La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2022 | FRANCE | N°21/00607

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 19 mai 2022, 21/00607


AFFAIRE : N° RG 21/00607

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWJT

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTAN en date du 18 Janvier 2021 - RG n° F19/00070









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 19 MAI 2022





APPELANT :



Monsieur [K], [T], [B] [W]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représenté par M. GESBERT, défenseur syndical


r>

INTIMEE :



S.A.S. SA ARGENTAN DISTRIBUTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Jérémie PAJEOT, subs...

AFFAIRE : N° RG 21/00607

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWJT

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTAN en date du 18 Janvier 2021 - RG n° F19/00070

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 19 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [K], [T], [B] [W]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par M. GESBERT, défenseur syndical

INTIMEE :

S.A.S. SA ARGENTAN DISTRIBUTION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, substitué par Me LEVERY, avocats au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 14 mars 2022, tenue par Mme VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller, rédacteur

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 19 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

M. [K] [W] a été embauché à compter du 18 octobre 2017 en qualité de cuisinier par la société Argentan distribution.

Après mise à pied conservatoire notifiée le 11 octobre 2018, il a été licencié pour faute grave le 6 novembre 2018.

Le 5 août 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Argentan aux fins de contester cette mesure et obtenir paiement de diverses indemnités.

Par jugement du 18 janvier 2021, le conseil de prud'hommes d'Argentan a :

- dit que le licenciement de M. [W] a une cause réelle et sérieuse pour faute grave

- débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes

- débouté la société Argentan distribution de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [W] aux dépens.

M. [W] a interjeté appel de ce jugement.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 11mai 2021 pour l'appelant et du 29 juin 2021 pour l'intimée.

M. [W] demande à la cour de :

- réformer le jugement dans toutes ses dispositions

- condamner la société Argentan distribution à lui payer les sommes de :

- 3 562,66 euros à titre indemnitaire

- 482,44 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 1 781,33 euros à titre d'indemnité de préavis

- 178,13 euros à titre de congés payés afférents

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire

- 1 630,26 euros pour perte de salaire pendant la mise à pied

- 163,02 euros à titre de congés payés afférents

- 1 630,26 euros au titre de la durée excessive de la mise à pied

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonner à l'employeur de remettre sous astreinte une nouvelle fiche Pôle emploi et un bulletin de salaire

La société Argentan distribution demande à la cour de :

- à titre principal, constater qu'en l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel la cour n'est pas saisie

- à titre subsidiaire confirmer le jugement

- en tout état de cause condamner M. [W] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La procédure a été clôturée par ordonnance du 23 février 2022.

SUR CE

- Sur l'effet dévolutif

Par sa déclaration d'appel, M. [W] a demandé à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de statuer à nouveau sur la requalification du motif du licenciement, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité de licenciement, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, le salaire pendant la mise à pied et les congés payéa afférents, l'indemnité au titre de la durée excessive de la mise à pied, l'article 700 du code de procédure civile et la remise de documents sociaux.

Il s'ensuit que l'appel mentionne les chefs de jugement expressément critiqués et emporte dévolution des chefs critiqués de sorte que la cour est saisie.

- Sur le fond

La lettre de licenciement du 6 novembre 2018 expose :

' Mi-octobre, une de vos collègues est venue nous voir en nous précisant que votre comportement à son égard était à l'origine d'une dégradation de son état de santé, ayant entraîné un arrêt de travail.

Au regard de cette situation, elle n'est plus en capacité de travailler à vos côtés.

Au regard des accusations extrêmement graves qu'elle a portées à votre encontre, nous avons souhaité entendre vos autres collègues.

Ceux-ci ont confirmé que très régulièrement vous proférez des menaces à caractère sexuel ainsi que des insultes, toujours à caractère sexuel, à l'encontre de vos collègues féminines.

Ces menaces s'accompagnent d'attouchements, puisque plusieurs ont confirmé qu'à plusieurs reprises vous vous permettiez de poser votre main sur leurs fesses.'

Par lettre du 23 novembre 2018, M. [W] a demandé des précisions sur le motif de licenciement.

Il lui a été répondu que sa demande était tardive mais que néanmoins à titre d'exemples lui étaient indiqués les propos suivants recueuillis auprès de collègues :

'Il me disait que je te la mettrai bien, j'ai un gros doigt, puis lorsqu'il passait derrière moi il me caressait le dos puis les fesses... plusieurs personnes l'ont vu faire', '[K] quitte son poste tout en m'expliquant que çà va mal finir pour moi, que je n'étais qu'une fouteuse de merde. Plusieurs fois il m'a mis la main aux fesses me tirant les cheveux me disant que j'étais bonne', 'je trouvais ses gestes et propos juste dégueulasses un gros manque de respect à mon égard', '[K] se montrait de plus en plus désobligeant', 'il disait qu'on était toutes des salopes, que je n'avais qu'à baiser', 'il se faisait un malin plaisir à me rabaisser', 'il y a environ un mois il m'a attrapé par les cheveux', 'Lorsque j'arrivais chez moi je pleurais de ne pas réussir à dormir la nuit suite à certains de leurs agissements', 'il me sera malheureusement impossible de continuer dans une telle ambiances', 'j'ai encaissé des paroles de [K] qui me répétait quasiment toutes les semaines et je n'en ai parlé à personne car c'était honteux ces paroles', 'moralement et physiquement je m'en suis rendue malade'.

La société Argentan distribution verse aux débats quatre atestations.

M. [L], responsable boulangerie-pâtisserie point chaud atteste avoir notifié à M. [W] courant mai 2017 qu'il devait modérer ses paroles et gestes qui pourraient être mal interprétés.

Mme [N], vendeuse employée commerciale, expose que M. [W] lui a indiqué qu'elle allait avoir à faire avec [X] suite à des rumeurs qu'elle aurait répandues et que cela allait mal finir pour elle, qu'elle a eu ensuite une altercation avec [X], qu'elles ont été convoquées toutes deux par la direction et que c'est alors qu'elle a expliqué ce qu'elle subissait depuis son arrivée au point chaud à savoir que [K] avait eu à plusieurs reprises des gestes dépalcés et beaucoup de propos à caractère sexuel, que plusieurs fois il lui a mis la main aux fesses lui disant qu'elle était bonne, que par la suite il a arrêté ses gestes, que constatant qu'il entretenait une relation avec [X] elle a pensé qu'il la laisserait tranquille, que cependant la relation entre [K] et [X] a pesé sur l'équipe, que [X] est ensuite venue l'insulter, que suite à cela [K] s'est montré de plus en plus désobligeant avec elle lui disant chaque jour qu'elle devait dégager, qu'elle n'avait qu'à baiser car elles étaient toutes des salopes, qu'il la rabaissait devant les autres, l'a attrapée par les cheveux car il manquait une tomate sur une végétarienne ce dont elle n'était pas responsable, qu'il lui a dit qu'il allait lui 'péter le cul', qu'elle ne supportait plus les propos et critiques de [K], pleurant de ne plus arriver à dormir la nuit à cause de ces agissements.

Mme [D] travaillant au point chaud atteste avoir 'encaissé' des paroles de [K] dont elle ne parlait à personne car elle était honteuse 'je vais te défoncer le cul, je vais te péter le train arrière, quand est-ce qu'on va baiser ensemble', indique que pour elle c'était un sadique irrespectueux envers les filles, qu'elle a encaissé tout cela jusqu'au jour où elle s'est retrouvée hospitalisée car moralement et physiquement elle n'en pouvait plus de ces deux personnes [X] et [K].

Mme [U], travaillant en boulangerie, atteste que [K] a eu des propos et gestes déplacés, précise 'il me disait que je te la mettrai bien j'ai un gros doigt puis lorsqu'il passait derrière moi il me caressait le dos puis les fesses de temps à autre.'.

M. [E], travaillant au rayon pâtisserie, atteste le 12 octobre 2018 avoir été présent lors de l'entretien de M. [W] avec M. [L] quand ce dernier a signalé qu'il avait eu connaissance de gestes et paroles déplacés envers ses collègues Mme [U] et Mme [N], que fin juillet il a lui-même convoqué M. [W] pour les mêmes raisons suite à des plaintes d'une stagiaire.

Ces témoignages ont été écrits sur papier libre en octobre 2018 et, par des attestations postérieures conformes aux dispositons de l'article 202 du code de procédure civile, les témoins ont déclaré en confirmer les termes.

L'intimée produit en outre un bulletin d'hopitalisation de Mme [D] en juin 2018 et des avis d'arrêts de travail de celle-ci

Il sera relevé, comme le relève M. [W], que le bulletin d'hopistalisation et les arrêts de travail n'indiquent pas de motif.

Certes encore, M. [W] relève à juste titre que les témoignages évoquent et révèlent une mésentente de Mme [N] et de Mme [D] avec Mme [X] [V] dont elles stigmatisent également le comportement (indiquant qu'elle était souvent absente, qu'elle faisait ce qu'elle voulait et que M. [W] prenait sa défense).

Pour autant, ces salariées, si elles indiquent avoir souffert également de l'attitude de Mme [V] qui aurait pesé sur le fonctionnement du service, n'en sont pas moins très précises sur les agissements distinctement reprochés à M. [W] et indépendants des querelles de charge de travail, à savoir les remarques et agissements répétés à connotation sexuelle.

Et sur ce point, trois témoignages précis concordent, encore confortés par les allégations quoique plus imprécises de M. [L] et M. [E].

M. [W] ne fournit aucun élément accréditant le fait que les témoignages auraient été établis sous la pression de l'employeur ou n'auraient été dictés que par la jalousie de femmes ayant découvert qu'il entretenait des relations d'amitié avec Mme [V] ou encore traduiraient une 'cabale' pour 'faire virer les deux amants supposés'.

Quant au fait que le magasin serait truffé de caméras de vidéo surveillance rien ne l'établit et il ne saurait être tiré de conséquences de l'absence de production d'enregistrements dont rien n'établit qu'ils existent.

Enfin, M. [W] soutient inexactement qu'il n'y a jamais eu de rappel à l'ordre, les témoignages de M. [L] et de M. [E] établissant le contraire.

Il sera donc jugé que les propos et agissements à caractère sexuel visés dans la lettre de licenciement et dans la lettre qui en précise les motifs sont établis.

D'éventuelles difficultés liées à l'absence du responsable du service qui se serait déchargé sur M. [W] du management ne sont pas établies et en toute hypothèse ne sauraient expliquer et encore moins justifier les agissements et propos tenus ne relevant bien évidemment pas du simple comportement 'blagueur' reconnu.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a jugé que les faits reprochés caractérisaient une faute grave et débouté M. [W] de ses demandes, en ce compris celle faite au titre d'une durée excessive de la mise à pied.

Sur ce dernier point, il sera précisé que M. [W] ne démontre ni un non-respect des délais ni un abus.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement entrepris.

Y ajoutant, débouté la société Argentan distribution de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.

Condamne M. [W] aux dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00607
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.00607 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award