AFFAIRE : N° RG 20/00653
N° Portalis DBVC-V-B7E-GQMV
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pole social du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 02 Mars 2020 - RG n° 19/00131
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRET DU 20 OCTOBRE 2022
APPELANT :
Monsieur [B] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022020002546 du 25/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
Représenté par Me Jean-Michel ARIN, avocat au barreau d'ARGENTAN, substitué par Me LERABLE, avocat au barreau de COUTANCES
INTIMEE :
Groupement d'Intérêt Public (GIP) Maison Départementale des Personnes Handicapées DE L'ORNE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Mme MOUTERDE, mandatée
DEBATS : A l'audience publique du 30 juin 2022, tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de Monsieur LE BOURVELLEC, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
Mme ACHARIAN, Conseiller,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 20 octobre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [B] [S] d'un jugement rendu le 2 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l'opposant à la Maison départementale des personnes handicapées de l'Orne.
FAITS et PROCEDURE
Le 6 juillet 2017, M. [S] a présenté une demande d'allocation aux adultes handicapés (AAH) auprès de la Maison départementale des personnes handicapées de l'Orne (MDPH).
Par décision du 7 septembre 2018, la commission des droits et de l'autonomie de la MDPH de l'Orne a refusé de lui attribuer cette allocation au motif que, bien que son taux d'incapacité soit supérieur ou égal à 50% et inférieur à 80%, son handicap ne génère pas de restrictions substantielles et durables pour l'accès à un emploi.
Le 19 octobre 2018, M. [S] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Caen d'un recours contre cette décision.
Par jugement du 2 mars 2020, le tribunal judiciaire de Caen, auquel le contentieux a été transféré à compter du 1er janvier 2019, a :
- déclaré le recours formé par M. [S] recevable mais mal fondé et l'a rejeté,
En conséquence,
- rappelé que la décision de la MDPH de l'Orne du 7 septembre 2018, notifiée le 12 septembre 2018, ayant refusé le bénéfice de l'AAH, est maintenue en toutes ses dispositions,
- rappelé qu'en application de l'article L 142-11 du code de la sécurité sociale, les frais d'expertise seront pris en charge par l'organisme compétent et que le greffe de la juridiction lui adressera dans les meilleurs délais le bordereau complété de prise en charge figurant en annexe de la circulaire du 4 septembre 2019 émanant de la direction des services judiciaires,
- condamné M. [S] aux dépens.
Par déclaration du 20 mars 2020, M. [S] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions n° 2 du 27 avril 2022, soutenues oralement par son conseil, M. [S] demande à la cour :
Vu les articles R 421-16 et suivants du code de l'action sociale et des familles,
Vu l'annexe 2-4 de ce même code,
- de réformer la décision déférée,
Y additant:
- de fixer son taux d'incapacité à 80%
- de constater qu'il présente une mobilité pédestre réduite et une perte d'autonomie dans les déplacements de manière importante et durable,
- de juger qu'il est éligible à l'allocation adulte handicapé, à la carte d'invalidité et à la carte stationnement pour personne handicapée,
- de condamner la MDPH à verser à la SCP Huaume - Lepelletier - Arin la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
- de condamner la MDPH aux entiers dépens de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.
Par conclusions du 10 février 2022 déposées et soutenues oralement par son représentant , la MDPH de l'Orne demande à la cour:
- de déclarer irrecevable le recours de M.[S],
- de le débouter de ses demandes,
- de maintenir la décision du tribunal judiciaire de Caen et donc de reconnaître un taux d'incapacité supérieur à 50% et inférieur à 80% sans restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi, justifiant le refus de l'attribution de l'AAH,
- de rejeter la demande de carte Mobilité inclusion invalidité en ce que la cour n'est pas compétente pour attribuer un droit qui n'était pas l'objet du litige en première instance,
- de condamner la partie adverse aux éventuels dépens de l'instance au regard de l'article 696 du code de procédure civile.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR
I - Sur la demande d'allocation aux adultes handicapés (AAH)
Pour obtenir l'allocation aux adultes handicapés, en application des dispositions des articles
L 821-1, L 821-2 et D 821-1 du code de la sécurité sociale, la personne doit présenter:
- soit un taux d'incapacité au moins égal à 80%,
- soit un taux d'incapacité supérieur ou égal à 50% et inférieur à 80% et justifier d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi du fait du handicap.
1) Sur le taux d'incapacité
Il est déterminé en application du guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées (annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles).
Ce taux s'apprécie à la date de la demande présentée par l'intéressé, en l'espèce au 6 juillet 2017
M. [S] fait valoir que le tribunal judiciaire a retenu qu'il présentait une incapacité fonctionnelle comprise entre 50 et 79% en lien avec l'amputation qu'il a subie et les différentes douleurs qui y sont associées, en dépit de l'avis du docteur [Z], médecin expert désigné par le tribunal, qui a conclu qu'il relevait de l'AAH.
Les premiers juges, qui ont ordonné avant dire droit une consultation médicale afin de déterminer si, à la date du 6 juillet 2017, le handicap de M. [S] générait ou pas une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, ont exposé que l'expert avait donné l'avis suivant:
'- prothèse tibiale gauche suite amputation en 2013,
- douleurs lombaires,
- pas de lésion cutanée,
- marche avec une canne
On pourrait envisager une activité professionnelle mais quasi illettré,
Aucune formation depuis la petite enfance,
A réussi son permis de conduire;
Conclusion: relève de L'AAH .'
Contrairement à ce que soutient M.[S], il n'a pas été demandé à l'expert de se prononcer sur son taux d'incapacité mais uniquement sur le point de savoir si son handicap générait ou pas une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.
Dès lors, M. [S] ne peut valablement invoquer la conclusion de l'expert selon laquelle il relèverait de l'AAH pour prétendre qu'il présente un taux d'incapacité d'au moins 80% .
Par ailleurs, les éléments que M. [S] verse aux débats ne permettent pas de remettre en cause le taux qui a été retenu par l'équipe pluridisciplaire de la MDPH en application de l'article R 146-28 du code de l'action sociale et des familles.
2) Sur la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi
M. [S] soutient qu'il présente une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi en ce qu'il subit des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne avec atteinte dans son autonomie individuelle et qu'il n'assure les actions de la vie quotidienne qu'avec les plus grandes difficultés.
Pour apprécier si les conditions d'attribution de l'AAH sont réunies, il y a lieu de se fixer à la date à laquelle la demande a été présentée, soit au 6 juillet 2017.
L'article D 821-1-2 du code de la sécurité sociale dispose:
' Pour l'application des dispositions du 2° de l'article L 821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit:
1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :
a) Les déficiences à l'origine du handicap;
b) les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences;
c) les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap;
d) les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.
Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.
2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue du caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard:
a) soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée;
b) soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées;
c) soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.
3° La restriction est durable dès lors qu'elle est prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans .
4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.
5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi:
a) l'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L 243-4 du code de l'action sociale et des familles;
b) l'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi - temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur;
c) le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L 241-5 du code de l'action sociale et des familles.
M. [S] justifie avoir participé du 22 septembre 2016 au 31 décembre 2016 à un plan de formation visant à développer les compétences de base à l'insertion professionnelle, avoir effectué du 28 novembre 2016 au 18 janvier 2017, une évaluation de ses compétences correspondant à une formation consacrée à la découverte des métiers de l'industrie , avoir suivi une formation au titre des compétences de base du 24 mai 2018 au 28 septembre 2018 , avoir effectué un suivi auprès de la Mission locale des jeunes du bocage pour être accompagné dans ses démarches d'insertion professionnelle, avoir effectué des recherches d'emploi auprès d'entreprises d'intérim et avoir travaillé pour le compte de la société [3] en février 2019.
Au vu de ces éléments, c'est donc à tort que M. [S] soutient qu'il subit des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne avec atteinte dans son autonomie individuelle et qu'il n'assure les actions de la vie quotidienne qu'avec les plus grandes difficultés.
Ainsi, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'il ne présentait pas de restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi.
Le jugement déféré sera confirmé.
- Sur les autres demandes
Les demandes d'attribution des cartes mobilité inclusion invalidité et stationnement étant nouvelles en cause d'appel, le jugement ne faisant pas état qu'une telle demande ait été présentée devant les premiers juges, celles - ci sont irrecevables.
M. [S] qui succombe supportera les dépens d'appel, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.
Succombant, il sera par ailleurs débouté de sa demande présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes d'attribution des cartes mobilité inclusion invalidité et stationnement
Condamne M.[S] aux dépens d'appel,
Rejette la demande présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX