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20/10/2022 | FRANCE | N°19/01019

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 3, 20 octobre 2022, 19/01019


AFFAIRE : N° RG 19/01019

N° Portalis DBVC-V-B7D-GJLI

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 25 Février 2019 - RG n° 2016.0307









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 20 OCTOBRE 2022





APPELANTE :



FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me GALISTIN, subst

itué par Me POETE, de la SELEURL HALKEN, avocats au barreau de PARIS





INTIMEES :



Société [5] venant aux droits de la SA [9]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Bruno FIESCHI, avocat au barreau de...

AFFAIRE : N° RG 19/01019

N° Portalis DBVC-V-B7D-GJLI

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 25 Février 2019 - RG n° 2016.0307

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 20 OCTOBRE 2022

APPELANTE :

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me GALISTIN, substitué par Me POETE, de la SELEURL HALKEN, avocats au barreau de PARIS

INTIMEES :

Société [5] venant aux droits de la SA [9]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Bruno FIESCHI, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE CALVADOS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par M. [O], mandaté

DEBATS : A l'audience publique du 16 juin 2022, tenue par Mme ACHARIAN, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de Monsieur LE BOURVELLEC, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de Chambre,

Mme ACHARIAN, Conseiller,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 20 octobre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) d'un jugement rendu le 25 février 2019 par le tribunal de grande instance de Caen dans un litige l'opposant à la société [5] (la société) en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

EXPOSE DU LITIGE

[P] [E] a été engagé par la [8] devenue société [10] puis [9], aux droits de laquelle vient la société [5] (la société) du 29 octobre 1979 au 6 septembre 1990, en qualité d'ouvrier de laminoirs.

Il a travaillé du 29 octobre 1979 au 30 avril 1984 avant de bénéficier d'un congé sans solde jusqu'au 30 avril 1986 puis d'être dispensé d'activité jusqu'au 6 septembre 1990, date de sa cessation anticipée d'activité.

L'attribution d'une rente indemnisant une incapacité permanente partielle de 10 % à compter du 18 décembre 2008 a été notifiée au salarié le 28 mai 2009 pour des plaques pleurales avec asbestose.

Le 7 janvier 2011, [P] [E] a accepté l'offre indemnitaire du FIVA pour les conséquences de cette maladie.

Le 21 janvier 2014, [P] [E] a renseigné une déclaration de maladie professionnelle mentionnant un 'carcinome broncho-pulmonaire T 30 C', dont la première constatation médicale est datée du 17 octobre 2013.

Un certificat médical initial du même jour établi par Mme [N], praticien hospitalier en consultation de pathologie professionnelle, constate un 'carcinome broncho-pulmonaire primitif compliquant des lésions bénignes T 30 C.'

Au terme d'une enquête administrative et d'une prolongation du délai d'instruction, la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la caisse) a rendu, le 13 juin 2014, une décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la pathologie dont était atteint [P] [E].

L'assuré est décédé le 15 juin 2014 et le caractère professionnel de ce décès a été reconnu par la caisse selon décision du 17 septembre 2014, contestée par l'employeur devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la prise en charge du décès et ses conséquences au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 3 décembre 2014, la caisse a notifié à [P] [E] l'attribution d'une rente correspondant à un taux d'incapacité permanente partielle de 100 % à compter du 21 janvier 2014 puis à Mme [G] [E], sa veuve, d'une rente en qualité d'ayant droit à compter du 16 juin 2014.

Mme [G] [E], veuve de l'assuré, MM. [L] et [X] [E] et Mme [K] [E], enfants de [Y], ayants droit de [P] [E], ont accepté les offres du FIVA pour l'indemnisation des préjudices subis au titre de l'action successorale, à titre personnel et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs.

Mmes [V] et [M] [J] [E] ont également accepté les offres du FIVA en qualité de petites-filles majeures du de [Y].

Saisi par le FIVA le 5 avril 2016, le tribunal de grande instance de Caen auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a, par jugement du 25 février 2019 :

- déclaré recevable l'action du FIVA,

- dit que la prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par [P] [E] suivant décision de la caisse du 13 juin 2014 au titre de la pathologie du tableau n°30 C des maladies professionnelles, ainsi que son décès par décision du 17 septembre 2014, sont justifiées,

- débouté le FIVA de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société et toutes demandes liées,

- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le FIVA aux dépens.

Par dernières conclusions déposées le 23 décembre 2020, soutenues oralement à l'audience par son conseil, le FIVA demande à la cour :

- de juger recevable sa demande,

- de juger que la maladie professionnelle de [P] [E] est la conséquence de la faute inexcusable de la société,

-de fixer à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et dire que cette indemnité lui sera versée par la caisse à hauteur de 3 523,03 euros et à la succession de [P] [E] à hauteur de 14 631,59 euros,

- de fixer à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale et juger que cette majoration lui sera directement versée par l'organisme de sécurité sociale,

- de fixer l'indemnisation des préjudices personnels de [P] [E] comme suit :

- 31 500 euros à titre d'indemnité pour les souffrances morales,

- 10 000 euros à titre d'indemnité pour les souffrances physiques,

- 10 000 euros à titre d'indemnité pour les préjudice d'agrément,

- de fixer l'indemnisation des préjudices moraux des ayants droit de la façon suivante :

- 32 600 euros à titre d'indemnité pour Mme [G] [E], la veuve du de [Y],

- 5 400 euros à titre d'indemnité pour M. [L] [E], fils du de [Y],

- 8 700 euros à titre d'indemnité pour [X] et [K] [E], enfants du de [Y],

- 3 300 euros à titre d'indemnité pour chacun des petits-enfants, [V], [M] [J], [Z] [P], [W], [D], [I], [C], [B] [E] et [U] [A],

- de juger que la caisse devra lui verser ces sommes pour un total de 140 123,03 euros,

- de condamner la société à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la partie succombante aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 2 novembre 2021, soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société demande à la cour :

- de dire que la preuve de la maladie désignée au tableau 30 C des maladies professionnelles et du caractère professionnel de l'affection déclarée par [P] [E] n'est pas rapportée,

- de débouter le FIVA de son action en reconnaissance de la faute inexcusable et de l'ensemble des demandes, et la caisse de son action en remboursement,

Subsidiairement :

- de débouter le FIVA de ses demandes en indemnisation au titre des préjudices de [P] [E],

- de dire qu'en l'état de la fermeture du site de [Localité 7], seuls les préjudices complémentaires pourront être récupérés par la caisse, en application des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,

- de ramener à de plus justes proportions les indemnisations allouées par le FIVA,

- de condamner toute partie succombante à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Selon dernières conclusions déposées le 16 juin 2022, soutenues oralement à l'audience par son représentant, dûment mandaté, la caisse demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré,

Subsidiairement :

- de constater qu'elle s'en rapporte à justice sur la question de la reconnaissance de la faute inexcusable ainsi que sur les montants qu'il conviendra d'allouer en remboursement au FIVA subrogé dans les droits de l'assuré,

- de faire droit à son action récursoire telle qu'elle résulte des articles L. 452-2, L. 452-3 et L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale.

Il sera renvoyé aux conclusions pour un exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est admis que, compte tenu de l'indépendance des rapports entre la caisse et l'assuré et l'assuré et l'employeur, ce dernier puisse, en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable initiée par le salarié ou l'organisme subrogé, contester le caractère professionnel de la maladie.

Aux termes de l'article L. 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Le tableau de maladie professionnelle n°30 C, consacré aux affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante, vise la dégénérescence maligne bronchopulmonaire compliquant les lésions parenchymateuses et pleurales bénignes mentionnées au tableau 30 B.

La maladie est présumée d'origine professionnelle à condition de respecter un délai de prise en charge de trente cinq ans, sous réserve d'une durée d'exposition de cinq ans, la liste des travaux étant indicative.

La société remet en cause le délai d'exposition et l'exposition même du salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante visé par le tableau 30 C.

Selon certificat de travail établi le 29 janvier 2009 par la société [5], [P] [E] a travaillé dans les locaux de cette entreprise du 29 octobre 1979 au 30 avril 1984 soit quatre ans et six mois, la durée d'exposition prévue par le tableau de maladie professionnelle considéré étant fixée à cinq ans.

Selon la déclaration de maladie professionnelle du 21 janvier 2014, le salarié a exercé les fonctions de chaudronnier dans le cadre de missions intérimaires pour la société [6] et été mis à disposition de centrales électriques.

Toutefois, si la période durant laquelle [P] [E] a été engagé par la société [6] est mentionnée par le salarié mais non établie par le FIVA, aucune précision n'est apportée sur la durée exacte des missions effectuées. L'éventuelle durée d'exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante pendant la période du 16 mai 1972 au 5 septembre 1974 n'est donc pas établie.

De surcroît, pour justifier l'exposition du salarié au risque professionnel, le FIVA se fonde sur la seule enquête administrative réalisée par la caisse en octobre 2009 dans le cadre de l'instruction concernant la maladie professionnelle inscrite au tableau 30 B déclarée par [P] [E], dont les déclarations sont reprises lors de l'enquête effectuée en 2014.

Il en ressort que l'assuré 'a vraisemblablement été exposé lorsqu'il travaillait à la [8] à [Localité 7] aux laminoirs de 1979 à 1984. Cette entreprise et ce service utilisaient couramment l'amiante comme protection et isolant contre la chaleur des fours.

[...]

La société indique que, compte tenu de la connaissance historique qu'elle a encore actuellement du site de [Localité 7] et des fonctions exercées par l'assuré, l'exposition au risque d'inhalation de poussière d'amiante ne peut être totalement exclu au cours de la période d'activité.'

Ces éléments hypothétiques ne démontrent pas une exposition certaine au risque professionnel.

De plus, le FIVA met en exergue un jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Calvados le 18 novembre 2013 consacrant la faute inexcusable de la société comme étant à l'origine de la maladie professionnelle déclarée par [P] [E] au titre du tableau 30 B des maladies professionnelles et en déduit la certitude de l'exposition au risque du salarié.

Ce jugement ayant été néanmoins infirmé par un arrêt de la cour d'appel de Caen le 9 septembre 2021, aucun argument ne peut en être tiré.

Enfin, le FIVA ne produit aucune pièce décrivant les tâches confiées à [P] [E] ou son environnement de travail si bien que l'exposition au risque professionnel du salarié ne peut être déduite des éléments produits.

Le caractère professionnel de la maladie dont était atteint [P] [E] n'étant pas démontré, aucune faute inexcusable de l'employeur ne saurait être recherchée.

Il conviendra ainsi de confirmer le jugement déféré.

Partie succombante, le FIVA sera condamné aux dépens d'appel, le jugement déféré étant par ailleurs confirmé sur ce point. Il sera également condamné à verser à la société la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société [5] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme sur ce seul point,

Statuant à nouveau :

Condamne le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à verser à la société [5] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,

Condamne le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 3
Numéro d'arrêt : 19/01019
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;19.01019 ?
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