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20/10/2022 | FRANCE | N°17/02242

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 3, 20 octobre 2022, 17/02242


AFFAIRE : N° RG 17/02242

N° Portalis DBVC-V-B7B-F35H

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ALENCON en date du 09 Juin 2017 - RG n° 21500190









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 20 OCTOBRE 2022





APPELANTS :



FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE, subrogé dans les droits de Monsieur [I] [G]

[Adresse 12]

[Adresse 8] - [Localité

5]



Représenté par Me Emmanuel GALISTIN, substitué par Me POETE, avocats au barreau de PARIS



SAS [11] anciennement dénommée S.A.S. [11]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Bruno ...

AFFAIRE : N° RG 17/02242

N° Portalis DBVC-V-B7B-F35H

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ALENCON en date du 09 Juin 2017 - RG n° 21500190

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 20 OCTOBRE 2022

APPELANTS :

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE, subrogé dans les droits de Monsieur [I] [G]

[Adresse 12]

[Adresse 8] - [Localité 5]

Représenté par Me Emmanuel GALISTIN, substitué par Me POETE, avocats au barreau de PARIS

SAS [11] anciennement dénommée S.A.S. [11]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno FIESCHI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ORNE

[Adresse 2]

[Adresse 7] - [Localité 3]

Représentée par M. [K], mandaté

DEBATS : A l'audience publique du 16 juin 2022, tenue par Mme ACHARIAN, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de Monsieur LE BOURVELLEC, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de Chambre,

Mme ACHARIAN, Conseiller,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 20 octobre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par le FIVA et la société [11] d'un jugement rendu le 9 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Orne dans un litige les opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne.

EXPOSE DU LITIGE

Employé du 7 août 1967 au 31 mars 2010 par la société [13] devenue [11] puis [11] ( la société ), [I] - [W] [G] a établi le 7 décembre 2012 une déclaration de maladie professionnelle complétée par un certificat médical daté du 1er décembre 2009 suivi d'un certificat rectificatif du 1er décembre 2012, faisant mention d'un adénocarcinome bronchique en rapport avec l'amiante que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne (la caisse) a pris en charge au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles, selon décision notifiée le 24 mai 2013.

[I] [G] est décédé le 8 mars 2013.

Le 20 août 2013, la caisse a fixé à 100 % le taux d'incapacité permanente de [I] [W] [G] et lui a accordé une rente annuelle d'un montant de 17 921,64 euros à compter du 2 décembre 2012, porté à 29 557,62 euros par notification du 17 décembre 2013.

Le 13 janvier 2014, la caisse a notifié à Mme [C] [G], veuve de l'assuré, l'attribution d'une rente d'ayant-droit d'un montant annuel de 17 965,12 euros, à compter du 1er avril 2013.

Par courrier du 16 mai 2014, la caisse a notifié à Mme [G] la décision de la reconnaissance de l'imputabilité du décès à la maladie du 1er décembre 2012.

Les offres d'indemnisation du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ( FIVA), saisi par les ayants-droit de M. [G], ont été acceptées les 5 et 6 novembre 2014. Elles se décomposent comme suit:

I - au titre de l'action successorale

¿ préjudice d'incapacité fonctionnelle : taux d'incapacité permanente de 100% ( barème Fiva) à compter du 18 octobre 2012 jusqu'à la date du décès (8 mars 2013) , ce qui correspond à une indemnisation inférieure à celle versée par l'organisme social, de sorte que le Fiva n'a offert aucune somme

¿ autres préjudices extra - patrimoniaux:

souffrances morales : 75 300 euros

souffrances physiques: 24 300 euros

préjudice d'agrément: 24 300 euros

préjudice esthétique: 1 000 euros

II - préjudices moraux et d'accompagnement des ayants droits

Mme [C] [G] (veuve) : 32 600 euros

M. [J] [G] (enfant) : 8 700 euros

M. [D] [G] (enfant) : 8 700 euros

Mme [A] [G] (enfant) : 8 700 euros

Mme [E] [G] (petit-enfant) : 3 300 euros

Mme [Y] [G] (petit - enfant) : 3 300 euros

Mme [F] [U] (petit - enfant) : 3 300 euros

M. [X] [U] (petit - enfant) : 3 300 euros

M. [H] [G] (petit - enfant) : 3 300 euros

********************

Dans le cadre des relations caisse-employeur, la société [11] devenue [11] a contesté l'opposabilité de la décision de la caisse de prise en charge de la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels et le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Orne a rejeté cette demande par jugement du 11 décembre 2015. La société a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 31 mai 2018, la cour d'appel de Caen a déclaré inopposable à la société [11], la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée le 7 décembre 2012 par M. [G].

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse, la Cour de cassation a, par arrêt du 10 octobre 2019, cassé l'arrêt d'appel, au visa des articles L. 461-2 alinéa 5 et D. 461-7 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige, et du tableau n°30 bis des maladies professionnelles, au motif que ' la réalisation d'un examen radiologique des poumons n'est pas une condition de prise en charge d'une pathologie sur le fondement du tableau n°30 bis des maladies professionnelles' et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Rouen.

Par arrêt du 13 janvier 2021, la cour d'appel de Rouen, statuant sur renvoi après cassation, a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Alençon du 11 décembre 2015 en ce qu'il a rejeté la demande de la société tendant à se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge.

Le 9 mars 2021, la société a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

*************

Le 11 mai 2015, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), subrogé dans les droits des ayants-droit de [I] - [W] [G], a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Orne aux fins de voir reconnaître que la maladie professionnelle dont est décédé [I] [G] est la conséquence de la faute inexcusable de la société [11] devenue [11].

Par jugement du 9 juin 2017, cette juridiction a :

- débouté la société [11] de sa fin de non recevoir,

- dit que la maladie professionnelle dont [I] [G] est décédé est due à la faute inexcusable de l'employeur, la SAS [11],

- accordé à la succession de [I] - [W] [G] l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L.452-3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, laquelle lui sera directement versée par la caisse qui en récupérera le montant auprès de l'employeur en application du dernier alinéa du même article,

- rejeté la demande de majoration de la rente du conjoint survivant,

- fixé le préjudice personnel de [I] [G] à la somme de 98 800 euros et dit que cette somme sera directement versée au FIVA subrogé dans les droits de ses ayants-droit, par la caisse primaire d'assurance maladie, laquelle en récupérera le montant directement auprès de l'employeur en application des dispositions de l'article L.452-3 dernier alinéa du code de la sécurité sociale,

- fixé le préjudice moral des ayants-droit de la façon suivante :

* Mme [C] [G] (veuve) : 32 600 euros,

* M. [J] [G] (fils) : 8 700 euros,

* M. [D] [G] (fils) : 8 700 euros,

* Mme [A] [G] (fille) : 8 700 euros,

* Mme [E] [G] (petite-fille) : 3 300 euros,

* Mme [Y] [G] (petite-fille) : 3 300 euros,

* Mme [F] [G] (petite-fille) : 3 300 euros,

* M. [X] [G] (petit-fils) : 3 300 euros,

* M. [H] [G] (petit-fils) : 3 300 euros,

soit 75 200 euros,

- dit que ces sommes seront versées directement au FIVA, subrogé dans leurs droits, par la caisse primaire d'assurance maladie qui en récupérera le montant directement auprès de l'employeur, en application des dispositions de l'article L.452-3 dernier alinéa du code de la sécurité sociale,

- condamné la SAS [11] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclarations du 17 juin 2017 la société [11], devenue [11], a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions et le Fiva a limité son appel aux dispositions ayant rejeté la demande de majoration de la rente de conjoint survivant.

Ces deux recours ont été joints par ordonnance en date du 6 novembre 2019.

Par arrêt du 30 avril 2020, la cour a , avant dire droit sur l'origine professionnelle de la maladie prise en charge par la caisse au titre du tableau des maladies professionnelles n° 30 bis, désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Normandie ( CRRMP) afin qu'il indique, par avis motivé, si la maladie déclarée par [I] - [W] [G] a été directement causée par son travail habituel, sursis à statuer sur l'ensemble des demandes relatives à la faute inexcusable , aux indemnités subséquentes et ainsi qu'aux dépens et frais irrépétibles, renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 21 janvier 2021.

Le 27 avril 2021, le CRRMP de Normandie a rendu un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, concluant à un lien direct entre la pathologie déclarée et l'exposition professionnelle.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives n° 2 du 19 octobre 2021, soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société [11], anciennement dénommée [11], demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de dire mal fondé le FIVA en son action en reconnaissance de la faute inexcusable,

En conséquence,

- de débouter le FIVA de l'ensemble de ses demandes, fins et actions,

- subsidiairement, de débouter le FIVA de ses demandes en réparation au titre des souffrances physiques, morales,

- de surseoir à statuer en attente de l'arrêt devant être rendu par la cour d'appel de Rouen sur renvoi de cassation dans les rapports caisse-employeur,

- plus subsidiairement, de déduire la somme de 9 770,42 euros servie au titre de la rente pour la période du 2 décembre 2012 au 31 mars 2013 et celle de 17 921,61 euros (valeur au 1er avril 2012 du montant du salaire minimum légal en vigueur) correspondant à l'indemnisation forfaitaire de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale de la demande en remboursement du FIVA à hauteur de 99 600 euros au titre des souffrances morales et physiques,

- plus subsidiairement encore, de ramener à de plus justes proportions les indemnisations sollicitées par le FIVA,

- de débouter la caisse primaire d'assurance maladie de son action en remboursement à son encontre, - de condamner toute partie succombant à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 17 septembre 2021, oralement soutenues à l'audience, le FIVA demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de majoration de la rente de conjoint survivant,

- d'infirmer le jugement sur ce point et statuant à nouveau,

- de fixer à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime, en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale et juger que cette majoration lui sera directement versée par l'organisme de sécurité sociale,

Statuant par voie de rectification d'erreur matérielle:

- préciser que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne versera directement au Fiva la somme totale de 100 600 euros ( et non 98 800 euros) correspondant à la somme des indemnisations allouées par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Orne au titre des préjudices personnels de M. [G],

Statuant par voie de réparation d'une omission de statuer:

- préciser que la somme de 1000 euros allouée par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Orne au titre de l'article 700 du code de procédure civile, doit être versée au FIVA par la société [11],

Y ajoutant:

- condamner la société [11] à payer au Fiva une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 25 octobre 2021, déposées et soutenues oralement à l'audience par son représentant, la caisse demande à la cour de:

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a reconnu l'action récursoire de la caisse et condamner l'employeur, auteur de la faute inexcusable, à rembourser à la caisse le montant des réparations complémentaires allouées par le tribunal en application des articles L 452-2 et suivants du code de la sécurité sociale ( arrérages de la rente, capital représentatif et préjudices),

- rejeter la demande de sursis à statuer,

- dire que la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie dont souffre M. [G] - corroborée par l'avis du CRRMP - est justifiée et opposable à l'employeur [11] ,

- donner acte à la caisse de ce qu'elle s'en remet à justice sur l'existence ou non de la faute inexcusable de l'employeur,

- rejeter la demande de majoration de rente d'ayant droit,

- Sur l'indemnisation des préjudices de souffrances physiques, morales et esthétiques de la victime

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour eu égard à sa propre jurisprudence de ramener à de plus justes proportions voir de ne pas indemniser certains postes comme le sollicite l'employeur,

- Sur l'indemnisation du préjudice d'agrément

- acter qu'en cause d'appel, alors que le Fiva sollicitait du tribunal l'indemnisation d'un préjudice d'agrément de M. [G] à hauteur de 24 300 euros, il n'est formulé aucune demande de ce chef de poste rejeté par le tribunal des affaires de sécurité sociale,

Sur l'indemnisation des préjudices moraux des ayants droit:

- donner acte à la caisse de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour eu égard à sa propre jurisprudence de ramener à de plus justes proportions voire de ne pas indemniser certains postes comme le sollicite l'employeur, la cour devra être particulièrement vigilante quant aux pièces fournies par le Fiva, justifiant du lien de filiation avec le défunt,

- débouter la société [11] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la caisse.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la demande du FIVA de rectification d'erreur matérielle affectant le jugement déféré

Le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Orne a fixé l'indemnisation des préjudices de M. [G] comme suit :

'- souffrances morales : 75 300 euros

- souffrances physiques: 24 300 euros

- préjudice esthétique: 1 000 euros

soit 98 800 euros'

Le total de ces sommes s'élève à 100 600 euros et non à 98 800 euros comme mentionné par erreur dans les motifs et le dispositif .

Il convient donc de réparer cette erreur matérielle et de rectifier les motifs et le dispositif du jugement déféré comme suit:

En page 7 du jugement, au lieu de :

'Il sera donc alloué au Fiva la somme de :

- souffrances morales : 75 300 euros

- souffrances physiques: 24 300 euros

- préjudice esthétique: 1 000 euros

soit 98 800 euros'

Il sera mentionné :

'Il sera donc alloué au Fiva la somme de :

- souffrances morales : 75 300 euros

- souffrances physiques: 24 300 euros

- préjudice esthétique: 1 000 euros

soit 100 600 euros'.

Dans le dispositif du jugement, au lieu de :

' Fixe le préjudice personnel de M. [G] à la somme de 98 800 euros et dit que cette somme sera directement versée au Fiva subrogé dans les droits de ses ayants droit par la CPAM laquelle en récupérera le montant directement auprès de l'employeur, en application des dispositions de l'article L 450-3 dernier alinéa du code de la sécurité sociale'.

Il sera mentionné :

' Fixe le préjudice personnel de M. [G] à la somme de 100 600 euros et dit que cette somme sera directement versée au Fiva subrogé dans les droits de ses ayants droit par la CPAM laquelle en récupérera le montant directement auprès de l'employeur, en application des dispositions de l'article L 450-3 dernier alinéa du code de la sécurité sociale'.

- Sur la requête du FIVA en omission de statuer affectant le jugement déféré

Le Fiva expose que tant dans les motifs que dans le dispositif , le tribunal a condamné ' la SAS [11] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile' sans préciser à qui cette somme doit être versée.

Il demande donc qu'afin d'éviter tout blocage dans l'exécution de la décision à intervenir, cette omission de statuer soit réparée.

Devant les premiers juges, seul le Fiva avait présenté une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ainsi, en condamnant la société [11] au paiement d'une somme de 1000 euros à ce titre, le tribunal a omis de mentionner que cette condamnation était prononcée au profit du Fiva. Il convient donc de réparer cette omission et de condamner la société à verser au FIVA la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

I- Sur le caractère professionnel de la maladie prise en charge par la caisse

Le caractère professionnel de la maladie peut être remis en cause par l'employeur en défense à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable.

Il appartient au FIVA, subrogé dans les droits de la victime ou de ses ayants-droit, d'établir le caractère professionnel de la pathologie conformément aux conditions posées par les tableaux de maladies professionnelles, en application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige.

La caisse a notifié à [I] - [W]  [G] la prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, d'un cancer broncho-pulmonaire primitif inscrit au tableau n° 30 bis des maladies professionnelles intitulé 'cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante', le délai de prise en charge étant fixé à quarante ans, sous réserve d'une durée d'exposition de dix ans.

Le certificat médical initial du 1er décembre 2009, qui mentionne un adénocarcinome bronchique en rapport avec l'amiante, a été rectifié par le certificat du 1er décembre 2012 constatant la même maladie.

[I] - [W] [G] a travaillé en qualité de tréfileur du 7 août 1967 au 31 mars 2010 soit durant plus de dix années et la première constatation de la maladie est datée du 13 septembre 2012, dans le délai de prise en charge imparti.

Cependant, le tableau n° 30 bis fixe en outre une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie.

Estimant que seule la condition tenant à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie n'était pas remplie, la cour a désigné le CRRMP de Normandie afin qu'il donne son avis sur le point de savoir si la pathologie prise en charge peut être reconnue d'origine professionnelle comme étant causée directement par le travail habituel de la victime.

Il convient de rappeler que dans le cadre de l'enquête administrative, l'employeur n'a pas cru devoir répondre au questionnaire de la caisse, qui lui a pourtant été réclamé à plusieurs reprises par courriers des 17 décembre 2012, 14 janvier 2013, 11 février 2013 et 21 mars 2013) et par téléphone le 2 avril 2013.

Ce n'est que par courrier du 23 avril 2013, soit après la clôture de l'enquête administrative, que l'employeur a indiqué à la caisse que [I] [G] n'avait jamais été exposé aux risques prévus au tableau 30 bis des maladies professionnelles, qu'il n'avait jamais été en contact avec l'amiante, celui - ci ayant exercé les activités de:

- cariste en tréfilerie (manutention de tourets et de bottes),

- de tréfileur sur machine Nichoff (opération destinée à diminuer le diamètre d'un fil métallique par traction à travers une filière - alimentation et évacuation de sa machine de différentes bobines de fil de bronze ou de laiton et contrôle du processus),

- affecté à une ligne de décapage (décapage, rinçage, enroulement avec trancannage de tourets de fils de laiton recuits),

- et en fin de carrière aux fonctions de cariste à l'étirage.

Le CRRMP, dans son avis du 27 mai 2021, a retenu que les activités professionnelles successives de tisseur et tréfileur exercées par [I] [G] de 1967 à 2010 l'ont exposé, de façon caractérisée, en durée et en intensité, de façon directe et environnementale à des matériaux ayant contenu des fiblres d'amiante. Il conclut que cette exposition est suffisamment caractérisée pour retenir un lien direct avec la pathologie déclarée.

C'est en vain que la société, défaillante dans le cadre de l'enquête administrative, soutient aujourd'hui que l'avis du CRRMP, rédigé en des termes très généraux, ne permet pas d'établir que M. [G] a été exposé à l'amiante.

En effet, si cet avis ne décrit pas précisément les travaux que [I] [G] effectuait au sein de la société, il relève cependant que par ses activités de tisseur et de tréfileur, le salarié a été soumis à une exposition caractérisée en durée et en intensité à l'amiante et qu'en outre, il a été exposé de façon directe et environnementale à des matériaux ayant contenu de l'amiante, ce que confirme l'attestation de M. [Z] décrivant les conditions de travail de M. [G].

Dans le cadre de l'enquête administrative, le salarié avait déclaré intervenir sur plusieurs machines, qu'il pouvait faire fonction de régleur, tréfileur, conditionneur et dresseur de barres, qu'il faisait du recyclage de freins sur dévidoir, qu'il les prenait manuellement et réalisait le vissage au-dessus des mâchoires de frein, que l'amiante était présente dans les freins [10] et dans les tubes en fibrociment. Il précisait avoir travaillé dans un environnement où de nombreuses machines étaient équipées de '[10]' et de tubes en fibrociment et avoir travaillé à côté des fours.

[I] [G] évoque le vissage de freins '[10]' contenant de l'amiante en les désignant par le nom de l'entreprise qui utilisait cette matière première.

D'après ces propos, les travaux susceptibles de provoquer la maladie sont donc l'usinage, la découpe et le ponçage de matériaux contenant de l'amiante.

Pour corroborer les déclarations du salarié, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) produit l'attestation de M. [Z], secrétaire du CHSCT de la société [11], indiquant que 'M. [G] a travaillé dans les ateliers de tréfilerie où les machines étaient équipées de freins '[10]' sur les dévidoirs. Sur certaines machines, il y avait des tubes de fibrociment amiante, une rainure y était réalisée à la disqueuse dans l'atelier, sur toute la longueur de ce dernier, pour permettre de passer le fil à l'intérieur. Il n'y avait aucun espace attitré pour cette opération et aucune aspiration n'équipait ces machines. Tous les opérateurs étaient exposés à la poussière d'amiante 'à l'air libre' sans jamais avoir été avisés, par les directions qui se sont succédées, des risques encourus. Ils n'avaient donc ni protections collectives ni protections individuelles pour se protéger des risques encourus dont ils n'avaient pas conscience. Les poussières d'amiante émises pouvaient se propager dans les ateliers par les nombreuses portes qui, en s'ouvrant, provoquaient des courants d'air.'

Si cette attestation ne décrit pas précisément les travaux que [I] [G] effectuait en sa qualité d'ouvrier affecté à l'atelier de tréfilerie, en revanche elle établit qu'il a été exposé à un risque environnemental causé par la circulation dans l'air ambiant des fibres d'amiante dégagées par le sciage des tubes en fibrociment.

C'est donc à juste titre que le CRRMP estime que cette exposition à l'amiante de [I] - [W] [G] est suffisamment caractérisée pour retenir un lien direct avec la pathologie déclarée.

Enfin, c'est en vain que la société soutient que si M. [G] a subi le 18 octobre 2012 un prélèvement pour une biopsie pleurale, les éléments du dossier médical communiqués par le Fiva ne mettent nullement en évidence un taux élevé de fibres d'amiante dans le tissu pulmonaire de M. [G], de nature à objectiver une exposition intense au risque d'inhalation de fibres d'amiante.

En effet, il ressort du certificat médical du 1er janvier 2012 du docteur [M] que M. [G] a souffert d'un adeno carcinome bronchique en rapport avec l'amiante et qu'il est décédé le 8 mars 2013 dans un tableau d'insuffisance respiratoire aigüe survenant dans le contexte d'un adénocarcinome bronchique de stade avancé.

Ces éléments médicaux caractérisent la pathologie de [I] [G] sans qu'il y ait lieu de rechercher dans les résultats d'examens, la présence de fibres d'amiante.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [G] était établi.

II - Sur la faute inexcusable

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur  avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

 

Il appartient à la victime, ou au Fiva subrogé dans les droits de la victime ou des ayants -droit, de justifier que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver de ce danger.

La conscience du danger doit être appréciée objectivement par rapport à la connaissance de ses devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d'activité.

En outre, il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident . Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité soit retenue alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Pour apprécier cette conscience du danger et l'adaptation des mesures prises aux risques encourus, les circonstances de l'accident doivent être établies de façon certaine .

Il ressort des développements précédents et ainsi que l'on retenu les premiers juges, que [I] [G] a bien été exposé à des poussières d'amiante sans disposer de protections individuelles ou collectives, alors que la société ne pouvait ignorer la présence d'amiante dans son établissement .

La conscience que l'employeur avait ou aurait dû avoir du danger auquel était exposé [I] - [W] [G] est établie en ce que les dangers liés aux poussières d'amiante étaient connus bien avant son interdiction en 1996 pour des entreprises comme [13], devenue [11], au regard de sa dimension et de l'utilisation de matériaux contenant de l'amiante.

De plus, depuis plusieurs années, diverses publications avaient permis d'identifier les dangers que cette matière représentait pour l'homme, tel le rapport établi en 1906 par l'inspecteur du travail de [Localité 6], M. [O], faisant le lien entre le nombre important de décès d'ouvriers avec l'inhalation de poussières d'amiante, publié dans le bulletin de l'inspection du travail, ou l'étude du Docteur [N], publiée en 1930 dans la revue de médecine du travail intitulé ' amiante et asbestose pulmonaire'.

Sur le terrain normatif, dès 1946, un premier tableau de maladie professionnelle a retenu comme pathologie la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante.

Le décret n°76-34 du 5 janvier 1976, qui révise et complète les tableaux de maladies professionnelles, a remplacé le tableau n° 30 et désigné l'asbestose comme pouvant être provoquée par des travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment en cas de manipulation.

En outre, le décret n° 77-949 du 17 août 1977, portant sur des mesures d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, est venu compléter le dispositif existant.

En effet, ce décret, applicable dans tous les établissements industriels, commerciaux et agricoles publics ou privés, a fixé des seuils de concentration moyenne en fibres d'amiante, ordonné la mise en oeuvre d'un dispositif de contrôle de l'atmosphère au moins une fois par mois, rappelé que des installations de protection collective des salariés, notamment des installations de captage, de filtration et de ventilation devaient être mises en place et devaient être vérifiées au moins une fois par semaine et être constamment en parfait état de fonctionnement, rappelé l'obligation de mettre à la disposition du personnel des équipements de protection individuelle et notamment des appareils respiratoires anti- poussière, en cas de travaux occasionnels et de courte durée et imposé enfin à l'employeur de remettre des consignes écrites à son salarié exposées de manière à l'informer des risques auxquels son travail peut l'exposer et des précautions à prendre pour éviter ces risques.

Dès lors, il existait bien à l'époque de [I] - [W] [G], une réglementation préventive contre l'inhalation de poussières d'amiante et l'employeur ne peut soutenir qu'il ne pouvait avoir conscience du danger en raison d'un vide juridique.

Ainsi, la société [11] devait ou aurait dû avoir conscience du danger que représentait pour son personnel l'inhalation de poussières d'amiante.

Pour établir que la société n'a pas pris les mesures nécessaires pour protéger le salarié, le FIVA, subrogé dans les droits de M. [G], se fonde sur l'attestation circonstanciée de M. [Z] qui expose que les salariés ne disposaient ni de protections individuelles ni de protections collectives et que les poussières d'amiante se propageaient dans les ateliers, au gré des courants d'air, les portes restant ouvertes.

La société ne fait état d'aucun dispositif de contrôle de l'atmosphère, d'aucune information délivrée au salarié.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu la faute inexcusable de la société à l'origine de la maladie professionnelle dont est décédé [I] [G].

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

III - Sur les conséquences de la faute inexcusable

En application de l'article 53- VI alinéa 4 de la loi du 23 décembre 2000, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, à l'occasion de laquelle le Fiva est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées en application de la législation de sécurité sociale, l'indemnisation à la charge du fonds étant alors révisée en conséquence.

1) Sur le versement de l'indemnité forfaitaire visée à l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale

En application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100% il lui est alloué en outre une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

Le taux d'incapacité permanente de [I] - [W] [G] a été fixé à 100% par la caisse à compter du 2 décembre 2012 .

En l'absence de contestation, le jugement déféré, qui a accordé l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 452-3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale et dit qu'elle sera directement versée par la caisse à la succession de [I] - [W] [G], sera donc confirmé.

2) Sur la majoration de rente du conjoint survivant

Le Fiva sollicite l'infirmation du jugement déféré , lequel a rejeté la demande de majoration de rente de conjoint survivant, au motif que l'incapacité notifiée étant de 100%, c'est à dire totale, la rente versée est à son maximum et ne peut donc faire l'objet d'une majoration.

Le Fiva fait valoir qu'en statuant ainsi, les premiers juges ont opéré une confusion entre les indemnités dues à [I] - [W] [G] au titre de l'action successorale et la rente d'ayant droit de Mme [G], qu'en application des articles L 452-2 du code de la sécurité sociale et 53-VI alinéa 4 de la loi du 23 décembre 2000, le conjoint survivant de la victime est également en droit de percevoir la majoration de rente, laquelle doit être fixée à son maximum et lui sera directement versée par l'organisme social, qu'en cas de décès imputable à la maladie, les ayants droit qui perçoivent une rente en application des articles L 434-7 à L 434-14 du code de la sécurité sociale ont droit à cette rente.

La caisse conclut au rejet de cette demande exposant que les dispositions de l'article L 452-2, d'ordre public, prescrivent que la rente majorée allouée à la victime en cas d'incapacité totale ne peut excéder le montant de son salaire annuel, que la majoration de rente ne peut être appliquée lorsque la victime est atteinte d'une incapacité permanente totale de 100% , puisque celle - ci a droit à une rente égale à son salaire, sauf réduction du taux d'incapacité de l'assuré.

Sur ce point, la société fait uniquement valoir que les arrérages susceptibles d'être liquidés par la caisse ne pourraient l'être qu'à compter du 1er avril 2013.

Il est constant, selon l'article L 452-2 alinéas 3 et 4 du code de la sécurité sociale, que le montant de la majoration de la rente allouée à la victime d'une faute inexcusable de l'employeur est fixé de telle sorte que la rente majorée ne puisse excéder soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire en cas d'incapacité totale. Le montant de la majoration est fixé, en cas d'accident suivi du décès de la victime, sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel.

Pour rejeter la demande de majoration de la rente, le jugement déféré retient que la majoration ne peut être appliquée lorsque la victime est atteinte, comme en l'espèce, d'une incapacité permanente totale de 100 %.

Cependant, la demande présentée par le Fiva se rapportait, non pas à la rente de la victime, mais à celle d'ayant droit de Mme [G], en sa qualité de conjoint survivant de la victime.

En l'espèce, il ressort des pièces produites et notamment de la notification de rente en date du 17 décembre 2013 faite à [I] - [W] [G], que le salaire annuel de référence de ce dernier, retenu par la caisse, est de 29 557,62 euros.

Application faite du taux de 100% , la rente annuelle de base a été fixée à 29 557,62 euros.

La caisse a notifié le 13 janvier 2014 à Mme [C] [G] une rente à compter du 1er avril 2013 prenant en compte un salaire annuel de référence de 29 941,87 euros. Après avoir appliqué un taux de 60% , la rente annuelle versée au conjoint survivant a été fixée à la somme de 17 965,12 euros et ce à compter du 1er avril 2013, [I] [G] étant décédé le 8 mars 2013.

Dès lors, il est établi que la rente servie au conjoint survivant a été fixée en fonction du salaire annuel de référence de [I] [G], de sorte que la majoration de rente est d'ores et déjà fixée à son maximum.

La demande du Fiva tendant à que soit ordonnée la majoration de rente du conjoint survivant à son maximum doit donc être rejetée.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

Il sera dit que cette majoration sera directement versée par la caisse primaire d'assurance maladie au conjoint survivant.

3) Sur les préjudices personnels subis par [I] - [W] [G]

Les premiers juges ont estimé les souffrances physiques subies par [I] - [W] [G] à 24 300 euros, les souffrances morales à 75 300 euros et le préjudice esthétique à 1 000 euros.

La société souligne que [I] [G] a déclaré sa maladie professionnelle le 7 décembre 2012, à l'âge de 60 ans, alors qu'il avait cessé son activité professionnelle en avril 2010, qu'en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent, qu'en conséquence, seules les souffrances endurées avant consolidation peuvent faire l'objet d'une indemnisation complémentaire en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale dès lors que les souffrances permanentes sont réparées par la rente; qu'en l'espèce, le Fiva ne rapporte pas la preuve de souffrances morales et physiques distinctes de celles déjà indemnisées par la rente et sa majoration, que la première constatation médicale ayant été fixée au 13 septembre 2012 et la rente servie à compter du 2 décembre 2012, la période des souffrances endurées avant consolidation se limite dans le temps à 80 jours, ce qui ne peut justifier une indemnisation à hauteur de 99 600 euros .

La société sollicite en conséquence que la somme de 9770,42 euros servie au titre de la rente pour cette période du 2 décembre 2012 au 31 mars 2013 et celle de 17 921,61 euros correspondant à l'indemnisation forfaitaire de l'article L 452-3 soient déduites de la demande en remboursement du Fiva à hauteur de 99 600 euros au titre des souffrances physiques et morales.

Aux termes de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque la maladie est due à la faute inexcusable de l'employeur, la victime ou ses ayants droit peuvent prétendre à une indemnisation complémentaire.

L'article L 452-3 prévoit qu'indépendamment de cette majoration de rente, la victime a le droit de demander à l'employeur réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par elle, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Il est constant que la rente indemnise d'une part, les pertes de gains professionnels et l' incidence professionnelle de l'incapacité et d'autre part, le déficit fonctionnel permanent.

Dès lors, sont réparables en application de l'article L 452-3 les souffrances physiques et morales et le préjudice d'agrément non indemnisés au titre du déficit fonctionnel permanent, lequel inclut, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelle, familiale et sociale.

La nomenclature [9], seulement indicative, établie dans le cadre de la réparation du préjudice corporel de droit commun, n'a pas nécessairement vocation à s'appliquer dans le domaine de l'indemnisation des victimes d'accident du travail ou de maladies professionnelles, dont de surcroît l'employeur a été reconnu auteur d'une faute inexcusable, dans le cadre de la réparation des préjudices liés à l'exposition à l'amiante, régie par des dispositions dérogatoires du droit commun.

Il doit être précisé que la date de première constatation médicale est le 13 septembre 2012 et que [I] - [W] [G] a été déclaré consolidé le 1er décembre 2012. C'est à juste titre que la société relève que la période de souffrances endurées avant consolidation est de 80 jours.

3.1- Sur les souffrances physiques

[I] [G] a présenté un adéno carcinome bronchique pour lequel il a été hospitalisé à plusieurs reprises.

Le courrier du 15 octobre 2012 du docteur [S] fait état d'une prise en charge d'hospitalisation dans le cadre de la découverte d'un épanchement pleural droit, d'une lésion périphérique de 8,35 cm x 6,19 cm x 8,62 cm et d'une douleur thoracique gauche du fait de l'épanchement pleural.

Il a subi le 18 octobre 2012 une biopsie séreuse pleurale, examen particulièrement douloureux du fait de son caractère invasif. Il est également fait état de douleurs basithoraciques apparues depuis la pleuroscopie.

Ces troubles, ressentis sur la période antérieure à la consolidation, justifient une indemnisation à hauteur de 24 300 euros. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

3.2- Sur les souffrances morales

Il est admis de réparer le préjudice moral spécifique consistant dans l'anxiété permanente face au risque, à tout moment, de dégradation de l'état de santé et de menace sur le pronostic vital.

S'agissant en l'espèce d'un cancer, le préjudice moral est constitué dès le diagnostic, s'agissant d'une pathologie incurable.

En effet, en raison de sa nature, cette maladie engendre par elle -même et dès son annonce, l'inquiétude d'une évolution fatale à plus ou moins brève échéance et qui aurait pu être évitée si la société avait respecté les règles d'hygiène et de sécurité en prenant des mesures pour supprimer, sinon réduire les risques d'exposition et a minima, exactement informé les salariés de ceux-ci. Cette inquiétude est donc majorée par un sentiment d'injustice.

S'y ajoute la perspective d'avoir à se soumettre à des mesures de surveillance ainsi qu'à des traitements invasifs et éprouvants par leurs effets secondaires.

Cette évolution péjorative est irréductible à toute notion de consolidation et n'est pas déjà réparée par l'allocation de la rente.

Il ressort de l'attestation de son épouse que [I] - [W] [G] avait annoncé à Noël 2012 qu'il ne verrait pas 2013 ce qui démontre qu'il était conscient et fortement angoissé du fait du caractère inexorable de sa maladie. Il est d'ailleurs décédé seulement quelques semaines plus tard, le 8 mars 2013.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont fixé l'indemnisation de ce poste de préjudice à 75 300 euros.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

3.3- Sur le préjudice esthétique

C'est à juste titre que les premiers juges ont fixé le préjudice esthétique de [I] - [W] [G] à la somme de 1 000 euros, eu égard à sa perte de poids.

3.4- Sur le préjudice d'agrément

Il sera donné acte à la caisse qu'en cause d'appel, le Fiva ne formule aucune demande à ce titre

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a fixé les préjudices personnels de [I] [G] à 100 600 euros.

L'indemnisation de ces préjudices intervient indépendamment de la majoration de la rente, ainsi que le prévoit l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale.

En outre, la majoration de la rente et l'indemnité forfaitaire constituent des prestations sociales qui sont directement versées par l'organisme social.

En conséquence, c'est à tort que la société demande que le montant de ces prestations soit déduit du montant des indemnités allouées au titre des souffrances physiques et morales , en application des dispositions susvisées.

Cette demande sera donc rejetée.

4) Sur le préjudice des ayants droit

En l'absence de moyens développés par les parties à l'encontre des dispositions du jugement déféré ayant fixé l'indemnisation des ayants droit et dit que les sommes allouées seront versées directement au Fiva, subrogé dans les droits des ayants droit, celles ci seront confirmées.

IV- Sur l'action récursoire de la caisse

La société demande à la cour de sursoir à statuer sur l'action récursoire de la caisse.

Elle fait valoir que par un arrêt du 13 janvier 2021, la cour d'appel de Rouen, statuant sur renvoi après cassation, a confirmé le jugement qui lui avait déclaré opposable la décision de prise en charge de la maladie de [I] - [W] [G], que cet arrêt n'est pas définitif puisqu'elle a formé un pourvoi en cassation à son encontre, que les dispositions de l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale ne visent qu'à limiter les effets de l'inopposabilité basée sur les irrégularités de forme tirées du non respect par la caisse de son obligation d'information mais que les inopposabilités liées à des irrégularités de fond privent la caisse de son action récursoire à l'encontre de l'employeur, que dès lors la caisse doit être déboutée et privée de son action en remboursement dès lors qu'elle ne justifie pas d'une procédure d'instruction de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie conforme aux dispositions des articles L 461-1 et L 461-5 du code de la sécurité sociale.

La caisse s'oppose à cette demande et sollicite la condamnation de la société au remboursement des sommes qui seront avancées par elle au Fiva en cas de reconnaissance de sa faute inexcusable.

Elle soutient que la décision de prise en charge de la pathologie , bien qu'entachée d'irrégularité et inopposable à l'employeur, ne fait pas obstacle à la reconnaissance de la faute inexcusable de ce dernier ni au droit de la caisse de récupérer auprès de lui le montant des compléments de rente et indemnités dont elle a fait l'avance à la victime ou aux ayants droit.

Si la caisse primaire d'assurance maladie est fondée en application des articles L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, à récupérer auprès de l'employeur le montant des majorations de rente et des indemnités allouées à la victime et à ses ayants droit en raison de la faute inexcusable de ce dernier, son action ne peut s'exercer, dans le cas où une décision de justice passée en force de chose jugée a reconnu, dans les rapports entre la caisse et l'employeur, que l'accident ou la maladie n'avait pas de caractère professionnel.

Compte tenu du pourvoi formé par l'employeur dans l'instance l'opposant à la caisse, sur la question de l'opposabilité de la décision de la caisse de prise en charge de la maladie professionnelle, susceptible de remettre en cause le caractère professionnel de la maladie dans leurs rapports, il convient de sursoir à statuer sur l'action récursoire de la caisse jusqu'à ce qu'il soit statué par une décision passée en force de chose jugée.

L'examen de l'affaire sera renvoyé à l'audience du 16 février 2023 à 9 heures.

V- Sur les demandes accessoires

Les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront réservées jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne à l'encontre de la société [11].

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Vu l'arrêt rendu par la présente cour le 30 avril 2020,

Sur la rectification d'erreur matérielle affectant le jugement déféré

Vu l'article 462 du code de procédure civile ,

Rectifie le jugement déféré comme suit :

En page 7 du jugement, au lieu de :

'Il sera donc alloué au Fiva la somme de :

- souffrances morales : 75 300 euros

- souffrances physiques : 24 300 euros

- préjudice esthétique : 1 000 euros

soit 98 800 euros'

Il sera mentionné :

'Il sera donc alloué au Fiva la somme de :

- souffrances morales : 75 300 euros

- souffrances physiques : 24 300 euros

- préjudice esthétique : 1 000 euros

soit 100 600 euros'

Dans le dispositif du jugement, au lieu de :

' Fixe le préjudice personnel de M. [G] à la somme de 98 800 euros et dit que cette somme sera directement versée au Fiva subrogé dans les droits de ses ayants droit par la CPAM laquelle en récupérera le montant directement auprès de l'employeur, en application des dispositions de l'article L 450-3 dernier alinéa du code de la sécurité sociale'

Il sera mentionné :

' Fixe le préjudice personnel de M. [G] à la somme de 100 600 euros et dit que cette somme sera directement versée au Fiva subrogé dans les droits de ses ayants droit par la CPAM laquelle en récupérera le montant directement auprès de l'employeur, en application des dispositions de l'article L 450-3 dernier alinéa du code de la sécurité sociale'

Sur l'omission de statuer affectant le jugement déféré

Vu l'article 462 du code de procédure civile:

Complète le jugement déféré comme suit :

En page 8 des motifs :

'Sur les demandes accessoires:

' La société [11] sera condamnée [aux dépens] ainsi qu'à payer au FIVA une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.'

Complète le dispositif du jugement comme suit en page 9 :

'Condamne la SAS [11] [ aux dépens] et à payer au FIVA la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .'

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que la maladie professionnelle dont [I] [G] est décédé, est dûe à la faute inexcusable de son employeur, la société [11],

- accordé à la succession de [I] - [W] [G] l'indemnité forfaitaire prévue à l'article

L 452-3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale et dit qu'elle lui sera directement versée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne,

- rejeté la demande de majoration de la rente de conjoint survivant,

- fixé comme suit les préjudices personnels de [I] [G]

- souffrances physiques: 24 300 euros

- souffrances morales : 75 300 euros

- préjudice esthétique : 1 000 euros

soit 100 600 euros

- fixé comme suit les préjudices des ayants droit :

* Mme [C] [G] (veuve) : 32 600 euros,

* M. [J] [G] (fils) : 8 700 euros,

* M. [D] [G] (fils) : 8 700 euros,

* Mme [A] [G] (fille) : 8 700 euros,

* Mme [E] [G] (petite-fille) : 3 300 euros,

* Mme [Y] [G] (petite-fille) : 3 300 euros,

* Mme [F] [G] (petite-fille) : 3 300 euros,

* M. [X] [G] (petit-fils) : 3 300 euros,

* M. [H] [G] (petit-fils) : 3 300 euros,

soit 75 200 euros,

Y ajoutant

- dit que la majoration de rente de conjoint survivant sera directement versée à Mme [C] [G] par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne,

- donne acte aux parties de ce qu'en cause d'appel, le FIVA ne présente pas de demande au titre du préjudice d'agrément,

- déboute la société [11] de sa demande tendant à ce que la majoration de rente et l'indemnité forfaitaire soient déduites du montant des sommes allouées au titre des souffrances physiques et morales,

- sursoit à statuer sur l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance de l'Orne à l'encontre de la société [11], jusqu'à ce qu'il soit statué, par une décision passée en force de chose jugée, dans l'instance relative à l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de [I] [G], opposant la société [11] à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, actuellement pendante devant la Cour de cassation,

- réserve les demandes relatives aux dépens et aux frais irrépétibles jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne à l'encontre de la société [11],

- renvoie l'examen de l'affaire à l'audience du jeudi 16 février 2023 à 9 heures ,

- Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation régulière des parties à l'audience de renvoi.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 3
Numéro d'arrêt : 17/02242
Date de la décision : 20/10/2022
Sens de l'arrêt : Renvoi

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;17.02242 ?
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