AFFAIRE : N° RG 18/01058
N° Portalis DBVC-V-B7C-GBVW
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CAEN en date du 19 Février 2018 - RG n° 2015.0118
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRÊT DU 30 JUIN 2022
APPELANT :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU CALVADOS
[Adresse 1]
[Adresse 5]
Représentée par Mme ABDELHADI, mandatée
INTIME :
CENTRE HOSPITALIER [Localité 3]-[Localité 4] venant aux droits de l'association '[6]' dénommée usuellement 'HAD de [Localité 4]' dissoute avec effet au 15 juin 2021
[Adresse 2]
Représenté par Me Xavier BADIN, substitué par Me GANTRIAUD, avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Président de chambre,
Mme ACHARIAN, Conseiller,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
DEBATS : A l'audience publique du 07 avril 2022
GREFFIER : Mme GOULARD
ARRÊT prononcé publiquement le 30 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados d'un jugement rendu le 19 février 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen dans un litige l'opposant à l'association ' [6]'.
FAITS et PROCEDURE
L'association '[6]', usuellement dénommée HAD de [Localité 4], dissoute à effet du 15 juin 2021, aux droits de laquelle vient aujourd'hui le Centre hospitalier d'[Localité 3]-[Localité 4]( ci après l'association ou l'HAD de [Localité 4]), exerce une activité d'hospitalisation à domicile (HAD) des personnes.
I - Par lettre du 22 avril 2014, la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la caisse), à la suite d'un contrôle de facturation concernant les assurés bénéficiant de l'hospitalisation à domicile servie par l'association, lui a rappelé les principaux éléments retenus dans la réglementation applicable et précisé que les remboursements en anomalies ont entraîné un préjudice de 66 924,64 euros pour l'assurance maladie pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.
Par courrier en réponse du 20 mai 2014, l'association a contesté l'ensemble des anomalies afférentes aux remboursements de médicaments et prestations mentionnés.
Par message électronique du 7 juillet 2014, la caisse a indiqué avoir pris en compte les observations et mis en oeuvre différentes procédures.
Par courrier du 26 août 2014, la caisse a notifié à l'association, au titre de l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale, un indu portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 d'un montant de 44 750,53 euros, au motif que des soins de ville ont été indûment présentés au remboursement, pendant le séjour hospitalier, en sus des forfaits GHT facturés par elle, qu'après avoir présenté ses observations le 27 juin 2014, l'association qui s'était engagée à faire suivre les copies des conventions signées entre l'HAD et les professionnels de santé, ne les a pas communiquées, de sorte que la caisse n'a pas pu prendre en compte ses observations quant aux anomalies correspondantes, qu'en conséquence, l'association est redevable de la somme de 44 750,53 euros, après déduction des prestations prises en charge par l'HAD de [Localité 4].
Le 2 décembre 2014, la commission de recours amiable, saisie par l'association, a confirmé la décision de la caisse.
Le 9 février 2015, l'association a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen pour contester cette décision.
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II- Par courrier du 28 octobre 2014, la caisse a informé l'HAD de [Localité 4] qu'à la suite de l'analyse des bases de remboursement de l'assurance maladie, sur la période du 1er avril 2012 au 31 décembre 2012, il a été relevé que des médicaments et/ ou dispositifs inscrits à la LPP (liste des produits et prestations) ont été présentés au remboursement pendant le séjour hospitalier d'un patient dans son établissement, facturés à l'assurance maladie, alors qu'ils ne sont pas répertoriés parmi les arrêtés pris en application de l'article L 162-22-7 du code de la sécurité sociale autorisant une telle facturation en sus du GHT (Groupe homogène de tarifs). Elle conclut que ces remboursements en anomalies, dont le détail figure en pièce jointe, ont entraîné un préjudice de 7 853,62 euros pour l'assurance maladie pour cette période.
Par courrier du 15 décembre 2014, l'association a fait valoir ses observations, contestant la procédure en répétition d'indu et les anomalies constatées.
Par lettre du 23 mars 2015, la caisse a adressé à l'HAD de [Localité 4] une notification de payer les prestations indûment présentées au remboursement, au visa des articles L 161-1-5 et R 133-9-2 du code de la sécurité sociale, d'un montant de 7822,92 euros, précisant qu'il ne s'agissait pas d'un indû généré par une erreur de tarification ou de facturation mais de l'action de la caisse à son encontre, pour la part du forfait GHT versé, correspondant au montant des prestations prises en charge par la caisse d'affiliation de l'assuré au titre des soins de ville, alors qu'elles auraient du être assurées par l'HAD dans le cadre du forfait GHT versé.
La commission de recours amiable a confirmé l'indu par décision du 1er septembre 2015.
Le 29 octobre 2015, l'association a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen pour contester cette décision.
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III - Par courrier du 10 juillet 2015, la caisse a informé l'HAD de [Localité 4] que depuis 2009, elle vérifiait que la part forfaitaire du GHT, correspondant aux frais afférents aux médicaments, LPP et auxiliaires de santé pour des patients en HAD, n'avait pas fait l'objet d'une double facturation sur l'enveloppe des soins de ville, que le contrôle en cours portait sur :
- sur les facturations, du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2014, des médicaments et dispositifs médicaux inscrits sur la liste des produits et prestations ( LPP) , qui ne sont pas répertoriés parmi les arrêtés pris en application de l'article L 162-22-7 du code de la sécurité sociale et ne peuvent donc pas donner lieu à facturation en sus du GHT,
- sur les facturations, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014, pour les actes afférents aux examens de laboratoire, les charges relatives à la rémunération des sages femmes, les charges relatives à la rémunération des auxiliaires médicaux.
La caisse a indiqué que l'analyse des bases de remboursement de l'assurance maladie a révélé un certain nombre d'interrogations susceptibles d'entraîner un montant des sommes indues de 36 097 euros sur la période du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2014, le détail étant précisé en pièces jointes au courrier.
Le 14 décembre 2015, la caisse a notifié à l'HAD de [Localité 4] un indu, au visa des articles 1235 et 1376 du code civil et L 161-1-5 et R 133-9-2 du code de la sécurité sociale d'un montant ramené,après prise en compte des observations de l'association, à 30 065,31 euros, correspondant au non respect du caractère forfaitaire du financement GHT pour les patients hospitalisés.
La caisse précisait que le constat des anomalies ne s'appuyait pas sur les dispositions de l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale, puisqu'il ne s'agissait pas à ce stade de la procédure d'une notification d'indu, mais d'un constat d'anomalies présumées de doubles facturations de prestations normalement incluses dans le GHT de la structure.
L'association a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, puis elle a saisi le 4 juillet 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen pour contester la décision explicite de rejet de la commission du 11 mai 2016.
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Par jugement du 19 février 2018, ce tribunal a :
- ordonné la jonction des trois recours,
- déclaré recevables et bien fondés les recours formés par l'association à l'encontre des décisions de la commission de recours amiable du 2 décembre 2014, du 1er septembre 2015 et du 11 mai 2016,
- annulé lesdites décisions rendues par la commission de recours amiable et les notifications des sommes dont la caisse primaire d'assurance maladie réclamait le paiement par courriers recommandés en date des 26 août 2014, 23 mars 2015 et 14 décembre 2015 avec toutes conséquences de droit,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que la procédure est gratuite et sans frais en application de l'article R 144-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale.
Par déclaration du 9 avril 2018, la caisse a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions du 1er octobre 2021 déposées et soutenues oralement à l'audience par sa représentante, la caisse demande à la cour :
A titre principal :
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli les demandes de l'HAD de [Localité 4],
- de constater qu'elle a pris en charge des prestations déjà incluses dans le forfait GHT réglé au titre des patients de l'HAD,
- de constater qu'elle est fondée à réclamer le remboursement de la part du forfait correspondant aux prestations payées par ailleurs,
A titre reconventionnel,
- de condamner l'HAD à lui payer les sommes de 44 750,53 euros, 7822,92 euros et 30 065,31 euros, correspondant aux sommes notifiées.
Aux termes de ses conclusions du 21 décembre 2021, déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, le Centre hospitalier d'[Localité 3]-[Localité 4], venant aux droits de l'association ' [6]', demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement déféré,
- rejeter les demandes reconventionnelles formulées par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados,
A titre subsidiaire:
- réformer le jugement déféré pour retirer la somme de 2343,86 euros de l'indu réclamé par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados,
En tout état de cause,
- condamner la caisse à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé aux conclusions pour un exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR
L'hospitalisation à domicile prévue à l'article R 6121-4-1 du code de la santé publique est destinée à apporter à domicile des soins continus et coordonnés à des patients souffrant de pathologies graves, aigües ou chroniques.
Selon l'article D 6124-306 du même code, la prise en charge d'un patient en HAD ne peut avoir lieu que sur prescription médicale du médecin traitant ou éventuellement d'un médecin hospitalier.
L'HAD fait l'objet d'un financement au moyen de forfaits quotidiens dénommés groupes homogènes de tarifs ( GHT) conformément aux dispositions de l'article R 162-33-1 du code de la sécurité sociale (anciennement R 162-32) qui énonce que :
' Les catégories de prestations d'hospitalisation donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale mentionnées au 1° de l'article L 162-22-6 sont les suivantes :
1° Le séjour et les soins avec ou sans hébergement, représentatifs de la mise à disposition de l'ensemble des moyens nécessaires à l'hospitalisation du patient, à l'exception de ceux faisant l'objet d'une prise en charge distincte en application des dispositions de l'article R 162-33-2( ....).
La prise en charge des frais occasionnés par ces prestations est assurée par des forfaits( ...).'
L'article R 162-33-2 du même code précise toutefois que :
'1° Sont exclus de tous les forfaits mentionnés à l'article R 162-33-1 et font l'objet d'une prise en charge distincte, les frais afférents à la fourniture des spécialités pharmaceutiques et des produits et prestations mentionnés à l'article L 162-22-7 ;
2° Sous réserve des dispositions du 4°, sont exclus des forfaits des établissements de santé privés mentionnés au d et e de l'article L 162-22-6, à l'exception des établissements mentionnés à l'article 24 de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 :
a) Les honoraires des praticiens,y compris ceux afférents aux examens de biologie médicale et, le cas échéant, les rémunérations des personnels qu'ils prennent en charge directement,
b) Les honoraires des auxiliaires médicaux, à l'exclusion de ceux afférents aux soins infirmiers (...)'.
Le GHT ne finance pas tous les médicaments et soins prescrits au patient pendant la durée de son hospitalisation à domicile mais uniquement ceux qui sont nécessaires au traitement de la maladie ou de l'affection ayant motivé son admission en HAD, telle qu'elle figure sur la prescription de prise en charge.
L'article L 133-4 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, énonce :
' qu'en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :
1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L 162-1-7, L 162-17, L 165-1, L 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L 162-22-1 et L 162-22-6,
2° Des frais de transport mentionnés à l'article L 321-1,
l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non - respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.
Il résulte de l'application de ces textes qu'il appartient à la caisse primaire d'assurance maladie qui se prévaut d'un indu, dont elle sollicite le remboursement, de rapporter la preuve qu'elle a pris en charge des produits, prestations, honoraires ou médicaments, non exclus des forfaits versés à l'association et rendant indue la part correspondante du forfait, c'est à dire qu'elle a effectué un double paiement des factures.
La caisse soutient qu'elle rapporte la preuve, par la fourniture de tableaux détaillés reprenant les produits, prestations et médicaments facturés pour le compte des patients au cours de leur hospitalisation à domicile, du caractère indu des anomalies et que l'association échoue à démontrer que les sommes facturées n'étaient pas incluses dans le forfait GHT.
L'association rétorque que la caisse n'identifie ni la règle de tarification ni la règle de facturation qui aurait été méconnue alors qu'elle ne pouvait engager de recouvrement à son encontre qu'en établissant que l'association était à l'origine du non - respect des règles.
En matière de répétition d'indu, il appartient au demandeur d'apporter la preuve de sa créance notamment en application de l'article 1353 du code civil: ' Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'
L'article L 133-4 du code de la sécurité sociale dispose qu'' En cas d'inobservation des règles de tarification et de facturation ( ....) l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non- respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.
En l'espèce, la caisse a accompagné chacun de ses courriers de notification d'indu adressés à l'assocation, d'un tableau récapitulatif mentionnant l'identité du patient, la durée du séjour de l'hospitalisation à domicile, l'identité du médecin prescripteur, la nature de l'acte ou de la prestation ainsi que la date de remboursement des sommes indûment payées sur l'enveloppe des soins de ville, puisque leur prise en charge est couverte par le tarif GHT versé à l'association.
Cependant, la seule production de ces tableaux, établis par la caisse, sans aucun autre élément ne permet pas d'établir la réalité du double paiement intervenu, l'association ne pouvant pas opérer de vérification, s'agissant d'un remboursement qui n'est pas effectué entre ses mains mais à un professionnel libéral.
De même, l'exécution des prestations ne peut être contrôlée, quand bien même l'association dispose du dossier médical du patient en hospitalisation à domicile, puisqu'il ne peut être exclu que des prestations ou médicaments soient délivrés dans un autre cadre que celui de l'hospitalisation à domicile ou une prestation délivrée avant la prise en charge en hospitalisation à domicile mais facturée durant cette période.
En l'absence de production par la caisse de pièces justificatives, notamment des prescriptions médicales et des factures émises, aucun contrôle ne peut être effectué par l'association.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont, compte tenu de l'insuffisance des pièces justificatives produites par la caisse , annulé les décisions rendues par la commission de recours amiable des 2 septembre 204, 1er septembre 2015 et 11 mai 2016. Le jugement déféré sera confirmé .
La caisse qui succombe supportera les dépens d'appel.
L'équité commande de faire droit à la demande de l'association au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 1500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement déféré,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados aux dépens d'appel,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados à payer au centre hospitalier d'[Localité 3] - [Localité 4], venant aux droits de l'association '[6]' la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX