AFFAIRE : N° RG 19/03405
N° Portalis DBVC-V-B7D-GOQI
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance d'ALENCON en date du 04 Octobre 2019 - RG n° 18/134
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRET DU 07 JUILLET 2022
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Mme DESLANDES, mandatée
INTIMEE :
Société [5] (anciennement dénomée S.A.S. [4])
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me RIGAL, substitué par Me RUIMY, de la SARL ONELAW, avocats au barreau de LYON
DEBATS : A l'audience publique du 02 mai 2022, tenue par Monsieur LE BOURVELLEC, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de Chambre,
Mme ACHARIAN, Conseiller,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 07 juillet 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] d'un jugement rendu le 4 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Alençon dans un litige l'opposant à la société [5] (anciennement dénommée société [4]).
FAITS et PROCEDURE
Mme [M] a été embauchée par la société [5], anciennement dénommée société [4] (ci-après 'la société') en qualité d'agent de production.
Elle a établi le 26 avril 2017 une déclaration de maladie professionnelle au titre d'un 'ressaut 3ème doigt main gauche (ténosynovite tableau 57), sur la base d'un certificat médical initial du 24 janvier 2017 mentionnant 'main gauche 3ème doigt tableau 57 - ténosynovite du fléchisseur douleur raideur'.
Le 26 octobre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] (ci-après 'la caisse') a notifié à l'employeur la décision de prise en charge de la maladie au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles 'affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail'.
Saisie par la société le 7 décembre 2017 d'une contestation de cette décision, la commission de recours amiable a, en sa séance du 14 mars 2018, rejeté la demande de l'employeur.
La société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Alençon le 15 mai 2018 pour contester la décision de la commission de recours amiable.
Le tribunal de grande instance d'Alençon, auquel le contentieux de la sécurité sociale a été transféré à compter du 1er janvier 2019, a par jugement du 4 octobre 2019 :
- infirmé la décision de rejet du 14 mars 2018 de la commission de recours amiable de la caisse,
- en conséquence, déclaré inopposable à la société la décision du 26 octobre 2017 de prise en charge par la caisse, au titre du tableau n° 57 C2 des maladies professionnelles, de la pathologie déclarée par Mme [M] soit une ténosynovite des fléchisseurs du 3ème doigt,
- condamné la caisse aux dépens.
Par déclaration du 6 décembre 2019, la caisse a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 28 avril 2022 soutenues oralement par sa représentante, la caisse demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- constater que l'ensemble des conditions médicales et réglementaires afférentes au tableau n° 57 des maladies professionnelles étaient réunies et que dès lors c'est à bon droit que la caisse a pris en charge la pathologie de Mme [M] au titre d'une maladie professionnelle,
- constater que la caisse a respecté l'ensemble de ses obligations procédurales dans le cadre de la reconnaissance de la maladie professionnelle et que la décision de prise en charge est donc opposable à la société,
- débouter la société de l'ensemble de ses demandes.
Par écritures déposées le 28 avril 2022, soutenues oralement par son conseil, la société demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré inopposable la décision de prise en charge du 26 octobre 2017 de la maladie professionnelle du 24 janvier 2017 déclarée par Mme [M],
- constater que la caisse n'a pas respecté la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles dans le cadre de la prise en charge de la maladie du 24 janvier 2017 déclarée par Mme [M] notamment le principe général du contradictoire,
- constater que la caisse a pris en charge la maladie du 24 janvier 2017 déclarée par Mme [M] au titre de la législation professionnelle sans rapporter la preuve que l'ensemble des conditions du tableau n° 57 C2 des maladies professionnelles étaient remplies,
- constater que la caisse n'a pas saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles,
- déclarer que la décision de prise en charge de la pathologie du 24 janvier 2017 déclarée par Mme [M] au titre de la législation professionnelle est inopposable à la société, ainsi que toutes les conséquences financières y afférentes,
- débouter la caisse de toutes ses demandes,
- condamner la caisse aux dépens.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR,
Aux termes de l'article L.461-1 du code de sécurité sociale dans sa version applicable:
Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Il est acquis que la maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostics éventuellement prévus.
Le tableau n° 57 des maladies professionnelles, dans sa version applicable, vise les affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail. Le tableau n° 57 C concerne les ténosynovites, avec un délai de prise en charge de sept jours, et suppose que le salarié ait effectué des travaux comportant de façon habituelle des mouvements répétés ou prolongés des tendons fléchisseurs ou extenseurs de la main et des doigts.
Il est acquis que :
- le délai de prise en charge détermine la période au cours de laquelle, après la cessation de l'exposition au risque, la maladie doit se révéler et être médicalement constatée pour être indemnisée au titre des maladies professionnelles,
- ce délai court à compter de la première constatation médicale qui atteste l'affection,
- la première constatation médicale de la maladie professionnelle n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que le certificat médical accompagnant la déclaration de cette maladie et peut lui être antérieure,
- la preuve de la date de la première constatation médicale n'obéit à aucun formalisme particulier et peut être prouvée par tous moyens.
En l'espèce, la caisse fait valoir que la date de première constatation médicale, antérieure à celle mentionnée au certificat médical initial, a été fixée par le médecin conseil dans le colloque administratif et qu'elle a été confirmée par un autre praticien.
La société estime qu'à la date du 24 janvier 2017, date de la première constatation médicale mentionnée au certificat médical initial, Mme [M] ne respectait pas la condition relative au délai de prise en charge de sept jours.
En cas de contestation du caractère professionnel de la maladie, il appartient à la juridiction de vérifier les éléments de preuve permettant de fixer la date de première constatation médicale et donc de vérifier le respect du délai de prise en charge édicté par le tableau.
Mme [M] a cessé d'être exposée au risque après le 1er janvier 2017, dernier jour travaillé.
Le délai de prise en charge de sept jours, prévu au tableau n° 57 C des maladies professionnelles, était donc dépassé à la date du certificat médical initial, le 24 janvier 2017.
Le médecin conseil a fixé, dans le colloque médico-administratif, au 15 décembre 2016 la date de la première constatation médicale, en mentionnant, au titre des documents ayant permis de la fixer 'CRO', dont il peut être déduit des explications de la caisse qu'il s'agit de l'abréviation pour 'compte rendu opératoire'.
Cependant la cour n'est pas en mesure de vérifier, dans le dossier constitué par l'organisme social, ce que recouvre la date du 15 décembre 2016 retenue par la caisse comme première manifestation médicale au titre du tableau n° 57.
La fiche colloque, versée au dossier constitué par la caisse, se borne à mentionner la date de première constatation médicale, sans indiquer la référence précise aux éléments médicaux dont elle disposait (qui n'ont pas, eux, à figurer matériellement au dossier constitué en application de l'article R. 441-13), qui auraient permis au médecin-conseil de faire remonter la première constatation médicale à cette date.
L'indication fournie par le médecin-conseil le 23 avril 2019, soit en cours de procédure, suivant laquelle la date de première constatation médicale a été fixée sur la base d'un compte rendu opératoire du 15 décembre 2016, ne figurait pas au dossier initialement constitué par la caisse.
De surcroît, la caisse s'abstient de produire dans le cadre de la présente instance le document mentionné par le médecin conseil dans le colloque. En conséquence, la cour ne peut vérifier les éléments sur lesquels la caisse se fonde pour fixer la date de première constatation médicale au 15 décembre 2016.
La condition tenant au délai de prise en charge de 7 jours n'étant pas remplie, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré inopposable à la société, la décision du 26 octobre 2017 de la caisse de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Mme [M] soit une ténosynovite des fléchisseurs du 3ème doigt.
Il sera également confirmé en ce qu'il a condamné la caisse aux dépens de première instance.
Succombant en ses demandes, la caisse supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de[Localité 3] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX