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19/05/2022 | FRANCE | N°21/00668

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 19 mai 2022, 21/00668


AFFAIRE : N° RG 21/00668

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWPO

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 12 Février 2021 RG n° F 19/00497











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 19 MAI 2022





APPELANT :



Monsieur [G] [R]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par Me Ophélie GOURDET, avocat au barreau de CAENr>






INTIME :



ASSOCIATION DES AMIS DE JEAN BOSCO

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par Me Xavier BOULIER, substitué par Me MORIN, avocats au barreau de CAEN







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ...

AFFAIRE : N° RG 21/00668

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWPO

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 12 Février 2021 RG n° F 19/00497

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 19 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [G] [R]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Ophélie GOURDET, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

ASSOCIATION DES AMIS DE JEAN BOSCO

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Xavier BOULIER, substitué par Me MORIN, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Président de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 17 mars 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 19 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

M. [G] [R] a été embauché par l'association Les amis de Jean Bosco comme moniteur éducateur à compter du 23 décembre 1991. Il a été promu éducateur spécialisé après l'obtention de son diplôme, le 5 juillet 2005

Le 30 septembre 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes de Caen et demandé, en dernier lieu, un rappel de salaire sur reclassification et des dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail.

Par jugement du 12 février 2021, le conseil de prud'hommes a débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes.

M. [R] a interjeté appel du jugement.

Vu le jugement rendu le 12 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Caen

Vu les dernières conclusions de M. [R] appelant communiquées et déposées le 1er octobre 2021, tendant à voir le jugement réformé, à voir l'association Les amis de Jean Bosco condamnée à lui verser : 13 988,81€ (outre les congés payés afférents) de rappel de salaire sur classification pour la période d'octobre 2016 à décembre 2020, 2 160€ d'indemnités repas pour la période de juin 2018 à juin 2021, 10 000€ de dommages et intérêts pour manquements de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, tendant à voir dire que l'association Les amis de Jean Bosco devra lui appliquer le coefficient 783 et lui verser, sous astreinte, le rappel de salaire correspondant, qu'elle devra, également sous astreinte, lui remettre les bulletins de paie correspondant

Vu les dernières conclusions de l'association Les amis de Jean Bosco, intimée, communiquées et déposées le 28 juillet 2021, tendant, au principal, à voir le jugement confirmé, subsidiairement, à voir réduire 'à de plus justes proportions l'ensemble des demandes formulées', en toute hypothèse, à voir M. [R] condamné à lui verser 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 9 mars 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la reclassification

M. [R] fait valoir qu'il a toujours effectué les mêmes missions depuis son embauche, que dans divers documents (attestations de l'employeur entre 2006 et 2014) il est d'ailleurs mentionné qu'il est éducateur spécialisé. Il indique qu'il aurait donc dû bénéficier de la majoration d'ancienneté de manière rétroactive lorsqu'il a obtenu le diplôme d'éducateur spécialisé et réclame un rappel de salaire à ce titre.

L'association Les amis de Jean Bosco conteste cette prétention et soutient avoir, à juste titre, fait débuter son ancienneté comme moniteur éducateur au moment où il a obtenu ce diplôme.

L'annexe 3 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 applicable stipule que l'éducateur spécialisé doit justifier : 'de la reconnaissance de qualification obtenue au titre des articles 6, 10 ou 11 des accords nationaux de travail ARSEA/ANEJI du 16 mars 1958, d'un diplôme d'éducateur spécialisé délivré par une des écoles de formation d'éducateurs spécialisés figurant sur la liste annexée à la présente convention (annexe n° 3 A), du diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé (décret n° 67-138 du 22 février 1967, modifié par décret n° 73-116 du 7 février 1973), du certificat national de qualification d'éducateur spécialisé régulièrement délivré par le CTNEAI au titre de l'action d'adaptation (protocole d'accord du 4 juin 1969, convention de type B du 3 décembre 1966).'

L'article 3 de cette annexe stipule que 'nul ne saurait être nommé à l'un des emplois relevant de la présente annexe s'il ne justifie des conditions de qualification définies réglementairement par les pouvoirs publics pour l'exercice de ces emplois dans le secteur privé.'

L'article 38 de la convention prévoit que 'seuls les services accomplis après l'obtention du diplôme professionnel ou la reconnaissance de la qualification requise' seront pris en considération pour déterminer l'ancienneté.

Dès lors, même si M. [R] a effectivement occupé un poste d'éducateur spécialisé avant 2005, ce qui est contesté par l'association Les amis de Jean Bosco et qui n'est pas étayé par des éléments probants en ce sens, il ne peut utilement se prévaloir de cette classification qu'à compter de l'obtention du diplôme correspondant et ne peut pas non plus arguer d'une ancienneté antérieure à la date de ce diplôme. Il sera en conséquence débouté de sa demande de rappel de salaire à ce titre et de sa demande tendant à ce se voir reconnaître le coefficient 783 et payer le salaire correspondant.

2) Sur les indemnités de repas

M. [R] fait valoir que l'indemnité de repas accordée (3,5€) est insuffisante et réclame un rappel à hauteur de 6,5€ soit 2 160€ pour la période de juin 2018 à juin 2021. L'association Les amis de Jean Bosco conteste devoir un quelconque rappel à ce titre.

L'article 5 de l'annexe 1 de la convention collective nationale prévoit que 'les repas fournis gratuitement aux personnels qui, par leur fonction, sont amenés par nécessité de service à prendre leur repas avec les personnes dont ils ont la charge éducative, pédagogique, sociale ou psychologique et dont la présence au moment des repas résulte d'une obligation professionnelle figurant soit dans le projet pédagogique ou éducatif de l'établissement, soit dans un document de nature contractuelle, ne sont pas des avantages en nature et n'ont, dès lors, pas à être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales.

La fourniture des repas n'est pas due pendant les périodes d'absences, mêmes rémunérées.

La liste du personnel bénéficiant d'un repas par nécessité de service est fixée par l'association employeur dans chaque établissement après avis des représentants du personnel.'

Il n'est pas contesté qu'en application de ce texte, l'association Les amis de Jean Bosco était tenue de fournir gratuitement un repas à M. [R].

Il ressort du compte-rendu de la réunion délégués du personnel/direction du 27 avril 2016 que ce sont les salariés qui ont souhaité ne plus bénéficier de la livraison des repas anciennement assurée par un prestataire extérieur, la société Convivio. Ont été mis en place des 'tickets-service', ce changement se faisant à moyens constants (compte rendu de réunion du 15 octobre 2019). Il ressort des factures Convivio fournies que le repas était facturé en juin 2018 par ce prestataire au prix unitaire de 3,63€ TTC (pain compris). Dès lors, l'indemnité versée s'avère être légèrement inférieure à ce que ce repas coûtait à l'employeur en juin 2018.

La convention collective nationale prévoit la fourniture d'un repas gratuit et n'évoque pas la possibilité d'y substituer une indemnité. Dans la mesure toutefois où l'employeur a accepté une telle substitution, il se doit de verser une indemnité suffisante.

M. [R] soutient que cette indemnité aurait dû être de 6,5€/repas soit le montant maximal exonéré par l'URSSAF pour un repas sur le lieu de travail. Il ne produit toutefois aucun élément justifiant du bien-fondé du montant unitaire réclamé.

Il ne précise pas non plus le nombre de repas qu'il a pris en compte par an pour chiffrer le rappel demandé. En toute hypothèse, ce nombre est inexact puisqu'il dépasse le nombre de jours travaillés. En effet, M. [R] réclame 2 160€ pour 3 années soit 720€ par an. Puisqu'il chiffre ce rappel à 3€ par repas (6,5€-3,5€ versés par l'employeur), ce rappel correspond à 240 jours (720€:3€). Or, selon le décompte non contesté de l'association Les amis de Jean Bosco, M. [R] a bénéficié de 30 jours ouvrables de congé par an (soit 35 jours calendaires), de 6 jours ouvrables de congé d'ancienneté (soit au minimum 7 jours calendaires), de 18 jours ouvrés de congés trimestriels (soit 24 jours calendaires) et de 2,5 jours de repos par semaine sur les 40 semaines restantes (soit 100 jours). Il a donc travaillé au maximum pendant 199 jours par an (sans tenir compte des jours fériés).

En conséquence, M. [R] qui ne justifie, ni du montant unitaire, ni du nombre de repas retenus, sera débouté de sa demande.

3) Sur les manquements de l'employeur à ses obligations

Outre les manquements déjà évoqués et non établis (non respect de la classification, non indemnisation suffisante des repas), M. [R] fait valoir une surcharge récurrente de travail, l'absence de prise en compte de l'insécurité 'manifeste' de son poste, le non respect des temps de repos.

' Surcharge de travail

M. [R] fait état de 'plannings surchargés' et de la gestion du service 115 s'ajoutant à ses autres tâches. Il ne soutient toutefois pas avoir effectué d'heures supplémentaires. Il ne produit pas non plus d'éléments (attestations, éléments médicaux...) établissant que la gestion en parallèle de plusieurs tâches aurait généré un stress particulier.

La réalité de ce manquement n'est donc pas établie.

' Insécurité du poste

M. [R] fait valoir qu'il se trouvait seul au foyer de manière récurrente le week-end avec la charge de gestion du foyer et le service du 115 et que les risques psychosociaux de son poste n'ont pas été évalués.

L'association Les amis de Jean Bosco produit le document unique d'évaluation des risques qui, concernant les postes d'intervenants sociaux, outre des risques liés à l'utilisation de véhicules de service, aux sols glissants, à une ventilation non conforme... vise un risque lié à un travail en cycle jusqu'à 22H/23H (non évoqué par M. [R]), et deux risques liés, d'une part, aux incivilités ou violences des personnes accueillies, d'autre part, à l'accueil d'usagers mécontents et lors de la fin de prise en charge. Ces risques sont côtés comme de faible gravité et de fréquence moyenne et ce document prévoit d'y remédier par une formation sur la communication non violente et par la présence d'un chef de service pouvant intervenir (risque 1) et par le fait de laisser la porte ouverte, d'alerter les collègues et d'éviter de laisser un collègue seul (risque 2). M. [R] n'indique pas ni que ces mesures seraient insuffisantes ni a fortiori en quoi et pourquoi elles seraient insuffisantes.

L'association Les amis de Jean Bosco produit également un diagnostic RPS (non daté) global qui ne mentionne pas de problèmes clairement identifiés, ni globaux ni particuliers au poste de M. [R].

Par ailleurs, M. [R] ne justifie ni avoir fait part à son employeur de difficultés particulières ni d'ailleurs avoir dû affronter de telles difficultés.

Ce manquement n'est pas non plus établi.

' Non respect des temps de repos

' Repos hebdomadaires

L'association Les amis de Jean Bosco produit un planning prévoyant un cycle sur 4 semaines applicable à compter du 22 juin 2015 dans lequel M. [R] bénéficie de 1,5 jours de repos en semaine 1, de 4 jours de repos en semaine 2, de 2 jours de repos en semaine 3 et de 3 jours de repos en semaine 4, soit en moyenne 2,6 jours de repos hebdomadaire et 2 dimanches de repos sur le cycle. En moyenne, ce planning est donc conforme et dépasse même, les 2,5 jours de repos prévus à l'article 21 de la convention collective nationale (dont l'applicabilité n'est pas contestée) pour les salariés subissant des anomalies du rythme de travail (c'est-à-dire un horaire comprenant les 2 sujétions suivantes : des horaires irréguliers selon les jours ou selon les semaines incluant des services de soirée et / ou de nuit et des repos hebdomadaires accordés de façon irrégulière selon les semaines).

Toutefois, cet article ne prévoit pas un lissage sur un cycle. Or, en semaine 1 et 3, l'obligation de 2,5 jours de repos hebdomadaires n'a pas été respectée.

En revanche, il est constant que les plannings en vigueur à compter du 4 mars 2019 prévoit chaque semaine au moins 2,5 jours de repos.

' Congés trimestriels

L'association Les amis de Jean Bosco a produit les demandes de congés trimestriels de M. [R] pour 2017, 2018 et 2019.

M. [R] fait état de manquements. Toutefois, le seul qu'il pointe concerne les repos trimestriels demandés du 21 et 31 décembre 2018 et que l'association ne lui a accordé que du 21 au 27 inclus.

L'article 6 de l'annexe 3 de la convention collective prévoit que 'Les personnels visés par la présente annexe, en sus des congés payés annuels accordés selon les dispositions de l'article 22 de la convention nationale, ont droit au bénéfice de 6 jours de congé consécutifs, non compris les jours fériés et le repos hebdomadaire, au cours de chacun des 3 trimestres qui ne comprennent pas le congé annuel, et pris au mieux des intérêts du service. La détermination du droit à ce congé exceptionnel sera appréciée par référence aux périodes de travail effectif prévues au 4e alinéa de l'article 22.'

La période litigieuse débute le vendredi 21 et finit le lundi 31 décembre 2018 et correspond, selon les dires non contestés de M. [R], aux semaines 3,4 et 1 du planning alors applicable (pièce 18 de l'employeur).

En semaine 3, les vendredi, samedi et dimanche sont travaillés. En conséquence, les vendredi 21, samedi 22 et dimanche 23 décembre qui auraient dû être travaillés correspondent à trois jours de congé trimestriel.

En semaine 4, sont travaillés les lundi, mardi, jeudi et vendredi. Le lundi 24 constitue donc le quatrième jour de congé trimestriel. Le mardi 25 férié et le mercredi 26, jour de repos hebdomadaire ne doivent pas être décomptés. Le jeudi 27 est le 5ième jour de congé trimestriel. M. [R] avait donc droit également à un congé le vendredi 28 au titre du 6ième jour de congé trimestriel et pouvait également bénéficier des samedi 29 et dimanche 30 décembre, s'agissant de jours de congé hebdomadaire.

M. [R] aurait donc dû reprendre le travail le lundi 31 décembre. Ce jour ne pouvait être inclus dans les congés comme il l'avait demandé mais l'association, quant à elle, n'aurait pas dû fixer ces congés du 21 au 27 inclus, comme indiqué dans son courrier du 24 octobre 2018, mais du 21 au 30 décembre inclus.

M. [R] n'a pas identifié d'autre manquement.

Le fait que l'un de ses collègues, M. [L], ait bénéficié de congés trimestriels correctement décomptés en 2019 -ce qui, du reste, a également été son cas puisqu'il ne signale aucune anomalie en 2019- ne laisse pas présumer l'existence d'une discrimination comme M. [R] le soutient.

Deux manquements sont établis : l'existence d'un planning antérieur à 2019 ne prévoyant pas, chaque semaine, 2,5 jours de repos (même si cette obligation est respectée sur le cycle de 4 semaines) et l'omission d'un jour de congé trimestriel en décembre 2018. M. [R] se contente d'indiquer que ceci l'impacte 'tant au titre de ses droits élémentaires que son état de santé' sans autre précision. Cette seule pétition de principe ne suffit pas à démontrer l'existence d'un préjudice découlant de ce manquement. M. [R] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts.

4) Sur les points annexes

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'association Les amis de Jean Bosco ses frais irrépétibles.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- Confirme le jugement

- Y ajoutant

- Déboute l'association Les amis de Jean Bosco de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais liés à l'instance d'appel

- Condamne M. [R] aux dépens d'appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00668
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.00668 ?
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