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19/05/2022 | FRANCE | N°21/00158

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 19 mai 2022, 21/00158


AFFAIRE : N° RG 21/00158

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVKK

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 28 Décembre 2020 RG n° 19/00565











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 19 MAI 2022





APPELANT :



S.A.R.L. [Localité 5] [N]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Emmanuel LEBAR, avocat au barreau d

e COUTANCES







INTIMEE :



Madame [X] [D]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Dominique MARI, substitué par Me BODERGAT, avocats au barreau de CAEN







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET ...

AFFAIRE : N° RG 21/00158

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVKK

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 28 Décembre 2020 RG n° 19/00565

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 19 MAI 2022

APPELANT :

S.A.R.L. [Localité 5] [N]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuel LEBAR, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMEE :

Madame [X] [D]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Dominique MARI, substitué par Me BODERGAT, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 10 mars 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 19 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [X] [D] a été embauchée par la SARL [Localité 5] [N] à compter du 16 juillet 2013 en qualité d'opticienne diplômée et a été affectée au magasin de [Localité 4] la Délivrande. Elle a été placée en congé maternité à compter du 5 octobre 2017 puis a bénéficié d'un congé parental à temps partiel ce qui a réduit son temps de travail à 80% à compter du 19 février 2018, ce congé a été prorogé jusqu'au 19 février 2020. Elle a été placée en arrêt maladie du 17 juillet au 14 octobre 2018. Le 8 novembre 2018, le médecin du travail l'a déclarée apte à reprendre son poste mais a contre-indiqué une reprise au magasin de [Localité 4].

Le 27 novembre 2018, la SARL [Localité 5] [N] lui a proposé un aménagement de poste impliquant une affectation à [Localité 5] mais une diminution de son temps de travail à 65H mensuelles. Mme [D] a refusé cette proposition. Elle a été licenciée le 9 février 2019.

Le 6 novembre 2019, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Caen pour obtenir des dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour voir dire son licenciement nul, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 28 décembre 2020, le conseil de prud'hommes a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la SARL [Localité 5] [N] à verser à Mme [D] 12 000€ de dommages et intérêts à ce titre, 1 100€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté Mme [D] du surplus de ses demandes.

La SARL [Localité 5] [N] a interjeté appel du jugement, Mme [D] a formé appel incident.

Vu le jugement rendu le 28 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Caen

Vu les dernières conclusions de la SARL [Localité 5] [N], appelante, communiquées et déposées le 6 octobre 2021, tendant à voir le jugement confirmé quant aux déboutés prononcés, à le voir réformé pour le surplus et tendant, au principal, à voir Mme [D] déboutée de l'ensemble de ses demandes, subsidiairement, tendant à voir réduire les indemnités à de plus justes proportions, tendant, en tout état de cause, à voir Mme [D] condamnée à lui verser 3 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu les dernières conclusions de Mme [D], intimée et appelant incidente, communiquées et déposées le 3 février 2022, tendant à voir la SARL [Localité 5] [N] condamnée à lui verser 8 000€ de dommages et intérêts, au principal, pour harcèlement moral, subsidiairement, pour manquement à son obligation de sécurité, 20 000€ de dommages et intérêts, au principal, pour licenciement nul, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 février 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l'exécution du contrat de travail

1-1) Sur le harcèlement moral

Il appartient à Mme [D] d'établir la matérialité d'éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral. En même temps que les éléments apportés, à ce titre, par Mme [D] seront examinés ceux, contraires, apportés par la SARL [Localité 5] [N] quant à la matérialité de ces faits. Si la matérialité de faits précis et concordants est établie et que ces faits laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, il appartiendra à la SARL [Localité 5] [N] de démontrer que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [D] fait valoir qu'à compter de mai 2017, elle a dû gérer seule le magasin de Douves sans revalorisation de son salaire alors, de surcroît, qu'elle devait assumer de nouvelles attributions pour lesquelles elle n'a pas été formée. Elle indique que M. [N] lui a imputé la baisse du chiffre d'affaires, lui a fait des reproches réitérés, injustifiés et déplacés sur sa tenue vestimentaire, son maquillage, son physique, qu'en représailles à sa demande de congé parental, il a fixé sa journée libre le jeudi et non le mercredi, qu'il l'a remplacée définitivement pendant son arrêt maladie (arrêt en lien avec ses conditions de travail), a insisté lourdement à son retour pour procéder à une rupture conventionnelle du contrat, lui a finalement proposé une modification du contrat emportant une baisse significative de sa rémunération et l'a licenciée pour ne pas l'avoir acceptée.

' Gestion du magasin de [Localité 4]

Mme [D] indique avoir dû assumer, sans formation, de nouvelles attributions (comptabilité, suivi du tiers payant, constitution de dossiers de mutuelle, réalisation d'inventaires) puisqu'elle était seule au magasin à compter de mai 2017.

La SARL [Localité 5] [N] ne conteste pas qu'elle ait été seule à compter de cette date mais souligne que le gérant, M. [N], passait tous les mardis (ce que Mme [D] indique d'ailleurs elle-même), qu'elle n'avait pas la responsabilité du magasin, qu'elle n'en assurait pas la comptabilité et que les autres tâches évoquées relèvent de ses fonctions d'opticienne diplômée et ne nécessitaient donc pas de formation.

Mme [D] n'apporte aucun élément venant contredire ces propos. Son curriculum vitae mentionne d'ailleurs qu'en janvier 2012, dans son poste précédent elle était responsable du tiers payant et du 'reste dû' mutuelle et sécurité sociale.

' Reproches faits par M. [N]

Mme [D] produit les attestations de deux collègues travaillant dans un magasin à Aunay sur Odon dépendant d'une autre société gérée par M. [N] qui se plaignent notamment de faits similaires à ceux qu'elle évoque. L'une d'entre elle mentionne incidemment Mme [D]. Elle écrit qu'en 2013, M. [N] lui a dit que Mme [D] avait 'fait exprès de tomber enceinte', qu'entre novembre 2018 et mars 2019 'Mme [D] (...) souffrait également de lui', qu'une de ses collègues lui a rapporté en avril 2019 que M. [N] disait de Mme [D] 'qu'elle était 'désagréable avec les clients' et 'mauvaise opticienne'' et elle conclut en indiquant savoir 'parfaitement que Mme [D] et moi-même n'avons pas été les seules salariées à avoir subi ça'. Cette attestation ne fait état que de propos tenus par M. [N] sur Mme [D] hors sa présence et de l'avis de son auteur sur le sort de Mme [D] sans que celle-ci n'explique ce qui a pu fonder cet avis.

Mme [D] produit également son dossier de médecine du travail. Y sont rapportées les doléances de Mme [D] faite le 26 août 2018. Celle-ci indique qu'à l'annonce de sa grossesse son employeur aurait dit 'ah encore'; elle se plaint également de 'la façon dont l'employeur lui parlerait' et de 'réflexions sur maquillage et habillement'. Outre le caractère vague de ces derniers propos, il ne s'agit là que des doléances de Mme [D].

Dès lors, les éléments produits par Mme [D] sont insuffisants pour établir la matérialité de ce grief (reproche quant à la baisse du chiffre d'affaires et critiques réitérées, injustifiées et déplacées sur sa tenue vestimentaire, son maquillage, son physique).

' Congé parental

Il ressort des courriers échangés que Mme [D] a demandé le 18 décembre 2017 à bénéficier, dans le cadre de son congé parental, d'une journée libre le mercredi et que son employeur lui a répondu le 28 décembre 2017 en fixant cette journée libre le jeudi 'pour le bon fonctionnement de l'entreprise'.

La SARL [Localité 5] [N] indique avoir au préalable discuté avec Mme [D] et être tombée d'accord avec elle sur l'octroi du jeudi, le mercredi étant une journée d'affluence, et souligne que la salariée n'a d'ailleurs pas remis en cause ce choix.

Si la SARL [Localité 5] [N] n'établit pas que le choix du jeudi résulterait d'une négociation avec la salariée, il est néanmoins établi que ce choix n'a effectivement pas été remis en cause par Mme [D] ni lors de sa mise en place ni ultérieurement notamment lors de la prolongation de ce congé demandé par Mme [D] 'dans ses conditions actuelles'.

Dès lors, s'il est établi que le jour non travaillé fixé par l'employeur n'est pas celui demandé initialement par Mme [D], aucun élément ne laisse penser que cette fixation aurait été faite par 'représailles' ni même sans son consentement.

' Arrêt maladie

Il ressort du certificat établi le 15 octobre 2019 par son médecin traitant que les arrêts de travail prescrits du 17 août au 14 octobre 2018 l'ont été à raison de symptômes d'anxiété et que 'la souffrance au travail a été évoquée au cours de ces consultations'.

Le 29 août 2018, la psychosociologue qui l'a rencontrée dans le cadre de la médecine du travail écrit que Mme [D] présente un 'état anxieux aigu, réactionnel selon ses propos au comportement de son employeur'. Placée en arrêt maladie le 12 juillet pour une intervention chirurgicale, Mme [D] lui a dit, rapporte-t'elle, avoir dû faire face à l'incompréhension de son employeur et à des réflexions de sa part ce qui a entraîné un état anxieux 'avec sensation d'incapacité, pleurs, émotivité, flashes cutanés'.

Toutefois, lorsque le 30 août, Mme [D] a informé son employeur, par courriel, de la prolongation de son arrêt maladie elle lui a indiqué que cette prolongation était due à des complications liées à l'intervention chirurgicale.

Il ressort de ces éléments que l'arrêt de maladie de Mme [D] a, au moins à compter du 17 août, été causé par un état d'anxiété que la salarié a attribué à l'attitude de son employeur.

' Remplacement définitif pendant son arrêt de travail

Il est constant que la société a embauché en contrat à durée indéterminée une opticienne pour le magasin de [Localité 4] alors que Mme [D] était encore en arrêt maladie.

La SARL [Localité 5] [N] indique avoir procédé à ce recrutement quand elle a appris, le 14 octobre 2018, par un coup de téléphone du médecin du travail, que Mme [D] ne pourrait pas revenir travailler dans ce magasin.

Aucun élément contraire n'est produit qui établirait, notamment, que ce recrutement aurait été fait par la SARL [Localité 5] [N] avant de savoir que Mme [D] ne pourrait pas reprendre son travail au sein de ce magasin.

' Proposition insistante de rupture conventionnelle du contrat

Il est constant que la SARL [Localité 5] [N] a effectivement proposé à Mme [D] une rupture conventionnelle du contrat de travail. En revanche, Mme [D] n'apporte aucun élément sur la lourde insistance dont l'employeur aurait fait preuve et que celui-ci conteste.

' Proposition de modification du contrat de travail

Il est constant que la SARL [Localité 5] [N] a proposé le 27 novembre 2018 à Mme [D] de diminuer son temps de travail à 65H mensuelles ce que celle-ci n'a pas accepté.

Le fait pour un employeur de proposer une modification du contrat de travail, que le salarié est libre de refuser relève de son pouvoir de direction et ne constitue pas un manquement de sa part sauf à réitérer cette proposition de manière insistante ou à faire pression sur le salarié, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

Quant aux conséquences que la SARL [Localité 5] [N] a entendu tirer du refus de la salariée en la licenciant, elle seront examinées ultérieurement mais ne rentrent pas dans le cadre d'un harcèlement moral.

Les éléments matériellement établis (congé parental accordé un autre jour que celui initialement demandé, arrêt maladie du 17 août au 14 octobre 2018 dû à un état d'anxiété découlant selon la salariée de l'attitude de l'employeur, remplacement définitif avant la fin de son arrêt maladie dans un magasin où le médecin du travail a indiqué qu'elle ne pourrait plus travailler) ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral. Mme [D] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

1-2) Sur le manquement à l'obligation de sécurité

A ce titre, Mme [D] indique que la SARL [Localité 5] [N] ne 'pouvait ignorer (son) mal être', qu'il l'a laissée seule à [Localité 4] sans accompagnement ni formation, qu'il lui a reproché le mauvais chiffre d'affaires de ce magasin, qu'il l'a affectée à son retour d'arrêt de travail à [Localité 4] malgré les préconisations contraires du médecin du travail.

Comme indiqué ci-dessus, il n'est établi ni que Mme [D] ait assumé la responsabilité du magasin de [Localité 4] ni que les tâches qui lui ont été confiées nécessitaient une formation, ni que des reproches lui aient été adressés concernant le chiffre d'affaires. Enfin, rien n'établit que la SARL [Localité 5] [N] ait été au courant de son 'burn-out' puisque, alors que le médecin indique avoir prolongé à compter d'août 2018 son arrêt de travail à raison de son anxiété, la salariée a, quant à elle, indiqué à son employeur que cet arrêt était prolongé à raison de complications liées à une intervention chirurgicale.

Mme [D] indique avoir été affectée à [Localité 4] entre le 19 et le 31 octobre 2018 en méconnaissance des préconisations du médecin du travail.

La SARL [Localité 5] [N] fait valoir, quant à elle, que Mme [D] a 'été payée à son domicile' jusqu'au 25 octobre, qu'elle est venue le 25 octobre au magasin à [Localité 4] pour donner quelques consignes à sa remplaçante puis a été affectée à [Localité 5] à compter du 26 octobre.

Compte tenu des contestations émise par l'employeur et en l'absence de tout élément accréditant les allégations de Mme [D] -laquelle ne justifie pas notamment avoir émis de protestations-, il n'est pas établi que Mme [D] ait été affectée à [Localité 4] hormis le 25 octobre.

Il ne ressort pas des éléments produits que la SARL [Localité 5] [N] ait manqué à son obligation de sécurité. Mme [D] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

2) Sur le licenciement

Mme [D] soutient, au principal, que son licenciement est nul à raison du harcèlement moral dont elle considère avoir fait l'objet et parce qu'il est fondé sur une discrimination à raison de son état de santé, subsidiairement qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

' Comme indiqué précédemment, l'existence d'un harcèlement moral n'est pas établi. Le licenciement ne saurait donc être déclaré nul à ce titre.

' La lettre de licenciement est motivée ainsi :

L'impossibilité de la salariée de tenir son poste à [Localité 4] depuis le 8 novembre 2018 est la cause directe et unique de la 'désorganisation de la bonne marche de l'entreprise' cette désorganisation impacte :

- la gestion du personnel (les remplacements effectués à [Localité 4] désorganisent les autres points de vente et affectent les missions des autres salariés)

- la masse salariale globale (le site de [Localité 5] a déjà un nombre maximal de salariés au regard de son chiffre d'affaires et Mme [D] a refusé un passage à temps partiel),

- ce point de vente (lequel a dû fermer plusieurs jours faute de solution de remplacement ce qui a affecté son chiffre d'affaires et son image).

Il est donc nécessaire de pourvoir 'de manière définitive' à son remplacement à [Localité 4], puisqu'il s'est avéré impossible de pourvoir à son remplacement par un opticien diplômé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de courte durée. Il n'est par ailleurs pas possible économiquement de fournir à Mme [D] un poste à temps complet à [Localité 5].

Ces motifs se résument à l'impossibilité économique alléguée de suivre les préconisations du médecin du travail imposant d'affecter Mme [D] en raison de son état de santé à [Localité 5] et non à [Localité 4].

Toutefois, l'employeur n'a pas informé, par écrit, la salariée et le médecin du travail de cette impossibilité comme il aurait dû le faire en application de l'article L4624-6 du code du travail. Dès lors, motivé au moins indirectement par l'état de santé de Mme [D], ce licenciement laisse supposer une discrimination à ce titre puisque la SARL [Localité 5] [N] n'ait pas fait valoir d'impossibilité de suivre les préconisations du médecin du travail selon la procédure prévue à l'article précité. Il lui appartient donc de démontrer que ce licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La SARL [Localité 5] [N] ne justifie pas des différents éléments invoqués dans la lettre de licenciement : ni de la désorganisation que les remplacements opérés au magasin de [Localité 4] aurait occasionné dans l'autre point de vente, ni du fait que Mme [D] alors employée à 80% aurait été surnuméraire dans le point de vente d'[Localité 5] et n'aurait pu y être employée qu'à 43% (65H mensuelles), alors qu'elle y a travaillé à 80% de fin octobre 2018 jusqu'à la fin de son préavis le 10 avril 2019. La société n'explique pas non plus pourquoi, si son effectif menaçait d'être pléthorique à [Localité 5], elle n'a pas choisi de muter l'un des salariés à [Localité 4] distant de 10km plutôt que d'embaucher, en octobre 2018, un nouveau salarié pour ce point de vente.

En outre, Mme [D] justifie qu'après son licenciement le 15 février 2019, la SARL [Localité 5] [N] a fait paraître une offre d'emploi pour recruter un opticien diplômé -sans mentionner un quelconque temps partiel-, ce qui contredit l'allégation d'un surnombre avancé par la SARL [Localité 5] [N].

La SARL [Localité 5] [N] n'établissant pas que ce licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, ce licenciement sera déclaré nul.

Mme [D] est fondée à obtenir des dommages et intérêts au moins égaux à six mois de salaire.

Elle n'apporte pas d'éléments concernant sa situation après son licenciement. Elle fait valoir que 'les derniers mois de la relation de travail se sont déroulés dans des conditions vexatoires, destabilisantes et anxiogènes qui ont profondément affecté son état de santé'. Toutefois, aucun manquement de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail n'a pas été retenu. De surcroît, un tel manquement ne pourrait justifier une majoration de dommages et intérêts pour licenciement nul puisque ces dommages et intérêts sont destinés à réparer les préjudices découlant du licenciement lui-même et non de la période l'ayant précédé.

Compte tenu des éléments connus : son âge (30 ans), son ancienneté (5,5 ans), son salaire (2 094,13€ correspondant à un salaire reconstitué à temps plein conformément à l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne tel qu'appliqué par la Cour de justice de l'Union européenne), il y a lieu de lui allouer 14 000€ de dommages et intérêts.

3) Sur les points annexes

La somme accordée à titre de dommages et intérêts produira intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [D] ses frais irrépétibles. De ce chef, la SARL [Localité 5] [N] sera condamnée à lui verser 2 500€.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou manquement à l'obligation de sécurité

- Réforme le jugement pour le surplus

- Dit le licenciement nul

- Condamne la SARL [Localité 5] [N] à verser à Mme [D] 14 000€ de dommages et intérêts à ce titre avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt

- Condamne la SARL [Localité 5] [N] à verser à Mme [D] 2 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

- La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00158
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.00158 ?
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