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25/05/2022 | FRANCE | N°21/00934

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 25 mai 2022, 21/00934


AFFAIRE : N° RG 21/00934

N° Portalis DBVC-V-B7F-GXBY

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALENCON en date du 23 Mars 2021 RG n° F 18/00068











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 25 MAI 2022





APPELANT :



Association ADAPEI DE L'ORNE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. >
[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me CHENEDE, avocat au barreau de NANTES







INTIMEE :



Madame [R] [Y] épouse [V]
...

AFFAIRE : N° RG 21/00934

N° Portalis DBVC-V-B7F-GXBY

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALENCON en date du 23 Mars 2021 RG n° F 18/00068

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 25 MAI 2022

APPELANT :

Association ADAPEI DE L'ORNE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me CHENEDE, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE :

Madame [R] [Y] épouse [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Florence GALLOT, avocat au barreau d'ALENCON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller, rédacteur

DÉBATS : A l'audience publique du 24 mars 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 25 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Mme [V] a été embauchée à compter du 20 juin 2005 en qualité d'éducatrice spécialisée par l'Adapei de l'Orne, à temps partiel.

Elle a été représentante syndicale CGT d'avril 2014 à décembre 2015 et déléguée du personnel suppléante d'avril 2014 au 1er juillet 2018.

Le 9 août 2018, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Alençon aux fins d'obtenir paiement de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, d'indemnités pour occupation du domicile, pour travail effectué à domicile, de remboursement de frais.

En cours d'instance, elle a présenté une demande de dommages et intérêts pour absence de passage à temps plein.

Elle a démissionné le 29 janvier 2019.

Par jugement du 23 mars 2021, le conseil de prud'hommes d'Alençon a :

- condamné l'Adapei de l'Orne à payer à Mme [V] la somme de 12 944,03 euros au titre de ses frais kilométriques

- débouté les parties de leurs autres demandes

- condamné l'Adapei de l'Orne à payer à Mme [V] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné l'Adapei de l'Orne aux dépens.

L'Adapei de l'Orne a interjeté appel de ce jugement, en celles de ses dispositions l'ayant condamnée aux sommes précitées et aux dépens et déboutée de ses demandes.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 9 mars 2022 pour l'appelante et du 1er mars 2022 pour l'intimée.

L'Adapei de l'Orne demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [V] de toutes ses demandes autres que celles relatives aux frais professionnels et à l'article 700 du code de procédure civile

- infirmer le jugement sur les condamnations prononcées

- déclarer irrecevable la demande de rappel de salaire à temps complet et prescrites les demandes fondées sur la discrimination, l'utilisation professionnelle du garage personnel et le rappel de salaire pour travail à domicile

- à titre subsidiaire, déclarer les demandes non fondées

- à titre éminemment subsidiaire les recalculer selon les indications à fournir

- condamner Mme [V] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [V] demande à la cour de :

- confirmer le jugement sur l'article 700 du code de procédure civile

- réformer le jugmment pour le surplus

- condamner l'Adapei à lui payer les sommes de :

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale

- 1 625,60 euros à titre d'indemnisation du préjudice subi du fait du non passage à temps partiel

- 21 574 euros à titre d'occupation du domicile

- 16 360 euros à titre d'indemnisation du temps de travail effectué à domicile

- 2 052,70 euros à titre de remboursement des frais engagés d'acquisition et d'assurance du véhicule personnel

- 8 992,08 euros (ou à titre subsidiaire 8 312,64 euros) à titre d'indemnités kilométriques

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 mars 2022.

SUR CE

1) Sur la suppression du droit de conserver le véhicule de service à domicile

Mme [V], dont il est constant qu'elle avait pour mission soit de se déplacer de son domicile sur les différents lieux de rencontre des enfants soit de rencontrer des enfants au siège et bénéficiait d'un véhicule de service, soutient qu'elle était autorisée comme tous ses collègues à se servir de ce véhicule pour déposer ses enfants chez la nourrice et à l'école et qu'elle a été la seule dans un premier temps à se voir notifier la suppression de cet usage avant que l'usage ne soit dénoncé irrégulièrement aux autres salariés.

S'agissant de la teneur de l'usage allégué, elle produit deux attestations d'une collègue et de M. [S], ancien directeur, lequel particulièrement indique que les salariés avaient la possibilité de stationner le véhicule chez eux et de l'utiliser pour déposer leurs enfants à l'école ou chez la nourrice, ce exclusivement les jours de travail.

L'Adapéi ne s'explique pas plus avant qu'en indiquant qu'il était toléré une utilisation du véhicule pour le trajet aller/retour domicile/lieu de travail et que pour des raison budgétaires et d'égalité de traitement elle a décidé d'arrêter la mise à disposition des véhicules de service pour pour le trajet aller-retour domicile-lieu de travail.

L'existence d'un usage relatif à cette mise à disposition pour ce trajet est donc établie.

Il est constant que par lettre du 17 décembre 2015 Mme [V] a été informée qu'à l'expiration des vacances de Noël elle ne serait plus autorisée à utiliser le véhicule de service hors déplacement purement professionnel et qu'elle devait prendre des mesures pour qu'à l'avenir le véhicule de service puisse être stationné sur un site Adapei 61.

Mme [V] s'est étonnée d'être la seule à recevoir une telle correspondance laissant en outre supposer, selon elle, qu'elle aurait utilisé le véhicule à des fins personnelles.

Le 12 janvier 2016, les déléguées du personnel ont souhaité que le Chsct se prononce sur ce changement des conditions de travail et l'évaluation des risques professionnels liés à ce changement.

Le 18 janvier 2016, l'inspecteur du travail a indiqué à l'employeur qu'il devait consulter le Chsct.

Après avoir indiqué à Mme [V] par lettre du 25 janvier 2016 qu'elle n'était plus autorisée à utiliser le véhicule pour retourner à son domicile, l'Adapéi lui a a indiqué par lettre du 28 janvier de ne pas tenir compte de cette consigne qui ne prévalait pas sur les décisions qui pourraient être prises à l'issue du Chsct.

Lors de la réunion du Chsct du 1er février 2016 il a été indiqué que les élus demandent que soit organisé un Chsct exceptionnel avec la présence des déléguées du personnel.

Une réunion a été prévue le 10 mars sur le sujet de la situation par rapport à l'utilisation des véhicules de service, réunion qui a été ensuite annulée.

Le 18 juillet 2016, l'Adapéi a adressé à tous les salariés une correspondance ayant pour objet 'dénonciation d'usage en matière d'utilisation des véhicules de service' devant prendre effet le 1er septembre 2016.

Le 1er août 2016, l'inspecteur du travail a rappelé à l'Adapéi l'obligation de consulter le Chsct et le comité d'entreprise.

Le 16 septembre 2016, l'Adapéi a indiqué à Mme [V] que la dénonciation n'était pas remise en cause, qu'un avis avait été demandé aux Chsct sur l'utilisation future des véhicules et qu'à l'issue une négociation serait engagée.

Il résulte de ce qui vient d'être exposé que les consultations engagées à compter de septembre 2016 l'ont été sur des propositions concernant l'avenir (dans une lettre à l'inspecteur du travail du 3 octobre 2016 l'Adapéi indique que la dénonciation en juillet avait pour objectif de révoquer des pratiques non réglementaires et préjudiciables, que son objectif est de consulter les instances sur des propositions d'utilisation des véhicules de service et plus globalement sur les conditions de travail des salariés itinérants et qu'à ce titre les consultations ont débuté).

Contrairement à ce que soutient l'Adapéi, l'inspecteur du travail n'a pas validé le bien fondé de la dénonciation puisque dans dans sa lettre du 9 septembre 2016 il indique constater que les consultations sont en cours alors que le courrier dénonçant l'usage est du 18 juillet et il invite à pousuivre la démarche de consultation.

Aucune autre réunion que celles susvisées n'a eu pour objet la dénonciation de l'usage, les réunions de délégués du personnel invoquées n'évoquant que des points périphériques et non la dénonciation proprement dite.

Il en résulte que l'usage a été dénoncé sans consultations conformes.

L'Adapéi ne conteste pas sérieusement le principe du préjudice subi de ce fait, dont Mme [V] indique qu'il a consisté en ce qu'elle a dû utiliser son véhicule personnel, mais critique le mode de calcul opéré par cette dernière.

Effectivement, Mme [V] demande le remboursement du coût d'acquisition d'un véhicule et du coût de l'assurance sans produire de justifications, de sorte qu'il ne peut être fait droit à sa demande à ce titre.

Si les parties sont d'accord sur un kilométrage de 36 kms aller-retour, en revanche leurs calculs divergent sur le nombre de jours à prendre en compte et le coût du kilomètre.

La salariée explique le nombre de jours qu'elle a retenu et se réfère aux bulletins de salaire qui confirment ce qu'elle allègue, de sorte que seront retenus 460 jours.

S'agissant du barème à retenir, tandis que la salariée ne s'explique pas sur la base retenue, il est constant que la convention collective du 15 mars 1966 est celle applicable dans l'entreprise (elle est visée par les bulletins de salaire) et sur ce point Mme [V] produit un barème CCNT 1966 qui n'est contredit par aucune autre pièce de l'employeur.

C'est donc sur la base du barème de cette convention que le préjudice sera calculé, lequel sera évalué à 8 312,64 euros.

2) Sur la discrimination

Mme [V] fait valoir les faits suivants : elle a eu difficilement accès aux accords d'entreprise, il lui a été demandé de modifier ses horaires de travail du vendredi pour un motif inexact, elle a été sollicitée à de nombreuses reprises pour augmenter son temps de travail, ayant informé son employeur de son accord pour un temps plein l'offre d'emploi ne lui a pas été transmise, l'employeur lui a fait les pires difficultés pour la prise des congés payés, des incidents notables ont eu lieu pendant les réunions de délégués du personnel à la suite de quoi elle a été en arrêt de travail, le climat social était très dégradé, lors de son arrêt de travail elle n'a perçu que la moitié de son salaire alors qu'elle pouvait prétendre au maintien de son salaire, des ordres contradictoires lui ont été donnés.

Le délai de prescription applicable étant de 5 ans la demande n'est pas prescrite.

- La difficulté sur les accords d'entreprise :

Les pièces produites établissent qu'une demande a été adressée par Mme [V] le 29 avril 2016 à la directrice générale de pouvoir avoir les nouveaux accords d'entreprise notamment celui sur l'annualisation, qu'il a été répondu que l'accord de 2000 a dû être remis en son temps au chef d'établissement et que la demande faite en 2016 est étonnante, Mme [V] étant interrogée sur ce qui motive cette demande, le 3 mai celle-ci a adressé une réponse de laquelle il résulte qu'elle a bien eu l'accord d'annualisation, il lui a été indiqué cependant 'je reste étonnée de votre demande' et que les autres accords sont en cours de validation, le 28 juillet 2016 Mme [V] a indiqué à la directrice générale qu'elle demandait l'application de l'article R2262-1 et la mise à disposition sur le lieu de travail d'un exemplaire des accords.

L'Adapéi produit une correspondance du 2 septembre 2016 adressée à Mme [V] pour communiquer un classeur et une décharge signée de cette dernière le 5 septembre et relative à cette communication d'un classeur contenant l'ensemble des accords en vigueur.

En cet état, aucun manquement ni aucune difficulté ne sont établies.

- L'emploi du temps du vendredi :

Le 6 juin 2016 il a été indiqué à Mme [V] qu'il avait été constaté que son emploi du temps du vendredi était de 9h à 10h30 alors que conformément à l'article 20.5 de la convention collective une durée minimum de 2 h est requise et lui a été demandé de modifier son emploi du temps pour avoir une séquence minimale de 2 heures.

Mme [V] a répondu que l'article 20.5 faisait référence à une journée fractionnée ce qui n'était pas son cas mais qu'elle mettrait en oeuvre ce qui était exigé.

Et elle soutient exactement qu'en l'absence de travail discontinu ce jour-là l'article 20.5 allégué n'avait pas vocation à s'appliquer.

- L'augmentation du temps de travail et l'absence de passage à plein temps :

Les 26 septembre 2016 et 11 janvier 2017 l'employeur a écrit à Mme [V] pour lui faire part d'une possibilité d'augmentation de son temps de travail, lui demandant de lui faire connaître ses souhaits en matière d'augmentation temporaire ou pérenne de son temps de travail.

Mme [V] a indiqué qu'elle ne souhaitait pas augmenter son temps de travail.

Suite à une nouvelle proposition en septembre 2017 Mme [V] a, le 15 septembre 2017, indiqué donner son accord sur une augmentation de 10% ayant pour effet de porter son temps à la hauteur d'un temps plein.

Le 20 octobre 2017, l'employeur lui a indiqué qu'il ne pouvait répondre favorablement à sa demande, étant d'abord nécessaire de combler un dépassement d'honoraires en orthophonie et d'autre part en raison de l'orientation de la direction sur une augmentation du temps de psychologie.

Mme [V] s'est interrogée en réponse sur ce refus et sur une éventuelle discrimination.

Le 27 novembre 2017 l'employeur lui a expliqué que l'hypothèse à l'étude concernant le redéploiement des moyens liés au départ en retraite d'un enseignant était celle d'une extension du temps de psychologue.

Le 2 février 2018, l'employeur a envisagé le recrutement d'un coordinateur en contrat à durée déterminée à temps plein et rien n'établit que cette offre ait été affichée et portée à la connaissance de Mme [V].

Les seules pièces produites établissent que Mme [J] a été nommée coordinateur du 1er mars au 20 juillet 2018 dans un premier temps puis à compter du 1er juillet à durée indéterminée, ce en étant mutée d'un poste d'éducateur spécialisé.

Or c'est un poste d'éducateur spécialisé qu'avait Mme [V].

- Les congés :

Dans ses conclusions, Mme [V] se borne à renvoyer à ses pièces et à faire état des pires difficultés sans argumenter particulièrement.

Il résulte de ces pièces que le 13 décembre 2016 elle a rempli une demande de congés portant notamment sur 24 jours de congés payés du 24 juillet au 25 août, 6 jours de CT du 21 au 29 décembre 2017 et une demi-journée de congé d'ancienneté (CA) le 15 décembre 2017, demande refusée au motif que les CA ne sont pas sécables conformément à la note de service du 12 octobre 2016, que les CT sont à prendre sur les périodes fixées et que c'est 20 jours et non 24 qui sont à prendre entre le 1er mai et le 31 octobre.

Mme [V] s'est étonnée de ce refus et a demandé que lui soient indiquées ses dates de congés prévisionnels, demande réitérée en janvier.

Le 10 février lui a été indiqué que les CA n'étaient pas sécables, que le service étant fermé du 24 juillet au 20 août 19 jours devaient donc être posés à cette période, qu'elle était invitée à refaire sa demande.

Ces informations lui ont été indiquées à nouveau le 22 mai, le calendrier des fermetures 2017 lui étant communiqué.

Mme [V] a présenté une nouvelle demande de congés le 9 juin 2017 en indiquant qu'elle était la seule à ne pas avoir été informée de ses dates de congés avant le 1er mai et que les accords d'entreprise n'étaient pas respectés sur la pause des CA.

L'Adapéi produit une note de service sur les CA non sécables et un procès-verbal de réunion du 4 octobre 2016 visant le calendrier des fermetures de l'entreprise 2017.

En cet état, des difficultés ne sont pas établies.

- Les incidents en réunion :

Le 31 mai 2017 Mme [V] s'est plainte qu'il ait été indiqué qu'il faudrait une information pédagogique sur la manière de poser des questions DP et que la situation était proche du harcèlement moral , le 31 janvier 2018 elle s'est plainte d'une attitude agressive de la directrice qui haussait régulièrement le ton et cherchait à la rabaisser.

Sont versés par ailleurs aux débats une déclaration de Mme Bureau secrétaire de direction faite lors d'une enquête CPAM au cours de laquelle elle indique que le 5 avril 2017 elle a trouvé Mme [V] en pleurs, disant qu'elle n'en pouvait plus, une déclaration de Mme [G], directrice, dans le cadre de cette même enquête, qui indique que Mme [V] était désobligeante avec elle, une déclaration de M. [F], AMP, toujours dans cette même enquête, qui indique qu'il n'est pas possible que Mme [V] ait été dans cet état-là juste pour cette seule réunion du 9 février 2017 qui s'est plutôt bien passée et, enfin, un rapport de commission d'enquête du Chsct faisant état d'une incompréhension dans le dialogue entre salariés et direction sans harcèlement.

Il importe de relever que Mme [V] verse aux débats tous ces éléments sans les commenter de quelque façon se bornant à faire état 'd'incidents notables' alors que l'employeur observe notamment que les déclarations d'accident du travail de Mme [V] ont toutes fait l'objet de rejet.

- La prévention du risque psychosocial :

Le 12 février 2018 le médecin du travail a indiqué à titre de propositions de mesures individuelles d'aménagement : 'merci de veiller à assurer un réel soutien social auprès de Mme [V] conformément à la réglementation relative à la prévention du risque psychosocial' et le 26 avril 2018 a indiqué 'a priori Mme [V] ne semble toujours pas bénéficier d'un réel soutien social. Merci d'y veiller dorénavant et de me tenir au courant de la suite donnée'.

C'est le 6 septembre 2018 que l'employeur a demandé au médecin du travail de lui préciser ce qu'il entendait et ce dernier a répondu qu'il s'agissait de s'assurer d'une communication ouverte, compréhensive, à l'écoute.

Nonobstant le fait que le médecin du travail se soit exprimé en termes relativement imprécis, il n'en demeure pas moins que l'employeur ne justifie quant à lui que de cette unique réaction tardive, à l'exclusion de toute démarche de prévention.

- La dégradation du climat social :

Il est fait état d'un jugement du conseil de prud'hommes jugeant pour cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [G] notifié le 15 janvier 2015 par l'Adapéi 53 en visant notamment le comportement de cette dernière bloquant le dialogue, d'une constitution de partie civile du syndicat CGT sur des faits d'entrave non autrement précisés, d'une lettre non datée signée de plusieurs salariés adressée au président faisant état d'une dégradation des conditions de travail et d'une demande de rencontre pour l'instauration d'un dialogue constructif, d'un article de presse sur un procès pour entrave dont il es indiqué qu'il a abouti à un jugement de relaxe, tous éléments qui n'apportent aux débats aucun fait précis relatif à l'Adapéi de l'Orne et à Mme [V].

- Le non maintien du salaire pendant l'arrêt maladie

L'Adapéi soutient avoir fait une erreur qui a été corrigée immédiatement et se réfère à un mail et à un état de virement qui le confirment et n'appellent aucune remarque de Mme [V].

- Les ordres contradictoires :

Est produit un unique échange de mails d'avril 2018 entre Mme [V] et sa chef de service sur une question de contact à prendre ou non avec le service AEMO dans un dossier.

- Les arrêts de travail :

Aucune pièce n'est produite.

- L'analyse de l'ensemble de ces éléments

Il ressort de ce qui vient d'être exposé que Mme [V] justifie de la réalité de trois faits : une demande de changer son horaire du vendredi reposant sur une motivation erronée, une absence de mise en oeuvre du soutien social demandé par le médecin du travail, l'absence de proposition du poste de coordinateur à temps plein confié à une éducatrice spécialisé alors qu'elle possédait elle-même cette qualité et qu'elle avait demandé son passage à temps plein.

Ces éléments font présumer une discrimination.

L'Adapéi ne produit aucune explication justifiant son erreur et sa carence sur les deux premiers points, quant au poste de coordinateur elle ne produit aucune explication sérieuse et encore moins un élément de justification de ce que Mme [V] n'aurait pu l'occuper.

Il en résulte que la discrimination sera jugée comme établie.

Elle a causé à Mme [V] un préjudice moral qui sera évalué à 1 500 euros.

3) Sur l'absence de proposition de poste à temps plein

La demande d'indemnisation à ce titre formée de façon additionnelle postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes présente un lien suffisant avec la demande initiale au titre de la discrimination pour qu'elle soit jugée recevable.

L'absence de proposition du poste à temps plein dans les conditions susvisées a causé à Mme [V], qui bénéficiait d'une priorité, un préjudice consistant en la perte de salaire qui sera évaluée à 1 625,60 euros.

4) Sur l'indemnisation au titre de l'occupation d'un local à son domicile pour des besoins professionnels

Mme [V] expose que de son embauche au 1er septembre 2016 l'employeur n'a pas mis à sa disposition d'endroit dans les locaux de l'entreprise pour entreposer son matériel, des jeux de société, qu'elle a donc dû utiliser à son domicile deux étagères de deux mètres de long.

L'Adapéi oppose exactement une prescription de deux ans de sorte que la demande n'est recevable que pour une période de 21 jours.

Sur cette période, il n'est pas sérieusement contesté que Mme [V] a dû stocker du matériel chez elle, cette question du stockage donnant lieu à de nombreux échanges en réunion de délégués du personnel et une armoire n'étant mise à disposition des salariés dans l'entreprise qu'à compter de septembre 2016.

Il s'ensuit un préjudice qui sera évalué à 50 euros.

5) Sur l'indemnisation du temps effectué à domicile

Mme [V] expose que le fait qu'elle ait dû jusqu'au 1er septembre 2016 entreposer son matériel à son domicile l'a contrainte à effectuer à son domicile deux heures de travail par semaine hors du temps de travail rémunéré, ce pour préparer les séances, ranger, transférer le matériel, le nettoyer.

Comme le soutient l'Adapéi, cette demande n'est en toute hypothèse recevable que pour la période allant du 10 août 2015 au 30 août 2016.

Au surplus, elle n'est pas fondée, la seule pièce n°3 non signée, élaborée dans des conditions sur lesquelles Mme [V] ne s'explique pas, et qui n'est étayée par aucun autre élément, n'étant pas un élément suffisamment précis (y est évoqué en termes généraux un 'certain temps') quant à l'accomplissement d'heures supplémentaires de travail.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions ayant débouté Mme [V] de sa demande d'indemnisation du temps de travail à domicile et l'Adapéi de ses demandes.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne l'Adapéi de l'Orne à payer à Mme [V] les sommes de :

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination

- 1 625,60 euros à titre d'indemnistation de l'absence de passage à temps plein

- 50 euros à titre de dommages et intérêts pour occupation du domicile

- 8 312,64 euros à titre d'indemnités kilométriques

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne l'Adapéi de l'Orne aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00934
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;21.00934 ?
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