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19/05/2022 | FRANCE | N°21/00173

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 19 mai 2022, 21/00173


AFFAIRE : N° RG 21/00173

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVLI

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 17 Décembre 2020 RG n° 20/00039











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 19 MAI 2022





APPELANT :



Monsieur [D] [C]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté par Me Karine FAUTRAT, avocat au barreau de CAEN
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INTIME :



E.A.R.L. HARAS DU CAMP BENARD

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Zeynep ARSLAN, avocat au barreau de CAEN







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme DELAHAYE,...

AFFAIRE : N° RG 21/00173

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVLI

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 17 Décembre 2020 RG n° 20/00039

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 19 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [D] [C]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Karine FAUTRAT, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

E.A.R.L. HARAS DU CAMP BENARD

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Zeynep ARSLAN, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 10 mars 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 19 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

En janvier 2018, M. [D] [C] a travaillé en qualité de palefrenier veilleur pour l'Earl HARAS DU CAMP BENARD ;

Il a quitté son emploi le 14 mai 2018 et a adressé une lettre à son employeur le 20 juin 2018 sollicitant le paiement des heures de travail et les documents de fin de contrat ;

Se plaignant de l'absence de contrat de travail, de l'absence de planning lui donnant une visibilité sur ses tâches et des difficultés de rémunération, il a saisi le 21 mars 2019 le conseil de prud'hommes de Lisieux ;

A la suite de l'ordonnance du premier président de cette cour du 15 janvier 2020 désignant la section agriculture du conseil de prud'hommes de Caen pour connaître les affaires inscrites au rôle de la section agriculture du conseil de prud'hommes de Lisieux, le Conseil de prud'hommes de Caen, saisi désormais de l'affaire, a par jugement rendu le 17 décembre 2020 :

- dit que le contrat de travail de M. [C] est un contrat de travail à durée indéterminée ;

- condamné l'EARL HARAS DU CAMP BENARD à verser à M. [C] la somme de 867.42 € au titre de l'indemnité de requalification ;

- débouté M. [C] de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein ;

- débouté M. [C] de sa demande de rappel de salaires et de congés payés afférents ;

- dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné l'EARL HARAS DU CAMP BENARD à verser à M. [C] la somme 98.80 € au titre de l'indemnité de préavis et celle de 9.88 € au titre de l'indemité de congés payés afférents ;

-débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail ;

- débouté M. [C] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné l'EARL HARAS DU CAMP BENARD à verser à M. [C] la somme de 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'EARL HARAS DU CAMP BENARD aux dépens ;

Par déclaration au greffe du 19 janvier 2021, M. [C] a formé appel de cette décision qui lui avait été notifié le 30 décembre 2020 ;

Par conclusions remises au greffe le 24 août 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat de travail de M. [C] en contrat de travail à durée indéterminée.

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de M. [C] était sans cause réelle et sérieuse.

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes s'agissant du temps de travail.

En conséquence :

- requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

- condamner l'EARL HARAS DU CAMP BENARD à verser à M. [C] la somme de 1 498 € au titre de l'indemnité de requalification.

- condamner l'EARL HARAS DU CAMP BENARD à verser à M. [C] la somme de 4 303.73 € à titre de rappel de salaire outre la somme de 430,37 € au titre des congés payés.

- condamner l'EARL HARAS DU CAMP BENARD à verser à M. [C] la somme de 553.28 € au titre de son indemnité de préavis outre les congés payés y afférents d'un montant de 55.32 €.

- réformer le jugement s'agissant de l'indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail.

En conséquence :

- condamner l'EARL HARAS DU CAMP BENARD à verser à M. [C] la somme de 3 000 € à titre dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture de son contrat de travail ;

- réformer le jugement s'agissant de l'indemnité au titre du travail dissimulé ;

En conséquence :

- dire et juger que l'EARL HARAS DU CAMP BENARD s'est rendu coupable de travail dissimulé en conséquence la condamner à verser à M. [C] l'indemnité pour travail dissimulé d'un montant de 8 988 € ;

- condamner l'EARL HARAS DU CAMP BENARD à verser à M. [C] la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 concernant la procédure devant le Conseil de prud'hommes et la Cour ainsi qu'aux entiers dépens de la présente Instance ;

Par conclusions remises au greffe le 29 juin 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, l'EARL HARAS DU CAMP BENARD demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Caen le 17 décembre 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, rejeté la demande de rappel de salaires et congés payés afférents, rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par M. [C] au titre de la rupture de son contrat de travail et rejeté la demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

Le réformer pour le surplus ;

En conséquence,

- constater l'existence d'un contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel ;

- débouter M. [C] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

- débouter M. [C] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;

- débouter M. [C] de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents ;

- débouter M. [C] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail ;

- débouter M. [C] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé. ;

- condamner M. [C] à payer à l'EARL HARAS DU CAMP BENARD une indemnité de 2.500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens ;

MOTIFS

I - Sur le contrat de travail conclu entre les parties

L'employeur fait valoir que les parties ont conclu un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, du 15 janvier au 31 mai 2018, du lundi au vendredi à hauteur de 2 heures par jour soit 10 heures par semaine, que le salarié a quitté son poste de travail le 14 mai 2018 à la suite d'un différend sur la rémunération du premier mai. Il considère qu'il a bien soumis un contrat à durée déterminée à la signature du salarié mais que M. [C] a refusé délibérement de le signer, et ne peut donc prétendre à voir son contrat requalifier ;

Le salarié soutient qu'il a commencé son emploi le 2 janvier 2018, qu'aucun contrat à durée déterminée n'a été régularisé entre les parties, contestant qu'un contrat de travail lui ait été soumis ;

En l'espèce, les parties ne contestent pas qu'elles avaient entendu conclure un contrat à durée déterminée à temps partiel ;

L'employeur ne produit toutefois aucun élément ou pièce de nature à établir qu'il a adressé au salarié le projet de contrat à durée déterminée établi par son comptable et que celui-ci a refusé de le signer. En effet, s'il résulte des courriels échangés avec son comptable que celui-ci a transmis à l'employeur le projet de contrat à durée déterminée en date du 15 janvier 2018 au nom de M. [C], ainsi que la déclaration préalable d'embauche faite à la même date, ces éléments sont insuffisants pour établir que le contrat de travail a été adressé au salarié pour signature et que ce dernier a refusé de la signer ;

Dès lors, aucun contrat à durée déterminée n'étant justifiée, les parties étaient nécessairement liées par un contrat de travail à durée indéterminée, ce à compter du 2 janvier 2018, les bulletins de salaire établis par l'employeur mentionnant une entrée dans l'entreprise à cette date ;

Le jugement sera confirmé sur ce point sauf en ce qu'il accordé au salarié une indemnité de requalification, celle-ci suppose la requalification d'un contrat à durée déterminée irrégulier et donc que ce contrat existe, ce qui faute d'écrit signé par les deux parties n'est pas le cas en l'espèce. Cette demande ne peut qu'être rejetée et le jugement infirmé sur ce point ;

Aux termes de l'article L3123-6 du code du travail, le contrat à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne « la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, (') la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois » ;

L'absence d'écrit ou de conformité aux exigences légales pose une présomption simple de travail à temps complet que l'employeur peut renverser en démontrant, d'une part, la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, de travail convenue et d'autre part, que le salarié avait connaissance des rythmes de travail et qu'il ne devait pas rester à la disposition permanent de l'employeur ;

Or, l'employeur ne produit aucun élément en ce sens. En effet, le fait que le salarié savait qu'il avait été engagé pour la saison des poulinages est insuffisant pour établir qu'il connaissait la durée exacte de travail, ainsi que ses rythmes de travail et qu'il ne devait pas rester en permanence à la disposition de son employeur. Il en est de même des attestations de deux salariés de haras indiquant que le salarié ne travaillait pas à temps complet ;

Enfin, c'est également à tort au vu de ce qui précède que les premiers juges se sont fondés sur la mention d'une durée de travail de 10 heures hebdomadaires sur la déclaration préalable d'embauche ou sur la durée mentionnée sur les bulletins de salaire. D'autant que l'examen des bulletins de salaire démontre que le salarié a effectué de nombreuses heures complémentaires et supplémentaires ;

Il convient ainsi par infirmation du jugement de considérer que les parties sont liées par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;

Le salarié est ainsi fondé à réclamer jusqu'au 31 mai 2018 un rappel de salaire sur la base d'un travail à temps complet, soit une somme de 4734.10 € sur la base d'un décompte non contredit y compris à titre subsidiaire par l'employeur et qui tient compte des sommes perçues pendant la relation de travail ;

II - Sur la rupture du contrat

Au vu de ce qui précède, la rupture du contrat de travail doit respecter les dispositions applicables aux contrats à durée indéterminée ;

Dès lors, c'est en vain que l'employeur considère que le salarié a abandonné son poste de travail le 14 mai et qu'il n'a pu engager de procédure de licenciement avant le 31 mai 2018, date de fin du contrat à durée indéterminée ;

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a considéré que la rupture du contrat produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Le salarié peut prétendre à une indemnité de préavis qui sera calculée sur la base d'une durée de travail à temps complet, les sommes réclamées à ce titre par le salarié, indemnité de préavis et congés payés afférents n'étant pas discutés y compris subsidiairement par l'employeur ;

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre, au vu de son ancienneté de 0 année et de la taille de l'entreprise inférieure à 11 salariés, à une indemnité maximale d'un mois de salaire brut ;

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge (52 ans au moment de la rupture), à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, le salarié justifiant avoir perçu une allocation d'aide de retour à l'emploi depuis le 28 novembre 2018, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 1000€ ;

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande ;

III - Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Aux termes des dispositions de l'article 8221-5 du code du travail, « est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10, relatif à la déclaration préalable d'embauche;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales »;

Le salarié fait valoir qu'il ne s'est jamais vu remettre de contrat de travail et que l'ensemble des heures déclarées n'ont jamais été déclarées ni soumises à cotisations ;

L'employeur rappelle qu'il a effectué les formalités nécessaires (contrat de travail et déclaration préalable d'embauche) et que toutes les heures effectuées ont été réglées ;

En l'occurrence, d'une part la requalification du contrat à temps partiel en un contrat à temps complet repose sur l'absence d'un contrat de travail écrit, d'autre part il résulte de la déclaration préalable d'embauche et des bulletins de salaire produits aux débats que l'employeur ne s'est pas soustrait aux formalités légales. Dès lors, aucun travail dissimulé n'est caractérisé en l'espèce ;

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.

En cause d'appel, l'EARL HARAS DU CAMP BENARD qui perd le procès sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En équité, il réglera, sur ce même fondement, une somme de 1500 € à M. [C] ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande de requalification du contrat de travail en un contrat de travail à temps complet, sur le montant des rappels de salaires, sur le montant de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a accordé à M. [C] une indemnité de requalification ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant

Dit que les parties sont liées par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet

Condamne l'EARL HARAS DU CAMP BENARD à payer à M. [C] les sommes suivantes :

4303.37 € à titre de rappel de salaire,

430.37 € au titre des congés payés afférents,

553.28 € au titre de l'indemnité de préavis,

55.32 € à titre de congés payés afférents,

1000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [C] de sa demande au titre de l'indemnité de requalification ;

Déboute l'EARL HARAS DU CAMP BENARD de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt

Condamne l'EARL HARAS DU CAMP BENARD aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00173
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.00173 ?
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