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02/06/2022 | FRANCE | N°19/01906

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 3, 02 juin 2022, 19/01906


AFFAIRE : N° RG 19/01906

N° Portalis DBVC-V-B7D-GLJG

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES en date du 15 Mai 2019 - RG n° 16/00767









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 02 JUIN 2022





APPELANTS :



Madame [S] [J] née [O]

[Adresse 1] [Localité 2]



Monsieur [B] [J]

[Adresse 1] [Localité 2]



Représentés par Me Simo

n BALLÉ, avocat au barreau de COUTANCES



URSSAF DE NORMANDIE venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par Mme [A], mandatée





INTIMES :



S.A.S. [6] venant aux droit...

AFFAIRE : N° RG 19/01906

N° Portalis DBVC-V-B7D-GLJG

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES en date du 15 Mai 2019 - RG n° 16/00767

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 02 JUIN 2022

APPELANTS :

Madame [S] [J] née [O]

[Adresse 1] [Localité 2]

Monsieur [B] [J]

[Adresse 1] [Localité 2]

Représentés par Me Simon BALLÉ, avocat au barreau de COUTANCES

URSSAF DE NORMANDIE venant aux droits de l'URSSAF de Basse-Normandie

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Mme [A], mandatée

INTIMES :

S.A.S. [6] venant aux droits de la SARL [5]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe BESSEDE, avocat au barreau de COUTANCES

DEBATS : A l'audience publique du 28 mars 2022, tenue par Monsieur LE BOURVELLEC, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de Chambre,

Mme ACHARIAN, Conseiller,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 02 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Mme [J] et M. [J] et l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie, d'un jugement rendu le 15 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Coutances dans un litige l'opposant à la société [6].

FAITS et PROCEDURE

Mme [J] et M. [J] ont été les gérants majoritaires de la société [5] jusqu'au 31 octobre 2009.

Le 31 octobre 2009, ils ont cédé l'intégralité des parts sociales de cette société au profit de la société [6] et ont démissionné à cette date de leur mandat de co-gérant de la société [5].

A compter du 1er novembre 2009, la société [5] n'avait plus qu'un associé unique, la société [6], et un gérant unique, M. [X] [Y].

L'extrait Kbis de la société fait apparaître le 31 décembre 2009 la modification intervenue à compter du 1er novembre 2009.

Le régime social des indépendants ([7]) a continué à prélever, sur le compte bancaire de la société [5], les cotisations personnelles des époux [J] de 2010 à 2011.

Par courrier de la société d'expertise comptable de ces derniers reçu par l'Urssaf de Basse-Normandie, aux droits de laquelle vient l'Urssaf de Normandie (ci-après 'la caisse') le 2 août 2011, la caisse a été informée de ce qu'un changement de gérant était intervenu le 31 octobre 2009.

Par courrier du 14 octobre 2011, la caisse a informé M. [J] de la régularisation des cotisations 2010 et Mme [J] par courrier du 25 mai 2012 d'un remboursement des cotisations 2010.

Les prélèvements qui étaient opérés sur le compte de la société [5] en règlement des cotisations personnelles des époux [J] se sont poursuivis jusqu'en janvier 2012, date de l'opposition formée par M. [Y].

Par courrier recommandé du 22 mai 2014, la société [5] a réclamé aux époux [J] les sommes versées au titre des cotisations.

M. [Y] a ensuite sollicité la caisse qui lui a indiqué ne pas pouvoir lui fournir des éléments concernant d'autres assurés.

A compter du 21 septembre 2015, la société [6] est venue aux droits de la société [5].

La société [6] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Coutances le 13 juillet 2016 d'une demande dirigée à l'encontre du Régime social des indépendants ([7]), aux droits duquel vient l'Urssaf, et à l'encontre des époux [J] afin d'obtenir leur condamnation in solidum à lui verser la somme de 48 213 euros, outre intérêts moratoires et frais irrépétibles.

Par jugement du 15 mai 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Coutances, auquel le contentieux de la sécurité sociale a été transféré à compter du 1er janvier 2019, a :

- déclaré recevable l'action engagée par la société [6],

- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription déposée par Mme [J] et M. [J],

- condamné in solidum M. [J] et Mme [J] et l'Urssaf à payer à la société [6] la somme de 48 213 euros, solidarité limitée pour l'Urssaf à la somme de 9 014 euros,

- dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 22 mai 2014,

- condamné Mme [J] et M. [J] à verser à la société [6] la somme totale de 12 314 euros,

- dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 22 mai 2014,

- condamné M. [J] et Mme [J] à verser à la société [6] la somme totale de 35 899 euros,

- dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 22 mai 2014,

- condamné in solidum M. [J] et Mme [J] et l'Urssaf à verser à la société [6], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité d'un montant de 1 500 euros,

- débouté la société [6] du surplus de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné M. [J] et Mme [J] et l'Urssaf aux dépens.

Par acte du 26 juin 2019, M. [J] et Mme [J] ont interjeté appel de ce jugement.

Par acte du 28 juin 2019, l'Urssaf a interjeté appel de la décision.

Le dossier inscrit sous le numéro RG 19/2287 a fait l'objet d'une jonction avec le dossier inscrit sous le numéro RG 19/1906.

Par conclusions déposées le 28 septembre 2019, soutenues oralement par leur conseil, Mme [J] et M. [J] demandent à la cour de :

- réformer la décision entreprise et, statuant à nouveau,

- débouter la société [6] de toutes ses demandes indemnitaires.

Par écritures déposées le 25 juin 2021, soutenues oralement par sa représentante, l'Urssaf demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il condamne in solidum les époux [J] et l'Urssaf à la somme de 9 014 euros,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il condamne in solidum les époux [J] et l'Urssaf à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité d'un montant de 1 500 euros,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il condamne l'Urssaf aux dépens,

- débouter M. [Y] de toutes ses demandes.

Par conclusions déposées le 3 février 2022, la société [6] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum M. [J] et Mme [J] et l'Urssaf à payer à la société [6] la somme de 48 213 euros,

- dire recevable et bien fondée la société [6] à se porter appelante incidente,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu comme date de départ des intérêts moratoires, celle de la mise en demeure du 22 mai 2014 et non celles des paiements indus,

En conséquence,

- condamner in solidum l'Urssaf et les époux [J] à des intérêts moratoires :

1° à compter de la date à laquelle les remboursements des cotisations prélevées ont été indûment remboursées aux époux [J], soit :

- à compter du 14/10/2011 sur la somme de 14 265 euros,

- à compter du 25/05/2012 sur la somme de 14 011 euros,

2° à compter du 24 mai 2014, date de la mise en demeure, sur le solde.

- condamner in solidum l'Urssaf et les époux [J] à payer à la société [6] une somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner de la même manière aux dépens d'appel.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la prescription

Mme [J] et M. [J] font valoir que les demandes de la société [6] sont prescrites au motif que le tribunal des affaires de sécurité sociale a été saisi hors délai, à savoir plus de trois ans à compter de la date à laquelle les cotisations ont été acquittées.

La société [6] rétorque que le paiement des cotisations indues trouve sa cause dans une faute de l'Urssaf, de sorte que le délai de prescription est celui de droit commun.

Il y a d'abord lieu de rappeler que la mise en demeure adressée aux époux [J] le 22 mai 2014 n'a pas interrompu le délai de prescription.

L'article L.243-6 alinéa 1 du code de sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées.

Il résulte de l'article L.243-6 du code de sécurité sociale que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées ou, lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, à compter de la date à laquelle est née l'obligation de remboursement découlant de cette décision.

Il est acquis que cet article est le seul texte applicable à une demande de remboursement de cotisations de sécurité sociale indûment versées, dans les relations entre la caisse et l'assuré.

En l'espèce, les cotisations litigieuses ont été réglées en 2009, 2010 et 2011.

La société [6] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 13 juillet 2016, soit plus de trois ans après le dernier règlement de cotisations intervenue en 2011, de sorte que son action est prescrite à l'égard de la caisse. Le jugement doit être infirmé de ce chef.

L'action de la société est cependant dirigée à la fois à l'encontre de la caisse et des époux [J].

Or, dans les relations entre la société [6] et les époux [J], ce sont les règles de droit commun de la prescription de l'article 2224 du code civil qui trouvent à s'appliquer. Cet article dispose que 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

En l'espèce, les prélèvements litigieux sont intervenus, selon le document n° 2 produit par la société [6], de janvier 2010 à novembre 2011. C'est par conséquent à compter de chacun de ces prélèvements qu'il convient de se placer pour fixer le point de départ de la prescription posée par l'article 2224 précité, chaque prélèvement ayant en effet mis la société en mesure d'agir.

Compte tenu d'une saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale intervenue le 13 juillet 2016, les prélèvements réalisés jusqu'au mois de juin 2011 sont prescrits, tandis que ceux intervenus de juillet à novembre 2011 ne sont pas atteints par la prescription.

Il convient par conséquent par voie d'infirmation de rejeter le moyen tiré de la prescription. L'action est donc recevable pour les prélèvements réalisés de juillet à novembre 2011.

- Sur l'action en répétition de l'indu à l'encontre de Mme et M. [J]

Il résulte de l'article 1235 du code civil, devenu l'article 1302, que 'ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition', et de l'article 1376 de ce code, devenu l'article 1302-1 que 'celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui n'est pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu'.

Mme [J] et M. [J] estiment n'avoir commis aucune faute, n'ayant pas le pouvoir de dénoncer l'autorisation de prélèvement [7], dont le maintien n'a été porté à leur connaissance que plusieurs mois plus tard. Ils soulignent ne pas avoir reçu de courrier de la caisse pour leur signaler un trop-perçu, ni de demande remboursement à quelque titre que ce soit.

Ils ajoutent avoir bien été débiteurs de la caisse lorsque les prélèvements ont été effectués, soulignant que la société [5], devenue Société [6], ne doit aucune cotisation en sa qualité de personne morale, au contraire de ses dirigeants, de sorte que M. [Y] était lui-même tenu au paiement de cotisations. Ils considèrent que la décision déférée a relevé la faute partagée des anciens gérants de la société, Mme [J] et M. [J], et celle de M. [Y], mais en retenant une sanction unique à l'égard des premiers.

Ils soutiennent enfin que seule l'action directe de la caisse en remboursement des sommes était possible, mais qu'elle est prescrite.

La société [6], qui précise fonder son action à l'encontre des époux [J] sur la répétition de l'indu, fait valoir que ceux-ci n'ont donné aucune signe de vie et n'ont jamais répondu aux demandes reçues, en particulier à la mise en demeure du 22 mai 2014.

Elle souligne qu'ils auraient dû prendre l'initiative de mettre un terme au mandat de prélèvement de leurs cotisations personnelles sur le compte de la société [6], dès la cessation de leur fonction le 31 octobre 2009.

Il ressort du dossier que l'Urssaf a remboursé :

- à M. [J] :

- la somme de 14 265 euros au mois d'octobre 2011, au titre de la régularisation des cotisations 2010

- la somme de 62 euros suite à radiation, au titre de l'année 2012

- la somme de 480 euros au titre de l'année 2012.

- à Mme [J] :

- la somme de 14 011 euros au mois de mai 2012, sans précision sur la période concernée.

La société affirme que le montant total remboursé aux époux [J] s'établit à :

- 35 899 euros pour M. [J]

- 12 314 euros pour Mme [J]

selon un détail mentionné dans sa pièce n° 4 (courriel du conseil de la société), qui précise le montant mensuel des prélèvements pour chacun des époux sur la période concernée.

La pièce n° 2 de la société fait apparaître ces montants mensuels, mais avec l'unique intitulé 'prelvt [7]' suivi du mois concerné. Ce document ne permet donc pas de s'assurer que les sommes ainsi réglées correspondaient aux cotisations dues par M. [J] ou Mme [J].

Ainsi, les seules sommes dont il est justifié qu'elles ont été remboursées par la caisse aux époux [J] sont les suivantes :

- 14 807 euros pour M. [J], au titre de l'année 2010 et l'année 2012

- 14 011 euros pour Mme [J], sans précision sur la période visée.

Aucun élément ne permettant de déterminer la période au titre de laquelle Mme [J] a été remboursée de la somme de 14 011 euros, aucune action en répétition de l'indu ne peut être exercée à son encontre.

Il est établi que M. [J] a poursuivi son activité jusqu'au 30 juin 2012, de sorte qu'il n'est pas prouvé que les remboursements des sommes de 62 et 480 euros au titre de l'année 2012 auraient été prélevées sur le compte de la société [6]. L'action en répétition de l'indu ne pourrait en conséquence porter que sur le montant de 14 265 euros, remboursé à M. [J] au titre de la régularisation des cotisations 2010.

Or, d'une part, l'action de la société [6] pour les prélèvements réalisés avant le mois de juillet 2011 est prescrite.

D'autre part, l'action en répétition de l'indu suppose, aux termes de l'article 1376 du code civil alors applicable, que la restitution intervienne au profit de celui de qui il l'a indûment reçu. Or, il est constant que c'est la caisse qui, ayant effectué les paiements, avait seule qualité pour en exiger la restitution.

Compte tenu de ces observations, il convient, par voie d'infirmation, de débouter la société [6] de l'ensemble de ses demandes.

Succombant en ses demandes, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, le jugement étant infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Déclare prescrite l'action de la société [6] à l'encontre de l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie ;

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription déposée par Mme [J] et M. [J] pour les prélèvements réalisés de juillet à novembre 2011 sur le compte de la société [6] ;

Déboute la société [6] de ses demandes à l'encontre de Mme [J] et M. [J] ;

Condamne la société [6] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 3
Numéro d'arrêt : 19/01906
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;19.01906 ?
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