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02/06/2022 | FRANCE | N°21/00662

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 02 juin 2022, 21/00662


AFFAIRE : N° RG 21/00662 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWPC

 Code Aff. :



ARRET N°



JB.





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes -

Formation paritaire de CHERBOURG EN COTENTIN

en date du 12 Février 2021 - RG n° F 18/00104









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 02 JUIN 2022





APPELANTES :



S.A.S. ATELIERS DE CONSTRUCTIONS DU PETIT PARC (ACPP) prise en la personne de son représentant légal dom

icilié en cette qualité audit siège

[Adresse 22]

[Localité 7]



S.A.S. CTI MANAGEMENT venant aux droits de la SASU CTI GROUPE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette ...

AFFAIRE : N° RG 21/00662 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWPC

 Code Aff. :

ARRET N°

JB.

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes -

Formation paritaire de CHERBOURG EN COTENTIN

en date du 12 Février 2021 - RG n° F 18/00104

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 02 JUIN 2022

APPELANTES :

S.A.S. ATELIERS DE CONSTRUCTIONS DU PETIT PARC (ACPP) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 22]

[Localité 7]

S.A.S. CTI MANAGEMENT venant aux droits de la SASU CTI GROUPE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 21]

[Localité 6]

S.E.L.A.R.L. AJIRE prise en la personne de Maître [E] [S] ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SAS ATELIERS DE CONSTRUCTIONS DU PETIT PARC (ACPP) et d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SAS CTI MANAGEMENT

[Adresse 1]

[Localité 16]

S.C.P. SCP [J] & ROUSSELET prise en la personne de Maître [T] [J]ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SAS ATELIERS DE CONSTRUCTIONS DU PETIT PARC (ACPP) et d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SAS CTI MANAGEMENT

[Adresse 4]

[Localité 12]

S.C.P. BTSG prise en la personne de Maître [I] [H] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS CTI MANAGEMENT et de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS ATELIERS DE CONSTRUCTIONS DU PETIT PARC (ACPP)

[Adresse 2]

[Localité 14]

S.E.L.A.R.L. C.[F] prise en la personne de Maître [Z] [F] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SAS CTI MANAGEMENT et de mandataire judiciaire au redressement

judiciaire de la SAS ATELIERS DE CONSTRUCTIONS DU PETIT PAR

C (ACPP)

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentées par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur [A] [Y]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représenté par Me Florence TOURBIN, avocat au barreau de CHERBOURG

Association UNEDIC DELEGATON AGS CGEA DE [Localité 13] Association déclarée, représentée par sa Directrice nationale, Madame [P] [G] , domicilié [Adresse 11],

[Adresse 10]

[Localité 13]

Représentée par Me SALMON, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 03 mars 2022, tenue par Mme VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,rédacteur,

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 02 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme VINOT, président, et Mme ALAIN, greffier

* * *

Selon contrat de travail durée indéterminée du 1er janvier 2015 à effet du 5 janvier 2015, M. [Y] a été engagé par la société ACPP (Ateliers de constructions du petit parc) en qualité de directeur général, Position III C statut Cadre, la convention collective de la métallurgie des ingénieurs et cadres étant applicable ;

Selon contrat de travail durée indéterminée du 1er janvier 2015 à effet du 5 janvier 2015, M. [Y] a été engagé par la société CITI GROUPE en qualité de dirigeant du groupe et membre du CODIR ;

Il a été mis à pied à titre conservatoire le 24 avril 2017 et convoqué à un entretien préalable pour le 15 mai suivant, reporté au 16 mai ;

Il a été licencié pour faute grave le 19 mai 2017 par la société CTI ACPP (groupe CTI) ;

Contestant la rupture de ses contrats, il a saisi le 21 septembre 2018 le conseil de prud'hommes de Cherbourg en Cotentin lequel par jugement rendu le 12 février 2021 a :

S'agissant de la société ACPP :

- fixé le salaire de référence à la somme de 8797.48 € brut

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné la société ACPP à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

*29031.68 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

*52784.88 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

*7901.44 € au titre du rappel de salaire sur mise à pied et congés payés afférents

*4009.62 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

*2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ;

- débouté M. [Y] de ses demandes pour irrégularité de procédure, pour licenciement vexatoire, pour perte de chance ;

- ordonné la délivrance des documents sociaux rectifiés ;

S'agissant de la société CTI MANAGEMENT venant aux droits de CTI GROUPE :

- fixé le salaire de référence à la somme de 2375€ brut

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné la société CITIT MANAGEMENT à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

*7837.50 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

*14 250 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

*2291.04€ au titre du rappel de salaire sur mise à pied et congés payés afférents

*1106.75 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

*2375 € au titre de l'indemnité pour irrégularité de procédure

*1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ;

-ordonné la délivrance des documents sociaux rectifiés ;

La société ACPP et la société CITI-MANAGEMENT ont été placées en redressement judiciaire par jugement du 23 février 2021, la Sélarl AJIRE et la Sélarl [J] désignées comme administrateurs judiciaires et la SCP BTSG et la Sélarl [F] désignées comme mandataires judiciaires

Par déclaration au greffe du 5 mars 2021, elles ont formé appel de cette décision qui leur avait été notifié le 15 février 2021 ;

Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 25 mai 2021, la SCP BTSG et la Sélarl [F] désignées comme liquidateurs judiciaires, le jugement ayant mis fin à la mission des administrateurs judiciaires. Un jugement du même jour a par ailleurs ordonné la cession totale des actifs de la société ACPP au profit de la société FIVES ;

Par conclusions remises au greffe le 3 décembre 2011 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la SCP BTSG et la Sélarl [F] en leur qualité de liquidateurs des sociétés ACPP et CTI MANGEMENT demandent à la cour de :

confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Cherbourg en Cotentin du 12 février 2021 en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de M. [Y] pour licenciement irrégulier à l'égard d'ACPP, et licenciement vexatoire et perte de chance à l'égard des deux sociétés ;

- infirmer le jugement pour le reste en ce qu'il a :

- condamné la CTI MANAGEMENT venant aux droits de SASU CTI GROUPE au paiement de la somme de deux mille deux cent quatre-vingt-onze et quatre centimes (2.291,04 €) brut au titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire et congés payés y afférents,

- condamné la CTI MANAGEMENT venant aux droits de SASU CTI GROUPE au paiement de la somme de mille cent six euros et soixante-quinze centimes (1.106,75€) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- dit la procédure de licenciement à l'encontre de Monsieur [Y]

irrégulière,

- condamné en conséquence la CTI MANAGEMENT venant aux droits de SASU CTI GROUPE au paiement de la somme de 2.375 € au titre de l'indemnité pour irrégularité de procédure,

- ordonné la délivrance des documents sociaux rectifiés conformes au jugement,

- condamné la CTI MANAGEMENT venant aux droits de SASU CTIGROUPE à payer à Monsieur [A] [Y] la somme de mille euros (1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé la charge des éventuels dépens aux sociétés ACPP et CTI MANAGEMENT venant aux droits de SASU CTI GROUPE.

Statuant à nouveau,

Sur la procédure :

- mettre hors de cause la SELARL AJIRE prise en la personne de Maître [E] [S], ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la Société ateliers de constructions du petit parc (ACPP) et ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la Société CTI MANAGEMENT venant aux droits de CTI GROUPE et la SCP [J] & Rousselet prise en la personne de Maître [T] [J], ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la Société ateliers de constructions du petit parc (ACPP) et ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la Société CTI MANAGEMENT venant aux droits de CTI GROUPE,

- rejeter les demandes de fixation au passif des sociétés,

- débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes ;

- subsidiairement, réduire très substantiellement le montant de l'indemnité pour licenciement irrégulier ;

Sur le fond :

A titre principal,

- débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

A titre subsidiaire :

- constater que les faits reprochés constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

A titre plus subsidiaire :

- constater que le licenciement prononcé par ACPP est bien fondé et débouter M. [Y] de toutes ses demandes à l'encontre d'ACPP ;

- débouter Monsieur [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée à l'encontre de CTI Groupe ou subsidiairement de la réduire substantiellement ;

A titre infiniment subsidiaire :

- réduire substantiellement la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'encontre des défenderesses et en limiter le montant à six mois de salaire, soit 53.170 €, pour ACPP et au préjudice subi calculé sur la base d'un salaire mensuel de 2.375 € bruts pour CTI Groupe.

En tout état de cause :

- mettre hors de cause la SELARL AJIRE, prise en la personne de Maître [E] [S] et la SCP [J] et Rousselet, prise en la personne de Maître [T] [J], en leur qualité d'administrateurs judiciaires des sociétés ACPP ET CTI Groupe,

- dire l'arrêt à venir opposable à l'AGS (CGEA de [Localité 13]) qui sera condamnée à prendre en charge les éventuelles sommes allouées à Monsieur [Y] dans la limite de sa garantie ;

- rejeter les demandes, fins et conclusions de M. [Y],

- débouter Monsieur [Y] de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner M. [Y] à payer les dépens ainsi qu'à verser à la SCP BTSG et à la SELARL C. Basse, ès qualités de liquidateurs des deux sociétés, 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions n°2 remises au greffe le 15 février 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [Y] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 12 février 2021, en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [Y] irréguliers par la société CTI GROUPE irrégulier et sans cause réelle et sérieuse à l'égard des sociétés CTI GROUPE et ACPP ;

En conséquence,

- fixer au passif des liquidations judiciaires les condamnations prononcées ;

En tout état de cause,

- condamner liquidateurs des sociétés CTI MANAGEMENT et ACPP à une somme de 6 000€ en vertu de l'article 700 du code de procédure civile

- dire l'arrêt à venir opposable aux AGS-CGEA qui sera condamnée à prendre en charge le montant de ces condamnations.

- condamner les organes de la procédure aux entiers dépens.

Par conclusions n°2 remises au greffe le 18 février 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, l'AGS CGEA de [Localité 13] demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en ce que le Conseil de Prud'hommes a dit et jugé le licenciement de Monsieur [Y] comme étant sans

cause réelle et sérieuse et condamné la société ATELIERS DE CONSTRUCTIONS DU PETIT PARC (ACPP) et la société CTI MANAGEMENT, à lui payer la somme de 125.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En conséquence,

- débouter purement et simplement Monsieur [Y] de l'intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire,

- réduire dans les plus amples proportions les demandes présentées par Monsieur [Y].

- déclarer la décision à intervenir opposable à l'AGS CGEA de [Localité 13] dans les seules limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 3253-6 et L3253-8 et suivants du Code du Travail et des articles D3253-5 et suivants du Code du Travail, les seules créances garanties étant celles découlant de l'exécution du contrat de travail. La garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail.

MOTIFS

Au vu du jugement du tribunal de commerce de [Localité 13] du 25 mai 2021 prononçant la liquidation judiciaire des sociétés ACPP et CTI MANAGEMENT, il a été mis fin à la mission des administrateurs judiciaires.

Dès lors, il convient de mettre hors de cause la SELARL AJIRE prise en la personne de Maître [E] [S], en qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la Société ACPP et en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la Société CTI MANAGEMENT venant aux droits de CTI GROUPE et la SCP [J] & ROUSSELET prise en la personne de Maître [T] [J], en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société ACPP) et en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la Société CTI MANAGEMENT venant aux droits de CTI GROUPE ;

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail ;

La lettre de licenciement est libellée comme suit :

(')

« Recruté le 5 janvier 2015, vous occupez le poste de directeur général et de membre du comité de direction.

Vous avez commis, dans ce cadre, de graves manquements à vos obligations professionnelles que nous avons découverts à l'occasion des expertises administratives et financières réalisées par M. [W], responsable administratif et financier, dans le cadre de sa prise de fonction le 6 mars 2017.

1-Tout d'abord, vos activités annexes ont pris totalement le pas sur vos responsabilités professionnelles. Lors de votre embauche, vous aviez déclaré être gérant de la société FV Consultants jusqu'au mois d'avril 2015 et Maître de conférence pour l'université de [Localité 16] Basse-Normandie. Or, nous venons de découvrir que vous avez conservé la gérance de cette société au-delà de la date fixée dans votre contrat de travail, et que vous avez, en plus, accepté d'être le gérant de FV Aviation, SCI Gannet of Cherbourg et SCI Seagull of Cherbourg. A cela s'ajoute votre engagement à l'IUT de [17] en tant qu'enseignant et responsable de formation licencie pro MOSE. En signant votre contrat de travail, vous vous étiez engagé expressément à consacrer votre activité professionnelle à l'exécution de votre contrat. Vous avez à l'inverse multiplié les activités annexes en allant bien au-delà de quelques heures de cours comme Maître de conférence, sans avoir jamais sollicité l'autorisation de quiconque. Toutes ces activités vous ont amené à vous absenter plus que de raison et, parfois mêmes, des journées entières tout en continuant à percevoir un salaire pour un temps plein. Pour les seuls mois de mars et avril 2017, vous vous êtes ainsi absenté, par exemple, les 1er, 17, 21, 27 et 30 mars, et les 6, 14 et 24 avril. Pour l'année 2015, ces absences représentent 275 heures, pour 2016, 289 heures et pour 2017, 60 heures.

2- Ces absences répétées, en plus de contrevenir à vos engagements contractuels, ont eu de graves conséquences sur l'encadrement des services et le pilotage dont vous êtes tout particulièrement en charge. Les managers de projets se sont retrouvés dans directive, sans suivi d'affaires, sans suivi de charge et sans appui commercial. Les ateliers ont été livrées à eux-mêmes. Au-delà de votre présence très irrégulière, nous avons constaté l'absence totale de toute organisation industrielle et définition d'axes d'amélioration de production comme l'on peut en attendre d'un directeur général. Par exemple aucune décision n'était prise sur l'affectation du personnel : au cours des réunions d'affectation du personnel, qui se tenaient le lundi, vous ne preniez aucune décision sur les différents besoins des responsables des ateliers et des chefs de chantiers ; il est souvent arrivé que les ressources nécessaires soient confiées à celui qui s'imposait le plus au détriment de ceux qui en avaient réellement besoin, comme ce fut le cas par exemple de l'affectation entre l'atelier de [Localité 18] chaudronnerie et les chantiers Stema et Diadem sur le site de Marcoule ; il n'y avait pas davantage de priorisation des affaires entre les chantiers et les ateliers. Or, tout ceci relevait de vos responsabilités de directeur général. Du fait de vos trop nombreux engagements et de vos absences régulières, vous y avez totalement fait défaut.

3- Mais surtout, nous avons découvert, lors des examens des comptes en mars dernier que vous avez, à plusieurs reprises, privilégié, au détriment du groupe, la société FV Consultants dont vous avez continué à être le gérant. Vous avez ainsi fait travaillé cette société jusqu'en décembre 2016 pour un montant total de 34 731 € sur une période de deux ans. Vous avez encore obtenu d'ACPP le remboursement en octobre 2015 de 1537.34 € pour l'ordinateur portable acheté par votre société en décembre 2014, juste avant votre embauche. Par ailleurs, le 3 janvier 2017, vous avez fait procéder à l'embauche de votre ancien collaborateur de la société FV Consultants, [M] [B], en tant que responsable MQSSE. La société ACPP a également reçu une facture de la société FV Aviation en mars 2015 pour un montant de 540 € pour la prestation suivante : « location coque nue de l'aéronef Mooney M20F ». Tous ces faits sont incompatibles avec vos obligations professionnelles. Ils révèlent un réel conflit d'intérêts qui n'a pu qu'entraver sérieusement la confiance des salariées et des instances représentatives du personnel à l'égard de la Direction dont vous étiez le premier représentant.

4- Par ailleurs, nous avons découvert qu'au cours de vos absences pour des raisons personnelles, vous avez utilisé la carte bleue de l'entreprise pour des dépenses non liées à vos fonctions (paiement d'hôtels hors département, de taxis, d'un billet d'avion et de factures de restaurants au cours de ces mêmes journées). Ce fut, par exemple, le cas les 1er, 4, 5,18 et 20 mars 2017 et les 14 et 21 avril 2017. Pour l'année 2015, les montants non justifiés par vos fonctions de Directeur général s'élèvent à 5219 € pour 2016, à 3603 € et pour l'année 2017 à 3314.02 €. De telles pratiques ne peuvent, en aucun cas, être tolérées.

5 ' Nous avons également été surpris de découvrir, il a peu, que vous n'avez pas déclaré la totalité de vos jours de congés payés. Nous retrouvons entre vos plannings et vos jours posés une différence de cinq jours pour 2015 (les 23/10, 13/11 et 11.29.30/12), de cinq jours pour 2016 (13/05, 27/07, 5 et 8/08, 23/12), et d'un jour pour 2017 (le 21 mars 2017). Ce dernier sera déduit de votre indemnité de congés payés.

Ce comportement ne peut, là encore, être accepté de la part d'un dirigeant de votre niveau.

6- Nous avons par ailleurs relevé un manque total de communication vis-à-vis des représentants du personnel. En tant que Directeur général, vous avez pourtant la responsabilité des relations avec les représentants du personnel depuis le début de l'année 2017. Or, vos absences répétées, vos décisions unilatérales, votre manque de concertation avec les représentants du personnel ont conduit à des blocages au cours des derniers mois. Citons par exemple, la grève de la matinée du 16 janvier 2017 qui fut suivie par 60 salariés environ au motif que les ateliers n'étaient plus chauffés faute de gaz, la livraison de gaz n'ayant pas été anticipée alors même que cette situation durait depuis 10 jours ou encore le préavis de grève déposé le 1er mars 2017 pour la journée du 3 mars 2017 en raison de la semaine de 4 jours imposée en début d'année, et de la fermeture pour l'été, décidée sans consultation des représentants du personnel sur les dates. En outre, vous ne leur avez pas remis la convocation à l'assemblée générale d'ACPP qui a eu lieu le 26 avril 2017, en date reçue chez ACPP le 19 avril 2017, ce qui constitue un manquement grave dans l'exercice de vos fonctions. La célébration de l'anniversaire d'ACPP, ses 40 ans, sans la participation des représentants du personnel dut très mal ressentie autant par eux même que par les salariés. Les représentants du personnel sont venus exprimer, le 13 avril 2017, à M. [O] [V], président de Manoir Industrie, et à M. [D] [K], directeur général de Manoir Industries, leur défiance à votre encontre. Il est, depuis cet évènement, difficile de restaurer le dialogue social avec ceux-ci.

7- Enfin dans un contexte de crise de trésorerie que vous ne pouvez ignorer compte tenu de vos fonctions, nous avons été surpris par votre absence de vision et votre incapacité à bâtir un prévisionnel de trésorerie 2017 fiable. Vous vous étiez engagé, fin 2016, sur un budget de facturation, à fin mars 2017, de 5.4 M€ et un EBITDA de + 0.5M€. Or, fin mars 2017, le chiffre d'affaires facturé était de 3.5M€ et l'EBITDA de -0.6M€, soit une différence de 1.9M€ pour le chiffre d'affaires et de 1.1M€ pour l'EBITDA. Lors de réunions tenues avec les responsables financiers du Groupe Manoir Industries, vous n'avez apporté aucune explication afin de justifier ces écarts ni n'avez proposé aucune mesure d'ajustement, aucun plan d'action afin de redresser au plus vite cette situation catastrophique pour l'entreprise.

L'ensemble de ces faits, d'une particulière gravité compte tenu de votre niveau de responsabilité nous conduisent à vous notifier un licenciement pour faute grave.

Lors de votre mise à pied conservatoire le 24 avril 2017, vous êtes allé à la rencontre de M. [X] [U], manager de Projet qui était d'ailleurs ne séance de travail chez ACE à Equeurdreville pour lui dire qu'il « serait le prochain sur la liste » selon vos propres propos. Il nous apparait claire que votre but était de la déstabiliser car vous savez pertinemment qu'il négocie en ce moment une affaire importante pour notre société. Vous avez le lendemain essayé de faire pression sur la Direction en menaçant de révéler des informations confidentielles, relatives à la négociation d 'un contrat en cours avec notre client Areva dont vous avez eu connaissance du fait de vos fonctions. Nous vous rappelons que vous dans l 'article 6 de cotre contrat de travail une clause de confidentialité. Un tel comportement, outre qu'il contrevient à votre engagement de confidentialité, nous apparait inacceptable. Il n'a fait que conforter notre analyse relative à votre comportement et la gravité des griefs qui vous sont reprochés » »

Sur la procédure de licenciement

Le salarié considère que la procédure de licenciement a été irrégulièrement mise en 'uvre puisqu'à la réception de la lettre de convocation, il ne pouvait identifier lequel de ses deux employeurs ou les deux envisageait de le licencier, pas davantage qu'à la réception de la lettre unique de licenciement qui ne semblait concerner que la société ACPP.

Les sociétés font valoir que la lettre de convocation a été faite sur un papier à en-tête des deux sociétés, les deux contrats ont été évoqués lors de l'entretien, une partie des griefs concernait également la société CTI GROUPE, le signataire de la lettre de convocation, M. [L], président de CTI GROUPE et donc représentant légal de la société ACPP, que par ailleurs la lettre de licenciement vise les deux emplois et énonce des griefs qui concernent les deux emplois ;

L'article L1235-2 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, dispose que « si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire » ;

Lorsqu'il met en 'uvre une procédure de licenciement, l'employeur convoque le salarié à un entretien, indique au cours de cet entretien les motifs du licenciement envisagé et notifie la décision de licenciement.

En l'occurrence, M. [Y] a signé un contrat de travail avec la société ACPP et la société CI-GROUPE, ces dernières devaient donc diligenter chacune la procédure de licenciement peu important qu'elle fasse partie d'un même groupe, sauf à ce que la mise en 'uvre de la procédure de licenciement permet au salarié de déterminer sans ambiguïté au nom de quelle société elle est engagée ;

Il résulte des extraits KBIS qu'au moment de l'engagement de la procédure, la société ACPP était une société par actions simplifiées, ayant son siège social à [Adresse 15] et dont le président est la société CITI-GROUPE (société par actions simplifiée). Celle-ci, société Holding,

Avait pour président M. [X] [L] ;

Si la lettre de convocation à l'entretien préalable du 25 avril 2017 est établie sur un papier à en-tête mentionnant le logo « CTI ACPP » et « groupe CTI », et est signée par M. [L], force est toutefois de constater que la lettre de licenciement même si elle présente les mêmes caractéristiques et si elle vise les fonctions de M. [Y] en qualité de membre du comité de direction, ne vise aucun motif de licenciement concernant les fonctions exercées au sein de la société CITI-GROUPE. Seuls sont mentionnés des motifs en lien avec les fonctions de directeur général exercée au sein de la société ACPP et les clauses du contrat de travail signé avec cette dernière.

Dès lors, l'absence dans la lettre de licenciement de motifs justifiant la rupture du contrat de travail conclu avec la société CITI-Groupe conduit à considérer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et ne peut s'analyser comme une irrégularité de procédure.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a pour ce motif octroyé au salarié une indemnité de procédure ;

Le préjudice subi en conséquence de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse sera examiné ci-après ;

Par ailleurs, au vu de ce qui précède, la procédure de licenciement a été régulièrement suivie par la société ACPP, M. [Y] sera débouté, par confirmation du jugement, de sa demande indemnitaire formée à ce titre ;

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre vise sept séries de griefs :

Les absences répétées fondées sur l'exercice d'activités extérieures à la société

Dans son contrat de travail signé avec la société ACPP, le salarié a déclaré être « gérant de la société FV Consultants jusqu'en avril 2015 au plus tard, et Maître de conférences pour l'université de [Localité 16] Basse Normandie » ;

Le contrat ne fait état d'aucune répartition entre la prestation de travail et les fonctions inhérentes à l'activité d'enseignement, et l'employeur ne justifie d'aucune modalité particulière arrêtée avec le salarié ;

Par ailleurs, si le contrat de travail ne mentionne aucune convention de forfait, il n'indique toutefois aucun horaire de travail, précisant même que le salarié disposait « d'une maîtrise et d'une latitude totale tant au plan technique que de l'organisation de son travail » ;

Les absences répétées reprochées au salarié ne peuvent avoir un caractère fautif que si elles ont conduit à une absence ou une insuffisance dans l'exercice de ses fonctions ;

Pour établir les heures d'absences reprochées, l'employeur produit aux débats l'agenda professionnel du salarié de janvier 2015 à avril 2017, pointant les plages mentionnées comme « rendez vous privé ».

Outre que le volume d'heures pointé sur ces agendas ne correspond pas à celui figurant dans la lettre de licenciement, 275 heures pour l'année 2015 et 289 heures pour l'année 2016, ces faits sont en tout de cause prescrits. En effet, ces absences figurent sur l'agenda professionnel du salarié, accessible non seulement à son équipe mais également à la directrice des ressources humaines de la société, si bien que l'employeur en avait forcément connaissance. Au demeurant, l'employeur ne produit pas le rapport réalisé en avril 2017 par M. [W], responsable administratif et financier, par lequel il indique avoir pris connaissance des manquements de M. [Y] et avoir décidé de déclencher la procédure. Il ne permet pas ainsi à la cour d'apprécier ce qui a été concrètement porté à sa connaissance et ainsi de considérer comme l'employeur le soutient que c'est à cette date que devrait courir le délai de prescription de deux mois, y compris pour les faits de 2015 et 2016 ;

 

Concernant les absences de 2017, la lettre mentionne des absences pour mars et avril 2017 aux dates suivantes : 1er, 17, 21, 27 et 30 mars, et les 6, 14 et 24 avril. Or, l'examen de l'agenda professionnel du salarié ne mentionne pour ces dates (sauf le 21 mars) aucune absence ou rendez-vous privé (à l'exception le 30 mars d'un rendez-vous médical de 11h30 à 12h15), mais plusieurs rendez-vous ou tâches en lien avec son contrat de travail, étant précisé que pour le 21 mars 2017, le salarié justifie être en congés et produit aux débats un échange de courriels entre lui et M. [K] (directeur général Manoir Industrie qui avait repris le groupe CTI) attestant l'accord du second pour des congés du 21 au 23 mars 2017) ;

Les quelques rendez-vous privés mentionnés pour janvier 2017 sont pour les motifs rappelés ci-avant prescrits ;

L'existence d'absences répétées et/ou sans autorisation de l'employeur n'étant pas établie, il n'y a pas lieu de vérifier si ces absences ont eu de graves conséquences sur les missions du salarié, notamment celle relevant de l'encadrement des services et le pilotage ;

Il est également reproché au salarié, « au-delà de sa présence irrégulière », l'absence totale de toute organisation industrielle et définition d'axes d'amélioration de production comme l'on peut en attendre d'un directeur général.

Or le défaut d'encadrement du salarié, plus particulièrement l'absence de décision quant à l'affectation du personnel dans les ateliers ou sur les chantiers ne repose sur aucun élément, la seule pièce produite, un courriel du 6 mars 2017 par lequel la directrice des ressources humaines informe M. [K] d'affectation de salariés pour « pallier le manque de charge », sans que ce message révèle un manquement de M. [Y]. Celui-ci indiquant d'ailleurs sans être contredit sur ce point avoir établi un planning précisant les responsabilités et autorités dans l'entreprise, ce planning mentionnant l'existence d'une responsable des ressources humaines et d'un responsable planification ;

Enfin, il est invoqué l'absence du salarié aux réunions du comité de direction entre octobre 2016 et mai 2016. Outre que ce grief n'est pas mentionné dans la lettre de licenciement, l'absence de mention des dates des CODIR dans l'agenda professionnel du salarié pendant cette période est insuffisante à établir que ces réunions CODIR étaient prévues et que le salarié en était absent ;

Ce grief n'est pas établi ;

Sur le conflit d'intérêt et le favoritisme

Le salarié ne conteste pas être propriétaire de la Sarl (associé unique) FV AVIATION, immatriculée en 2008 et qui a pour objet la location coque nue d'aéronefs, ainsi que de deux SCI l'une SEAGULL OF CHERBOURG immatriculée en 2002 et l'autre la SCI GANNET qui ont, au vu des pièces produites, pour objet la propriété et la gestion d'immeuble, sont destinées à protéger son patrimoine immobilier privée ;

L'employeur ne démontre pas que la gestion de ces deux dernières sociétés qui existaient antérieurement au contrat de travail et dont les activités sont sans lien direct avec celles de ACPP et/ou CTI, a eu des incidences sur l'exécution par le salarié de ses fonctions ;

Concernant la société FV Consultants, le contrat de travail indique que le salarié s'engage à ne pas utiliser sa fonction chez ACPP pour privilégier FV Consultants ;

Le salarié a continué à être le gérant de cette société créée en 1999 et qui a des missions de conseils, d'audit, de formation et d'assistance technique, expliquant qu'elle intervenait pour le compte de la société ACPP à la demande seulement du service QSE (qualité sécurité environnement). Les factures produites par l'employeur démontrent effectivement que des prestations « assistance technique QSSE » ont été facturées à la société ACPP par la société FV Consultants entre mars 2015 et le 10 janvier 2017.

Toutefois, ces faits, à supposer même qu'ils caractérisent une volonté de privilégier la société FV Consultants, sont prescrits, la procédure de licenciement ayant été engagée plus de deux mois après la réception de la dernière facture produite ;

La prescription est également acquise pour les deux factures visées dans la lettre de licenciement. Celle du 26 octobre 2015 correspondant au règlement à FV Consultants par ACCP de l'ordinateur de M. [Y], le salarié n'étant au demeurant pas utilement contredit en ce qu'il affirme que ce remboursement intervenait suite à la proposition d'embauche de M. [Y] au sein de la société ACPP, l'ordinateur ayant été acheté par la société FV Consutlants quelques semaines avant, ainsi que la facture d'achat l'établit ;

Celle du 19 mars 2015 correspond à la location d'un aéronef facturée par la société FV AVIATION à la société ACPP pour 540 €, le salarié justifiant en outre que cette dépense qui correspond à un aller et retour en avion Cherbourg/Tours était nécessaire pour satisfaire un rendez-vous chez un client important (CNPE Tours) afin de régler un litige ;

Enfin, l'employeur reproche également au salarié d'avoir embauché en janvier 2017 M. [B] son ancien collaborateur chez FV CONSULTANTS, en qualité de responsable MQSSE au sein de la société ACPP. L'employeur ne produit aucun élément démontrant que cette embauche est contraire aux intérêts de la société ACPP ;

Il en résulte ainsi que ces griefs sont prescrits ou non caractérisés ;

Sur l'absence de déclaration de la totalité des congés

L'employeur reproche au salarié de ne pas avoir déclarer certains jours de congés pris en 2015 (5 jours), en 2016 (5 jours) et en 2017 (un jour le 21 mars 2017). Le salarié ne conteste pas la procédure applicable en matière de congés, à savoir remplir un bon et le soumettre à M. [L] puis remettre ce bon au service des ressources humaines, il ne peut dès lors utilement s'opposer à ce grief au soutenant que les congés litigieux étaient mentionnés dans son agenda professionnel ;

Cependant, l'employeur n'établit pas à quel moment il a eu connaissance de ces omissions, faute de produire aux débats le rapport de M. [W] permettant de vérifier si ce rapport incluait l'omission des congés.

Sur la journée du 21 mars 2017, si le salarié justifie avoir reçu l'accord de son supérieur hiérarchique, il n'établit pas avoir déclaré ce congé auprès des services des ressources humaines.

L'absence de déclaration du jour de congé pris le 21 mars 2017 est donc établie ;

Utilisation de la carte bancaire de l'entreprise pour régler des dépenses non liées aux fonctions du salarié

Au soutien de ce grief, l'employeur produit aux débats les relevés de compte de la carte bancaire au nom de M. [Y] pour la période du 28 février au 24 avril 2017 ;

Il ne produit ainsi aucun élément ou pièce justifiant des dépenses faites par le salarié en 2015 et 2016, chiffrées pourtant respectivement à 5219 € et 3603 € dans la lettre de licenciement, et encore moins que ces dépenses soient étrangères à ses fonctions. Ces faits étant non établis, il n'y a pas lieu de vérifier la prescription soulevée par le salarié ;

Concernant les dépenses de l'année 2017, l'employeur chiffre les dépenses injustifiées à la somme de 1769.77 € pour le mois de mars 2017, et au vu des montants surlignés dans le relevé de compte (et non repris dans ses écritures) une somme de 129.39 € pour le 21 avril 2017 (correspondant à un hôtel Ibis à [Localité 20]). Ainsi une partie des dépenses visées dans la lettre de licenciement pour 2017 soit 3314.02 €, n'est donc pas justifiée ;

Les dépenses des 4 et 5 mars 2017 (nuits d'hôtel et trajets UBER) ont été faites durant un week end, et celle du 18 mars 2017 (ADP) a été faite un samedi. Elles sont donc présumées avoir été faites pour des besoins non professionnels sauf au salarié d'établir le contraire ce qu'il ne fait pas.

En revanche les dépenses exposées du 6 au 9 mars 2017 l'ont été durant les jours de travail du salarié, ainsi que celles du 1er mars ou du 20 mars 2017, il appartient à l'employeur de démontrer qu'elles sont étrangères à ces fonctions.

Or, il ne produit pas les factures correspondantes à ces dépenses, et en outre, il ressort de ces propres pièces que la dépense du 1er mars 2017 de 228.01 € correspond à un billet d'avion acheté pour un autre salarié, M. [C]. Ces éléments démontrent au surplus que comme l'indique le salarié la carte dont il était titulaire pouvait être utilisé par d'autres salariés pour des dépenses ne le concernant pas. Ainsi les billets d'avion pour 228.01 € ont été achetés par Mme [R] pour le compte de M. [C]. Dès lors, le grief est établi pour les dépenses non justifiées du week end du 4 et 5 mars 2017, et du samedi 18 mars 2017 pour un montant de 1281,58 € est établi ;

Un manque total de communication à l'égard des représentants du personnel

La lettre de licenciement mentionne que le salarié n'a eu la responsabilité de la gestion des institutions représentatives du personnel « depuis le début de l'année 2017 », les pièces produites par le salarié démontrant que M. [L], alors président de la société, gérait les relations sociales et les négociations salariales avec la directrice des ressources humaines.

L'employeur ne démontre pas comme il l'affirme dans la lettre de licenciement que M. [Y] était responsable de la grève du 16 janvier 2017 motivée par l'absence de chauffage dans les ateliers, en n'ayant pas anticipé la livraison de gaz. Il ne démontre pas davantage la responsabilité du salarié dans le préavis de grève déposé le 1er mars 2017 en raison d'une semaine de 4 jours imposée sans consultation des représentants du personnel, ce d'autant qu'il résulte des courriels échangés à cette période avec un délégué syndical que c'est à la suite d'une réunion qu'il a organisé que la situation s'est apaisée et le préavis de grève n'a pas eu de suite ;

La lettre de licenciement vise également le défaut de remise aux représentants du personnel de la convocation à l'assemblée générale du 26 avril 2017 destinée à célébrer les 40 ans de la société. Le salarié conteste avoir été destinataire de cette convocation et l'employeur ne le justifie pas, sa pièce n°19 correspond à un courriel du 5 avril 2017 de la directrice des ressources humaines pour un vernissage lié au 40ème anniversaire d'ACPP qui n'est pas une convocation à une assemblée générale. Par ailleurs il affirme sans l'établir que la convocation aurait été reçue par le salarié le 19 avril 2017 alors que ce dernier était en déplacement en [Localité 19] et qu'il a été en retour mis à pied à titre conservatoire.

Ce grief n'est donc pas établi ;

Sur l'absence de vision et l'incapacité à établir un prévisionnel de trésorerie 2017 fiable ;

L'employeur lui reproche son incapacité à établir des prévisions budgétaires sérieuses et son absence de proposition permettant de relever la situation budgétaire de l'entreprise ;

Ces griefs à les supposer établis relèvent de l'insuffisance professionnelle. Ainsi dès lors que l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire, il doit caractériser la volonté délibérée du salarié d'enfreindre des consignes de l'employeur ou de ne pas satisfaire aux injonctions qui auraient pu lui être données, ce qui n'est en l'espèce ni invoqué ni justifié ;

Ce grief ne peut donc être retenu ;

Sur les pressions commises pendant la période de mise à pied conservatoire

La lettre vise des pressions commises sur un autre salarié, M. [U], lui disant qu'il « serait le prochain sur la liste », et sur la Direction en menaçant de révéler des informations confidentielles sur un contrat en cours.

Ces deux faits ne reposent sur aucun élément concret.

Ce grief n'est donc pas établi ;

Les deux griefs établis, s'ils sont fautifs, n'ont cependant pas le caractère d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail ;

Par ailleurs, la sanction de ces deux faits fautifs par un licenciement apparaît manifestement disproportionnée, au vu de l'ancienneté du salarié et eu égard à l'absence de toute sanction ou mise en garde antérieure. Ils ne sont donc pas de nature à caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Le licenciement prononcé la société ACPP est donc sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences de l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements

Le salarié est en droit de prétendre, non seulement aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents, indemnité légale ou conventionnelle de licenciement), mais également à des dommages et intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ;

*sur le licenciement prononcé par la société ACPP

Le licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvre droit, puisqu'il est intervenu avant le 23 septembre 2017 (date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 22 septembre 2017 modifiant l'article L1235-3l, à des dommages et intérêts au moins égaux aux salaires des six derniers mois ;

M. [Y] indique avoir été pris en charge par Pôle Emploi, avoir créé un restaurant puis avoir repris une activité de conseil, il ne produit toutefois aucun élément à ce titre et ne justifie pas de sa situation financière actuelle.

Dès lors, en considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, il convient de lui allouer la somme de 52 784.88 € à titre de dommages et intérêts ;

Les droits du salarié au titre de l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement, non contestés dans leur quantum, seront fixés à la somme respective de 29 031.68 € brut (incluant les congés payés afférents) et de 4099.62 €.

Les droits du salarié au titre du remboursement de la mise à pied ne sont pas non plus discutés et seront fixés à la somme de 7910.44 € brut (incluant les congés payés afférents) ;

*sur le licenciement prononcé par la société CITI-MANAGEMENT (venant aux droits de la société CITI-GROUPE)

Justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement moins de onze salariés, M. [Y] peut prétendre à l'indemnisation de l'illégitimité de son licenciement sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail alors applicable;

En considération de sa situation particulière et des éléments relevés ci-avant, et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, le préjudice subi par le salarié du fait de la perte de son emploi sera indemnisé par une somme de correspondant à 4 mois de salaire, soit 9500 € ;

Les droits du salarié au titre de l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement, non contestés dans leur quantum, seront fixés à la somme respective de 7837.50 € brut (incluant les congés payés afférents) et de 1106.75€.

Les droits du salarié au titre du remboursement de la mise à pied ne sont pas non plus discutés et seront fixés à la somme de 2291.05 € brut (incluant les congés payés afférents) ;

*Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts lorsqu'il établit que son licenciement s'est déroulé dans des conditions vexatoires ou humiliantes, et s'il établit avoir subi un préjudice distinct et complémentaire de celui qui est né d'un éventuel licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En l'espèce, M. [Y] invoque une mise à pied alors qu'il était en réunion de travail, que certains clients et l'encadrement étaient informés dès le lendemain de son remplacement par M. [N]. Il ne produire toutefois aucun élément ou pièce de nature à les justifier ;

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

*Sur les dommages et intérêts pour perte de chance

Au soutien de cette demande, le salarié fait état de rumeurs propagées par ses anciens employeurs qui font obstacle à toute possibilité de retrouver un emploi dans le même domaine d'activité. Il ne produit aucun élément à ce titre, notamment un témoignage de son interlocuteur au sein du groupe Orano qui selon lui l'a informé de ces rumeurs ;

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

Les sommes alloués seront en conséquence fixées au passif des liquidations judiciaires de la société CITI-MANGEMENT et ACPP ;

L'AGS sera tenue pour ces sommes dans les termes des articles L 3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles.

La remise des documents demandés sera ordonnée ;

- Sur les dépens et les indemnités de procédure

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmés ;

En cause d'appel, les dépens d'appel seront fixés au passif des liquidations judiciaires ainsi qu'une indemnité de procédure de 1500 € chacune. La SCP BTSG et la Selarl Basse ès qualités seront déboutées de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 12 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Cherbourg sauf en ce qu'il a alloué à M. [Y] une indemnité de 2375 € pour irrégularité de la procédure suivie par la société CTI MANAGEMENT venant aux droits de la société CTI GROUPE et sauf en ce qu'il a prononcé la condamnation des employeurs au paiement des sommes allouées au salarié ;

Statuant à nouveau et y ajoutant

Prononce la mise hors de cause la SELARL AJIRE prise en la personne de Maître [E] [S], ès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la Société ateliers de constructions du petit parc (ACPP) et ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la Société CTI MANAGEMENT venant aux droits de CTI GROUPE et la SCP [J] & Rousselet prise en la personne de Maître [T] [J], ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la Société ateliers de constructions du petit parc (ACPP) et ès qualités d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la Société CTI MANAGEMENT venant aux droits de CTI GROUPE,

Fixe la créance de M. [Y] au passif de la liquidation judiciaire de la société ACPP aux sommes suivantes :

- 29031.68 € brut à titre d'indemnité de préavis, incluant les congés payés afférents ;

- 4009.62 € à titre d'indemnité de licenciement

- 52 784.88 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 7901.44 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied incluant les congés payés afférents ;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fixe la créance de M. [Y] au passif de la liquidation judiciaire de la société CTI MANGEMENT venant aux droits de la société CTI GROUPE aux sommes suivantes :

- 7837.50 € brut à titre d'indemnité de préavis, incluant les congés payés afférents ;

- 1106.75 € à titre d'indemnité de licenciement

- 9500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2291.04€ à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied incluant les congés payés afférents ;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute M. [Y] de sa demande d'indemnité pour procédure irréguliière.

Déclare l'AGS tenue pour ces sommes dans les termes des articles L 3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles.

Condamne la SCP BTSG et la Sélarl Basse en qualités de liquidateurs de la société ACPP et de la société CTI MANAGEMENT venant aux droits de la société CTI GROUPE à remettre à M. [Y], dans le délai de deux mois de la signification du présent arrêt, les documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés, conformes au présent arrêt.

Déboute la SCP BTSG et la Sélarl Basse de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

Fixe les dépens d'appel au passif des liquidations judiciaires de la société.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M. ALAINL. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00662
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.00662 ?
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