

- du 5 au 9 juillet 2017 mais un contrat du 6 au 13 juillet

- du 28 août au 24 septembre 2017 mais un contrat du 28 août au 30 septembre

- du 9 avril au 30 juin 2018 mais quatre contrats et seulement pour la période du 9 avril au 10 juin 2018

- du 29 avril au 2 juin 2019 mais deux contrats du 1er au 30 avril et du 1er au 30 juin (sans contrat pour le mois de mai).

En conséquence, les dates alléguées des contrats pour lesquels aucun planning n'aurait été remis étant inexactes, la cour n'est pas en mesure de rattacher les manquements allégués à un contrat existant. Mme [W] sera donc déboutée de sa demande en ce qu'elle porte sur ces quatre contrats.

Le contrat du 12 au 25 mars 2018 dont Mme [W] fait état existe bien. Il s'agit toutefois d'un contrat conclu à temps plein. Sa demande de requalification est donc sans objet.

1-3) Sur le rappel de salaire au titre des périodes intercalaires

Mme [W] demande un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles non travaillées entre deux contrats à durée déterminée.

Cette demande ne saurait porter que sur la période postérieure au 14 mai 2018 date de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée.

Entre le 14 mai 2018 et le 4 août 2019, Mme [W] n'a pas travaillé du 2 juillet au 16 août 2018 (soit 1,5 mois), du 1er octobre 2018 au 6 janvier 2019 (soit 3 mois et 6 jours) et du 1er juillet au 14 juillet 2019 (soit 14 jours).

Quand les interruptions entre deux contrats sont très brèves, il s'en déduit que le salarié n'a pu que rester à disposition de son employeur. Tel n'est pas le cas en l'espèce, la durée significative de ces interruptions ayant pu permettre à Mme [W] de trouver un autre emploi. Dès lors, il lui appartenait d'établir que, pendant ces périodes, elle s'est tenue à la disposition de l'association ADMR de [Localité 4]. Faute d'éléments en ce sens, elle sera déboutée de cette demande de rappel de salaire.

2) Sur la rupture du contrat de travail

Les contrats à durée déterminée ayant été requalifiés en contrat à durée indéterminée, la rupture des relations à l'issue du dernier contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [W] peut prétendre à des indemnités de rupture et à des dommages et intérêts.

' En application de l'article L1234-1 du code du travail, c'est la durée de services continus qui doit être prise en compte pour apprécier l'ancienneté du salarié.

Au 4 août 2019, cette ancienneté remontait au 1er avril 2018, Mme [W] ayant été employée de manière continue en contrat à durée déterminée du 1er avril au 13 mai 2018 puis, à compter du 14 mai, à raison de la requalification, à cette date, de la relation contractuelle, en contrat à durée indéterminée.

Ayant donc entre 1 et 2 ans d'ancienneté, elle peut prétendre à une indemnité compensatrice égale à un mois.

Le salaire à prendre en compte est le salaire qu'elle aurait perçu si ce préavis avait été travaillé, c'est-à- dire le salaire contractuel afférent à son dernier contrat soit 1 521,25€ (outre les congés payés afférents).

' Elle peut également prétendre à une indemnité de licenciement puisqu'elle avait plus de 8 mois de service ininterrompus au service de l'association ADMR de [Localité 4].

Compte tenu de son ancienneté de 1 an, 5 mois et 4 jours et du salaire moyen retenu par Mme [W] (1 401,31€), conforme à la moyenne de ses trois derniers mois travaillés, la somme due s'élève à 496,30€.

' Compte tenu d'une ancienneté supérieure à un an, Mme [W] peut prétendre à des dommages et intérêts compris entre 1 et 2 mois.

Elle ne justifie pas de sa situation depuis la rupture du contrat de travail.

Compte tenu des autres élément connus : son ancienneté (1 an et 5 mois), son âge (44 ans), son salaire moyen (1 401,31€), il y a lieu de lui allouer 2 500€.

3) Sur les points annexes

Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019, date de réception par l'association ADMR de [Localité 4] de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, à l'exception de celle accordée à titre de dommages et intérêts qui produira intérêts à compter de la date du présent arrêt.

L'association ADMR de [Localité 4] devra remettre à Mme [W], dans le délai d'un mois à compter de la date du présent arrêt, un bulletin de paie complémentaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision. En l'absence d'éléments permettant de craindre l'inexécution de cette mesure, il n'y a pas lieu de l'assortir d'une astreinte.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge ses frais irrépétibles. De ce chef, l'association ADMR de [Localité 4] sera condamnée à lui verser 1 800€.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [W] de sa demande de rappel de salaire sur la base d'un temps complet

- Réforme le jugement pour le surplus

- Dit la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée recevable

- Requalifie la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 14 mai 2018

- Dit que la rupture de ce contrat constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamne l'association ADMR de [Localité 4] à verser à Mme [W] :

- 1 409,22€ d'indemnité de requalification

- 1 521,25€ bruts d'indemnité compensatrice de préavis outre 152,12€ bruts au titre des congés payés afférents

- 496,30€ d'indemnité de licenciement

avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019

- 2 500€ de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt

- Dit que l'association ADMR de [Localité 4] devra remettre à Mme [W], dans le délai d'un mois à compter de la date du présent arrêt, un bulletin de paie complémentaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision

- Déboute Mme [W] du surplus de ses demandes principales

- Condamne l'association ADMR de [Localité 4] à verser à Mme [W] 1 800€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne l'association ADMR de [Localité 4] aux entiers dépens de première instance et d'appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02353
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;21.02353 ?
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