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25/05/2022 | FRANCE | N°21/00911

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 25 mai 2022, 21/00911


AFFAIRE : N° RG 21/00911

N° Portalis DBVC-V-B7F-GXAM

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de COUTANCES en date du 04 Mars 2021 RG n° 19/00016











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 25 MAI 2022





APPELANT :



Madame [D] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Pascale GRAMMAGNAC-YGOUF, substitué par Me PLU

SQUELLEC, avocats au barreau de CAEN







INTIME :



Monsieur [R] [C]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté par Me Aurélie GRENARD, substitué par Me COSNARD, avocats au barreau de RENNES





COMPOSITION DE ...

AFFAIRE : N° RG 21/00911

N° Portalis DBVC-V-B7F-GXAM

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de COUTANCES en date du 04 Mars 2021 RG n° 19/00016

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 25 MAI 2022

APPELANT :

Madame [D] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascale GRAMMAGNAC-YGOUF, substitué par Me PLUSQUELLEC, avocats au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [R] [C]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Aurélie GRENARD, substitué par Me COSNARD, avocats au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 24 mars 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 25 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [D] [N] a été embauchée à compter du 12 mai 2014 par M. [R] [C] en qualité d'employée de pompes funèbres (niveau I échelon1) à temps partiel (24H hebdomadaires).

Elle a été placée en arrêt de travail du 9 au 19 janvier 2018, en congé maternité du 5 avril au 3 octobre 2018, puis en arrêt de travail du 3 au 28 octobre 2018.

Le 17 novembre 2018, elle a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le 27 mars 2019, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Coutances pour obtenir sa reclassification, la requalification de son contrat à temps plein et un rappel de salaire à ces deux titres. Elle a également demandé des dommages et intérêts pour absence de formation professionnelle, défaut de visite médicale, harcèlement moral exécution de mauvaise foi du contrat de travail. Elle a demandé que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement nul, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse et a réclamé des indemnités de rupture et des dommages et intérêts à ce titre. Elle a également demandé une indemnité pour travail dissimulé.

Reconventionnellement, M. [C] a demandé que la prise d'acte produise les effets d'une démission et que Mme [N] soit condamnée à lui verser une indemnité de préavis.

Par jugement du 4 mars 2021, le conseil de prud'hommes a débouté les deux parties de l'ensemble de leurs demandes.

Mme [N] a interjeté appel du jugement, M. [C] a formé appel incident.

Vu le jugement rendu le 4 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Coutances

Vu les dernières conclusions de Mme [N], appelante, communiquées et déposées le 18 juin 2021, tendant à voir le jugement réformé, à se voir reclassée au niveau 2 position 1 et à voir requalifier le contrat à temps complet, tendant à voir, en conséquence, M. [C] condamné à lui verser 18 470,45€ de rappel de salaire (outre les congés payés afférents), subsidiairement 828,18€ (outre les congés payés afférents), tendant à voir M. [C] condamné, en outre, à lui verser : 10 000€ de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 10 000€ pour défaut de prévention du harcèlement moral, 1 500€ de dommages et intérêts pour absence de visites médicales, à voir dire que sa prise d'acte produit les effets, au principal, d'un licenciement nul, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, à voir condamner M. [C] à lui verser : 3 054€ d'indemnité de préavis (outre les congés payés afférents), 1 717,88€ d'indemnité de licenciement, 18 324€ de dommages et intérêts pour licenciement nul subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, 9 162€ d'indemnité pour travail dissimulé, 10 000€ pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, 2 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, tendant à voir M. [C] condamné à lui remettre, sous astreinte, les documents de fin de contrat,

Vu les dernières conclusions de M. [C], intimé, communiquées et déposées le 19 novembre 2021, tendant à voir réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, tendant à voir Mme [N] condamnée à lui verser soit 2 086,72€ (en cas de rejet de la demande de reclassification de Mme [N]), soit 2 135,31€ à ce titre, tendant à voir le jugement confirmé pour le surplus et à voir Mme [N] condamnée à lui verser 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 9 mars 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l'exécution du contrat de travail

1-1) Sur le défaut de formation

Mme [N] fait valoir qu'elle n'a pas bénéficié de tutorat pendant la durée du contrat initial d'avenir, de formation pendant toute la durée du contrat, d'entretien d'évaluation, d'évolution sur son poste ce qui a impacté son avenir et son employabilité et justifie l'octroi de dommages et intérêts.

M. [C] établit que Mme [N] a suivi une formation du 12 mai au 20 juin 2014 et Mme [N] admet elle-même avoir obtenu, le 1er octobre 2014, un diplôme de conseiller funéraire. M. [C] fait valoir, à juste titre, que Mme [N] qui n'avait aucune expérience a acquis un diplôme et une expérience au cours de sa période d'emploi. Il indique qu'elle a ainsi pu être embauchée chez un concurrent après la rupture du contrat, ce que Mme [N] ne conteste pas. Il est en outre établi qu'hormis des salariés porteurs payés à la vacation, elle était la seule salariée de l'entreprise, elle n'explique pas dans ces conditions quelle évolution elle aurait concrètement pu souhaiter dans son poste. Il n'est dès lors établi ni de manquement de l'employeur dans son obligation d'assurer l'adaptation de Mme [N] à son poste et son employabilité ni a fortiori de préjudice subi.

Il est constant que M. [C] n'a pas tenu tous les deux ans l'entretien d'évaluation prévu par l'article L6315-1 du code du travail et par l'article 4 de la convention collective nationale des pompes funèbres et n'a pas proposé à la salariée reprenant son activité après son congé maternité, un entretien comme il aurait dû le faire. Au cours de sa période d'emploi, un premier entretien aurait dû être tenu après le 12 mai 2016 et n'a pas eu lieu. Un second entretien aurait dû être tenu après le 12 mai 2018. Mme [N] étant à cette date en congé maternité, cet entretien aurait dû se tenir à son retour soit, compte tenu de l'arrêt de travail qui a suivi ce congé à partir du 29 octobre 2018. Mme [N] a toutefois pris acte le 17 novembre 2018. L'absence de tenue de ce second entretien ne constitue donc pas un manquement. L'absence du premier entretien constitue un manquement. Toutefois, Mme [N] n'explique pas le préjudice qu'elle a subi de ce fait alors même que, seule salariée,elle était en contact permanent avec son employeur.

En conséquence, Mme [N] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ces chefs.

1-2) Sur la classification

Mme [N] classée au niveau 1-1 sollicite sa classification au niveau 2-1.

Le niveau 1 se caractérise par l'exécution de tâches simples et répétitives, sous le contrôle direct d'un agent de qualification supérieure. La position 1 suppose une absence d'autonomie et le contrôle constant de la hiérarchie.

Il est constant que Mme [N] était fréquemment seule dans la boutique et qu'elle remplaçait son employeur (et son épouse travaillant aussi au sein de l'entreprise) pendant leurs congés. Mme [N] ne relève pas en conséquence du niveau 1-1 ni du niveau 1-2 qui limitent l'autonomie du salarié à des initiatives élémentaires.

Mme [N] est donc effectivement fondée à revendiquer le niveau 2-1 qui suppose la réalisation de travaux de faible complexité effectués à partir d'instructions simples avec une initiative personnelle occasionnelle et de portée limitée.

1-3) Sur la requalification à temps complet

Mme [N] fait valoir qu'elle exécutait régulièrement des heures complémentaires, se tenait à disposition permanente de son employeur, que ses horaires ont été modifiés sans délai de prévenance et qu'elle travaillait à temps complet pendant les vacances de son employeur.

La requalification du contrat à temps complet est encourue si Mme [N] se trouvait à disposition permanente de l'employeur ou si elle justifie avoir, de fait, travaillé à temps complet pendant une période donnée.

' Mme [N] n'apporte aucun élément établissant que M. [C] lui aurait demandé fréquemment et sans délai de prévenance d'effectuer des heures complémentaires.

La seule modification d'horaires dont Mme [N] fait état est liée à la modification des horaires d'ouverture du magasin (fermeture le lundi alors que, selon son contrat de travail, le lundi était un jour travaillé). M. [C] explique toutefois que pendant le congé maternité puis l'arrêt de travail de Mme [N], il a fermé le magasin un jour supplémentaire le lundi. Il précise que Mme [N] ayant repris le travail le lundi 29 octobre 2018, elle a constaté, au vu de l'affichette apposée, que le magasin n'était pas ouvert ce jour-là. Il ajoute que cette situation, due à une mauvaise communication avec sa salariée, n'a eu aucune suite et que Mme [N] a ensuite travaillé normalement le lundi jusqu'à la fin des relations contractuelles. Mme [N] n'apporte aucun élément contraire.

Elle n'établit donc pas avoir été obligée à se tenir à la disposition permanente de son employeur.

' Les éléments produits concernant les heures complémentaires font apparaître :

- pièce 28, sur les tableaux, un nombre d'heures travaillées inférieur à 35H et, sur les relevés d'heures une seule semaine dépassant 35H (35,25H) du lundi 4 au samedi 9 (apparemment en septembre 2017). Toutefois, les notations en marge apposées par la salariée établissent qu'à hauteur de 10,45H, elle rattrapait ainsi des heures non exécutées en mai et septembre, conformément apparemment à un accord avec l'employeur.

- en pièce 30 sont notées des heures complémentaires accomplies à des dates données correspondant à des semaines différentes ce qui ne permet pas d'en déduire (Mme [N] n'ayant d'ailleurs fait aucun récapitulatif en ce sens) que la salariée aurait, les semaines incluant ces dates, atteint ou dépassé 35H hebdomadaires.

Des lors, hormis pour la semaine du 4 au 9 septembre 2017, dans des conditions particulières ci-dessus rappelées, Mme [N] n'a pas atteint ou dépassé la durée légale d'un temps complet.

Elle ne saurait donc obtenir la requalification de son temps partiel en temps complet.

1-4) Sur la demande de rappel de salaire

Mme [N] a demandé un rappel de salaire, à raison, au principal, à la fois de sa reclassification et de la requalification de son contrat à temps complet, subsidiairement, de sa reclassification et du paiement des heures complémentaires non réglées.

' Sa demande n'est fondée comme analysé ci- dessus qu'à raison de sa reclassification. Les deux parties s'accordent sur le montant dû à ce titre (254,78€ bruts) auxquels s'ajoutent les congés payés afférents.

' Aux termes des notes échangées sur le cahier de liaison en septembre 2017 (pièce 30), M. [C] a conclu devoir 47H complémentaires. Mme [N], quant à elle, a considéré que devaient en être déduits 7H au titre d'une absence postérieure le 21 septembre. Il en ressort qu'un rappel était dû à hauteur de 40H.

Le rappel correspondant figure sur le bulletin de paie d'octobre 2017 (24H complémentaires payées au taux normal et 16 H complémentaires payées au taux majoré à 25%). En conséquence, rien ne reste dû à Mme [N] au titre des heures complémentaires.

1-5) Sur l'absence de visites médicales

Mme [N] soutient n'avoir pas bénéficié de visites médicales notamment d'embauche et suite à son congé maternité.

M. [C] justifie que Mme [N] a bénéficié de deux visites médicales les 30 juillet 2014 et 27 octobre 2016 et avoir demandé le 5 octobre 2018 l'organisation d'une visite médicale suite au congé maternité de Mme [N], visite qui n'avait pas encore pu se tenir au moment où Mme [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 17 novembre 2018.

Le seul manquement qui peut être reproché à l'employeur est de ne pas avoir suffisamment anticipé la demande de visite médicale (demandée en fait le lendemain du jour où Mme [N] devait reprendre son travail à la suite de son congé maternité) ce qui n'a pas permis à sa salariée de bénéficier de cette visite entre le 29 octobre (date de son retour effectif) et le 17 novembre 2018.

Mme [N] ne fait état d'aucun préjudice lié à ce manquement puisqu'elle se borne à invoquer le fait d'avoir été privée 'de son droit à information sur les conditions de travail, les risques liés à son poste et les possibilités d'aménagement', préjudices qui auraient pu découler de l'absence de toute visite médicale pendant la relation de travail mais non de l'absence de visite au retour du congé de maternité.

Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

1-6) Sur le harcèlement moral

Il appartient à Mme [N] d'établir la matérialité d'éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral. En même temps que les éléments apportés, à ce titre, par Mme [N] seront examinés ceux, contraires, apportés par M. [C] quant à la matérialité de ces faits. Si la matérialité de faits précis et concordants est établie et que ces faits laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, il appartiendra à M. [C] de démontrer que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [N] fait valoir une surcharge de travail, des difficultés pour prendre ses jours de congé, des reproches incessants, un changement de ses horaires, une volonté de l'employeur d'obtenir sa démission, des demandes répétées et injustifiées de justificatifs d'absence, une absence de mesures pour rétablir les conditions de travail.

' Surcharge de travail

Mme [N] indique qu'elle devait effectuer des tâches ménagères après la fermeture du magasin et que ces heures n'étaient pas payées, qu'elle devait remplacer ses employeurs pendant leurs vacances et assurer la permanence téléphonique le week-end.

Mme [N] ne réclame toutefois aucun rappel de salaire au titre de ces tâches supplémentaires. Elle n'établit pas d'ailleurs avoir dû effectuer du ménage en plus de son temps normal de travail. Il est constant qu'elle a été amenée à remplacer son employeur pendant ses congés mais il ressort de sa demande précédente qu'elle n'a effectué à ce titre que 40H complémentaires pendant toute la relation de travail. Enfin, elle n'apporte aucun élément probant démontrant qu'elle aurait dû assurer une permanence téléphonique, tandis que l'employeur, qui conteste cette allégation, indique que cette permanence était prise en charge par son fils quand il partait en vacances. Il produit pour en justifier un écrit de son fils en ce sens et l'attestation d'un client qui indique avoir eu ce fils au téléphone le 6 novembre 2018 à 18H quand il a appelé.

Mme [N] n'établit donc pas avoir subi une surcharge de travail.

' Difficulté pour prendre ses jours de congé

Mme [N] produit la copie de trois pages du cahier de liaison.

La première (cote 39) datée du 2 juin 2016 mentionne une demande de vacances du 18 au 30 juillet. La réponse apportée est positive, l'employeur indiquant qu'il allait peut-être, quant à lui, prendre la semaine précédente.

Sur la deuxième page (cote 40) datée du samedi 17 septembre (2016), Mme [N] demande à pouvoir être en congé le samedi 24 et le lundi 26 septembre. L'employeur a répondu 'je te redis' ce qui ne constitue pas un refus sachant que la demande de la salariée n'a été faite qu'une semaine à l'avance. Mme [N] n'établit ni même ne soutient que ces deux jours ne lui auraient pas été accordés.

Enfin, sur la troisième page (cote 41) datée du 28 septembre 2016, l'employeur écrit : 'si c'est calme tu peux prendre ton samedi après-midi..' Figure plus bas une nouvelle mention 'changement!...' puis la mention d'un décès. À supposer que les deux dernières annotations viennent remettre une cause la première ce qui n'est pas clairement établi, le samedi après-midi en cause paraît en toute hypothèse avoir été accordé par l'employeur de sa propre initiative et non à la suite d'une demande de congé de Mme [N]. Dès lors, Mme [N] ne saurait utilement déduire de ces mentions que des congés qui lui avaient été accordés auraient été 'remis en cause par un décès'.

Le manquement allégué n'est donc pas établi.

' Reproches incessants

Mme [N] cite dans ses conclusions divers extraits du cahier de liaison. Certains ne se rapportent pas à Mme [N]. Ainsi la notation 'de vrais sagouins!' visent les personnes (apparemment des clients) qui ont vidé du café directement dans la poubelle. Au demeurant, Mme [N] ne s'est pas sentie visée puisque le 30 janvier 2017 elle a surenchéri en se plaignant de cette famille présente le samedi précédent au funérarium.

La notation 'pour les autres, regarder sur Google c'est ce que j'ai fait!' fait suite à une instruction dans laquelle l'employeur demande à ce que le nom de l'église soit indiqué dans les faire-parts et dans la presse. Suit une liste de 9 communes avec le nom de l'église puis, la notation litigieuse. Une fois remise dans son contexte, cette mention s'avère donc ne pas être un reproche.

La troisième notation évoquée datée du vendredi 15 juillet (2016) constitue effectivement un reproche (Les vitres n'ont pas été faites!!! jardinières non enlevées, manque de sérieux!'). Il n'est pas établi que ce reproche serait infondé.

En toute hypothèse, ce seul reproche avéré ne permet pas d'en déduire que M. [C] aurait proféré, à l'encontre de Mme [N], des reproches incessants.

' Changement de ses horaires

Le seul changement établi déjà évoqué précédemment est ponctuel et dû au retour au travail de Mme [N] non anticipé par son employeur.

' Volonté d'obtenir sa démission

Mme [N] fait valoir que son employeur lui a proposé une rupture conventionnelle, a publié une annonce pour recruter un salarié en contrat à durée indéterminée sur son poste, a supprimé son numéro de la liste des personnes de l'entreprise à contacter, lui a demandé dans le cahier de liaison si elle voulait continuer à travailler dans l'entreprise.

M. [C] a effectivement proposé une rupture conventionnelle à Mme [N] en février 2018. Toutefois, il n'a pas réitéré cette proposition, ni fait preuve d'insistance.

M. [C] a fait paraître une annonce le 26 avril 2018, alors que Mme [N] était en congé maternité, pour un poste de conseiller funéraire à temps partiel (24H) à 'pourvoir de suite' avec possibilité de contrat à durée indéterminée ('poss.CDI'). Il est constant que cette annonce concernait le poste de Mme [N] seule salariée permanente, travaillant précisément 24H hebdomadaires. La formule est toutefois ambigüe, puisque les conditions pour que le contrat soit (ou devienne) un contrat à durée indéterminée ne sont pas précisées. En toute hypothèse, il est constant qu'aucun recrutement (y compris en contrat à durée déterminée) n'a eu lieu pendant l'absence de Mme [N].

Mme [N] produit deux listes avec le nom des différentes personnes travaillant pour l'entreprise et leur numéro de téléphone. Une des deux listes ne comporte pas son nom. Il est constant qu'il s'agit de la liste en circulation pendant son absence. Il ne saurait dès lors être tiré aucune conséquence utile de cette mesure pratique (et logique) consistant à supprimer son nom des contacts possibles pendant son absence.

Le 8 février 2017, l'employeur a noté dans le cahier de liaison : 'Nous faire savoir si tu continues après contrat de 3 ans. C'est toi qui vois, nous nous voulons bien te garder !...'. Le contrat de travail a été signé dans le cadre du dispositif des emplois d'avenir. Les particularités de ce contrat (notamment les aides d'Etat pour l'employeur mais également certains avantages pour la salariée) allaient disparaître après 36 mois soit en mai 2017. Dès lors, la question posée par l'employeur en février était légitime et s'accompagnait en outre, du souhait de conserver Mme [N] à son service.

' Demandes de justificatifs d'absence

Mme [N] reproche à M. [C] d'avoir exigé l'envoi en recommandé de son avis de grossesse et de lui avoir réclamé à plusieurs reprises un arrêt de travail déjà remis.

L'échange de SMS du 27 mars 2018 établit qu'à cette date, Mme [N] s'est enquis de savoir si la Sécurité sociale avait communiqué à son employeur les dates de son congé maternité et a envoyé un scan de l'avis qu'elle avait reçu. L'employeur a répondu qu'il lui fallait 'les papiers officiels'. Mme [N] a répondu qu'elle les déposerait. M. [C] a répliqué : 'Normalement en recommandé pour preuve jeté dans la boîte aux lettres n'apporte rien'. Il n'est pas pour autant établi que M. [C] ait effectivement exigé un envoi en recommandé ou ait pris prétexte de l'absence de recommandé pour contester la date à laquelle il a appris la grossesse de Mme [N].

Le 10 puis 16 octobre 2018, M. [C] a adressé à Mme [N] une lettre recommandée pour réclamer l'avis de prolongation d'arrêt de travail pour la période courant à partir du 7 octobre. Par SMS, le 15 octobre, Mme [N] a indiqué à M. [C] lui avoir remis cette prolongation lors de leur entretien du 13 octobre. À réception de la seconde lettre recommandée, Mme [N] a confirmé cette remise par SMS et a envoyé un scan de cet arrêt de travail.

Il ressort des explications de l'employeur que l'avis de prolongation était agrafé à l'arrêt initial et qu'il ne l'avait pas vu. En estimant utile d'envoyer le 16 octobre une seconde lettre recommandée à sa salariée sans prendre la peine de vérifier à réception du SMS du 15 octobre les papiers que lui avait effectivement remis sa salariée, M. [C] a commis un manquement.

' Absence de mesures pour rétablir les conditions de travail

Mme [N] soutient que l'employeur n'a jamais donné suite à ses demandes d'entretien.

Elle produit deux échanges de SMS à ce propos.

Le 21 avril 2018, un échange SMS peu amène a lieu entre Mme [N] et Mme [C]. À cette occasion, Mme [N] reproche à cette dernière de ne pas être venue lors de la réunion qui a eu lieu avec M. [C] 'alors que les problèmes étaient avec vous'. Il s'en déduit qu'un entretien a bien eu lieu entre Mme [N] et son employeur.

Le 1er octobre 2018, Mme [N] sollicite par SMS un entretien avec M. [C] car elle se plaint d'avoir été insultée au téléphone par Mme [C]. Le 4 octobre, elle lui indique que son état ne lui permet pas pour le moment un tel entretien. Le 5 octobre elle lui annonce son passage l'après-midi pour apporter son arrêt de travail. Son employeur lui répond n'être pas disponible mais lui donne rendez-vous le lendemain, ce que Mme [N] accepte. Il ressort des SMS suivants que cet entretien a bien eu lieu le samedi 6 octobre.

Il ressort de ces deux échanges que M. [C] a bien reçu Mme [N] en entretien en avril puis le 6 octobre 2018.

Par lettre recommandée du 20 octobre 2018, Mme [N] fait part à son employeur d'une situation qu'elle estime bloquée et propose de discuter d'une rupture conventionnelle. Il est constant que cette demande n'a pas abouti, sachant que M. [C] venait de refuser une précédente demande en ce sens de Mme [N] le 20 septembre 2018.

Les éléments matériellement établis (un reproche le 15 juillet 2016, un changement d'horaire constaté le 29 octobre 2018 lors de son retour au travail mais qui n'a pas perduré, la publication d'une offre d'emploi ambigüe concernant son poste pendant son congé maternité en avril 2018, la demande injustifié par lettre recommandée le 16 octobre 2018 d'un avis d'arrêt de travail déjà remis, l'absence de réponse à une lettre du 20 octobre 2018 demandant une entretien) ne laissent pas supposer pas l'existence d'un harcèlement moral. Mme [N] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Elle sera également déboutée de sa demande pour défaut de prévention du harcèlement moral, demande figurant dans le dispositif de ses conclusions et sur laquelle elle ne s'explique pas (tant sur les manquements qu'elle reprocherait à ce titre à son employeur que sur le préjudice subi).

1-7) Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Mme [N] se contente à ce titre d'écrire que 'l'employeur a manifestement fait preuve de mauvaise foi et de déloyauté dans l'exécution du contrat de travail. En effet, son comportement n'a pas permis la poursuite des relations contractuelles mettant en difficulté la demanderesse pour exécuter ses obligations'.

Faute de précision, la cour n'est pas en mesure de savoir quels manquements Mme [N] entend voir qualifier d'exécution déloyale du contrat de travail. À supposer qu'il s'agisse de ceux déjà analysés précédemment au titre du harcèlement moral, les quelques manquement matériellement établis ne caractérisent pas une exécution déloyale du contrat de travail.

Mme [N] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

2) Sur la prise d'acte

Mme [N] estime que les faits dénoncés au titre du harcèlement moral justifiaient la rupture du contrat de travail et demande que cette rupture produise les effets d'un licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse si la cour analysait ces faits comme un manquement à l'obligation de sécurité.

Le seuls faits matériellement établis sont les suivants : un unique reproche (dont rien qu'il n'établit qu'il ait été infondé) exprimé en juillet 2016, la publication d'une annonce ambigüe en avril 2018 (non suivie d'un recrutement), la demande injustifiée le 16 octobre 2018 d'un arrêt de travail déjà remis, l'absence de réponse à une demande d'entretien en vue d'une rupture conventionnelle (déjà refusée un mois avant) et une modification d'horaire le 29 octobre 2018 lors de la reprise du travail. Ces faits n'étaient pas suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail.

En conséquence, la prise d'acte produira les effets d'une démission.

M. [C] est fondé, conformément aux prévisions de la convention collective nationale de pompes funèbres, à réclamer à sa salariée une indemnité de préavis de deux mois.

En 2018, le salaire conventionnel brut pour un temps complet au niveau 2-1 était de 1 557€ soit un taux horaire de 10,2657€. Mme [N] travaillant 104H mensuelles, la somme réclamée par M. [C] non contestée par Mme [N] pour deux mois de préavis (2 135,31€) sera retenue.

3) Sur le travail dissimulé

Mme [N] fait valoir que M. [C] a tenté de lui payer des heures complémentaires en liquide sans mention sur le bulletin de paie.

Elle produit deux versions de la même page du cahier de liaison de septembre 2017. Sur la première version, l'employeur, après décompte d'heures complémentaires écrit '40H à 7,48=299,20€' 'PS ne rien dire à personne pour ce règlement'

Sur la seconde version de cette page, les heures complémentaires sont barrées et est ajoutée la mention '40H à récupérer'. La mention portant sur la somme due à ce titre et le PS sont biffées.

À supposer que la mention initiale corresponde bien, comme l'analyse Mme [N], à une proposition de payer la somme calculée en liquide, sans mention sur le bulletins de paie, en toute hypothèse, telle n'a pas été la solution choisie puisque ces 40H figurent sur le bulletin de paie d'octobre 2017. Le seul fait d'avoir eu l'intention de dissimuler une partie du travail accompli par un salarié (à supposer que cette intention soit établie par la mention ci-dessus évoquée) ne caractérise pas un travail dissimulé.

En conséquence, Mme [N] sera déboutée de sa demande d'indemnité à ce titre.

4) Sur les points annexes

La somme allouée à Mme [N] produira intérêts à compter du 30 mars 2019, date de réception par M. [C] de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, celle accordée à M. [C] à compter du 12 septembre 2019, date de dépôt des premières conclusions contenant cette demande.

Les sommes que se doivent mutuellement les parties se compenseront à hauteur de la plus faible des deux sommes.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- Réforme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de reclassification et M. [C] de sa demande au titre du préavis

- Dit que Mme [N] relève du niveau 2 position 1

- Condamne M. [C] à verser à Mme [N] un rappel de salaire de 254,78€ bruts outre 25,48€ bruts au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2019

- Condamne Mme [N] à verser à M. [C] 2 135,31€ d'indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2019

- Dit que les sommes que se doivent les parties se compenseront à hauteur de la plus faible des deux sommes

- Confirme le jugement pour le surplus

- Y ajoutant

- Dit que la prise d'acte produira les effets d'une démission

- Déboute les deux parties de leurs demandes faites en application de l'article 700 du code de procédure civile

- Dit que les dépens de l'instance d'appel seront partagés par moitié entre les parties

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00911
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;21.00911 ?
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