AFFAIRE : N° RG 19/02851
N° Portalis DBVC-V-B7D-GNK3
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES en date du 04 Septembre 2019 - RG n° 18/00284
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRET DU 30 JUIN 2022
APPELANTE :
SAS [5], réprésentée par son représentant légal agissant poursuites et diligences
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Robert APÉRY, substitué par Me OLLIVIER, avocats au barreau de CAEN
INTIMEE :
Mutualité Sociale Agricole COTES NORMANDES
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Frédéric FORVEILLE, avocat au barreau de CAEN
DEBATS : A l'audience publique du 04 avril 2022, tenue par Mme ACHARIAN, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de Chambre,
Mme ACHARIAN, Conseiller,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 30 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la SAS [5] d'un jugement rendu le 4 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Coutances dans un litige l'opposant à la Mutualité sociale agricole côtes normandes.
FAITS et PROCEDURE
M. [O] [E], salarié de la SAS [5] (la société) depuis le 1er décembre 2013 a, le 24 octobre 2017 effectué une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical initial daté du 4 octobre 2017, indiquant une rupture de la coiffe gauche (IRM du 14 septembre 2017).
Le 12 décembre 2017, la Mutualité sociale agricole côtes normandes (la caisse) a informé la société de sa décision de prise en charge de cette pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels.
La société a contesté cette décision auprès de la commission de recours amiable de la caisse qui, en sa séance du 14 mars 2018, a rejeté sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la maladie déclarée par M. [E].
La société a donc saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche.
Par jugement du 4 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Coutances, à qui a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :
- déclaré recevable le recours,
- débouté l'employeur de ses demandes,
- confirmé l'opposabilité à l'employeur de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'affection déclarée par M. [E] le 24 octobre 2017,
- débouté l'employeur de sa demande d'expertise,
- débouté l'employeur de ses demandes au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.
La société a interjeté appel de cette décision par acte du 9 octobre 2019.
Par conclusions déposées le 18 juin 2020, soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré,
- déclarer recevable et bien fondé son recours,
- réformer la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse,
- lui déclarer inopposable la décision de la caisse en date du 12 décembre 2017 reconnaissant le caractère professionnel de la maladie de M. [E],
- condamner la caisse aux dépens et à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la caisse de sa demande de condamnation au paiement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses écritures déposées le 23 avril 2020, soutenues oralement à l'audience par son représentant, la caisse demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- rejeter l'ensemble des fins, demandes et prétentions de la société [5],
- condamner la société [5] au paiement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation détaillée de leurs prétentions respectives et des moyens développés à leur soutien.
Le 1er juin 2022, sur demande de la cour, la société a communiqué l'intégralité des pièces inscrites à son bordereau.
SUR CE, LA COUR,
L'article L.461-1 du code de sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose :
Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.
Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
En l'espèce, il résulte des débats que M. [U] [E], salarié de la société depuis 2013, a transmis une déclaration de maladie professionnelle datée du 24 octobre 2017, accompagnée d'un certificat médical initial du 4 octobre 2017 mentionnant une rupture de la coiffe des rotateurs.
Aux termes du tableau 39 des maladies professionnelles du régime agricole, 'Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail' issu du décret du 19 août 1993, seul applicable aux circonstances de l'espèce, pour une épaule douloureuse simple (tendinopathie de la coiffe des rotateurs) :
- le délai de prise en charge est de 7 jours,
- le salarié doit effectuer des travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l'épaule.
Le délai de prise en charge n'est en l'espèce aucunement contesté, l'employeur soutenant en revanche que le critère tenant à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie ne serait pas rempli.
Il résulte cependant des pièces produites et des déclarations du salarié, recueillies par la caisse par questionnaire renseigné le 24 octobre 2017 que celui-ci indique, en qualité de conducteur de ligne et conducteur suremballage, 'faire des palettes de 660 kgs en cartons de 5 ou 10 kgs pendant 8h'.
L'employeur, qui n'a pas renvoyé le questionnaire transmis par la caisse selon courrier du 31 octobre 2017, admet dans ses dernières écritures que M. [E] effectuait des tâches de 'palettisation manuelle' qu'il estime à 21 minutes par jour ; cette évaluation est toutefois réalisée sur le fondement de photographies qui ne rendent aucunement possible la vérification du calcul ainsi avancé.
Les documents techniques, tableaux et fiches de postes fournis, qui ne sont pas accompagnés d'explications suffisantes, ne permettent pas davantage de déterminer la part de 'palettisation' dans l'activité de M. [E], d'autant qu'ils concernent pour certains la période postérieure au mois d'octobre 2017. Or, la maladie a été déclarée le 24 octobre 2017 et l'employeur indique que l'assuré a connu, à cette date, un changement de poste pour exercer des fonctions de 'conducteur process', alors qu'il occupait jusque là un poste de 'conducteur conditionneuse'.
En tout état de cause, le médecin du travail, dans une note datée du 25 février 2019, indique que pour deux lignes, la 'palettisation' est faite manuellement, avec des boîtes d'environ 10 kgs sur une hauteur d'empilement allant jusqu'à 1,5 mètre, outre l'alimentation de la machine en cartons, positionnés sur une palette atteignant une hauteur de 1,8 mètre. Il s'en déduit une nécessaire élévation des bras.
Il résulte enfin de l'expertise ergonomique non contradictoire réalisée au sein de l'entreprise [5] par M. [K], expert, le 5 novembre 2019 que les épaules se trouvent au poste de conducteur de ligne conditionneuse, sollicitées à 45 degrés au maximum pour la mise en palette, de 70 degrés à 80 degrés pour l'alimentation de la machine en cartons durant environ 5 minutes par jour et au delà de 90 degrés durant quelques secondes une à deux fois par semaine. Il en conclut, au regard des critères posés par le tableau 57 des maladies professionnelles du régime général, 'que l'activité des conducteurs de ligne ne s'accompagne pas d'une sollicitation des épaules permettant la reconnaissance d'une maladie professionnelle de type affection péri articulaire de l'épaule'.
Il convient toutefois de rappeler qu'est exclusivement applicable au cas d'espèce le tableau 39 du régime agricole susvisé et donc la liste limitative établie par celui-ci, le tableau 57 des maladies professionnelles concernant les affections péri articulaires ne pouvant être invoqué ni directement ni indirectement.
Or il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent, y compris de l'expertise de M. [K], que l'activité de M. [E] comportait au moins jusqu'en octobre 2017 des mouvements répétés de l'épaule, conformément au tableau 39 des maladies professionnelles applicable au régime agricole. Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé.
La société qui succombe en son appel, en supportera les dépens.
Elle sera également déboutée de sa demande concernant les frais irrépétibles et condamnée à payer à la caisse la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SAS [5] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS [5] au paiement des dépens d'appel,
Condamne la société [5] à payer à la Mutualité sociale agricole côtes normandes une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX