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12/05/2022 | FRANCE | N°21/00748

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 12 mai 2022, 21/00748


AFFAIRE : N° RG 21/00748

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWU4

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 15 Février 2021 - RG n° 19/00239









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 12 MAI 2022





APPELANTE :



E.U.R.L. MALDYVS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]r>


Représentée par Me Elise DELAUNAY, avocat au barreau de CAEN





INTIME :



Monsieur [Y] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN









DEB...

AFFAIRE : N° RG 21/00748

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWU4

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 15 Février 2021 - RG n° 19/00239

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 12 MAI 2022

APPELANTE :

E.U.R.L. MALDYVS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Elise DELAUNAY, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [Y] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 03 mars 2022, tenue par Mme VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 12 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 5 décembre 2013, Mme [Y] [U] a été engagée par la société YR [U] exploitant le centre de beauté YVES ROCHER dans le centre commercial [3] en qualité de conseillère vendeuse ;

Par avenant du 1er novembre 2016, une prime mensuelle d'adjoint du magasin et de l'institut de 300 € brut lui a été consentie, avec description des nouvelles tâches ;

A la suite d'une cession d'activité, son contrat de travail a été transféré à l'EURL MALDYVS à compter du 16 octobre 2018 ;

Elle a été en arrêt de travail pour maladie du 22 au 29 décembre 2018, puis du 16 janvier 2019 au 2 février 2019, puis du 6 février au 2 mai 2019 ;

Par lettre du 7 mai 2019, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable de licenciement fixé au 20 mai suivant et s'est vue notifier une mise à pied à titre conservatoire avec effet immédiat ;

Se plaignant d'une dégradation de ses conditions de travail et de la non application d'un avenant à son contrat du 1er novembre 2016, elle a, le 22 mai 2019, saisi le conseil de prud'hommes de Caen d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Par lettre recommandée du 23 mai 2019 avec avis de réception signé le 24 mai, Mme [U] a été licenciée pour faute grave ;

Par jugement du 15 février 2021, le Conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse

- condamné l'EURL MALDYVS à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

- 3472.50 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 374.25 € bruts au titre des congés payés afférents

- 789.35 bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire

- 78.94 € bruts au titre des congés payés y afférents

- 2948.99 € à titre d'indemnité légale de licenciement

- 8500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- ordonné à l'EURL MALDYVS à adresser à Mme [U] un solde de tout compte, le bulletin de salaire d'avril 2019, un bulletin de paie reprenant les condamnations ci-dessus, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi ;

- condamné l'EURL MALDYVS à payer à Mme [U] la somme de 1100 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Mme [U] à payer à l'EURL MALDYVS la somme de 364.26 € bruts ;

- ordonné la compensation des condamnations ci-dessus ;

- débouté l'EURL MALDYVS de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à l'EURL MALDYVS de rembourser les indemnités de chômage dans la limite de 10 jours d'indemnités chômage ;

- condamné l'EURL MALDYVS aux dépens ;

Par déclaration au greffe du 15 mars 2021, l'EURL a formé appel de cette décision ;

Par conclusions n°2 remises au greffe le 8 décembre 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, l'EURL MALDYVS demande à la cour de :

* infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse

- condamné l'EURL MALDYVS à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

- 3472.50 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 374.25 € bruts au titre des congés payés afférents

- 789.35 bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire

- 78.94 € bruts au titre des congés payés y afférents

- 2948.99 € à titre d'indemnité légale de licenciement

- 8500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1100 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

* confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [U] au remboursement d'un trop perçu de 364.26 € bruts

* statuant de nouveau

- A titre principal, dire que Mme [U] ne démontre pas l'existence de manquements graves justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail

- A titre subsidiaire, dire que le licenciement pour faute grave est justifié

- débouter Mme [U] de ses demandes

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 364.26 € et la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Par conclusions remises au greffe le 10 septembre 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, Mme [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'EURL MALDYVS à payer à Mme [Y] [U] les sommes suivantes :

- 3.742,50 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 374,25 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 789,35 € bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

- 78,94 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 2.948,99 € à titre d'indemnité légale de licenciement

- 1.100,00 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

et en ce qu'il a ordonné à l'EURL MALDYVS d'adresser à Mme [Y] [U] une attestation employeur destinée à PÔLE EMPLOI rectifiée, le bulletin de paie d'avril 2019, un certificat de travail et un bulletin de paie reprenant les condamnations prononcées,

-L'infirmer pour le surplus, et, statuant à nouveau :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [Y] [U] aux torts et griefs exclusifs de l'employeur à la date du licenciement notifié à la salariée le 23 mai 2019,

- à titre subsidiaire,

- dire et juger dénué de toute cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [Y] [U],

- y ajoutant, et en toutes hypothèses,

- condamner l'EURL MALDYVS, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer les sommes suivantes :

- 750,00 € bruts à titre de rappel de salaire sur prime de responsabilité,

- 75,00 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,

- 11.227,50 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.400,00 € à titre d'indemnité pour frais irrépétibles en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dire que les sommes à caractère salarial produiront intérêts à compter de la convocation des parties à la 1ère audience du Bureau de Conciliation et d'Orientation valant mise en demeure, intervenue selon courrier du greffe en date du 23 mai 2019,

- ordonner la capitalisation des intérêts échus annuellement, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil,

- dire que les sommes indemnitaires produisent intérêts à compter du jugement du 15 février 2021,

- condamner l'EURL MALDYVS à supporter les entiers dépens des instances prud'homales et d'appel.

MOTIFS

I- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis et d'une gravité suffisante et s'ils ont été de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie, avec effet à la date du licenciement lorsque, comme en l'espèce, le contrat a été rompu au cours de l'instance en résiliation judiciaire du contrat de travail ;

La salariée invoque le non-respect par l'employeur de l'avenant du 1er novembre 2016 en ce qu'il la cantonnait aux tâches de conseillère vendeuse, ainsi que des agissements de harcèlement moral, caractérisés par des humiliations et mesures vexatoires quotidiennes par Mme [H], la gérante ;

L'employeur fait valoir que cet avenant ne lui a pas été communiqué au moment de la cession, qu'il savait seulement que Mme [U] avait des responsabilités complémentaires justifiant une prime de responsabilité, que ces missions complémentaires ne lui ont pas été supprimées, que la nouvelle organisation mise en place ne les a pas davantage supprimées, soutenant en tout état de cause que la salariée a attendu 7 mois et la veille de son licenciement pour se plaindre. Il conteste par ailleurs tout harcèlement moral ;

1 - Sur la modification des fonctions

Aucun élément ou pièce ne permet d'établir que l'avenant du 1er novembre 2016 a été remis à l'employeur au moment de la cession, l'attestation de Mme [O] [U], ancienne gérante, attestant du contraire est insuffisamment probante compte tenu de ses liens familiaux avec la salariée. En outre, les documents remis à l'employeur au moment de la cession, soit les bulletins de salaire et le document établi par la société SR [U] et intitulé « reprise du personnel le 15 octobre 2018 » mentionne pour les premiers que Mme [U] est conseillère vendeuse et pour le second qu'elle est esthéticienne vendeuse. Toutefois, les bulletins de salaire font état du versement d'une prime de responsabilité de 300€ bruts puis de 350 € bruts à compter du mois de juillet 2017. L'employeur indique d'ailleurs dans ses écritures qu'il savait que Mme [U] avait des tâches supplémentaires à son poste de conseillère vendeuse justifiant le versement d'une prime de responsabilité ;

Il est établi que la salariée a communiqué son avenant par courrier du 29 janvier 2019 ;

L'avenant du 1er novembre 2016 mentionne concernant les fonctions d'encadrement, le suivi des performances équipe et individuel, la mise en place et contrôle des procédures, la force de proposition et de motivation, le relais entre son équipe et la gérante, l'intégration de nouvelles recrues, la gestion des absences et l'animation de réunions ;

La salariée produit aux débats des attestations de salariées desquelles il résulte qu'elle donnait des instructions, faisait l'ouverture et la fermeture et se portait volontaire pour les jours fériés et les dimanches ;

Toutefois elle n'explique pas quelles fonctions ne lui étaient plus confiées à compter de la cession, Mme [T] indique dans son attestation que Mme [H] ne la mentionnait jamais comme responsable sur les plannings et ne la désignait pas référente en cas d'absence de Mme [H] ;

Or, il résulte des extraits du cahier de liaison couvrant notamment le mois de novembre 2018 que la salariée donnait des directives aux autres salariées de la boutique. Ainsi les consignes en cas de travail pendant les jours fériés, d'autres relatives aux prix, ou relatives aux produits manquants. Il résulte également des SMS échangés entre Mme [H] et Mme [U] durant les mois de novembre et décembre 2018 que cette dernière vérifiait les produits en stock et alertait la première sur les produits à commander ;

Par ailleurs, si l'employeur a mis en place à compter du mois de janvier 2019 une nouvelle organisation en nommant également deux autres salariées en qualité de responsables de magasin afin, compte tenu des horaires du magasin (de 9h à 20h30) qu'un responsable soit présent par demi-journée, Mme [U] n'établit pas pour autant que ses fonctions supplémentaires de responsable de magasin aient été supprimées. En effet, elle produit aux débats la feuille de route du 5 février 2019 où sont mentionnées comme responsables (matin et après-midi) [P] et [X], et un extrait du cahier de liaisons rempli par Mme [H] qui informe l'équipe que durant son absence de quelques jours [P] et [C] sont responsables ;

Or, Mme [U] avait été en arrêt maladie jusqu'au 2 février 2019, la désignation des responsables pour la journée du 5 février avait été nécessairement décidée alors qu'elle était absente. Il en est de même concernant le cahier de liaison, il a été rempli, au vu des mentions de Mme [H] quelques jours avant le repas d'équipe fixé au 7 janvier 2019, donc également et nécessairement pendant l'arrêt de travail pour maladie de Mme [U] (jusqu'au 29 décembre 2018) ;

Enfin, il résulte des attestations de salariées (Mmes [A], [Z] [G] et [N]) que Mme [U] exerçait ses fonctions de responsable adjoint postérieurement à la reprise du magasin par Mme [H], puisqu'elle remplissait les fiches de route le matin et donnait des directives ;

La salariée n'établit donc pas la modification de ses fonctions ;

2 - Sur le harcèlement moral

Pour établir les faits présentés, soit des humiliations et mesures vexatoires, la salariée produit deux attestations de Mme [T], ancienne salariée du magasin, qui indique que Mme [H] « disait bonjour à tout le monde sauf à Mme [U] », qu'elle changeait régulièrement ses horaires au dernier moment et sans la prévenir, elle ne la programmait pas sur les emplois du temps en tant que responsable, et l'humiliait constamment devant les autres employés, y compris les apprentis qu'elle était censée former. Elle évoque également que Mme [H] pouvait être agressive dans ses propos envers Mme [U], qu'elle l'écartait des entretiens avec les responsables, que lorsqu'elle félicitait l'équipe, elle ignorait Mme [U] ;

Il résulte de ce qui précède que la modification des fonctions de responsable de Mme [U] n'est pas établie, les faits évoqués dans ces témoignages en lien avec celle-ci ne peuvent donc être retenus (absence des emplois du temps et des réunions de responsables) ;

Le changement d'horaire est contesté par les attestations d'autres salariées (Mmes [E], [D], [S]) qui précise que les plannings seront faits chaque mois et signés par les salariés et ne sont pas changés, ce qui est conforté par les plannings produits aux débats ;

Par ailleurs, les attestations évoquent des humiliations ou des propos agressifs sans décrire de circonstances précises permettant à la cour d'apprécier le comportement de Mme [H] ;

Les faits invoqués ne sont pas établis et ne sont donc pas de nature à faire présumer d'un harcèlement moral ;

Il convient donc de débouter Mme [U] de sa demande de résiliation du contrat de travail ;

II - Sur le licenciement pour faute grave

La lettre de licenciement est libellée comme suit :

« A partir du mois de janvier 2019, en concertation avec l'équipe dont vous-même, j'ai instauré la désignation systématique, pour chaque séquence de travail, de deux responsables (une pour chaque demi-journée) afin d'assurer un meilleur suivi opérationnel. Ces responsables, désignées par roulement, ont en charge d'établir une feuille de route sur la stratégie opérationnelle et de donner des missions et directives au reste du personnel ;

A votre retour à votre poste le 3 mai, au terme d'un arrêt de travail pour maladie non professionnelle ayant débuté le 16 janvier 2019, cette organisation opérationnelle vous a été rappelée. Or, vous avez refusé de vous inscrire dans l'organisation opérationnelle du magasin et de vous conformer aux directives de Mme [C] [Z], identifiée comme responsable opérationnelle pour la demi-journée ;

Ainsi, celle-ci souhaitant évoquer le panier moyen de votre journée et vous féliciter pour le chiffre d'affaires réalisé, vous avez refusé d'aborder ce sujet avec elle, arguant que vous n'aviez aucun ordre à recevoir cette dernière ;

De la même manière le lendemain, le 4 mai 2019, vous avez réitéré ce comportement à diverses reprises vis-à-vis de Mme [Z] : Ainsi, par exemple, lorsque celle-ci vous a demandé de remplir le meuble « cadeaux », vous lui avez répondu « demande à [K] qu'elle vienne me le demander elle-même », puis avez poursuivi « je ne le ferai pas, et toi tu ne peux pas le faire ' » ;

Vous avez également refusé de vous charger de l'encaissement des ventes malgré l'affluence de clientèles et alors que Mme [Z] vous l'avez expressément demandé. De surcroît, lorsque celle-ci a réitéré cette consigne devant moi-même, vous avez maintenu votre position et persisté dans votre refus ;

Je vous ai alors reçue de manière individuelle afin de faire le point sur la situation. Lors de cet entretien, vous ne vous êtes pas remise en question et avez réitéré votre position à savoir vous conformer aux seules directives que je vous donnerai directement et refuser de manière catégorique toute directive des responsables opérationnelles identifiées sur les séquences de travail ;

Le respect de l'organisation opérationnelle mise en place, et donc des directives émanant de vos collègues lorsque celles-ci sont désignées comme responsable opérationnelle, fait pourtant bien partie des consignes délivrées par moi-même dans le cadre de mon pouvoir de direction. Vous devez vous y inscrire dans le cadre de vos obligations élémentaires contractuelles de respect envers vos collègues et votre hiérarchie » ;

En ce qui concerne le non-respect de l'organisation de l'employeur, les 3 et 4 mai 2019, il résulte de l'attestation de Mme [C] [Z] que Mme [U] a refusé d'obéir à ses directives les 3 et 4 mai 2019 données en qualité de responsable du magasin, le 3 mai alors qu'elle faisait le point avec chacune sur son chiffre d'affaire, Mme [U] indiquant « je suis assez grande pour le faire moi-même et le regarder. Et puis, j'ai pas d'ordre à recevoir d'une autre responsable que [K] [[H], la gérante] », et le 4 mai, alors d'une part qu'elle lui a demandé de soulager une collègue seule en caisse, elle a répondu « non demande à [K] de venir me le dire elle-même », refus réitéré devant Mme [H], d'autre part qu'elle lui a demandé de remplir le meuble cadeau, elle a répondu « non, demande à [K], qu'elle vienne me le dire elle-même », puis, tu ne peux pas le faire, en plus j'ai mal au cervical je ne peux pas porter de cartons. Mme [Z] précise qu'elle a alors commencé à les ranger, ce qui suppose que Mme [U] s'était finalement exécutée ;

Lors de son entretien préalable, Mme [U] a indiqué que si elle n'acceptait pas sur la feuille de route les tâches en tant que responsable, elle le faisait quand même sauf quand elle était occupée ;

Ces éléments contradictoires sont insuffisants pour caractériser un refus de la salariée d'appliquer les nouvelles consignes. En outre et en tout état de cause, la sanction par un licenciement du non-respect le jour de sa reprise de travail d'une organisation du travail qui s'est appliquée en janvier 2019 alors qu'elle était en arrêt de travail pour maladie et de nature à remettre en cause ses fonctions de responsable adjointe, apparaît disproportionnée ;

En ce qui concerne son attitude déplacée vis-à-vis de ses collègues et de l'employeur, la lettre fait état d'un incident entre Mme [U] et Mme [Z]. Cette dernière indique que le 4 mai 2019, Mme [U] a demandé à lui parler et elles se sont isolées dans une cabine, et lui a indiqué qu'elle avait des dossiers sur elle, qu'elle avait fouillé l'ordinateur et lu les mails de Mme [H] et qu'elle allait lui révéler, ce à quoi elle a répondu que Mme [H] était au courant. ;

Ce conflit, dont aucun élément ou pièce indique qu'il ait pu indisposer les clients ou que Mme [Z] ait été déstabilisée et en pleurs, cette dernière ne l'indiquant pas dans son propre témoignage, est insuffisant pour caractériser l'attitude déplacée qui lui est reproché ;

De même, si certaines salariées indiquent dans leurs attestations que Mme [U] mettait une mauvaise ambiance en racontant des histoires sur la vie privée de Mme [H], aucun élément ne permet de caractériser « une forte souffrance au travail des collègues de Mme [U] » comme le relève la lettre de licenciement ;

Les pièces et documents versés aux débats ne permettent pas de tenir établis les griefs constitutifs de faute grave énoncés dans le lettre de notification du licenciement ;

Ils ne sont pas davantage suffisants pour constituer cause réelle de licenciement ;

La salariée est par conséquent en droit de prétendre aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents, indemnité légale ou conventionnelle de licenciement), au remboursement de sa mise à pied et également à des dommages et intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ;

L'employeur ne forme aucune contestation même à titre subsidiaire des demandes formées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, au titre du remboursement du salaire durant la mise à pied et des congés payés afférents et au titre de l'indemnité légale de licenciement. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a fait droit à ces demandes ;

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 ; la salariée peut prétendre, au vu de son ancienneté de 5 ans et 5 mois et de la taille de l'entreprise supérieure à 11 salariés (12 salariés selon la page 2 des conclusions de l'appelante), à une indemnité comprise entre 3 et 6 mois de salaire brut ;

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, Mme [U] était en 2021 sans emploi et percevait une allocation d'aide de retour à l'emploi de 1200 €, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 10 000 € ;

Le jugement sera en conséquence infirmé sur le montant des dommages et intérêts alloués ;

III - Sur les autres demandes

Sur le rappel de salaire sur prime de responsabilité

La salariée réclame une somme de 750 € correspondant aux rappels de primes pour novembre et décembre 2018 outre celle de 50 € pour janvier 2019, la prime versée pour ce mois étant de 300 € et non de 350 € ;

L'employeur s'y oppose, considérant que la salariée est redevable d'un trop perçu de 364.26 € ;

Il n'est pas discuté que lorsque l'avenant lui a été communiqué le 29 janvier 2019, l'employeur a versé la prime de responsabilité de 350 € de janvier à mai 2019, avec un rappel de 50 € sur le mois de février, une somme de 300 € ayant seulement été versée en janvier 2019  ;

Concernant le mois de novembre 2018 et décembre 2018, les salaires ont été réglés sur la base du tableau du 13 octobre 2018 communiqué par le précédent employeur mentionnant pour Mme [U] un salaire de 1789.50 € hors HS et prime. Ce montant était toutefois erroné puisque les bulletins de salaire, communiqués plus tard et établis par l'ancien employeur, mentionnent un salaire de base de 1498.50 €. Par ailleurs, il résulte des bulletins de salaire établis par l'ancien employeur que la prime de responsabilité fixée à 300 € par mois dans l'avenant était de 350 € à compter du mois de juillet 2017 ;

Les bulletins de salaire de novembre et décembre 2018 mentionnent un salaire de base de 1798.50 € qui inclut, au vu de ce qui précède, la prime de responsabilité de 300 €, l'employeur est donc redevable d'une somme de 50 € pour novembre et de 50 € pour décembre ;

Toutefois, au vu des bulletins de salaire d'octobre 2018, la salariée a perçu de son ancien employeur pour la période du 1er au 16 octobre 2018, un salaire de base de 1498.50 € déduit de 737.74 € et une prime de responsabilité de 200 €, et de son nouvel employeur pour la période du 16 au 30 octobre, un salaire de base de 1798.50 € déduit de 796.50 € et une somme de 350 € au titre de la prime de responsabilité. Il en résulte un trop perçu de 464.26 € puisqu'elle a perçu sur tout le mois une somme de 2312.76 € alors qu'elle aurait dû percevoir une somme de 1848.50 € (1498.50 € + 350 €) ;

Après compensation, Mme [U] est donc redevable, par confirmation du jugement, d'une somme de 364.26 € ;

Le jugement sera confirmé en ces autres dispositions, sauf sur le point de départ des dommages et intérêts qui courront à compter du présent arrêt, et sauf en ce qu'il a condamné l'employeur à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômages dans la limite de 10 jours, le remboursement sera fixé dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées ;

En cause d'appel, l'EURL MALDYVS qui perd le procès sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 1500 € à Mme [U] ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déboute Mme [U] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Confirme le jugement rendu le par le conseil de prud'hommes de Caen le 15 février 2021 sauf sur le montant des dommages et intérêts et sauf en ce qu'il a condamné l'employeur à rembourser les indemnités chômage à hauteur de 10 jours d'indemnités;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Condamne l'EURL MALDYVS à payer à Mme [U] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'EURL MALDYVS à payer à Mme [U] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande aux mêmes fins ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne l'EURL MALDYVS à rembourser à l'antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ;

Condamne l'EURL MALDYVS aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00748
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.00748 ?
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