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25/05/2022 | FRANCE | N°21/00731

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 25 mai 2022, 21/00731


AFFAIRE : N° RG 21/00731

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWTZ

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 04 Février 2021 RG n° F19/00211











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 25 MAI 2022





APPELANT :



S.A. LA POSTE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4

]

[Localité 3]



Représentée par Me Franck THILL, substitué par Me BEAUVERGER, avocats au barreau de CAEN







INTIME :



Monsieur [O] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Chris...

AFFAIRE : N° RG 21/00731

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWTZ

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 04 Février 2021 RG n° F19/00211

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 25 MAI 2022

APPELANT :

S.A. LA POSTE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Franck THILL, substitué par Me BEAUVERGER, avocats au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [O] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Christophe LAUNAY, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 24 mars 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 25 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

M. [O] [X] a été embauché le 19 avril 2004 par la SA La Poste et occupait, en dernier lieu, au vu de ses bulletins de paie, des fonctions de directeur des ventes.

Le 24 mars 2011, il a saisi le conseil de prud'hommes de Caen en réclamant divers rappels de salaire et de primes ainsi que des dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale. L'appel interjeté contre le jugement rendu par le conseil de prud'hommes a été porté devant la cour d'appel de Rouen à raison des fonctions de M. [X], conseiller prud'homme à Lisieux.

Par arrêt du 24 mars 2015, la cour de Rouen a notamment condamné la SA La Poste à verser à M. [X] un rappel au titre des primes variables, des dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour absence de prévention des agissements de harcèlement moral, a débouté M. [X] de sa demande au titre de la discrimination syndicale et a confirmé le jugement qui avait prévu une augmentation annuelle de 3% à compter de 2006 de la rémunération fixe.

Le 3 mai 2019, M. [X] a, à nouveau, saisi le conseil de prud'hommes de Caen pour demander, en dernier lieu, des rappels de salaire au titre des parts fixe et variable de sa rémunération ainsi que des dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale.

Par jugement du 4 février 2021, le conseil de prud'hommes a renvoyé les parties à calculer l'augmentation de la part fixe de la rémunération à partir d'avril 2018 et d'avril 2019 'avec application d'une augmentation de 1,4% chaque année', a condamné la SA La Poste à verser à M. [X], au titre de la part variable de la rémunération, un rappel de 3 462,79€ (outre les congés payés afférents) pour 2017, 3 858,79€ (outre les congés payés afférents) pour 2018, 3 8258,79€ (outre les congés payés afférents) pour 2019, 1 200€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné à la SA La Poste de remettre, sous astreinte, à M. [X] un bulletin de paie conforme et a débouté M. [X] du surplus de ses demandes.

La SA La Poste a interjeté un appel du jugement limité aux condamnations prononcées. M. [X] a formé appel incident.

Vu le jugement rendu le 4 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Caen

Vu les dernières conclusions de la SA La Poste, appelante, communiquées et déposées le 8 mars 2022, tendant, au principal, à voir déclarer irrecevable l'appel incident de M. [X] tendant à voir appliquer une augmentation de la rémunération fixe de 3% et à obtenir des dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale, subsidiairement, à le voir débouter de ces demandes, tendant, pour le surplus, à voir réformer la jugement quant aux condamnations prononcées, à voir M. [X] débouté de toutes ses demandes et à le voir condamner à lui verser 1 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu les dernières conclusions de M. [X], intimé et appelant incident, communiquées et déposées le 3 mars 2022, tendant à voir la SA La Poste déboutée de toutes ses demandes, tendant à voir le jugement réformé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de paiement au titre de la rémunération fixe et renvoyé à calculer le montant dû sur la base d'une augmentation de 1,4% par an, tendant en conséquence à voir la SA La Poste condamnée à lui verser :

- 4 118,21€ (outre les congés payés afférents) subsidiairement 2 090,16 € (outre les congés payés afférents) de rappel au titre de la rémunération fixe, avec intérêts à compter du 22 octobre 2018 et capitalisation des intérêts,

- 8 000€ de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale

- 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

et à lui remettre sous astreinte un bulletin de paie conforme à l'arrêt

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 9 mars 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la recevabilité de l'appel incident

La Poste soutient que l'appel incident formé par M. [X] le 15 juillet 2021 est irrecevable car régularisé plus d'un mois après la notification, le 15 février 2021, du jugement.

Toutefois, en application de l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé est recevable à former un appel incident dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. La Poste, appelante, ayant notifié ses conclusions le 14 juin 2021, l'appel incident de M. [X] formé par conclusions du 15 juillet 2021, est recevable.

2) Sur le rappel de salaire au titre de la rémunération fixe

2-1) Sur la demande principale

M. [X] soutient qu'en application de l'arrêt de la cour de Rouen, il peut prétendre à une augmentation annuelle de 3% de son salaire.

La cour de Rouen, adoptant les motifs du jugement, a considéré qu'en 2004 et 2005 M. [X] avait perçu une augmentation annuelle de 3% conforme à la fourchette générale NAO produite par l'employeur et que le salarié n'avait pas alors contesté les conditions d'exécution du contrat de travail. Le conseil, confirmé par la cour, a considéré qu'il fallait, en conséquence, recalculer 'année par année à partir de la date d'effet de l'augmentation annuelle, à compter de l'année 2006, une augmentation annuelle de la rémunération de 3%'. Il a précisé dans son dispositif, tel que rappelé par la cour, que le rappel devait être effectué, à hauteur de 3% minimum par an, pour toutes les années où l'augmentation serait inférieure, 'jusqu'à la notification de la décision'.

Cette obligation a donc cessé à la date de notification du jugement rendu le 4 juillet 2013. M. [X] ne saurait donc utilement demander une revalorisation de sa rémunération fixe sur la base de 3% par an pour les années 2017 à 2019, par application de l'arrêt de la cour de Rouen.

En l'absence de tout autre fondement à sa demande, il sera débouté de sa demande principale.

1-2) Sur la demande subsidiaire

M. [X] fait subsidiairement valoir qu'il peut prétendre à une revalorisation de 1,4% de sa rémunération fixe en qualité de salarié mis à disposition d'une organisation syndicale et réclame un rappel de salaire à ce titre pour la période d' avril 2018 à mars 2019 et pour la période postérieure à avril 2019. La SA La Poste conteste devoir une telle augmentation.

Le salarié fonde sa demande sur les mesures salariales 2018 et sur l'augmentation qui lui a été appliquée en 2017.

Il convient tout d'abord de noter que le texte sur lequel M. [X] se fonde fixe les revalorisations applicables au 1er avril 2018 et n'a donc pas vocation à s'appliquer pour les éventuelles augmentations applicables au 1er avril 2019.

M. [X] soutient qu'il était mis à disposition d'une organisation professionnelle. Il en justifie en produisant l'attestation du secrétaire général de la fédération UNSA Postes qui indique que M. [X] 'a bien été détaché par nos soins pour toute l'année 2018". Il relève bien, en conséquence, de la disposition du texte précité qui prévoit que la rémunération de ces personnels à disposition d'une organisation professionnelle 'doit être revalorisée au 1er avril 2018 conformément aux éléments transmis dans les outils de la campagne salariale'. Toutefois, M. [X] n'établit ni quels seraient ces éléments ni en quoi ils conduiraient à la revalorisation de 1,4% demandée.

Il semble que le salarié ait retenu ce taux en se basant sur l'augmentation consentie par son employeur l'année précédente, en avril 2017. Toutefois, le fait que la SA La Poste se soit engagé à revaloriser le salaire fixe de M. [X] de 1,4% au 1er avril 2017 (ce qui a été fait) n'implique pas un droit à obtenir cette même augmentation en 2018 et 2019.

N'établissant ni que les augmentations consenties en 2018 seraient inférieures à l'augmentation à laquelle il aurait pu prétendre en application du texte précité ni que quel fondement il pourrait prétendre pour 2018 et 2019 à la même augmentation salariale que celle consentie en 2017, M. [X] sera débouté de sa demande au titre de la rémunération fixe.

3) Sur la rémunération variable

M. [X] fait valoir qu'il peut, en application des dispositions relatives à la rémunération variable, prétendre, en qualité de détaché syndical permanent, à une rémunération variable basée sur 'la moyenne perçue par les postiers de même niveau et de même nature de fonction' et réclame la différence entre la somme qu'il perçue à ce titre en 2016 et celles qui lui ont été versées pour les années 2017, 2018 et 2019.

Contrairement à ce qu'indique la SA La Poste, M. [X] justifie avoir été mis à disposition d'une organisation syndicale pendant l'année 2018 (comme indiqué précédemment) et, au cours de l'année 2017, à raison de l'obtention pendant l'intégralité de l'année de journées d'absence syndicales (octroi de ces journée en deux fois pour une durée complète de 6 mois). En revanche, il ne fournit aucun élément pour l'année 2019. Il est donc fondé à obtenir pour les années 2017 et 2018 (mais pas pour 2019) une rémunération variable correspondant à la moyenne de ses pairs.

M. [X] considère qu'il aurait dû obtenir la même somme que celle versée en 2016. La SA La Poste conteste cette référence. Puisqu'elle est seule en mesure de calculer la rémunération variable moyenne versée aux pairs de M. [X] en 2017 et 2018, il lui appartenait d'en justifier. En l'absence de tout élément en ce sens, il y a lieu de retenir la référence proposée par M. [X] et, puisque ses calculs ne sont pas contestés, son chiffrage du rappel de salaire dû pour 2017 et 2018. Il sera en revanche débouté de sa demande pour l'année 2019.

4) Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination

Il appartient à M. [X] d'établir la matérialité d'éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral ou d'une discrimination. En même temps que les éléments apportés, à ce titre, par M. [X] seront examinés ceux, contraires, apportés par la SA La Poste quant à la matérialité de ces faits. Si la matérialité de faits précis et concordants est établie et que ces faits laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral ou d'une discrimination , il appartiendra à la SA La Poste de démontrer que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou discrimination.

M. [X] fait valoir qu'après avoir déjà été condamnée pour harcèlement moral, la SA La Poste a persisté à refuser de lui accorder les augmentations de ses rémunérations fixe et variable auxquelles il pouvait prétendre, manifestement à raison de sa qualité de représentant syndical.

Il ressort des développements précédents que la SA La Poste a effectivement omis de lui verser 3 462,79€ en 2017 et 3858,79€ en 2018 au titre de la rémunération variable malgré ses protestations, en juin et juillet 2018. Il ressort des explications de la SA La Poste que c'est la part individuelle de la rémunération variable qui a été omise. Cette part, allouée à raison de la performance individuelle, est déterminée dans le cadre de l'entretien annuel d'appréciation et, pour les salariés à disposition des organisations syndicales et ne bénéficiant pas, pour cette raison, d'un entretien annuel, en fonction de la moyenne perçue par les postiers de même niveau et de même nature de fonction. Le fait de priver un salarié syndiqué de la part individuelle de sa rémunération variable 'à raison de ses résultats', alors qu'il a entièrement été à disposition d'une organisation syndicale et n'a donc pas pu obtenir de résultats dans le cadre de ses fonctions, qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien censé déterminer sa performance annuelle et a été exclu du dispositif normalement applicable aux salariés mis à disposition laisse supposer l'existence d'une discrimination syndicale (mais non d'un harcèlement moral).

La SA La Poste qui s'est bornée à soulever l'irrecevabilité de l'appel incident de M. [X] sur ce point n'apporte aucun élément objectif étranger à toute discrimination justifiant cet agissement.

En réparation du préjudice moral occasionné par cette discrimination, la SA La Poste sera condamnée à lui verser 3 000€.

4) Sur les points annexes

La somme accordée à titre de rappel de salaire produira intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019, date de réception par la SA La Poste de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, la somme accordée à titre de dommages et intérêts à compter de la date du présent arrêt. Les intérêts dus se capitaliseront quand ils seront dus pour une année entière.

La SA La Poste devra remettre à M. [X], dans le délai d'un mois à compter de la date de l'arrêt, un bulletin de paie conforme au présent arrêt. En l'absence d'éléments permettant de craindre l'inexécution de cette mesure, il n'y a pas lieu de l'assortir d'une astreinte.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [X] ses frais irrépétibles; de ce chef, la SA La Poste sera condamnée à lui verser 2 000€.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- Rejette la demande de la SA La Poste tendant à voir dire l'appel incident irrecevable

- Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SA La Poste à verser à M. [X], au titre de la part variable de la rémunération, un rappel de 3 462,79€ bruts outre 346,27€ bruts au titre des congés payés afférents pour 2017, 3 858,79€ bruts outre 385,87€ bruts au titre des congés payés afférents pour 2018

- Y ajoutant

- Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019 et que les intérêts dus se capitaliseront quand ils seront dus pour une année entière

- Réforme le jugement pour le surplus

- Condamne la SA La Poste à verser à M. [X] 3 000€ de dommages et intérêts pour discrimination syndicale avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt et capitalisation de ces intérêts quand ils seront dus pour une année entière

- Dit que la SA La Poste devra remettre à M. [X] dans le délai d'un mois à compter de la date de l'arrêt un bulletin de paie conforme au présent arrêt

- Déboute M. [X] du surplus de ses demandes principales

- Condamne la SA La Poste à verser à M. [X] 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne la SA La Poste aux entiers dépens de première instance et d'appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00731
Date de la décision : 25/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-25;21.00731 ?
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