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02/06/2022 | FRANCE | N°21/00803

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 02 juin 2022, 21/00803


AFFAIRE : N° RG 21/00803

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWZL

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHERBOURG EN COTENTIN en date du 17 Février 2021 - RG n° F 17/00107









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 02 JUIN 2022





APPELANTE :



S.A.S. VALDIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
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[Adresse 2]



Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me François-Xavier CHEDANEAU, avocat au barreau de POITIERS





INTIME :



Monsieur...

AFFAIRE : N° RG 21/00803

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWZL

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHERBOURG EN COTENTIN en date du 17 Février 2021 - RG n° F 17/00107

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 02 JUIN 2022

APPELANTE :

S.A.S. VALDIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me François-Xavier CHEDANEAU, avocat au barreau de POITIERS

INTIME :

Monsieur [P] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Thomas DOLLON, avocat au barreau de CHERBOURG

DEBATS : A l'audience publique du 04 avril 2022, tenue par Mme PONCET, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 02 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Valdis a embauché M. [P] [N] à compter du 1er juin 2016 en qualité de responsable PGC (produits de grande consommation), l'a sanctionné le 1er avril 2017 d'un avertissement et l'a licencié, le 29 août 2017, pour faute grave.

Le 3 octobre 2017, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Cherbourg pour voir dire son licenciement nul, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, voir condamné la SAS Valdis à lui verser des indemnités de rupture, le paiement de la période de mise à pied conservatoire, des dommages et intérêts à ce titre, ainsi que des dommages et intérêts pour 'défaut d'exécution du contrat'. Il a également demandé des rappels de salaire pour heures supplémentaires et une indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement du 17 février 2021, le conseil de prud'hommes a condamné la SAS Valdis à verser à M. [N] un rappel de salaire de 12 865,65€ pour la période du 1er juin 2016 au 30 mars 2017 (outre les congés payés afférents), 14 400€ d'indemnité pour travail dissimulé, 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté M. [N] du surplus de ses demandes.

La SAS Valdis a interjeté appel du jugement, M. [N] a formé appel incident.

Vu le jugement rendu le 17 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Cherbourg

Vu les dernières conclusions de la SAS Valdis appelante, communiquées et déposées le 22 mars 2022, tendant à voir le jugement confirmé quant aux déboutés prononcés, tendant à le voir réformer quant aux condamnations prononcées, à voir M. [N] débouté de toutes ses demandes et condamné à lui verser 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu les dernières conclusions de M. [N], intimé et appelant incident, communiquées et déposées le 24 août 2021, tendant à voir le jugement confirmé quant aux condamnations prononcées, tendant à le voir réformé pour le surplus et à voir la SAS Valdis condamnée à lui verser un rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période du 1er avril au 1er août 2017, (5 586,80€ outre les congés payés afférents), 5 000€ de dommages et intérêts pour harcèlement moral, tendant à voir dire le licenciement nul, subsidiairement,sans cause réelle et sérieuse, à voir la SAS Valdis condamnée à lui verser 4 800,96€ (outre les congés payés afférents) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 576,11€ au titre de l'indemnité de licenciement, 15 000€ de dommages et intérêts et 3 000€ supplémentaires en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 mars 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l'exécution du contrat de travail

1-1) Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle de heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au soutien de sa demande, M. [N] produit un tableau mentionnant, pour chaque jour travaillé entre le 1er mai 2016 et le 29 juillet 2017, le nombre d'heures travaillées par jour. Il verse également aux débats deux agendas, pour 2016 et 2017, où sont mentionnés ou cochés les heures de début et de fin du travail journalier outre les attestations de deux collègues, MM. [D] et [Y], respectivement responsables 'frais libre-service' et 'réception' qui indiquent qu'ils travaillaient eux-mêmes 50H voire 60H hebdomadaires comme les autres responsables.

La SAS Valdis se contente de critiquer la manière dont M. [N] a établi ces tableaux ou rempli ces agendas et soutient que les attestations produites sont de complaisance. Elle ne pointe toutefois aucune contradiction entre les tableaux et les agendas produits. Elle verse en revanche aux débats l'attestation de M. [G] qui travaillait sous la subordination de M. [Y] lequel indique que celui-ci ne 'faisait' pas plus de 39H50 par semaine.

En toute hypothèse, les tableaux et agendas produits par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en produisant ses propres éléments.

La SAS Valdis fait état de feuilles de relevé d'heures que M. [N] avait à sa disposition, feuilles dont il se servait d'ailleurs, selon elle, pour enregistrer les temps de travail des salariés sous sa subordination. Elle soutient que, puisqu'il n'a pas rempli ces feuilles, c'est donc qu'il ne dépassait pas le temps de travail contractuellement prévu. Cette fragile déduction ne permet pas de contredire utilement les éléments apportés par M. [N].

Le nombre d'heures avancé par M. [N] sera donc retenu. Les calculs effectués par le salarié sur cette base ne sont pas contestés par la SAS Valdis. En conséquence, la somme réclamée par M. [N] (au total 18 452,45€ bruts outre les congés payés afférents) lui sera allouée.

1-2) Sur le harcèlement moral

Il appartient à M. [N] d'établir la matérialité d'éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral. En même temps que les éléments apportés, à ce titre, par M. [N] seront examinés ceux, contraires, apportés par la SAS Valdis quant à la matérialité de ces faits. Si la matérialité de faits précis et concordants est établie et que ces faits laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, il appartiendra à la SAS Valdis de démontrer que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [N] indique avoir fait l'objet d'une surveillance quotidienne de son activité, subi des réflexions désobligeantes sur son rythme de travail, des propos insultants, des menaces et des pressions ce qui a conduit à une altération de son état de santé.

' Surveillance constante et réflexion sur le rythme de travail

M. [Y] écrit : 'en ce qui concerne l'ambiance générale du magasin nous étions fliqués en permanence par M. [S] (directeur) qui nous regardait aux caméras et qui ne manquait pas de nous appeler dès que nous étions un peu trop inactifs à son goût'. Il ajoute avoir été surpris par la méthode de management : contrôle par caméra, remontrances pour quelques minutes de retard, pauses interdites par le directeur du magasin.

Mme [A], responsable fichier écrit : 'nous étions tous épiés, surveillés, nous ne pouvions communiquer entre nous, pas de pause ensemble, rien, le silence total'.

M. [D] écrit qu'en tant que responsables 'lorsque nous jugions que nous pouvions faire moins d'heures par rapport aux tâches à effectuer nous avions droit à des réflexions de la part de la direction comme quoi nous étions des 'fonctionnaires' que 'l'on se croyait à la poste' ou encore 'si à notre âge nous n'étions pas capables, c'est que nous étions simplement pas courageux'.

' Propos insultants, menaces, pressions

M. [D] indique qu'avant que M. [N] ne perde du poids, M. [S] avait l'habitude de l'appeler 'le gros', ce que confirme M. [Y].

M. [D] écrit que M. [N] étant célibataire à l'époque, M. [S] ne se 'privait pas de faire des allusions sur sa supposée homosexualité'. Il fait état de propos tenus non seulement en l'absence de M. [N] mais également de propos qui étaient directement adressés à celui-ci (demande à M. [N] à un retour de congés 's'il avait pu sucer des bites' pendant ses vacances). M. [Y] écrit que M. [S] avait l'habitude de faire des 'réflexions graveleuses sur une homosexualité supposée'. Mme [A] écrit que le directeur 'devenait de plus en plus désagréable (...) notamment envers M. [N]' et leur avait dit qu'il préférait les garçons.

Mme [X], secrétaire informatique, atteste que M. [S], racontait que M. [N] 'aimait les hommes avec des mots crus'

M. [D] écrit qu'il est arrivé à M. [N] et à lui d'être convoqués à des entretiens préalables au lendemain desquels il pouvaient constater que des annonces avaient été publiées pour leurs postes sur le site Distriemploi sans les prévenir et sans qu'une sanction n'ait été prononcée 'cela était sans doute fait dans le but de mettre davantage de pression' ajoute-t'il.

Mme [X] indique que le lendemain du jour où M. [N] a été reçu en entretien préalable à sanction (avertissement du 1er avril 2017), une annonce est parue pour le poste de M. [N] sans que celui-ci n'en ait été informé. Toutefois, le document produit par M. [N] est une annonce parue le lendemain de l'entretien préalable à licenciement (25 juillet 2017) et non de l'entretien ayant précédé l'avertissement. En outre, la SAS Valdis soutient que cette annonce ne concernait pas le poste de M. [N]. En toute hypothèse, à cette date, et dans le cadre d'une procédure de licenciement en cours avec mise à pied conservatoire, la parution de cette annonce ne saurait s'analyser en un moyen de pression.

' Altération de l'état de santé

M. [N] produit un arrêt de travail du 7 au 12 août 2017 dans lequel le médecin mentionne un burn out.

Il ne produit pas d'autres éléments en ce sens.

La SAS Valdis produit, quant à elle, trois attestations. Selon Mme [V] (responsable administrative de l'entreprise et compagne du président), M. [N] avait l'habitude de lui parler de sa vie personnelle et ne lui a 'jamais fait part d'un mal-être quelconque au sein de l'entreprise'. M. [F], recruteur, indique avoir pris contact avec M. [N] qui avait posté son CV sur un site. Il indique que M. [N] 'n'a pas invoqué la moindre animosité avec sa hiérarchie'. Ces attestations établissent que M. [N] n'a fait état d'un mal-être ni à la responsable administrative ni à un recruteur ce qui est peu significatif compte tenu de sa position à leur égard. .

Mme [M] (responsable de caisse) indique avoir eu l'impression que M. [N] était protégé par le directeur, Mme [V] atteste que, plusieurs fois, ses collègues responsables ont sous-entendu qu'il était protégé par le directeur. Toutefois, l'impression de Mme [M] et les sous-entendus perçus par Mme [V] sont contredits par la réalité de l'attitude de M. [S] à l'égard de M. [N] (propos insultants ci-dessus évoqués par plusieurs attestants).

Les différents éléments matériellement établis laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral. la SAS Valdis ne démontre pas que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral étant établi, M. [N] est fondé à obtenir des dommages et intérêts qui seront évalués à 3 000€.

2) Sur le licenciement

' Le licenciement n'est nul que s'il trouve son origine dans un comportement de harcèlement moral ou s'il lui est directement lié.

En l'espèce, M. [N] a été licencié pour des manquements qualifiés de fautes graves par l'employeur. Ces manquements sont sans lien apparent avec le harcèlement moral dont M. [N] a été victime et M. [N] ne fournit aucun élément qui permettrait de considérer qu'ils seraient néanmoins directement liés au harcèlement moral qu'il a subi. Dès lors, faute de lien entre le harcèlement moral et le licenciement , le licenciement ne saurait être déclaré nul.

' M. [N] a été licencié pour une exécution défectueuse de la prestation de travail (produits périmés en réserve et en rayons, opération commerciale envisagée sans contrat avec le fournisseur, réserves mal rangées et sales, commandes catalogue incorrectement passées, maintien dans le magasin d'affiches et de bons de réduction périmés, management défaillant), pour une insubordination ( refus de signer et vérifier les bons de livraison malgré des demandes réitérées), pour un mauvais comportement avec son équipe, de l'insolence à l'égard de sa hiérarchie et pour un mauvais comportement lors des réunions d'encadrement.

' L'exécution défectueuse de la prestation de travail, du reste contestée par M. [N], ne saurait justifier un licenciement pour faute que si cette exécution défectueuse est due à l'abstention volontaire du salarié ou à sa mauvaise volonté délibérée. La SAS Valdis n'établit ni, a fortiori, n'établit que tel serait le cas. En conséquence, à les supposer établis, ces manquements ne constituent pas un motif valide de licenciement disciplinaire.

' Insubordination

M. [N] fait remarquer que son rayon comportait 36 000 références et était approvisionné par 400 fournisseurs différents, ce qui l'empêchait matériellement de vérifier les bons de livraison. Il souligne qu'il existait d'ailleurs un responsable de réception chargé de cette fonction

La SAS Valdis produit les attestations de deux responsable de rayon (produits frais et boucherie) qui indiquent signer les bons de livraison. Ces attestations établissent que certains responsable de rayons effectuaient bien de telles vérifications et signatures. Elle n'explique pas toutefois comment M. [N], qui avait d'autres tâches à effectuer aurait pu vérifier et signer les bons de livraison compte tenu de la spécificité de son rayon. Elle ne conteste par ailleurs ni l'existence d'un responsable de réception ni le fait qu'il entrait dans ses attributions de vérifier et de signer les bons de livraison. Elle n'établit donc pas l'existence d'un manquement de la part de M. [N]. De surcroît, pour caractériser une insubordination constitutive d'une faute disciplinaire, il faudrait que la SAS Valdis établisse avoir de manière réitérée demander vainement à M. [N] de remplir cette tâche, ce qu'elle ne fait pas non plus.

' Comportement avec son équipe

La SAS Valdis produit plusieurs attestations au soutien de ce grief.

M. [I], chef de rayon, indique avoir entendu le personnel se plaindre du fait que M. [N] ne répondait pas à leurs salutations.

Mme [M], responsable de caisse écrit que M. [N] 'ne parlait pas correctement à l'ensemble des hôtesses de caisse'.

Mme [U], atteste que M. [N] était lunatique et pouvait un jour être de très bonne humeur 'et l'autre tout le contraire en nous manquant de respect en nous parlant mal'. Elle indique l'avoir une fois tutoyé par mégarde et s'être vu répondre que 'nous n'avions pas élevé les cochons ensemble'. Elle indique qu'il a ensuite dit à ses collègues que 'j'étais bourrée pour l'avoir tutoyé'.

M. [J], employé libre service (ELS) du secteur épicerie, sous la subordination de M. [N], indique que celui-ci 'changeait d'humeur et mettait des tensions avec des dialogues houleux envers des collègues d'où le climat devenait délétère'.

Selon Mme [V], responsable administrative, M. [N] ne se comportait pas de manière respectueuse, envers ses collègues. Il faisait souvent référence à sa position de responsable vis à vis des ELS ou hôtesses de caisse. 'J'ai régulièrement eu des plaintes de ces dernières car M. [N] leur parlait mal'.

M. [N] produit des attestations contraires.

Mme [W] qui a travaillé plusieurs mois sous sa subordination écrit que M. [N] remplissait toutes les qualités d'un bon manager, elle précise qu'il n'hésitait pas à mettre la main à la pâte quand les employés n'avaient pas eu le temps de terminer, il savait motiver ses équipes, les rebooster, il apportait rapidement une réponse aux demandes et questions de son équipe, était toujours de bonne humeur.

Mme [A], écrit que M. [N] avait paru, au premier abord, un peu distant et froid mais elle estime que c'était 'vraiment un bon responsable'.

M. [D] indique avoir entendu Mme [M] et les hôtesses de caisse se plaindre de la manière dont elles étaient traitées par Mme [V]. Il indique que cela déplaisait fortement à la direction de voir M. [N] et les autres responsables entretenir des relations de proximité avec leurs équipes et l'ensemble des salariés. Il précise que M. [N] entretenait de bonnes relations avec les autres responsables et avec les autres salariés.

Les critiques rapportées par l'employeur (hormis l'incident rapporté par Mme [U]) sont floues et peu circonstanciées et sont contrebalancées par les avis favorables émis dans les attestations produites par M. [N].

Dès lors, il ne saurait être identifié, dans l'ensemble de ces éléments, un comportement général constitutif d'une faute disciplinaire.

' Comportement à l'égard de la direction

Mme [V] indique que M. [N] n'acceptait pas les remarques, minimisait ses responsabilités, se défaussait, pendant les réunions, il manquait de respect au directeur ou aux autres en soufflant, en faisant semblant de dormir ou en riant pendant que quelqu'un s'exprimait.

M. [N] soutient que Mme [V] ne participait pas aux réunions du lundi et ne peut donc attester de ce qui s'y passait.

M. [I] atteste que lors des réunions du lundi, qu'il évoque comme des réunions de chefs de rayon, M. [N] avait du mal à être à l'écoute après le week-end. Il ne fait toutefois pas état de l'attitude décrite par Mme [V].

Dès lors, la seule attestation de Mme [V], dont rien n'établit qu'elle participait aux réunions litigieuses et qui, de surcroît, est la compagne du dirigeant qui a signé la lettre de licenciement ne saurait suffire à établir la réalité du grief.

En conséquence, le licenciement, fondé pour l'essentiel sur des manquements qui ne constituent pas des fautes disciplinaires et, pour le surplus, sur des fautes dont la réalité n'est pas établie est sans cause réelle et sérieuse.

M. [N] peut prétendre au paiement de la période de mise à pied conservatoire, à des indemnités de rupture et à des indemnités évaluées en fonction de son préjudice.

' M. [N] demande 'le rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire' sans chiffrer le montant de sa demande. Il a été mis à pied par la lettre de convocation à entretien préalable datée du 9 août 2017 et a été licencié par lettre datée du 29 août 2017. Or, il ne produit aux débats que deux bulletins de paie (celui de juillet 2017 en deux exemplaires et celui de septembre 2018). Le bulletin de paie d'août 2017 où est censée figurer la retenue au titre de la mise à pied n'est pas produit ce qui met la cour dans l'impossibilité de chiffrer cette demande. M. [N] en sera donc débouté

Les sommes réclamées par M. [N] au titre des indemnités de rupture ne sont pas contestées, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, par la SAS Valdis et seront donc retenues

' M. [N] ne justifie pas de sa situation après son licenciement. La SAS Valdis démontre que M. [N] s'est immatriculé le 29 juin 2017 au registre du commerce pour une activité de location de DVD et cassettes vidéo.

Compte tenu de ce renseignement, des autres élément connus : son âge (27 ans), son ancienneté (14 mois), son salaire moyen (2 400,48€), il y a lieu de lui allouer 6 000€ de dommages et intérêts.

3) Sur le travail dissimulé

M. [N] a travaillé largement au-delà du temps de travail contractuel au vu et au su de l'employeur.

Trois salariés (MM [D] et [Y] et Mme [X]) attestent que les responsables n'avaient d'ailleurs pas la possibilité de pointer, leur badge étant désactivé et que l'employeur les contraignait à signer des feuilles d'heures faisant apparaître 39,75H hebdomadaires, quel que soit le temps travaillé.

Ces éléments établissent suffisamment que l'employeur, qui connaissait les heures effectivement accomplies par M. [N], l'a sciemment rémunéré, invariablement, pour 170,59H mensuelles et fait ainsi figurer sur ses bulletins de paie un nombre d'heures inférieur au nombre d'heures effectivement réalisées. M. [N] est en conséquence fondé à obtenir paiement de l'indemnité pour travail dissimulé.

La somme réclamée de ce chef et allouée par le conseil de prud'hommes, n'étant pas contestée par la société sera retenue.

4) Sur les points annexes

Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2017, date de réception par la SAS Valdis de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, à l'exception d'une part, de l'indemnité accordée pour travail dissimulé qui produira intérêts à compter du 19 décembre 2018, date de dépôt des premières conclusions contenant cette demande, d'autre part, des sommes accordées à titre de dommages et intérêts qui produiront intérêts à compter de la date du présent arrêt.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [N] ses frais irrépétibles. De ce chef, la SAS Valdis sera condamnée à lui verser 2 500€.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Valdis à verser à M. [N] 14 400€ d'indemnité pour travail dissimulé et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire

- Y ajoutant

- Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2018

- Réforme le jugement pour le surplus

- Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamne la SAS Valdis à verser à M. [N] :

- 18 452,45€ bruts de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 1 845,24€ bruts au titre des congés payés afférents

- 4 800,96€ bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 480,10€ bruts au titre des congés payés afférents

- 576,11€ au titre de l'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2017

- 3 000€ de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 6 000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt

- Déboute M. [N] du surplus de ses demandes principales

- Condamne la SAS Valdis à verser à M. [N] 2 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne la SAS Valdis aux entiers dépens de première instance et d'appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00803
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.00803 ?
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