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19/05/2022 | FRANCE | N°21/00139

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 19 mai 2022, 21/00139


AFFAIRE : N° RG 21/00139

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVJG

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHERBOURG EN COTENTIN en date du 18 Décembre 2020 RG n° F 18/00041











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 19 MAI 2022





APPELANT :



S.A.R.L. AVIPUR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siè

ge.

[Adresse 6]

[Localité 2]



Représentée par Me Gaël BALAVOINE, substitué par Me GUILLAUME, avocats au barreau de CAEN







INTIME :



Monsieur [M] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]



R...

AFFAIRE : N° RG 21/00139

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVJG

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHERBOURG EN COTENTIN en date du 18 Décembre 2020 RG n° F 18/00041

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 19 MAI 2022

APPELANT :

S.A.R.L. AVIPUR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Gaël BALAVOINE, substitué par Me GUILLAUME, avocats au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [M] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Jérémie PAJEOT, substitué par Me BROSSAULT, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 10 mars 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement le 19 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

La société Sarl AVIPUR a été créée le 15 octobre 2008 par la société AVIPUR 3D, M. [M] [Z] et M. [P] [R], et a été immatriculée au RCS de Cherbourg au n°508 627 197. La répartition de son capital social de 8000 € divisé en 1000 parts de 8 € était la suivante :

490 parts pour la société AVIPUR ;

490 parts pour M. [Z] (49%) ;

20 parts pour M. [R] ;

M. [Z] a été désigné premier gérant associé.

Selon procès-verbal du 1er septembre 2015, l'assemblée générale extraordinaire de la société AVIPUR (Basse Normandie) a désigné M. [U] [O] et M. [Z] comme cogérants ;

Selon procès-verbal du 28 octobre 2015, elle a autorisé la cession de l'ensemble des parts sociales à la société Sas AVIPUR (SAS) immatriculée au RCS de Rennes (n° 450 437 959);

Selon l'extrait KBIS, cette société ( AVIPUR Bretagne) immatriculée depuis le 17 octobre 2003 a pour gérant M. [O] ;

Selon procès-verbal de décision de l'associé unique de la société AVIPUR Basse Normandie :

du 10 janvier 2018, M. [Z] a été révoqué de son mandat de co-gérant, et M. [O] a été maintenu comme gérant ;

du 18 janvier 2018, il a été pris acte de la démission de M. [O] de son mandat de gérant, M. [H] étant désigné comme gérant de la société AVIPUR Basse Normandie, et le siège de cette dernière transféré à [Localité 4] ;

Considérant être depuis le 1er septembre 2015 dans une situation de salariat, recevant les instructions de M. [O], et dans une situation de co-emploi vis-à-vis des sociétés AVIPUR Basse Normandie et AVIPUR Bretagne, et n'avoir pas en conséquence été rempli de ses droits, M. [Z] a saisi le 16 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Cherbourg en Cotentin lequel, par jugement rendu le18 décembre 2020, a :

- dit que M. [Z] était lié à la SARL AVIPUR Basse Normandie par un contrat de travail depuis le 1 er septembre 2015 ;

- constaté que la qualité de co-employeur ne pouvait être reconnue aux sociétés AVIPUR Basse Normandie et AVIPUR Bretagne ;

- débouté M. [Z] sur toutes ses demandes de condamnation solidaire ;

- débouté M. [Z] de sa demande de revalorisation de salaire et de toutes ses demandes d'indemnisation ou dommages et intérêts basées sur cette revalorisation ;

- débouté M. [Z] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

- débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

- requalifié la rupture intervenue le 10 janvier 2018 en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- dit que la moyenne des salaires mensuels retenue est de 3 080,51 € ;

- condamné la Société AVIPUR Basse Normandie à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

*1 794,39 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

*9 241,53 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

*2 100,34 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

*24 644,08 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*24 644,08 € au titre de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

*1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la remise, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement :

* des documents de fin de contrat correspondant au jugement,

* des bulletins de paie rectifiés en fonction du jugement,

- condamné la Société AVIPUR Basse Normandie à l'application de l'article L1235-4 du code du travail ;

- ordonné à la Société AVIPUR Basse Normandie de procéder à la régularisation des cotisations dues auprès des diverses caisses de protection sociale ;

- condamné la Société AVIPUR Basse Normandie aux entiers dépens ;

- dit que les condamnations porteront intérêt légal à compter du prononcé du jugement ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration au greffe du 15 janvier 2021, la société Sarl AVIPUR Basse Normandie a formé appel de cette décision qui lui avait été notifié le 29 décembre 2020 ;

Par acte d'huissier du 29 avril 2021, M. [Z] a fait assigner devant la cour la société SAS AVIPUR (Bretagne) aux fins d'appel provoqué ;

Par conclusions responsives et récapitulatives n°1 remises au greffe le 26 juillet 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société AVIPUR Basse Normandie et AVIPUR Bretagne demandent à la cour de :

1) A titre principal : sur l'absence de salariat de M. [Z]

-infirmer le jugement en ce qu'il a

* dit que M. [Z] était lié à la SARL AVIPUR Basse Normandie un contrat de travail depuis le 1 er septembre 2015 ;

* requalifié la rupture intervenue le 10 janvier 2018 en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* dit que la moyenne des salaires mensuels retenue est de 3 080,51 € ;

* condamné la Société AVIPUR Basse Normandie à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

* 1 794,39 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

* 9 241,53 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

* 2 100,34 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

* 24 644,08 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 24 644,08 € au titre de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

* 1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* ordonné la remise, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement :

* des documents de fin de contrat correspondant au jugement,

* des bulletins de paie rectifiés en fonction du jugement,

* condamné la Société A VIPUR Basse Normandie à l'application de l'article L1235-4 du code du travail,

* ordonné à la Société AVIPUR Basse Normandie de procéder à la régularisation des cotisations dues auprès des diverses caisses de protection sociale ;

* condamné la Société AVIPUR Basse Normandie aux entiers dépens ;

* dit que les condamnations porteront intérêt légal à compter du prononcé du jugement ;

* ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

* dit que le conseil de prud'hommes se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte ;

- statuant à nouveau

- dire que M. [M] [Z], Gérant, mandataire social non salarié, ne démontre pas avoir été placé sous un lien de subordination à l'endroit de la Société AVIPUR Basse Normandie à compter du 1 er septembre 2015,

-dire que la qualité de co-employeur ne peut être reconnue aux sociétés AVIPUR Basse Normandie et AVIPUR Bretagne ;

En conséquence

-débouter M. [M] [Z] de l'intégralité de ses demandes,

2) A TITRE SUBSIDIAIRE en cas de requalification en salariat

- confirmer le jugement en ce qu'il :

* a débouté M. [M] [Z] de sa demande de condamnation solidaire de la société AVIPUR Bretagne,

* l'a débouté de sa demande de revalorisation de salaire et de toutes ses demandes d'indemnisation ou dommages et intérêts basées sur cette revalorisation,

* l'a débouté de l'ensemble de ses demandes au titre des heures supplémentaires, contrepartie obligatoire en repos, congés payés, travail dissimulé et dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

*a fixé la moyenne des salaires à la somme de 3.080,51 €

* condamné la Société AVIPUR Basse Normandie à payer M. [M] [Z] les sommes suivantes :

o 1.794,39 € au titre d'indemnité de licenciement ;

o 9.241,53€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

o 2.100,34 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés

- INFIRMER ledit jugement pour le surplus en ce qu'il a :

* condamné la Société AVIPUR Basse Normandie à payer à M. [M] [Z] la somme de 24.644,08 € au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* condamné la Société AVIPUR Basse Normandie à payer à M. [M] [Z] la somme de 24.644,08 € concernant sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

- statuant à nouveau,

- limiter le montant des dommages et intérêts à ¿ mois de salaire, soit la somme minimale de 1.540,26 euros en application de l'article L1235-3 du code du travail,

- à titre infiniment subsidiaire, limiter le montant des dommages et intérêts à 3,5

mois de salaire, soit la somme minimale de 10.781,79 € en application de l'article L1235-3 du code du travail,

- débouter M. [M] [Z] de l'ensemble de ses autres demandes et en particulier de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

- à titre infiniment subsidiaire, limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire à de plus justes et légitimes proportions en considération du préjudice réellement subi et démontré.

3 )A TITRE RECONVENTIONNEL

- condamner M. [M] [Z] à verser à la Société AVIPUR Basse Normandie la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamner M. [M] [Z] à verser à la Société AVIPUR Bretagne la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamner M. [M] [Z] aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions n°2 remises au greffe le 17 février 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* dit que M. [M] [Z] était lié à la société AVIPUR Basse Normandie par un contrat de travail depuis le 1 er septembre 2015 ;

* requalifié la rupture intervenue le 10 janvier 2018 en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* condamné la société AVIPUR Basse Normandie à l'application de l'article L.1235-4 du code du travail ;

* ordonné à la société AVIPUR Basse Normandie de procéder à la régularisation dues auprès des diverses caisses de protection sociale ;

* condamné la société AVIPUR Basse Normandie à payer à M. [M] [Z] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société AVIPUR Basse Normandie aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau :

- fixer la moyenne des salaires à :

' A titre principal, 5 365,28 € ;

' A titre subsidiaire, 4 675,02 € ;

' A titre très subsidiaire, 3.421,51 € ;

- condamner la société AVIPUR Basse Normandie à payer à M. [M] [Z] les sommes suivantes :

' Au titre de l'indemnité de licenciement :

' A titre principal, 3 125,26 € ;

' A titre subsidiaire, 2 723,20 € ;

' A titre très subsidiaire, 1 993,03 € ;

' Au titre de l'indemnité compensatrice de préavis :

' A titre principal, 16 095,84 € ;

' A titre subsidiaire, 14 025,06 € ;

' A titre très subsidiaire, 10 264,53 € ;

' Au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

' A titre principal, 9 023,43 € ;

' A titre subsidiaire, 7 862,53 € ;

' A titre subsidiaire, 5 754,36 € ;

' Au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse :

' A titre principal, 42 922,24 € ;

' A titre subsidiaire, 37 400,16 ;

' A titre très subsidiaire, 27 372,08 € ;

' A titre éminemment subsidiaire, 18 778,48 € ; 42

' Au titre des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire :

' A titre principal, 42 922,24 € ;

' A titre subsidiaire, 37 400,16 ;

' A titre très subsidiaire, 27 372,08 € ;

- condamner la société AVIPUR Basse Normandie à payer à

M. [M] [Z] la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société AVIPUR Basse Normandie aux entiers dépens de l'instance et de ses suites ;

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* constaté que la qualité de co-employeur ne peut être reconnue aux sociétés AVIPUR Basse Normandie et AVIPUR BRETAGNE ;

* débouté M. [M] [Z] sur toutes ses demandes de condamnation solidaire ;

* débouté M. [M] [Z] de sa demande de revalorisation de salaire et de toutes ses demandes d'indemnisation ou de dommages et intérêts basées sur cette revalorisation ;

* débouté M. [M] [Z] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

* débouté M. [M] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

Statuant à nouveau :

- condamner la société AVIPUR Basse Normandie à payer à M. [M] [Z] :

' Au titre de rappel de salaire :

' A titre principal, 53 666,56 € bruts et 5 366 € au titre des congés payés y afférents ;

' A titre subsidiaire, 35 006,51 € et 3 500,65 € au titre des congés payés afférents ;

' Au titre des heures supplémentaires effectuées non payées :

' A titre principal, 63 133 € et 6 313,30 € au titre des congés payés y afférents ;

' A titre subsidiaire, 55 070,42 € et 5 507,04 € au titre des congés payés y afférents ;

' A titre très subsidiaire, 39 796,44 € et 3 979,64 € au titre des congés payés y afférents ;

' Au titre de la contrepartie obligatoire en repos :

' A titre principal, 23 859,93 € et 2 385,99 € au titre des congés payés y afférents ;

' A titre subsidiaire, 20 792,53 € et 2 079,25€ au titre des congés payés afférents ;

' A titre très subsidiaire, 15 068,87 € et 1 506,89 € au titre des congés payés y afférents ;

' Au titre de l'indemnité pour travail dissimulé :

' A titre principal, 32 191,68 € ;

' A titre subsidiaire, 28.050 € ;

' A titre très subsidiaire, 20 529,06 € sur la base du salaire versé à M. [M] [Z] ;

- juger qu'il existe une situation de co-emploi avec les sociétés AVIPUR Basse Normandie et AVIPUR BRETAGNE ;

- prononcer la solidarité des sociétés AVIPUR Basse Normandie et AVIPUR BRETAGNE dans le paiement à M. [M] [Z] de toutes les condamnations à intervenir.

MOTIFS

I - Sur l'existence d'un contrat de travail entre M. [Z] et la société AVIPUR Basse Normandie

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'un autre et sous sa subordination moyennant une rémunération ;

La charge de la preuve de l'existence d'un contrat de travail pèse sur celui qui s'en prévaut. M. [Z] qui revendique un contrat de travail à compter du 1er septembre 2015 devra plus particulièrement établir que ses fonctions salariées correspondent à un emploi effectif caractérisé par un lien de subordination à l'égard de la société et doivent faire l'objet d'une rémunération distincte de celle allouée en contrepartie du mandat social ;

En effet, il résulte des pièces produites que :

- selon le procès-verbal du 1er septembre 2015, M. [Z] avait conservé son mandat social puisqu'il est mentionné que « Les cogérants, M. [M] [Z] dont le mandat est expressément confirmé, et M. [U] [O], exerceront leurs fonctions, selon des dispositions particulières suivantes », et que « en accord avec les intéressés, l'assemblée générale décide de répartir entre les cogérants les attributions et corrélativement leurs pouvoirs respectifs. Ainsi, il est conféré à M. [U] [O] les fonctions et pouvoirs relatifs à la direction financière, administrative et comptable de la société, et il est conféré à M. [M] [Z] les fonctions et pouvoirs relatifs à la direction commerciale et technique ». Par ailleurs, cette co-gérance était également maintenue y compris après la cession par M. [Z] de ses parts, faute de mention contraire particulière dans le procès verbal du 28 octobre 2015 ;

-selon l'article 22 des statuts (applicable lorsque M. [Z] a été nommé gérant) que « chacun des gérants a droit en rémunération de ses fonctions à un traitement fixe ou proportionnel (') ;

- selon le procès-verbal du 10 janvier 2018, M. [Z] avait souhaité être déchargé de ses fonctions administratives et comptables (d'où nomination de M. [O] comme co-gérant) pour se consacrer à ses fonctions commerciales et techniques. S'il a contesté cet accord dans le courrier qu'il a adressé à la société AVIPUR Basse Normandie le 6 janvier 2018, il résulte néanmoins d'un courriel du 4 novembre 2015 intitulé « compte rendu audit Basse Normandie » relatif à la nouvelle organisation et qu'il a adressé notamment à certains salariés de la société AVIPUR dans lequel il indique notamment : « qu'on se rassure sur mes capacités à intégrer une nouvelle organisation et mes aptitudes à supporter le changement'la nouvelle situation n'est pas subie mais voulu ». (') « Rien à dire sur la partie comptabilité, dont j'assume totalement les lacunes et les écarts (j'aurai du payer les salaires le 25) cet aspect est la raison principale de mon association avec [U] » ;

Ainsi, au vu de ces éléments, l'existence du contrat de travail qu'il revendique doit être appréciée en fonction de la nouvelle définition de ses fonctions de gérant et de leur répartition avec celle de M. [O] ;

A ce titre, M. [Z] produit aux débats la fiche de poste responsable technique et commercial mise à jour le 1er octobre 2016 pour l'agence Basse Normandie, en suite de la répartition entre les deux gérants. M. [Z] au titre de la direction commerciale et technique fait des prospections, développe le chiffre d'affaire, visite les clients, rédige des devis et appels d'offres, participe au recouvrement, et au titre de la direction technique il effectue les visites, contrôles chiffrage des chantiers, il est l'interlocuteur des organismes de contrôle, bureau d'études, il contrôle l'état du matériel et des véhicules et est chargé de l'achat des consommables et petit matériel (hors investissements, véhicules et gros matériels), l'investissement étant soumis à la décision de M. [O]. Tandis que M. [O] établit les plannings et fait appel à la main d''uvre temporaire, réceptionne le courrier et contrôle les factures avant transmission, et est chargé du règlement des factures et frais ;

M. [Z] fait valoir les éléments suivants : des directives données par M. [O], son éviction des séminaires, son impossibilité de prendre librement des congés, la proposition d'un contrat de travail en 2017, son éviction prononcée par la société le 10 janvier 2018, la délivrance de bulletins de salaires, d'une attestation Pole Emploi et d'un certificat de travail, le questionnaire Pôle Emploi signé par M. [O] ;

Il convient au préalable d'observer que M. [Z] ne produit aucun élément justifiant que la société lui ait proposé la signature d'un contrat de travail en septembre 2017 ;

- les directives reçues par M. [O]

Il produit de nombreux courriels entre le 1er septembre 2015 et le 22 septembre 2017 (pièce n°29) démontrant qu'ils établissaient des devis, suivaient les chantiers, adressaient les factures et relançaient en cas de non paiement ;

Ces courriels qui ne font l'objet de sa part d'aucun commentaire, correspondent à ses fonctions techniques et commerciales telles que décrites sur la fiche visée plus haut, et ne contiennent aucune directive particulière de quiconque y compris de M. [O] ;

Concernant les autres courriels qui selon M. [Z] établissent les directives données par M. [O], il est produit un courriel du 4 septembre 2015 de la société AVIPUR Bretagne concernant le quartier d'[Localité 5] à [Localité 7] par lequel il est informé que M. [O] a modifié un devis, un courriel adressé le 1er septembre 2015 à AVIPUR Bretagne par M. [Z] où il demande de vérifier le planning transmis pour des travaux, « avec M. [O] », un courriel adressé le 22 novembre 2016 à AVIPUR Bretagne par M. [Z] où il demande à M. [O] si deux factures peuvent être réglées à MCF Travaux. Ces courriels sont conformes à la répartition des fonctions entre les deux gérants, M. [O] étant chargé de l'établissement et de la transmission des plannings, et du règlement des factures et des frais ;

Il est également produit un courriel de la société AVIPUR Bretagne adressé à M. [Z] lui transmettant la copie d'un courrier de Calvados Habitat et lui disant « M. [O] demande que tu y donnes suite s'il te plaît ». La copie de ce courrier n'est pas produite et il n'est donc pas possible d'analyser ce qui était demandé à M. [Z], le libellé de ce mail n'ayant contrairement à ce que soutient M. [Z] aucun caractère autoritaire ou menaçant. Il en est de même du courriel du 9 mars 2016 par lequel la société AVIPUR Bretagne adresse à M. [Z] le PPSPS de l'affaire [E] en lui disant « il te reste à l'imprimer, le signé en indiquant PO et tamponné » ;

Enfin, concernant les courriels échangés directement entre M. [Z] et M. [O], un courriel du 27 mars 2017 est relatif à la transmission d'une commande à M. [Z] par société Biothys et en suite duquel M. [O] demande au premier « il faut envoyer un chèque '''Tiens moi au courant », et des courriels des 6 et 17 octobre 2016 où M. [O] interroge M. [Z] suite à des factures dont un client réclamait le paiement, dans les termes suivants « c'est quoi ces factures », et il « faut que tu me donnes des explications ». Ces courriels correspondent aux pouvoirs de M. [O] qui régle les factures, et ne sont ni autoritaires ni menaçants ;

Le courriel du 24 octobre 2017 est une réponse de M. [Z] à M. [O] lui indiquant qu'il n'a pas pu prendre les cotes à [Localité 8] comme il lui a demandé, suivi d'un autre courriel du 25 octobre 2017 où il lui décrit le matériel posé sur ce chantier. Ce courriel correspond là encore aux répartitions des fonctions puisque M. [Z] est chargé du contrôle du matériel ;

Les communications téléphoniques quotidiennes de M. [O] évoquées par M. [Z] ne résultent d'aucune pièce ;

L'ensemble de ces courriels n'est ainsi pas de nature à caractériser des directives données par M. [O] à M. [Z] pour l'exercice des fonctions qui étaient les siennes en sa qualité de co-gérant, peu important que l'organigramme « Filiale Basse Normandie mise à jour le 1er octobre 2015 mentionne M.[O] comme gérant ;

- la nécessité d'une autorisation pour prendre ses congés

M. [Z] produit un seul courriel qu'il a adressé le 25 octobre 2017 à M. [O] et [Y] leur rappelant que sa demande de congés pour les 30 et 31 octobre demeurait sans réponse de leur part. Toutefois, il continue son message en indiquant « pour info je vous confirme que je serais absent ('), ce qui démontre qu'il n'avait pas besoin d'autorisation ;

En outre, contrairement à ce qu'il soutient, il ne lui a pas été reproché lors de son éviction de s'être absenté sans autorisation en décembre 2017, mais le fait de n'avoir prévenu personne de ses congés et de ne pas avoir organisé son absence ;

- l'éviction des séminaires,

M. [Z] ne produit aucun élément ou pièce de nature à établir qu'il n'était plus convié aux séminaires destinés aux gérants du groupe. En effet, il verse un unique courriel du 2 octobre 2017 où il demande à M. [O] d'annuler sa présence à un séminaire, sans dire en quoi cela correspondrait à une éviction. Par ailleurs, la société AVIPUR Basse Normandie justifie la convocation de M. [Z] à deux séminaires « gérants » en octobre 2015 à Dublin et en juin 2016 et à un séminaire gérants et commerciaux en juin 2017 ;

- l'édition et la remise des bulletins de paie

M. [Z] produit aux débats des bulletins de salaire pour la période de juillet 2015 à janvier 2018 pour un emploi de « gérant » statut Cadre avec une ancienneté au 3 janvier 2011, moyennant un salaire brut de 3330.21 € puis de 3421.51 € ;

Or, M. [Z] ayant conservé des fonctions de gérant pour lesquelles il percevait une rémunération, la délivrance de bulletins de salaires n'est pas un indice révélateur en soi d'un contrat de travail puisque le gérant associé non majoritaire ou le gérant non associé de société à responsabilité limitée est assimilé à un salarié au regard du régime général de la sécurité sociale (impliquant des cotisations auprès des organismes sociaux) dès lors qu'il perçoit une rémunération en contrepartie de ses fonctions ;

Le salarié ne conteste pas ce point dans ses écritures prenant seulement en compte des mentions des bulletins de salaire, comme la référence au statut de cadre et à la convention collective applicable, sans indiquer cependant ce qu'il convient d'en déduire au regard de l'existence d'un contrat de travail ;

Il souligne également qu'à compter du mois de septembre 2017, il a été assujetti aux cotisations chômage dont seuls relèvent les salariés titulaires d'un contrat de travail, ce qui résulte des bulletins de salaire produits à compter de cette date. L'employeur justifie sur ce point par l'attestation de M. [B] comptable et salarié de la société Groupe Avipur en charge notamment de la gestion des paies de certaines filiales du groupe Avipur et notamment la filiale Avipur Basse Normandie que « l'apparition sur les bulletins de paie de [M] [Z] des précomptes de cotisations assurances chômage à partir de septembre 2017 est une erreur de paramétrage du logiciel de paie dont je ne me suis pas rendu compte. En effet, ce témoignage dont la qualité de salarié de son auteur est insuffisante pour lui supprimer tout caractère probant, est suffisamment précis et n'est utilement contredit par d'autres éléments ;

- la délivrance d'une attestation Pole Emploi et d'un certificat de travail

Le 17 janvier 2018, la société AVIPUR Basse Normandie a délivré à M. [Z] une attestation Pole Emploi et un certificat de travail ;

M. [B], dans son attestation indique qu'il s'agit d'une erreur car il ignorait que ces documents ne devaient pas être délivrés dans l'hypothèse où le gérant était révoqué ;

Cette attestation est confortée par une lettre de la société adressée à M. [Z] le 23 avril 2018 lui indiquant que ces documents lui avaient été remis par erreur ;

- le questionnaire remis à Pôle Emploi

Ce questionnaire a été signé par M. [Z] et par M. [O] le 19 décembre 2016 et la société n'est pas contredite lorsqu'elle indique que c'est M. [Z] qui a renseigné ce questionnaire ;

Ce questionnaire a été établi à la suite d'un contrôle de l'URSSAF le 20 octobre 2016 au sein de la société AVIPUR Basse Normandie, plus particulièrement d'une demande de l'inspecteur chargé du contrôle « d'interroger Pôle Emploi quant à la situation de messieurs [Z] et [O] au regard de l'assurance chômage et ce notamment à compter de la cession de parts sociales du 28 octobre 2015 ;

Dans ce questionnaire, il est indiqué que M. [Z] est co-gérant avec M. [O], a une délégation de signature pour les devis, n'a pas de procuration bancaire, peut organiser l'activité de l'entreprise et doit rendre des comptes de son activité à M. [O], également qu'il n'a pas de contrat de travail et exerce des fonctions de direction commerciale et technique. Il est également mentionné qu'il reçoit des instructions dans le cadre de l'organisation de ses activités par M. [O] et que ses activités sont contrôlées ;

A la suite de ce questionnaire, Pôle Emploi dans une lettre adressée à la société le 9 février 2017, a estimé que la situation de M. [Z] ne relevait pas de l'assurance chômage au motif qu'il n'exerce pas de tâches techniques, ne perçoit pas une rémunération correspondant à une fonction salariale et est dirigeant de droit ;

Si effectivement l'analyse de Pôle Emploi ne lie pas la cour, force est toutefois de constater que les réponses faites à ce questionnaire ne correspondent pas, au vu de ce qui a été considéré ci-avant à la réalité des relations des parties, en particulier au vu de l'absence d'éléments pouvant établir que M. [Z] recevait des directives pour l'exercice de ses fonctions ;

- les sanctions

Sur ce point, M. [Z] fait état à sa révocation en qualité de gérant sans établir que M. [O] ait exercé à son encontre et depuis le 1er septembre 2015 un pouvoir disciplinaire ;

En définitive, les éléments produits par M. [Z] sont insuffisants pour établir qu'il exerçait ses fonctions sous la subordination de la société AVIPUR Basse Normandie. Il ne rapport donc pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail à compter du 1er septembre 2015 ;

Le jugement sera en conséquence infirmé en qu'il a retenu l'existence d'un contrat de travail et en ce qu'il a, en conséquence, requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et accordé une indemnité de préavis, de licenciement, de congés payés, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement vexatoire, et ordonné la production des documents de fin de contrat et des bulletins de paie rectifiés ;

II - Sur les autres demandes

Les demandes formées par M. [Z] au titre des rappels de salaire pour reclassification, pour les heures supplémentaires, pour indemnité pour travail dissimulé, pour des dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, supposent rapporter la preuve d'un contrat de travail. Dès lors, au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes ;

De même, les demandes fondées contre la société AVIPUR Bretagne en sa qualité de co-employeur ne peuvent qu'être rejetées, faute d'établir l'existence d'un contrat de travail et donc la qualité d'employeur de la société AVIPUR Basse Normandie ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront infirmés ;

En cause d'appel, il n'y a pas lieu à indemnités de procédure mais M. [Z] qui perd le procès sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement rendu le 18 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Caen en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes de rappel de salaire pour reclassification et pour les heures supplémentaires, de ses demandes de dommages et intérêts pour la contrepartie en repos et pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, et enfin de ses demandes de condamnation solidaire contre la société AVIPUR Bretagne ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Dit que M. [Z] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail avec la société AVIPUR Basse Normandie à compter du 1er septembre 2015 ;

Le déboute en conséquence de ses demandes pour rupture irrégulière de ce contrat de travail, de celles tendant à obtenir une indemnité de préavis, de licenciement, de congés payés, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement vexatoire, et à voir ordonner la production des documents de fin de contrat et des bulletins de paie rectifiés ;

Dit en conséquence sans objet la demande fondée sur l'article L1235-4 du code du travail ;

Dit n'y avoir lieu à indemnités de procédure ;

Condamne M. [Z] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00139
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.00139 ?
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