AFFAIRE : N° RG 20/00336
N° Portalis DBVC-V-B7E-GPXS
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 15 Novembre 2019 - RG n° 16/01047
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRET DU 07 JUILLET 2022
APPELANT :
Monsieur [U] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Nicolas DELAPLACE, substitué par Me LE BRET, avocats au barreau de CAEN
INTIMEE :
URSSAF de Normandie venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Mme [V], mandatée
DEBATS : A l'audience publique du 25 avril 2022, tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
Mme ACHARIAN, Conseiller,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 07 juillet 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [U] [Z] d'un jugement rendu le 15 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Caen dans un litige l'opposant à l'Urssaf - sécurité sociale des indépendants - agence de Basse- Normandie.
FAITS et PROCEDURE
M.[Z] a été affilié à la sécurité sociale des indépendants du 18 mars 2010 au 29 juin 2015 en qualité de gérant de la sarl [6] et en qualité de gérant de la Sarl [8] entre le 19 avril 2013 et le 26 mars 2014.
Par acte sous seing privé du 29 juin 2015, la sarl [6] a cédé à la sarl [7] son fonds de commerce. A compter de cette date, M. [Z] a cessé son activité.
Quatre mises en demeure ont été émises à son encontre par le régime social des indépendants de Basse-Normandie (RSI) les 25 août 2015, 13 novembre 2015, 6 janvier 2016 et 6 juin 2016.
Le 14 octobre 2016, le RSI Centre Val de Loire - service contentieux a émis une contrainte d'un montant total de 9422 euros, signifiée le 2 novembre 2016 à M. [Z], au titre de des cotisations, contributions, majorations de retard et pénalités afférentes au 3ème trimestre 2013, aux mois de juillet 2015 à décembre 2015.
Le 15 novembre 2016, M. [Z] a formé opposition à cette contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Calvados.
Par jugement du 15 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Caen, auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :
- dit mal fondée l'opposition formée par M. [Z] à l'encontre de la contrainte décernée le 14 octobre 2016 et signifiée le 2 novembre 2016,
- en conséquence, validé ladite contrainte à hauteur de 9297 euros,
- condamné M. [Z] au paiement de cette somme sans préjudice des majorations de retard en cours,
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire,
- condamné M. [Z] au paiement des entiers dépens et des frais de signification de la contrainte signifiée le 2 novembre 2016 soit 72,38 euros sans préjudice le cas échéant des frais de mise à exécution.
Par déclaration du 10 février 2020, M. [Z] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions n°3 du 21 avril 2022 déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, M. [Z] demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a :
* dit mal fondée l'opposition qu'il a formée à l'encontre de la contrainte décernée le 14 octobre 2016 et signifiée le 2 novembre 2016,
* en conséquence, validé ladite contrainte à hauteur de 9297 euros,
* condamné M. [Z] au paiement de cette somme sans préjudice des majorations de retard en cours,
*condamné M. [Z] au paiement des entiers dépens et des frais de signification de la contrainte signifiée le 2 novembre 2016 soit 72,38 euros sans préjudice, le cas échéant,des frais de mise à exécution,
Statuant à nouveau :
A titre principal :
- prononcer la nullité de la mise en demeure du 13 novembre 2015 portant sur les cotisations et majorations de retard de septembre et octobre 2015 d'un montant de 1022 euros,
- prononcer la nullité de la contrainte qui lui a été signifiée le 2 novembre 2016,
- débouter l'Urssaf de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre,
Subsidiairement, si par extraordinaire, la nullité de la contrainte ne devait pas être retenue,
- déclarer l'Urssaf mal fondée à solliciter sa condamnation à lui payer la somme de 9297 euros visée dans la contrainte signifiée le 2 novembre 2016,
- débouter l'Urssaf de l'ensemble de ses demandes,
En tout état de cause:
- prendre acte de ce que l'Urssaf a accueilli favorablement la demande de remise des majorations de retard d'un montant de 125 euros par ses soins réclamées au titre du 3ème trimestre 2015,
- condamner l'Urssaf à lui rembourser les sommes de
* 9884 euros au titre des sommes indûment versées par ce dernier,
* 72,78 euros au titre des frais de signification de la contrainte ainsi qu'aux entiers dépens de première instance,
- condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par la Selarl [5] conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
A l'audience, M. [Z], par la voix de son conseil, demande à titre infiniment subsidiaire, que dans l'hypothèse où la contrainte serait validée, qu'elle le soit à hauteur de 37 euros et non de 55 euros comme demandé par l'Urssaf, soit 55 euros - 18 euros représentant les majorations de retard des mois de septembre et octobre 2015 d'un montant de 9 euros pour chacun de ces mois, correspondant à la mise en demeure du 13 novembre 2015 qui a été annulée du fait de son absence d'envoi.
Par conclusions du 14 avril 2022, l'Urssaf de Normandie, venant aux droits et obligations de l'Urssaf de Basse- Normandie et de l'Urssaf de Haute- Normandie, demande à la cour:
A titre principal:
- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire:
- de débouter M. [Z] de toutes ses demandes,
- de valider la contrainte du 14 octobre 2016 pour un montant de 55 euros,
- de condamner M. [Z] au paiement de cette somme réclamée ainsi qu'au paiement des frais de signification de la contrainte.
Il sera renvoyé aux conclusions pour un exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR
I- Sur la validité de la contrainte émise le 14 octobre 2016
La contrainte litigieuse fait référence à quatre mises en demeure, émises par le RSI:
- le 25 août 2015 au titre des cotisations et contributions, majorations de retard et pénalités afférentes aux mois de juillet et août 2015 de 1022 euros,
- le 13 novembre 2015 au titre des cotisations, contributions, majorations et pénalités de septembre et octobre 2015 de 1022 euros,
- le 6 janvier 2016 au titre des cotisations, contributions, majorations et pénalités du 3ème trimestre 2013 et du mois de décembre 2015 de 6867 euros,
- le 6 juin 2016, au titre des cotisations, contributions, majorations et pénalités du mois de novembre 2015 de 511 euros.
Selon les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle ces cotisations se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
1) Sur la mise en demeure du 13 novembre 2015
M. [Z] fait valoir que l'Urssaf ne justifie pas de l'envoi de la mise en demeure du 13 novembre 2015 afférente aux cotisations de septembre et octobre 2015 d'un montant de 1022 euros, majorations de retard comprises, de sorte que la procédure de recouvrement initiée par l'Urssaf pour ces cotisations devra être déclarée nulle en application de l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale.
Il résulte de ces dispositions que toute action aux fins de recouvrement de cotisations de sécurité sociale doit être précédée, à peine de nullité, de l'envoi d'une mise en demeure adressée au redevable.
En l'espèce, l'Urssaf admet être dans l'impossibilité de prouver l'envoi de la mise en demeure du 13 novembre 2015 d'un montant de 1022 euros visée dans la contrainte émise le 2 novembre 2016.
En conséquence, il convient d'annuler la procédure de recouvrement des cotisations, contributions, majorations de retard et pénalités afférentes aux mois de septembre et octobre 2015 d'un montant de 1022 euros.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
2) Sur la motivation de la contrainte
Il est justifié que les trois autres mises en demeure des 25 août 2015, 6 janvier 2016 et 6 juin 2016 ont été reçues par M. [Z] ainsi qu'il ressort des accusés de réception versés aux débats, respectivement datés des 26 août 2015, 12 janvier 2016 et 10 juin 2016.
Elles mentionnent chacune:
- la nature des cotisations et des contributions réclamées: maladie - maternité, indemnités journalières, invalidité, retraite de base, retraite complémentaire, allocations familiales, CSG/ CRDS,
- la période à laquelle les cotisations se rapportent: 3ème trimestre 2013, juillet, août, novembre et décembre 2015,
- le montant des cotisations, des pénalités et des majorations de retard.
Elles ont donc été établies conformément aux dispositions des articles L244-2 et R 244-1 du code de la sécurité sociale et permettent à M. [Z] de connaître la cause, la nature et l'étendue de son obligation.
Dès lors et contrairement à ce que soutient M. [Z], la contrainte litigieuse, qui fait référence à ces trois mises en demeure, est suffisamment motivée.
II- Sur le montant des sommes réclamées
1) Sur les majorations de retard réclamées au titre du 3ème trimestre 2013
L'Urssaf indique avoir accueilli favorablement la demande de remise des majorations de retard du 3ème trimestre 2013 d'un montant de 125 euros que M. [Z] a présentée. Il en sera donné acte aux parties.
2) Sur les cotisations 2015
L'Urssaf expose que les cotisations provisionnelles au titre de l'année 2015 ont été initialement calculées sur le revenu 2013 puis recalculées sur son revenu 2014 de 2900 euros et définitivement régularisées sur la base du revenu réel 2015. Elle souligne que ce n'est que le 5 octobre 2020, soit postérieurement à l'appel qu'il a interjeté, que M. [Z] a communiqué ses revenus 2015.
Par courrier du 14 octobre 2020, l'Urssaf a notifié à M. [Z], avoir procédé, suite à sa radiation et à partir des revenus qu'il a déclarés, au calcul définitif de ses cotisations et contributions sociales dues au titre de l'année 2015 s'élevant à la somme de 1942 euros, précisant qu'un montant de 11 826 euros avait déjà été appelé au titre des cotisations 2015, que la régularisation s'élevait à la somme de 9 884 euros.
Par un second courrier du 14 octobre 2020, l'Urssaf a demandé à M. [Z] de payer la somme de 95 euros, représentant le solde après calcul définitif de ses cotisations et contributions et déduction faite des cotisations provisionnelles déjà appelées.
L'Urssaf mentionne, dans ses conclusions,que les cotisations de 1942 euros, lesquelles incluent ce montant de 95 euros, ont été appelées en 2015 selon l'échéancier suivant : 1018 euros en février, 337 euros en mars, 160 euros en avril, 150 euros en mai et 129 euros en juin soit 1794 euros, qu'il reste à verser chaque mois, de juillet à novembre 2015, la somme de 9 euros et un reliquat de 8 euros en décembre outre 2 euros de majorations de retard, soit un total de 55 euros.
Contrairement à ce que soutient M. [Z], les sommes dont le paiement lui est demandé en septembre et octobre 2015 (2 x 9 euros), ne correspondent pas aux cotisations afférentes aux mois de septembre et octobre 2015 mais aux cotisations des mois de janvier à juin 2015, dont le paiement est échelonné notamment sur septembre et octobre 2015.
M. [Z] reste donc redevable envers l'Urssaf de la somme de 55 euros.
3) Sur les demandes de remboursement présentées par M. [Z]
L'Urssaf reconnaît que les cotisations 2015 ont été appelées à hauteur de 11 826 euros alors que M. [Z] n'est redevable que de la somme de 1942 euros, générant une régularisation de 9884 euros.
M. [Z] étant, à l'égard de l'Urssaf, débiteur de 55 euros et créancier de 9884 euros, il convient par voie de compensation de condamner l'Urssaf à lui rembourser la somme de 9829 euros.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'y a donc pas lieu de valider la contrainte litigieuse pour un montant de 55 euros , mais de condamner l'Urssaf à rembourser à M. [Z] la somme de 9829 euros, outre 72,38 euros au titre des frais de signification de la contrainte.
III- Sur les autres demandes
L'Urssaf qui succombe, supportera les dépens d'appel et de première instance, le jugement étant infirmé sur ce dernier chef.
Il sera rappelé que les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ne sont applicables qu'à la procédure avec représentation obligatoire, de sorte que la demande formée par M. [Z] sur ce fondement sera rejetée.
L'équité ne commande pas de faire droit à la demande de M. [Z] présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Annule la procédure de recouvrement initiée par le régime social des indépendants de Basse Normandie, aux droits duquel vient aujourd'hui l'Urssaf de Normandie, au titre des cotisations, contributions, majorations de retard et pénalités afférentes aux mois de septembre et octobre 2015 d'un montant de 1022 euros,
Rejette la demande de l'Urssaf de Normandie, venant aux droit de l'Urssaf de Basse- Normandie et de Haute -Normandie, venant elle - même aux droits de l'Urssaf sécurité sociale des indépendants , venant aux droits du régime social des indépendants, tendant à la validation de la contrainte émise le 14 octobre 2016, par le régime social des indépendants - Centre Val de Loire , pour un montant ramené à 55 euros au titre des cotisations, contributions, majorations de retard et pénalités afférentes au 3ème trimestre 2013, aux mois de juillet 2015, août 2015, novembre 2015 et décembre 2015, signifiée le 2 novembre 2016 à M. [Z],
Donne acte à M. [Z] et à l'Urssaf de Normandie, venant aux droit de l'Urssaf de Basse- Normandie et de l'Urssaf de Haute -Normandie, venant elle - même aux droits de l'Urssaf sécurité sociale des indépendants, venant aux droits du régime social des indépendants, de ce qu'elle a fait droit à la demande de remise des majorations de retard de 125 euros au titre du 3ème trimestre 2013,
Condamne l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse Normandie et de l'Urssaf de Haute Normandie, venant elle - même aux droits de l'Urssaf sécurité sociale des indépendants, venant aux droits du régime social des indépendants, à payer à M. [Z] les sommes de :
- 9829 euros au titre des cotisations, contributions, majorations de retard et pénalités afférentes au 3ème trimestre 2013 et aux mois de juillet, août, novembre et décembre 2015,
- 72,38 euros au titre des frais de signification de la contrainte du 14 octobre 2016,
Condamne l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse Normandie et de l'Urssaf de Haute Normandie, venant elle - même aux droits de l'Urssaf sécurité sociale des indépendants, venant aux droits du régime social des indépendants, aux dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute M. [Z] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX