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29/09/2022 | FRANCE | N°21/00018

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 29 septembre 2022, 21/00018


AFFAIRE : N° RG 21/00018

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVBN

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 16 Décembre 2020 RG n° F 19/00387











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022





APPELANT :



S.A. [V] ET [G] venant aux droits de la société BERNARD PHILIPS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me LANDAIS, avocat au barreau de LAVAL





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AFFAIRE : N° RG 21/00018

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVBN

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 16 Décembre 2020 RG n° F 19/00387

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

APPELANT :

S.A. [V] ET [G] venant aux droits de la société BERNARD PHILIPS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me LANDAIS, avocat au barreau de LAVAL

INTIMEE :

Madame [K], [M], [B] [S]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Alexandra MAILLARD, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 02 juin 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 29 septembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [K] [S] a été embauchée à compter du 13 janvier 1986 et exerçait en dernier lieu des fonctions de remmailleuse au service de la SA [V] et [G] venant aux droits de son employeur initial.

Elle a été placée en arrêt de travail de manière quasi continue à compter de décembre 2014. Elle a été reconnue travailleuse handicapée le 13 février 2018.

Le 27 juin 2018, elle a été déclarée inapte à son poste et a été licenciée, le 24 juillet 2018, pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 17 juillet 2019, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Caen pour demander des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de santé, pour voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir des dommages et intérêts et le doublement de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement.

Par jugement du 16 décembre 2020, le conseil de prud'hommes a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SA [V] et [G] venant aux droits de la SAS Bernard Philippe à lui verser 3 216,68€ au titre du doublement de l'indemnité de préavis, 16 172,75€ de reliquat restant dû au titre de l'indemnité de licenciement, 16 000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 200€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné la SA [V] et [G] à remettre à Mme [S], sous astreinte, un bulletin de paie récapitulatif et une attestation pôle Emploi, a condamné la SA [V] et [G] à rembourser à pôle Emploi les allocations de chômage versées à Mme [S] dans la limite d'un mois d'allocations.

La SA [V] et [G] a interjeté appel du jugement, Mme [S] a formé appel incident.

Vu le jugement rendu le 16 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Caen

Vu les dernières conclusions de la SA [V] et [G], appelante, communiquées et déposées le 24 août 2021, tendant à voir le jugement infirmé, à voir Mme [S] déboutée de toutes ses demandes et condamnée à lui verser, au total, 7 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu les dernières conclusions de Mme [S], intimée et appelante incidente, communiquées et déposées le 22 novembre 2021, tendant, au principal, à voir le jugement confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et quant aux condamnations prononcées au titre des indemnités de rupture, tendant à voir le jugement réformé pour le surplus et à voir la SA [V] et [G] condamnée à lui verser, à titre de dommages et intérêts, au principal, 39 000€, subsidiairement, 32 1620€ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 4 000€ pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité, outre, au total, 3 800€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 18 mai 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur le manquement à l'obligation de sécurité et de santé

Mme [S] fait valoir que son employeur n'a 'jamais pris la moindre mesure pour tenter de protéger(sa) santé et (sa) sécurité', que sa maladie a été reconnue comme une maladie professionnelle et qu'elle est fondée à obtenir des dommages et intérêts à raison du manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité.

Mme [S] ne fait valoir expressément aucun préjudice tenant au manquement dénoncé mais suggère implicitement que son préjudice serait constitué par cette maladie professionnelle.

Si le préjudice dont Mme [S] entend demander réparation à son employeur est la maladie professionnelle dont elle souffre, elle n'est pas fondée en sa demande, car elle bénéficie d'une réparation allouée par la sécurité sociale qui exclut toute demande à l'encontre de son employeur -sauf à voir reconnaître, selon les procédures applicables, l'existence d'une faute inexcusable pour obtenir une réparation supplémentaire-.

Si Mme [S] entend demander réparation d'un préjudice autre, il lui appartenait d'expliquer quel était ce préjudice, ce qu'elle n'a pas fait.

En conséquence , elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé sur ce point.

2) Sur le licenciement

Mme [S] demande, d'une part, que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse, d'autre part, à ce qu'il soit reconnu qu'il est dû à une inaptitude professionnelle.

2-1) Sur son bien-fondé

Mme [S] reproche à la SA [V] et [G] de ne pas lui avoir adressé de proposition de reclassement.

L'obligation qui pèse sur l'employeur n'est pas de trouver un reclassement pour son salarié inapte mais de rechercher son reclassement. Le fait de ne pas avoir adressé à Mme [S] une proposition de reclassement ne constitue donc pas, en soi, un manquement.

Quant à l'obligation de chercher un reclassement, l'employeur peut en être dispensé par le médecin du travail. Tel est le cas en l'espèce. En effet, si, dans l'avis d'inaptitude daté du 27 juin 2018, le médecin du travail a omis de cocher la case 'dispense de l'obligation de reclassement', il a noté que 'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé' ce qui correspond précisément à l'un des deux cas dispensant l'employeur de rechercher un reclassement.

La SA [V] et [G] ayant été dispensée de rechercher un reclassement, aucun reproche ne saurait lui être fait à ce propos. Mme [S] ayant fondé sa demande tendant à voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse sur ce seul moyen, elle sera déboutée de sa demande. Le jugement sera réformé sur ce point.

2-2) Sur le caractère professionnel de l'inaptitude

En réponse à une question de l'employeur (courriel du 24 juillet 2018 : 'vous me confirmez bien qu'il s'agit d'une inaptitude non professionnelle'), le médecin du travail a répondu le 25 juillet : 'si la question est la maladie professionnelle, je vous confirme qu'AUCUN document n'a été établi à ce sujet (indemnité temporaire d'inaptitude). D'autres de santé ont été des éléments déterminants pour l'inaptitude' (sic).

Le médecin ne répond pas exactement à la question posée.

De surcroît, à supposer que l'inaptitude ait été prononcée pour différents facteurs il suffit que l'un de ces facteurs soit professionnel pour que l'inaptitude, partiellement d'origine professionnelle, ouvre droit à des indemnités majorées.

En l'espèce, Mme [S] a été absente de manière quasi continue de décembre 2014 à juin 2018 essentiellement pour maladie (sauf périodes de congés payés du 25 octobre 2016 au 9 mars 2017 et de fin janvier au 10 mars 2018). D'après les notations figurant sur ses bulletins de paie, ces arrêts ont été prescrits pour maladie professionnelle sauf du 18 mars à fin avril 2017 où il est indiqué qu'il s'agit d'une maladie non professionnelle et du 1er au 15 janvier 2018, du 14 au 31 mars et en avril 2018 où rien n'est pas spécifié concernant la maladie justifiant cet arrêt. Les parties ne produisent pas les avis d'arrêt de travail qui permettraient de préciser le motif de cet arrêt maladie. Il ressort, en toute hypothèse, de cette chronologie que l'absence continue pendant plusieurs mois de Mme [S] a été motivée pour l'essentiel de la période par une maladie professionnelle, ce que savait la SA [V] et [G].

De surcroît, au cours de cette période, le 18 mai 2017, l'assurance maladie a informé tant Mme [S] que son employeur que la rechute du 10 mars 2017 était imputable à la maladie professionnelle du 6 juin 2013.

Enfin les fiches de suivi du médecin du travail des 18 janvier, 13 février et 13 mars 2018 envisagent des adaptations de poste en lien avec sa pathologie professionnelle (tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite) : aide au rangement de pièces légères, temps partiel, encadrement d'équipe (18 janvier), préparation de commandes, temps partiel (13 février, 13 mars).

Ces éléments établissent que l'inaptitude de Mme [S] est au moins pour partie d'origine professionnelle. Elle est donc fondée à obtenir le doublement de l'indemnité légale de licenciement et une indemnité égale à l'indemnité de préavis en application de l'article L1226-14 du code du travail.

' En ce qui concerne le doublement de l'indemnité de licenciement, la somme réclamée par Mme [S] et allouée par le conseil de prud'hommes n'est pas contestée dans son montant par la SA [V] et [G]. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

' Mme [S] sollicite, en sa qualité de travailleuse handicapée, le doublement de l'indemnité de préavis, par application de l'article L 5213-9 du code du travail. Toutefois, le doublement de l'indemnité de préavis applicable aux travailleurs handicapés ne s'applique pas à l'indemnité compensatrice prévue par l'article L1226-14 qui n'est pas une indemnité compensatrice de préavis mais une indemnité seulement égale dans son montant à l'indemnité compensatrice de préavis.

Elle peut donc prétendre seulement à une indemnité égale à l'indemnité de préavis, soit un montant non contesté de 1 608,34€. Le jugement sera réformé sur ce point.

3) Sur les points annexes

Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2019, date de réception par la SA [V] et [G] de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [S] ses frais irrépétibles. De ce chef, la SA [V] et [G] sera condamnée à lui verser 2 500€.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [S] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et en ce qu'il a condamné la SA [V] et [G] à verser à Mme [S] 16 172,75€ de reliquat restant dû au titre de l'indemnité de licenciement

- Y ajoutant

- Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2019

- Réforme le jugement pour le surplus

- Condamne la SA [V] et [G] à verser à Mme [S] 1 608,34€ au titre de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L1226-14 du code du travail avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2019

- Déboute Mme [S] du surplus de ses demandes principales

- Condamne la SA [V] et [G] à lui verser 2 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne la SA [V] et [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00018
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;21.00018 ?
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