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16/06/2022 | FRANCE | N°21/00017

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 16 juin 2022, 21/00017


AFFAIRE : N° RG 21/00017

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVBL

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 07 Décembre 2020 RG n° 19/00024











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 16 JUIN 2022





APPELANTE :



S.A.R.L. SOHERDIS

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Jean-Jacques SALMON, avocat au barreau de

CAEN







INTIME :



Monsieur [WE] [N]

[Adresse 2]



Représenté par Me Zeynep ARSLAN, avocat au barreau de CAEN



S.A.R.L. MASDIAL SÉCURITÉ

[Adresse 1]



Représentée par Me NDIAYE, avocat au barreau de CAEN...

AFFAIRE : N° RG 21/00017

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVBL

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 07 Décembre 2020 RG n° 19/00024

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. SOHERDIS

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Jacques SALMON, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [WE] [N]

[Adresse 2]

Représenté par Me Zeynep ARSLAN, avocat au barreau de CAEN

S.A.R.L. MASDIAL SÉCURITÉ

[Adresse 1]

Représentée par Me NDIAYE, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 24 mars 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 16 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, par prorogation du délibéré initialement fixé au 25 mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 20 octobre 2010, M. [WE] [N] a été engagé par la société SOHERDIS en qualité d'adjoint à la direction, coefficient n°5 de la convention collective Fruits, légumes, épicerie, produits laitiers : commerce de détail ;

La société SOHERDIS exploite un super marché sous l'enseigne Carrefour City à [Localité 3] ;

Se plaignant d'une dégradation de ses conditions de travail, de discrimination et n'estimant pas avoir été rempli de ses droits, il a saisi, le 11 janvier 2019, le conseil de prud'hommes de Caen, devant lequel la société SOHERDIS a appelé en garantie la société MASDIAL SECURITE.

Par jugement rendu le 7 décembre 2020, le conseil de prud'hommes a :

- dit irrecevable l'appel en garantie de la société SOHERDIS contre la société MASDIAL SECURITE,

- condamné la société SOHERDIS à payer à la société MASDIAL SECURITE la somme de 1100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SOHERDIS à payer à la société MASDIAL SECURITE la somme de 2500 € de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société SOHERDIS à payer à payer à M. [N] les sommes suivantes :

*54786.49 € brut à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires,

*5478.64 € bruts an titre des congés payés y afférents,

*2000 € nets an titre de l'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail,

*1000 € net au titre du préjudice pour inégalité de traitement,

Ces sommes avec intérêts de droit é compter de la mise à disposition,

*1100 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- ordonné à la SARL SOHERDIS de délivrer à M. [N] :

- les bulletins de salaire correspondants aux sommes versées, ceci sous astreinte de 20 euros par jour de retard passé 30 jours à la date de mise à disposition de la décision,

- ordonné à la société SOHERDIS de décompter le droit à la contrepartie en repos de M. [N] :

- dit qu'en cas de difficulté les parties pourront saisir le Conseil par requête,

- débouté M. [N] du surplus de ses demandes,

- débouté Ia société SOHERDIS dc ses demandes,

- condamné la société SOHERDIS aux dépens ;

Par déclaration au greffe du 5 janvier 2021, la société SOHERDIS a formé appel de cette décision qui lui avait été notifié le 18 décembre 2020 ;

Par conclusions n°2 remises au greffe le 30 août 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société SOHERDIS demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement dont appel,

- débouter purement et simplement M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter la société MASDIAL SECURITE de sa demande d'article 700 et dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner M. [N] à payer à la société SOHERDIS la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

- réduire dans les plus amples proportions les demandes de dommages et intérêts présentées par M. [N],

- renvoyer M. [N] à présenter un décompte de sa demande de rappel de salaire et sa demande au titre des repos de récupération,

- condamner la société MASDIAL SECURITE à garantir la société SOHERDIS de toutes condamnations au titre d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, congés payés sur rappel de salaire pour heures supplémentaires, repos de récupération, congés payés sur repos de récupération,

-condamner la société MASDIAL SECURITE à payer à la société SOHERDIS la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Par conclusions récapitulatives remises au greffe le 18 novembre 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [N] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ses dispositions concernant le société MASDIAL SECURITE et en ce qu'il a 

- condamné la société SOHERDIS à payer à M. [N] les sommes suivantes :

' 54.786,40 € bruts à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires

' 5.478,64 € bruts au titre des congés payés y afférents

' 1.100 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- dit et jugé bien fondées les demandes relatives à l'exécution déloyale du contrat de travail et l'inégalité de traitement,

- ordonné la remise des bulletins de paie correspondant sous astreinte de 20 € par jour de retard dans un délai de 30 jours à compter de la mise à disposition de la décision,

- ordonné à la société SOHERDIS de décompter le droit à contrepartie en repos de M. [N]

- condamné la société SOHERDIS aux entiers dépens,

- le réformer pour le surplus, et condamner la société SOHERDIS au paiement des sommes suivantes :

- 54.786,40 € bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

- 5.478,64 € bruts au titre des congés payés afférents

- 23.736 € nets au titre des repos compensateurs

- 5.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et modification unilatérale du contrat de travail

- 5.000 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inégalité de traitement

- condamner la Société SOHERDIS à calculer le rappel de salaire du à M. [N] sur la base du salaire minimum conventionnel à partir de janvier 2018, et à procéder à son paiement,

-condamner la société SOHERDIS au paiement de la somme 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens ;

Par conclusions remises au greffe le 10 février 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société MASDIAL SECURITE demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel en garantie de la société SOHERDIS à l'encontre de la société MASDIAL, l'a condamnée à lui régler la somme de 2500 € de dommages-intérêts pour procédure abusive, 1100 € au titre de l'article 700 du code de procédure

civile et à supporter les dépens,

- en tous les cas,

- débouter la société SOHERDIS de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société MASDIAL SÉCURITÉ,

- condamner la société SOHERDIS à régler à la société MASDIAL SÉCURITÉ la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SOHERDIS aux entiers dépens de la procédure ;

MOTIFS

I - Sur la mise en cause de la société MASDIAL SECURITE

La société SOHERDIS a appelé en garantie la société MASDIAL SECURITE devant le conseil des prud'hommes afin de la voir garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au titre des heures supplémentaires réclamées par M. [N], estimant que la société MASDIAL est l'employeur de ce dernier quant aux prestations de surveillance du magasin ;

Elle justifie ainsi d'un intérêt à agir contre la société MASDIAL SECURITE. Les premiers juges ont estimé que cet appel en garantie était irrecevable après avoir considéré que la société SOHERDIS n'apportait pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail. Ce faisant, ils ont apprécié le bien-fondé de la demande et ne pouvait pour ce motif la considérer irrecevable ;

Le jugement sera infirmé sur ce point ;

II - Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ;

Le contrat de travail conclu entre les parties indique une durée de travail hebdomadaire de 39 heures, et selon les bulletins de salaire, ces 4 heures supplémentaires étaient réglées selon un taux majoré de 25% ;

M. [N] produit aux débats un décompte des heures supplémentaires demandées, calculées par semaines, sur la base d'une durée de travail de 60 heures par semaine, après déduction des heures payées sur la base de 39 heures par semaine ;

Pour établir la réalisation de 60 heures par semaine, il produit un planning rédigé selon lui par son employeur et remis le jour de son embauche qui mentionne :

« Le 20/10/2010 au 30/09/2018

mounir

Lundi13h-21h

Mardi7h-13h 15h-21h

Mercredi repos

Jeudi7h-21h

Vendredi12h-21h

Samedi7h-21h

Dimanche9h-14h 1 / 4

150 € en bon d'achats »

Sur la pièce communiquée par le salarié, figure un post-it mentionnant les horaires suivants : lundi 8h, mardi 6h+6h =12h, mercredi repos, jeudi 14h-1h+13h, vendredi 9h, samedi 14h-1h +13h et dimanche 5h, total 60h/semaine 255h/mois. Le Post-it présente une écriture différente du relevé lui-même et le salarié indique qu'il s'agit de l'écriture de sa fille ;

L'employeur conteste avoir rédigé ce planning et produit aux débats une expertise graphologique du 13 août 2021 qui a constaté que ce document comporte trois écritures différentes, et qui a conclu que M. [NC] (gérant de la société SOHERDIS et employeur de M. [N]) est l'auteur de la partie centrale du document (Lundi 13h-21h jusqu'à bon d'achats), que M. [N] est l'auteur de la partie supérieure du document ( Le 20/10/2010 au 30/09/2018 [WE]), et qu'une tierce personne est l'auteur des mentions figurant sur le post-it ;

Si cette expertise n'a pas été faite contradictoirement, le salarié n'en conteste pas les conclusions, observant seulement qu'il ne lui a jamais été demandé de remettre à l'expert le document original. A ce titre, comme il l'a été relevé, le document produit comporte un post it avec une écriture différente, ce qui ne révèle pas ainsi la volonté du salarié de produire un faux.

S'il est vrai que ce document n'a pas été en totalité écrit par l'employeur, il n'en demeure pas moins que la mention des horaires a bien été écrite de sa main, et qu'il ne discute pas avoir remis ce document au salarié. A ce titre, il soutient que ce document correspond à une « proposition d'activité sur un mois lorsque le dirigeant de l'entreprise a été absent pour cause d'hospitalisation. Outre que ces circonstances ne ressortent pas du document litigieux, celles-ci ne reposent sur aucun élément ou pièce ;

Le salarié produit par ailleurs plusieurs attestations de clients habituels indiquant que le salarié faisait souvent la fermeture à 21h (M. [C], M. [A], M. [U]), Mme [E], ancienne salariée du magasin et travaillant uniquement les fins de semaine indique que M.[N] repartait tous les soirs vers 21h20-21h30 après avoir fermé les portes du magasin, passé l'auto laveuse et vérifié que tout était fermé ;

Les éléments du salarié sont donc suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées d'y répondre ;

L'employeur produit aux débats des documents intitulés « Etat de présence » limités aux périodes suivantes : 25 septembre au 22 octobre 2017, 26 septembre au 23 octobre 2017 et 29 janvier au 25 février 2018, qui mentionnent les salariés présents, le nombre d'heures par semaine, et indiquent pour ces périodes que le salarié a effectué 39 heures + 5heures (correspondant à un dimanche matin). Toutefois ces états de présence limités quant aux périodes ne sont pas des relevés d'heures effectivement réalisées. Il produit également des plannings mentionnant les heures effectués pour chaque salarié et signés par eux. Mais aucun de ces plannings ne concerne M. [N]. L'employeur soutient, en produisant une attestation d'une ancienne salariée, Mme [O], et celle d'un salarié, M. [J], que le salarié refusait de signer ces plannings. Or, outre qu'il ne justifie avoir mis en demeure le salarié de le faire, il ne produit pour autant pas aux débats les plannings même non signés mentionnant les heures d'arrivée et de départ de M. [N] ;

Concernant les pauses, le salarié a déduit une pause déjeuner d'une heure les jeudis et samedis, l'employeur n'établissait pas qu'il prenait d'autres pauses ou des pauses plus longues, une seule attestation évoquant une pause de 2 heures le jeudi est insuffisante et celle de M. [H] qui parle de longues pauses est insuffisamment précise ;

Concernant le travail le dimanche matin, le planning produit par le salarié mentionne un dimanche par mois (1/4). L'employeur justifie par les attestations de M [J], déjà cité, M. [K] (salarié pendant 8 ans du magasin) et de Mme [G], salariée du magasin en qualité de caissière et travaillant uniquement le dimanche que M. [N] travaillait un dimanche sur 4 ; Ces attestations ne sont pas contredites par ce dernier qui se contente d'affirmer sans l'établir qu'il était régulièrement appelé à travailler plusieurs dimanches par mois ;

Concernant le travail de 19h à 21h, l'employeur ne conteste pas la présence du salarié dans le magasin mais fait valoir qu'il exerçait une mission de sécurité pour le compte de la société MASDIAL SECURITE dans le cadre d'une sous traitance, et que les heures réalisées de 19h à 21h ne peuvent donc être considérées comme des heures supplémentaires au bénéfice de la société SOHERDIS ;

Les éléments produits par la société SOHERDIS sont insuffisants pour caractériser l'existence d'un contrat de travail entre la société MASDIAL SECURITE et M. [N] que ces derniers contestent ;

En effet, elle verse aux débats :

- des factures de la société MASDIAL SECURITE entre 2014 et 2018 pour un forfait de 700 € HT par mois pour gardiennage ou forfait mensuel rondes » ;

- des attestations de clients (M. [T], Mme [Y], Mme [M], Mme [B]) indiquant que M. [N] était en costume cravate à partir de 19h, était présent à faire la sécurité, se tenait à proximité des caisses et appelait la police en cas de vol, et de M. [VB], actionnaire de la société indiquant que M. [N] faisait une mission de surveillance ;

- une attestation de M. [J], salarié du magasin, indique que M. [N] après 19h surveillait le magasin pour la société MASDIAL ;

- une attestation de M. [Z], gérant d'une société de conseils, indiquant avoir en 2010, en qualité de conseil de la société SOHERDIS, évoqué avec le gérant de la société MASDIAL SECURITE, un partenariat concernant la surveillance du magasin, une mission de surveillance d'une dizaine d'heures par semaine était envisagée et pour ce faire « M. [R] devait embaucher M. [N] pour effectuer cette prestation » ;

-une attestation de M. [JB], client régulier du magasin, indiquant que M. [N], le soir, se présentait comme l'agent de sécurité du magasin, et lui a fait part de son contrat d'agent de sécurité avec une entreprise extérieure, ce point était confirmé par une attestation de M. [F], client du magasin ;

-une attestation de M. [VB], associé de la société SOHERDIS, évoquant le contrat de prestation de missions de surveillance conclu entre les sociétés SOHERDIS et MASDIAL SECURITE « au titre duquel M. [N] intervenait 10h par semaine ;

- des documents intitulés « reconnaissance de vol » utilisés lorsqu'un client était surpris à dérober des produits dans le magasin, complétés et signés par M. [N] et par ce client ;

Outre que la mission de surveillance conclue entre les sociétés SORHEDIS et MASDIAL SECURITE n'est pas précisément décrite, celles-ci étant elles même en désaccord sur le contenu de cette mission (rondes, télésurveillance,), il ne peut être déduit des éléments analysés ci-avant que cette mission de surveillance impliquait l'affectation du directeur adjoint de la société à une telle mission à l'intérieur du magasin de 19h à 21h et encore moins que ce dernier serait alors rémunéré par la société MASDIAL SECURITE. Les attestations évoquent en effet seulement un projet d'engager M. [N] ;

Les attestations produites ne décrivent à aucun moment précisément la mission de surveillance, alors même que les photographies issues de la vidéo surveillance produites par le salarié montrent que ce dernier accomplit, lors de la tranche horaire 19h/21h, des tâches inhérentes à ses fonctions : par exemple, sur la photographie du 6 novembre 2018 à 20H32, il est vu portant la veste du magasin en train de passer la laveuse ;

Les documents « reconnaissance de vol » signés par M. [N] lorsqu'il constatait un vol mentionnent des horaires variés, certaines ont été faites en journée, ainsi à 10h le 18 mars 2012, à 16h50 le 2 septembre 2011, à 17h06 le 9 avril 2015, ce qui démontre que le salarié intervenait en cas de vol en dehors de la plage horaire 19h/21H et que cette mission lui incombait donc en qualité d'adjoint. A ce titre, il résulte de la fiche de poste d'adjoint du magasin produite par l'employeur que, au titre de ses activités secondaires, le salarié peut en cas d'absence prolongée de la direction, « faire appliquer les mesures de sécurité prévues contre les accidents, le vol, l'incendie » ;

Il convient ainsi de considérer que les heures effectuées entre 19h et 21h correspondent à des heures supplémentaires au bénéfice de la société SORHEDIS ;

- Sur les sommes dues au titre des heures supplémentaires :

Le salarié produit un décompte pour les années 2016 à 2018 (18 novembre) sur la base de 60 heures par semaine, et après avoir déduit les 39 heures payées, les heures supplémentaires payées sur ces périodes et les congés et arrêts de travail pour maladie.

Au vu de ce qui précède, le calcul sera modifié sur la base d'une semaine par mois à 60 heures (incluant un dimanche) et non chaque semaine comme l'indique le salarié ;

Les modalités de son calcul n'étant pas autrement discutées, il convient de lui allouer les sommes suivantes :

Sur 2016 : 11 semaines de 60 heures, soit 418.84 € par semaine, soit 4607.24 €, et 35 semaines à 55 heures soit 319.28 € par semaine, soit 11 174.80 € ;

Total : 15 782.04 €

Sur 2017 : 11 semaines de 60 heures, soit 418.84 € par semaine, soit 4607.24 €, et 36 semaines à 55 heures soit 319.28 € par semaine, soit 11 494.08 € ;

Total : 16 1011.32 € - 446 € (heures supplémentaires réglées) = 15 655.32 €

Sur 2018 : 11 semaines de 60 heures, soit 418.84 € par semaine, soit 4607.24 €, et 35 semaines à 55 heures soit 319.28 € par semaine, soit 11 174.80 € ;

Total : 15 782.04 € - 892.11 € (heures supplémentaires réglées) = 14 889.93 € ;

La société SOHERDIS sera en conséquence et par infirmation du jugement condamnée à régler à M. [N] la somme de 46 327.29 €, outre les congés payés afférents de 4632.72 € ;

- Sur les repos compensateurs :

L'article L3121-30 du code du travail prévoit une contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel ;

Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Celle-ci comporte le montant d'une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos, auquel s'ajoute le montant de l'indemnité de congés payés afférents ;

En l'espèce, le salarié fait état d'un contingent annuel de 180 heures dans ses écritures, ce qui n'est pas contesté par l'employeur ;

Les heures de travail effectuées sur la base de 11 semaines à 60 heures chacune et de 35 semaines de 55 heures chacune (36 semaines en 2017) correspondent à 975 heures supplémentaires par an en 2016 et 2018 et 995 heures en 2017 ;

Des heures supplémentaires ont ainsi été effectuées au-delà du contingent annuel ;

L'employeur ne soutient ni n'établit que le salarié a été en mesure de former une demande de repos compensateur ;

Il est donc redevable d'une indemnité calculée comme précisé ci-avant, sur la base d'un taux horaire de 50% pour chaque heure, la société SOHERDIS étant une entreprise de 20 salariés au plus ;

Pour 2016 et 2018, 795 x 6.86 € (13.72 € : 2) = 5453.70 € par année, soit 10907.40 € ;

Pour 2017, 815 x 6.86 € = 5590.90 € ;

Le salarié peut prétendre à une somme de 16 498.30 € outre les congés payés afférents de 1649.83 €, soit au total une somme de 18 148.13 € ;

III - Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié fait valoir que depuis octobre 2018, l'employeur lui a supprimé ses fonctions de responsabilités qui ont été confiées aux employés de caisse, l'affectant exclusivement aux opérations de caisse et de nettoyage, contestant l'application de l'article 3.5 de la convention collective, aucune nécessité de service n'étant justifiée ;

L'employeur rappelle que la polyvalence des fonctions est prévue par la convention collective et l'article 3.5 prévoit que le salarié peut être affecté à d'autres tâches pendant trois mois consécutifs, le salarié n'établit pas que cette durée ait été dépassée ;

L'article 3.5 intitulé « remplacement » de la convention collective dispose que :

« En raison de la structure et du caractère des entreprises concernées, les remplacements provisoires peuvent intervenir pour nécessité de service. L'employeur peut ainsi affecter momentanément un salarié à un travail correspondant à une qualification inférieure ou supérieure à son emploi habituel sans pour autant que ni sa rémunération ni son coefficient ne soient modifiés. Toutefois lorsque cette mesure a pour effet d'affecter le salarié à un emploi de qualification supérieure, celui-ci reçoit à partir du 7ème jour (consécutifs ou non) d'affectation dans cette nouvelle fonction une indemnité complémentaire de salaire égale à la différence entre le salaire de cette qualification et celui de la qualification du salarié. Les affectations temporaires ne peuvent avoir pour effet d'occuper un salarié dans une qualification différente de celle de ses fonctions habituelles pendant une durée de plus de 3 mois consécutifs ; »

En l'espèce le contrat de travail mentionne au titre des fonctions du salarié pour le poste « adjoint à la direction », des fonctions d'encadrement et de responsabilité, « agir par délégation de pouvoir et de responsabilité du directeur du magasin », « être responsable de la bonne gestion du magasin, de la coordination des divers départements et rayons et des résultats d'exploitation de l'ensemble du point de ventes à savoir : chiffre d'affaires, bénéfice net, appréciation du coût directs et indirects contrôlables, dotation des stocks et résultants d'inventaire ». Le contrat précise que M. [N] dispose de l'autorité nécessaire sur le personnel travaillant sous ses ordres, à cet effet, il devra participer à toutes les réunions d'information et de concertation ainsi qu'à tout stage de formation lié à sa fonction ;

Le salarié produit des attestations datant des 17 et 19 novembre 2018 de clients (M. [W], M. [L], M. [P], Mme [OX], M. [I], Mme [S], Mme [V], Mme [HG] et Mme [D]) indiquant l'avoir vu souvent à la caisse du magasin, Mme [HG] citant l'y avoir vu plusieurs jours de suite, Mme [V] lui demandant s'il avait changé de poste. L'emploi dans ces témoignages de termes différents « à plusieurs reprises », régulièrement », « depuis plusieurs semaines », importe peu, les auteurs des attestations étant des clients et leurs constatations sont liées à la régularité de leur fréquentation de la boutique.

Cette affectation régulière au poste de caissier n'est pas contredite par l'employeur qui l'estime conforme à l'article 3-5 précité ;

Or, il ne produit aucun élément ou pièce justifiant que les conditions d'application de ce texte sont satisfaites, notamment la nécessité de service conditionnant l'affectation provisoire du salarié à des fonctions d'une autre qualification que les siennes, se contentant d'invoquer la mise en place du tramway sans en justifier concrètement les conséquences sur le fonctionnement du magasin, notamment une absence régulière des employés de caisse ;

En outre, il résulte du planning prévu pour le 7 au 13 janvier 2019 que deux autres salariés employés de caisses sont nommés respectivement responsables « frais et tarifs » ([GD]) et « fruits et légumes et administratif » ([X]), ces deux salariés n'ayant en principe aucune fonction d'encadrement ;

D'ailleurs, à la suite du courrier adressé le 19 novembre 2018 par le salarié à son employeur pour se plaindre de cette situation, ce dernier lui a répondu le 27 novembre 2018 que le fait que M. [J] se voit confier ses attributions est une « décision mûrement réfléchie » et que la modification de ses attributions relèvent en réalité de ses fonctions qui impliquent également de veiller à la propreté des locaux ou à l'encaissement des clients ;

Or, au vu de ce qui précède la modification des attributions du salarié ne relève pas des nécessités de service au sens de la convention collective ou d'une remplacement ponctuel et isolé ;

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'en modifiant sans son accord les attributions de M. [N], l'employeur avait manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail.

Le jugement sera confirmé sur ce point y compris sur le montant des dommages et intérêts alloués correspondant à une juste appréciation du préjudice subi, sauf à supprimer la mention 'net' suivant le montant alloué ;

En effet, comme le souligne l'employeur, sans être contredit par le salarié, les sommes allouées à titre de dommages-intérêts sont des sommes sur lesquelles ne s'imputent que la CSG et le CRDS, pour autant que ces sommes excèdent le seuil fixé par la loi. Il convient en conséquence de n'assortir d'aucune précision particulière la somme de 2000 euros allouée à titre de dommages-intérêts ;

IV- Sur l'inégalité de traitement

Le salarié invoque la violation du principe « A travail égal, salaire égal » en ce qu'il ne perçoit plus la prime d'assiduité depuis novembre 2016 à la différence des autres salariés, que certains employés de caisse perçoivent des primes de responsabilité et lui non, et qu'il perçoit une prime de bilan inférieur notamment à celle de l'épouse du gérant qui est employée de caisse ;

L'employeur fait valoir que M. [N] perçoit à la différence des autres salariés une prime de 13ème mois, que le salarié doit comparer son système de rémunération globale et le sien est supérieur ;

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L'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés dès lors qu'ils sont placés dans une situation identique ;

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, et dans cette hypothèse, il appartient à l'employeur d'établir que la différence de rémunération constatée entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, est justifiée par des éléments objectifs et pertinents que le juge contrôle ;

- Sur la prime d'assiduité

Le salarié produit aux débats ses bulletins de salaire pour 2016 démontrant qu'il a perçu une prime d'assiduité en mars, en avril, en juillet et en novembre. Il n'a pas perçu de prime d'assiduité en 2107, puis en a perçu une en mai, juillet et en novembre 2018 ;

Il produit aux débats les bulletins de salaire des trois employés de caisse, dont il résulte que Mme [B] a perçu cette prime en avril 2017, Mme [H] en avril et septembre 2017, M. [RA] en mars et septembre 2017, en janvier, avril, août et septembre 2018, M. [K] en mars et avril 2017, en janvier, avril et juin, juillet, septembre et octobre 2018, M. [J] en mars et avril 2017, en juillet, août et octobre 2018 ;

Cependant, M. [N] se compare avec des salariés affectés aux fonctions d'employé de caisse alors qu'il est adjoint à la direction, et n'est donc pas dans une situation identique avec les employés de caisse. Sa demande fondée sur le principe « à travail égal, salaire égal » ne peut donc prospérer;

Par ailleurs, il ne forme aucune demande de rappel de salaire pour la prime non perçue en 2017, et n'indique pas davantage les modalités de calcul et d'attribution de cette prime qui n'est pas mentionnée dans son contrat de travail ;

- Sur la prime de responsabilité

Il produit aux débats le bulletin de salaire de M. [J], employé de caisse qui mentionne le versement d'une prime de responsabilité de 1250 € en septembre 2017 ;

Les bulletins de salaire de M. [N] démontre qu'il a perçu une prime de responsabilité en avril 2016 de 2380 € et une prime de responsabilité du même montant en juin 2017, il a également perçu une prime de responsabilité en mars 2018 de 1190 €, et une prime du même montant en juin 2018.

Outre qu'il se compare avec un salarié exerçant des fonctions différentes des siennes, il n'indique pas en tout état de cause en quoi il aurait subi un quelconque préjudice alors qu'il a perçu une prime plus importante ;

- Sur la prime de bilan

Le salarié a perçu une prime de bilan de 1000 € en févier 2018 (pas en 2016 ni en 2017).

Mme [NC], M. [RA], et M. [J], employés de caisse, ont perçu pour la même période respectivement 3000 €, 1500 € et 1500 € ;

Comme observé précédemment, le salarié ne peut fonder sa demande indemnitaire sur le principe « à travail égal, salaire égal » en se comparant avec des salariés exerçant des fonctions différentes ;

Par ailleurs, comme il l'a été relevé ci-avant, il ne forme aucune demande de rappel de cette prime, dont il ne précise là encore pas les modalités de calcul et d'attribution et qui n'est pas mentionnée dans son contrat de travail ;

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera, par infirmation du jugement, débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

V - Sur les autres demandes

- Sur la demande de rappel de salaire sur la base du minimum conventionnel à compter de janvier 2018

Cette demande qui figure au dispositif des conclusions du salarié n'est fondée sur aucun moyen et ne repose sur aucune pièce justificative démontrant que le salaire versé au salarié ne respecte pas le minimum conventionnel ;

Les premiers juges n'ont pas statué sur cette demande ;

Le salarié en sera débouté ;

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant.

- Sur les demandes formées contre la société MASDIAL SECURITE

Au vu de ce qui précède, et notamment de l'absence de preuve d'un contrat de travail conclu entre la société MASDIAL et M. [N], la société SOHERDIS sera déboutée de sa demande de garantie pour les rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et indemnités pour repos compensateurs non pris auxquels elle a été condamnée ;

- Sur la demande de dommages et intérêt pour procédure abusive

L'exercice d'une action en justice ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstances particulières le rendant fautif, notamment s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l'appréciation de ses droits ;

En l'espèce la société MASDIAL SECURITE invoque l'absence de fondement juridique de l'action sans caractériser une faute au sens précité ;

Or, l'abus de droit ne peut se déduire du seul échec de son action de celui qui l'exerce;

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Sur les indemnités de procédure et les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.

En cause d'appel, la société SOHERDIS qui perd le procès sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 2500 € à la société MASDIAL SECURITE et une somme de 1500 € à M. [N];

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement rendu le 7 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ce qu'il a alloué une somme de 2000 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, la mention 'net' étant supprimée, et sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux indemnités de procédures ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Dit recevable mais mal fondé l'appel en garantie formé par la société SOHERDIS à l'encontre de la société MASDIAL SECURITE ;

Condamne la société SOHERDIS à payer à M. [N] les sommes suivantes :

- 46 327.29 € au titre des heures supplémentaires ;

- 4632.72 € au titre des congés payés afférents ;

- 18 148.13 € à titre d'indemnité pour les repos compensateurs non pris ;

- 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne à la société SOHERDIS de remettre à M. [N] la remise de bulletins de paie 'un bulletin par année) conformes au présent arrêt dans le délai d'un mois à compter de sa signification ;

Dit n'y avoir lieu à assortir cette condamnation d'une astreinte ;

Déboute M. [N] de ses autres demandes ;

Condamne la société SOHERDIS à payer à la société MASDIAL SECURITE la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande aux mêmes fins ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la société SOHERDIS aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00017
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;21.00017 ?
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