AFFAIRE : N° RG 20/00383
N° Portalis DBVC-V-B7E-GP2L
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pole social du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 13 Janvier 2020 - RG n° 19/00866
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022
APPELANT :
Monsieur [F] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Olivier LEHOUX, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie du CALVADOS
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par M. [G], mandaté
DEBATS : A l'audience publique du 05 septembre 2022, tenue par M. GANCE, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de Chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 17 novembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [T] d'un jugement rendu le 13 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la caisse).
FAITS et PROCEDURE
Le 16 mars 2009, M. [T] employé de la société [5] (la société) en qualité de chef de secteur, a été victime d'un accident du travail, lui ayant occasionné une lombalgie aiguë, pris en charge par la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels.
La date de consolidation a été fixée au 27 juin 2009.
Le 7 octobre 2010, une rechute a été déclarée pour récidive de douleurs lombaires.
Le 15 novembre 2010, la caisse a informé M. [T] de la prise en charge de cette rechute au titre de l'accident du travail du 16 mars 2009.
Le 23 octobre 2011, M. [T] a subi une intervention chirurgicale afin de remédier à sa lombalgie de type facettaire devenue invalidante.
Le 3 septembre 2012, le médecin du travail l'a déclaré inapte temporairement, puis le 19 septembre 2012, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste, mais apte à un autre poste.
En l'absence de reclassement, M. [T] a été licencié pour inaptitude médicalement constatée le 17 octobre 2012.
Après différentes procédures de contestations mises en oeuvre par M. [T], la caisse l'a informé par courrier recommandé du 20 avril 2017 qu'elle estimait que la rechute du 7 octobre 2010 n'avait entraîné aucune séquelle indemnisable, la date de consolidation étant fixée au 20 septembre 2012.
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juin 2017, M. [T] a contesté cette décision et saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Caen qui, par jugement du 29 mars 2018, a ordonné avant-dire droit une expertise afin notamment de déterminer si la rechute du 7 octobre 2010 de l'accident du travail survenu le 16 mars 2009 a laissé des séquelles justifiant l'attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle (I.P.P) et dans ce cas le chiffrer.
Le docteur [K] a déposé son rapport le 21 mars 2019, concluant à un taux d'I.P.P de 3 %.
Par jugement du 13 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Caen, auquel a été transféré le contentieux de l'incapacité à compter du 1er janvier 2019, a :
- entériné les conclusions du docteur [K]
- déclaré le recours bien fondé
en conséquence,
- fixé à 3 % à compter du 21 septembre 2012, le taux d'I.P.P consécutif à la rechute du 7 octobre 2010 de l'accident du travail survenu le 16 mars 2009
- condamné la caisse en tant que de besoin aux dépens.
Par déclaration du 13 février 2020, M. [T] a formé appel du jugement.
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 13 février 2022, soutenues oralement à l'audience, M. [T] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de :
- ordonner une nouvelle expertise à l'effet d'évaluer son taux I.P.P dans les suites de son accident du travail du 16 mars 2009
- revaloriser de façon conséquente son taux d'I.P.P en ce compris le taux professionnel
- enjoindre la caisse de lui adresser une nouvelle notification de décision relative à la rectification du taux d'I.P.P avec l'attribution d'une rente correspondante
- condamner la caisse à lui payer 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la caisse aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions soutenues oralement à l'audience du 5 septembre 2022, la caisse demande à la cour de :
- débouter M. [T] de ses demandes
- rejeter toute demande d'expertise
- condamner M. [T] aux dépens.
Pour l'exposé complet des demandes et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions écrites des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
L'article L 434-2 du code de la sécurité sociale dispose que le taux d'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif.
Le taux d'incapacité est apprécié in concreto à la date de la consolidation sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs.
Seules les séquelles directement imputables à l'accident du travail sont prises en compte pour la détermination du taux d'I.P.P. Ainsi, en cas d' état pathologique préexistant, la victime ne doit être indemnisée que dans la mesure de l'aggravation de son état imputable à l'accident.
En l'espèce, la date de consolidation est fixée au 20 septembre 2012.
C'est à cette date qu'il convient de se placer pour évaluer le taux d'I.P.P de M. [T].
À la date de consolidation, M. [T] était âgé de 47 ans. Il était salarié de la société [5] en qualité de délégué commercial, coefficient 150 de la convention collective des prestataires de service, moyennant paiement d'un salaire brut mensuel de 1800 euros.
Il a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude médicalement constatée le 17 octobre 2012.
Sur le plan anatomique, le docteur [K] rappelle que M. [T] a souffert le 16 mars 2009 d'un lumbago aigu qui a récidivé en 2010 et qu'à l'occasion de ces épisodes lombalgiques, il a été mis en évidence une anomalie congénitale de la transition lombo sacrée, à savoir une spondylolysthésis L 5 - S 1 par lyse isthmique bilatérale de L 5.
Toutefois, afin de stabiliser cette lésion, il a été procédé à une arthrodèse L 5 - S1 qui semble avoir donné un bon résultat puisque dans le compte rendu du centre de rééducation, assez proche de la date de consolidation, il est noté qu'il n'y a plus de phénomène douloureux et que la mobilité du rachis est satisfaisante, sans déficit.
C'est à juste titre que l'expert judiciaire s'est fondé sur le rapport du médecin du centre de rééducation fonctionnelle pour évaluer le taux d'I.P.P contemporain de la date de consolidation. Au contraire, le rapport d'incapacité permanente de la caisse daté du 28 mars 2017 est trop éloigné de la consolidation pour être retenu.
Le docteur [K] indique qu'il existait bien un état antérieur et qu'il s'agissait en 2009 d'un état latent. En effet, il a été mis en évidence une anomalie de la transition lombo sacrée qui est une anomalie congénitale, l'expert notant que les phénomènes douloureux apparaissent vers 30 / 40 ans ce qui est à peu près le cas chez M. [T].
En conclusion, l'expert judiciaire retient qu'il 'persiste peu de séquelle de la rechute déclarée le 07 10 2010 car l'arthrodèse qui a été effectuée est efficace. Il n'y a plus de phénomène douloureux lombaire, il n'y a pas de raideur manifeste du rachis lombaire. Si l'on se réfère à l'examen effectué par le médecin de la rééducation fonctionnelle le 16 05 2012, date assez proche de la date de consolidation, il existait une petite raideur du rachis lombaire qui peut justifier l'attribution d'une AIPP de 3 % (trois pour cent)'.
M. [T] sollicite une réévaluation de son I.P.P comprenant notamment un taux professionnel de 'l'ordre de 10%', après une nouvelle expertise le cas échéant, au motif qu'il présente un phénomène d'engourdissement du pied droit devant être pris en compte et une 'grande souffrance lombaire', que l'état antérieur mentionné par l'expert n'est pas médicalement 'documenté' et qu'un taux professionnel doit être admis puisqu'il ne peut plus assurer un emploi nécessitant le port de charges, ni un emploi statique.
Toutefois, le phénomène d'engourdissement est apparu postérieurement à la date de consolidation, le docteur [X] rappelant que M. [T] se plaint de ce phénomène caractérisé par une symptomatologie d'engourdissement fluctuant du pied droit 'depuis 2013'. Il n'a donc pas à être pris en compte pour évaluer le taux d'I.P.P se rapportant à la rechute du 7 octobre 2010 puisque la date de consolidation est fixée au 20 septembre 2012.
De même, l'expert rappelle que l'anomalie de la transition lombo sacrée est une anomalie congénitale. L'état antérieur est donc clairement explicité sur le plan médical.
En outre, l'expert judiciaire contredit l'existence d'une 'grande souffrance lombaire', puisqu'il fait seulement état à la date de la consolidation d'une 'petite raideur du rachis'.
En revanche, M. [T] est recevable à invoquer en cause d'appel un 'taux professionnel' qui est une composante de l'I.P.P. Il s'agit en effet d'un moyen nouveau qu'il est recevable à invoquer en appel, et non d'une demande nouvelle comme le soutient la caisse.
Il est établi que M. [T] a été licencié le 17 octobre 2012 pour inaptitude professionnelle.
Toutefois, cette inaptitude a été constatée en raison de l'état de santé de l'intéressé sans distinction entre l'état préexistant et les lésions consécutives à l'accident du travail.
En outre, M. [T] ne fournit aucune information sur sa qualification et ses aptitudes professionnelles, ni sur son évolution professionnelle après son licenciement.
Il est seulement mentionné qu'il est désormais commercial (sans plus de précisions).
Enfin, il ne se réfère à aucun document médical précis établissant que les séquelles imputables à l'accident à la date de la consolidation, c'est à dire la 'petite raideur du rachis' le privent de certains emplois ou limitent ses possibilités de carrière professionnelle.
Il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise médicale, une telle mesure n'ayant pas pour objet de pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve.
Compte tenu de ces observations, il convient de débouter M. [T] de ses demandes d'expertise, de réévaluation du taux d'I.P.P et d'injonction faite à la caisse de lui adresser une décision avec attribution d'une rente correspondant au nouveau taux d'I.P.P.
Le jugement sera donc confirmé y compris sur les dépens de première instance.
Y ajoutant, M. [T] succombant en son appel, sera condamné aux dépens de la présente instance et sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré;
Y ajoutant,
Déboute M. [T] de sa demande d'expertise, de sa demande de notification d'un nouveau taux d'I.P.P avec attribution d'une rente correspondante et de sa demande au titre des frais irrépétibles;
Condamne M. [T] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX