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23/06/2022 | FRANCE | N°21/01125

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 23 juin 2022, 21/01125


AFFAIRE : N° RG 21/01125

N° Portalis DBVC-V-B7F-GXO2

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 15 Mars 2021 RG n° 19/00308











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 23 JUIN 2022





APPELANT :



Monsieur [W] [I]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par Me Sophie LECELLIER, avocat au barreau de CAEN
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INTIME :



S.A.S.U. CPA Prise en la personne de sa Présidente, Madame [X] [N], domiciliée en cette qualité audit siège

« Le Saint Clair » - [Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Patrick CHADEL, substit...

AFFAIRE : N° RG 21/01125

N° Portalis DBVC-V-B7F-GXO2

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 15 Mars 2021 RG n° 19/00308

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

APPELANT :

Monsieur [W] [I]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Sophie LECELLIER, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

S.A.S.U. CPA Prise en la personne de sa Présidente, Madame [X] [N], domiciliée en cette qualité audit siège

« Le Saint Clair » - [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Patrick CHADEL, substitué par Me MOISSON, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 07 avril 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 23 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, par prorogation du délibéré initialement fixé au 16 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 5 octobre 2015, M. [W] [I] a été engagé par la société GKNJ en qualité de cuisinier Niveau 1 échelon 3, la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants étant applicable;

La société GKNJ a cédé son fonds de commerce, brasserie « Le Saint Clair » le 9 mai 2018 à la société CPA ;

Il a été licencié le 10 juillet 2018 pour motifs personnels ;

Contestant l'irrégularité de la rupture et son bien-fondé ainsi que l'exécution de son contrat, il a, le 28 juin 2019, saisi le conseil de prud'hommes de Caen lequel par jugement rendu le 15 mars 2021 a :

- débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

- dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejeté en conséquence la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société CPA à lui payer la somme de 1700 € à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure ainsi que celle de 1100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens ;

Par déclaration au greffe du 20 avril 2021, M. [I] a formé appel de cette décision qui lui avait été notifié le 22 mars 2021 ;

Par conclusions remises au greffe le 16 juillet 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, débouté M. [I] de sa demande d'indemnité pour licenciement irrégulier et débouté M. [I] du surplus de ses demandes ;

Et statuant à nouveau :

- condamner la S.A.S.U. CPA à verser à M. [I] la somme de 2.000,00€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- juger le licenciement irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la S.A.S.U. CPA à verser à M. [I] la somme de 10.000,00€ nets à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire,

- constater l'irrégularité de la procédure de licenciement et condamner la S.A.S.U. CPA à verser à M. [I] la somme de 2.197,04€ nets à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la S.A.S.U. CPA à verser à M. [I] la somme de 1.100 € en application de l'article 700 du C.P.C. ;

- En tout état de cause,

- condamner la S.A.S.U. CPA à verser à M. [I] la somme de 1.800,00€ au titre de l'article 700 du C.P.C. pour la procédure d'appel ;

- débouter la S.A.S.U. CPA de ses demandes, fins et conclusions ;

Par conclusions remises au greffe le 15 octobre 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, demande à la cour de :

A titre principal

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes au titre du licenciement irrégulier du licenciement sans cause réelle et sérieuse de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné CPA à payer à M. [I]les sommes de 1.700 € à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure et de 1.100 € au titre des frais irrépétibles ;

A titre subsidiaire,

- réduire les demandes indemnitaires à de plus justes proportions ;

En toute hypothèse,

- condamner M. [I] à verser à la société CPA la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 Code de Procédure Civile ;

-condamner M. [I] aux éventuels dépens ;

MOTIFS

I - Sur le licenciement

Sur l'irrégularité de la procédure

En application de l'article L1232-2 du code du travail, l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise, en main propre de la lettre de convocation ;

En l'espèce, il est constant que la lettre de convocation du 29 juin 2018 a été distribuée le 30 juin 2018, qui est un samedi. Dès lors, l'entretien étant fixé le 6 juillet suivant, le délai de cinq jours qui ne pouvait courrir avant le 2 juillet, n'a pas été respecté ;

M. [I] était assisté lors de l'entretien préalable par M. [U] conseiller du salarié, et ne produit aucun élément pouvant justifier la difficulté de se faire assister qu'il invoque ;

En l'absence de la preuve d'un préjudice en lien avec l'irrégularité constaté, le jugement sera infirmé en ce qu'il lui a alloué des dommages et intérêts ;

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement vise les griefs suivants :

- « à plusieurs reprises, je vous ai surpris dans la cuisine en présence d'une personne étrangère à l'établissement en la personne de votre cousin » ;

La lettre précise à ce titre que le cousin du salarié s'introduisait par la cour privée extérieure, et en sautant pas dessus le muret après que des serrures aient été posées sur la barrière, et qu'il se servait dans les plats destinés à la clientèle ;

Mme [H] [Y] embauchée comme serveuse dans l'établissement à compter du 14 mai 2018, atteste que ce cousin venait vers 11h30 et mangeait dans les plats, que sur question de Mme [N], gérante de l'établissement, il a indiqué qu'il avait sauté le mur pour rentrer ;

Ce grief est donc établi ;

- « vous aviez pris l'habitude de recevoir les livraisons personnelles de colis ou autre pendant votre temps de travail, ce qui dans un principe ne me pose pas de difficulté, mais ces livraisons sont destinées à vos amis, qui se présentent dans l'établissement en allant directement en cuisine pour récupérer leur colis » ;

La lettre précise que cette situation n'est pas acceptable « notamment en matière d'hygiène mais également en matière de sécurité ;

Dans son attestation, Mme [Y] fait état d'un va et vient continuel cousin, ami qui venait chercher des colis ;

Ce grief est établi ;

« vous passer énormément de temps au téléphone pendant votre temps de travail, notamment avec votre club de judo. Il en résulte qu'à l'heure du service, la mise en place n'est pas totalement prête et le premier service débute plus tard » ;

Sur ce point, le témoignage de Mme [Y] qui indique que nous ne pouvions pas manger à l'heure, « il [M. [I]] était tout le temps sur son téléphone », est complété par l'attestation de M. [N], employé comme serveur en 2017 dans l'établissement en remplacement d'une serveuse, Mme [J] en congés maternité, selon laquelle M. [I] « était toujours sur son téléphone pour s'occuper de son club de judo au lieu de se concentrer sur son travail ». Le fait que M. [N] ait eu un conflit avec M. [L], son employeur pendant l'hiver 2017/2018 ne suffit pas à ôter pour ce seul motif tout caractère probant à son témoignage ;

Ce grief est donc établi ;

- les conditions de préparation d'une tête de veau le 29 mai 2018

La lettre de licenciement rappelle que le salarié a préparé ce plat après son service du midi et a demandé à Mme [N] d'éteindre la cuisson vers 20h. Celle-ci reproche au salarié d'avoir posé des bidons d'huile d'olive sur le couvercle des marmites pour empêcher le débordement et qu'elle a vers 17h constaté que les bouchons des bidons étaient fondus, risquant que l'huile s'écoule sur le gaz et s'enflamme.

Il résulte du compte rendu de l'entretien préalable établi par M. [U], conseiller du salarié, que M. [I] a indiqué « pour la tête de veau je me suis excusé », « je reconnais mon erreur » ;

Ce grief est donc établi ;

- « à plusieurs reprises, les plats du jour sont brûlés ou mal cuits et j'ai des retours en cuisine de la part de la clientèle ('), pour des burgers immangeables, andouillettes trop cuites voir brûlées), également des salades refusées par les clients car présence de vers ;

M. [K] client atteste que la cuisson des plats chauds n'était pas satisfaisante et Mme [R], cliente, indique que « le cuisinier n'était pas à l'écoute non plus car la cuisson des plats n'était jamais celle que nous avons commandée ». Le caractère imprécis de ces deux témoignages ne permet pas de caractériser les reproches figurant dans la lettre de licenciement ;

Ces griefs ne seront pas retenus ;

-« lorsque je vous propose un plate du jour, je reçois systématiquement un refus de votre part, notamment si la préparation occasionne un peu plus de travail qu'à l'accoutumé » ;

La lettre de licenciement vise à ce titre le refus de M. [I] de remplacer la basse côte par l'onglet, et de faire des frites fraîches ;

Ce refus résulte de l'attestation de Mme [Y] et n'a pas été contesté lors de l'entretien préalable ;

Ce grief est donc établi ;

Enfin le grief fondé sur le manque de respect du matériel ne résulte d'aucun élément ou pièce, et ne sera donc pas retenu ;

Si le contexte lié au changement d'employeur et l'absence de nouvelles consignes au besoin écrites pouvaient expliquer les reproches fondés sur le non respect des consignes, notamment la modification des plats, d'autant que le salarié produit plusieurs attestations justifiant ses qualités de cuisinier (notamment M. [C] son nouvel employeur), force est toutefois de constater que les autres griefs établis caractérisent un comportement incompatible avec une relation de travail fondée sur le respect et la confiance ;

Le licenciement prononcé est donc justifié, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

II - Sur le manquement de l'employeur à son obligation de loyauté

Le salarié fait valoir le comportement de Mme [N] la nouvelle gérante, invoquant des critiques constantes, un refus de transmission directe de ses directives et un dénigrement auprès des clients ;

Il résulte des pièces produites que les trois salariés présents dans l'entreprise lorsque Mme [N] est devenue propriétaire, soit Mme [Z] [F], serveuse, Mme [V] [J], serveuse et M. [I] cuisinier ont adressé à Mme [N] une lettre recommandée le 21 août 2018 dans laquelle ils font état de propos infondés, dénigrants et humiliants :agression verbales devant les clients, critique vestimentaire devant les clients (critique de la robe portée par Mme [J] devant les clients), directives contradictoires, climat de suspicion, arrêts de repas en commun (plus accès au dessert du jour) ;

Mme [N] a répondu à cette lettre le 18 septembre suivant, contestant les propos et méthodes qui lui sont imputés, invoquant de la part de trois salariés une hostilité de leur part et un refus de ses décisions ;

L'inspecteur du travail, destinataire également de la lettre du 21 août 2018 a répondu aux salariés le 21 septembre suivant indiquant qu'il avait demandé à l'employeur de procéder à une démarche d'évaluation des risques psychosociaux, afin de garantir un retour à la normale des relations collectives et individuelles de travail, et a également rappelé que l'exécution de bonne foi du contrat de travail est une obligation réciproque de chaque partie ;

Les parties ne produisent aucun élément sur les suites données à ce courrier ;

Par ailleurs, les attestations de clients produites par le salarié (M. [T], M. [D], M. [M]) font état d'un climat de tension dans l'établissement, de propos inappropriés de Mme [N] envers Mmes [F] et [J], M. [T] précisant avoir constaté qu'il y avait moins de clients, que Mme [N] s'en est pris à son personnel, en déstabilisant leur travail (en prenant les plats elle-même et les donnant à la mauvaise serveuse) et en les brimant et humiliant devant tous les clients par des brimades injustifiées et des remarques sur leurs mauvaises qualités professionnelles ;

Mme [O], ancienne salariée de l'établissement, indique à l'occasion de ses visites pour saluer ses anciennes collègues, elle avait constaté une ambiance différente, la patronne ne lui disait pas bonjour et elle avait constaté que Mme [J] était épuisée ;

Toutefois, l'employeur produit également des attestations de nouveaux salariés de l'établissement (M. [E], M. [B]) indiquant que Mme [N] est respectueuse de ses salariés, ainsi que de clients (M. [A], M. et Mme [G] et M. [P]) mentionnant que Mme [N] était courtoise avec sa clientèle et ses salariés, ne tenait pas de propos désobligeants envers ses derniers ;

Dès lors, compte tenu de ces témoignages contradictoires, du contexte particulier du changement d'employeur mais aussi que des faits constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ont été retenus à l'encontre du salarié, le comportement déloyal de l'employeur dans l'exécution du contrat n'est pas établi ;

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

III - Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront infirmées.

En cause d'appel, il n'y a pas lieu à indemnités de procédure mais M. [I] qui perd le procès sera condamné aux dépens de première instance et d'appel;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 15 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ce qu'il a alloué à M. [I] des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure et en ses dispositions relatives aux dépens et aux indemnités de procédure ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Déboute M. [I] de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;

Dit n'y avoir lieu à indemnités de procédure tant en première instance qu'en appel ;

Condamne M. [I] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/01125
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.01125 ?
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