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12/05/2022 | FRANCE | N°21/00716

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 12 mai 2022, 21/00716


AFFAIRE : N° RG 21/00716

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWSY

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de caen en date du 28 Janvier 2021 - RG n° 19/00557









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 12 MAI 2022





APPELANT :



Monsieur [E] [I]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Audrey FATOME-HERVIEU, avocat au barreau de CAEN





INTIMEE :



S.A.S. DIPA

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Anthony MOTTAIS, substitué par Me FIHMI, avocats au barreau de CAEN









DEBATS : A l'audience publique du 28 février 2022, tenue p...

AFFAIRE : N° RG 21/00716

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWSY

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de caen en date du 28 Janvier 2021 - RG n° 19/00557

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 12 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [E] [I]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Audrey FATOME-HERVIEU, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A.S. DIPA

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Anthony MOTTAIS, substitué par Me FIHMI, avocats au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 28 février 2022, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 12 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Selon contrat de travail en date du 17 novembre 2008, M. [E] [I] a été engagé par la société DIPA en qualité de chef de secteur, selon un forfait de 217 jours pour une année complète et moyennant un rémunération annuelle brute de 41 600 € répartie sur 13 mois, la convention collective étant applicable ;

Il a été placé en arrêt de travail à compter du 8 février 2019 jusqu'au 2 septembre 2019 ;

Se plaignant d'une surcharge de travail et invoquant la nullité de sa convention de forfait et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il a saisi le 31 octobre 2019 le conseil de prud'hommes de Caen lequel par jugement rendu le 28 janvier 2021 a notamment :

- condamné la société DIPA à lui payer les sommes suivantes :

- 19 849.32 € bruts au titre du rappel des heures supplémentaires effectuées et non payées pour la période du 24 septembre 2018 au 29 novembre 2019 ;

- 1984.93 € au titre des congés payés afférents ;

- 5510.88 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

- 15000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations en matière de sécurité ;

- 1200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la société DIPA de communiquer à M. [I] son agenda électronique concernant la période du 1er novembre 2016 au 24 septembre 2018, et ce sous un mois à compter de la notification de la présente décision ;

Entre temps, M. [I] a été licencié le 27 novembre 2019 ;

Par déclaration au greffe du 11 mars 2021, M. [I] a formé appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 15 février précédent ;

Par conclusions n°3 remises au greffe le 15 février 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [I] demande à la cour de :

- débouter la société DIPA de ses demandes d'irrecevabilité d'office,

- déclarer toutes les demandes de M. [I] recevables,

' infirmer le jugement du 28 janvier 2021 en ce qu'il n'a pas tiré les conséquences de l'absence de communication de l'agenda électronique pour la période du 1 er novembre 2016 au 24 septembre 2018,

En conséquence,

- à titre principal,

- condamner la société DIPA à verser à M . [I] les sommes suivantes :

- 50.515,06 € au titre de rappel des heures supplémentaires outre la somme de 5.051,50 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférente ;

- 20.249,28 € au titre des repos compensateurs obligatoires ;

- à titre subsidiaire,

- vu la perte d'une chance,

- condamner la SAS DIPA à verser à M. [I] la somme de 60.000 € à titre de dommages et intérêts ;

- infirmer le jugement du 28 janvier 2021 en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé,

- en conséquence, condamner la SAS DIPA à la somme de 37.536,90 euros au titre du travail dissimulé,

- confirmer le jugement du 28 janvier 2021 en ce qu'il a jugé que la SAS DIPA avait violé son obligation de sécurité,

- en revanche, l'infirmer quant à la réduction des dommages et intérêts ;

- condamner la société DIPA à payer à M. [I] la somme de 101.170,80 € à ce titre ;

- débouter la société DIPA de son appel incident et de l'intégralité des demandes formulées à ce titre ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- la condamner à payer 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Par conclusions n°2 remises au greffe le 15 février 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société DIPA demande à la cour de :

- dire M. [I] irrecevable et en tout cas mal fondé en son appel ;

- dire M. [I] irrecevable d'office, au visa des dispositions de l'article 910 du code de procédure civile en ses moyens et demandes afférents à l'appel incident formé par la société DIPA ;

- dire au visa de l'article 564, M. [I] irrecevable d'office en ses demandes nouvelles afférentes à une condamnation en paiement de la société DIPA au titre d'une perte de chance ;

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et du surplus de ses demandes ;

- dire la clause de forfait valide ;

- rejeter en conséquences les demandes au titre des heures supplémentaires, repos compensateur obligatoire ainsi que celle au titre du non-respect de l'obligation de sécurité ;

- accueillant l'appel incident de l'intimée ;

- condamner M. [I] à lui payer la somme de 10 378.40 € bruts au titre du remboursement des jours RTT ;

- si par extraordinaire le cour entrait en voie de condamnation ;

- ordonner la compensation entre les créances réciproques ;

- à titre subsidiaire, débouter M. [I] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'une perte de chance ;

- condamner M. [I] à lui payer une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

MOTIFS

I - Sur l'irrecevabilité « des moyens et demandes » au visa de l'article 910 du code de procédure civile

L'article 910 dispose que « l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevé d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe » ;

Au visa de ce texte, la société DIPA demande le prononcé de l'irrecevabilité des moyens et demandes de M. [I] afférents à son appel incident, considérant que ce dernier aurait dû répondre dans les trois mois de ses conclusions remises au greffe le 3 septembre 2021 alors qu'il ne l'a fait que par conclusions du 1er février 2022 ;

Or, l'article 910 seul invoqué sanctionne le non-respect du délai de trois mois par l'irrecevabilité des conclusions, ce qui n'est pas demandé dans le dispositif des écritures et qui relève au demeure de la seule compétence du conseiller de la mise en état ;

En outre, M. [I] n'a ajouté aucune prétention à ses conclusions du 1er février 2022 qui ne figurait déjà dans ses premières conclusions d'appelant puisqu'il concluait déjà à la confirmation du jugement en ses dispositions non critiquées par son appel partiel ;

Il convient de la débouter de sa demande ;

II - Sur l'irrecevabilité de la demande de condamnation au titre d'une perte de chance au visa de l'article 564 du code de procédure civile

L'article 564 dispose que à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait » ;

Si M. [I] a effectivement formé en cause d'appel une demande de dommages et intérêts pour perte de chance, il résulte toutefois de ses écritures que celle-est fondée sur le refus de la société DIPA d'exécuter la condamnation des premiers juges à remettre l'agenda électronique.

Cette demande ne pouvait donc être formé devant les premiers juges et est donc recevable ;

III - Sur la nullité de la convention de forfait

Le droit à la santé et au repos étant au nombre des exigences constitutionnelles, la convention de forfait en jours doit être contractualisée entre le salarié et l'employeur et être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;

En l'espèce, le contrat de travail du 17 novembre 2008, en son article 4 (durée du travail), prévoit qu''en raison de la nature de ses responsabilités, de l'importance de ses fonctions, de l'autonomie, dans l'organisation de son travail et/ou de ses déplacements dont il dispose, la durée du temps de travail de M. [E] [I] sera décomptée à l'année et est fixée à 217 jours pour une année complète en 2008, conformément aux dispositions de l'accord en vigueur dans l'entreprise » ;

Le salarié soutient que la convention de forfait est nulle au motif qu'il n'existait à la date du contrat de travail aucun accord collectif le prévoyant, et qu'il n'a pas été destinataire d'un tel accord, les deux accords collectifs produits par l'employeur ayant été régularisés le 28 février 2017. Il considère qu'elle est également nulle en l'absence de garantie et de moyen de contrôle de l'organisation du temps de travail ;

L'employeur se fonde sur un accord collectif relatif à la durée et l'aménagement du temps de travail au sein de la société DIPA du 28 février 2017 prévoyant une entrée en vigueur au 1er octobre 2017 ;

En application des dispositions des articles L3121-39 , L3121-40 et L3121-43 du code du travail en vigueur lors de la signature du contrat de travail et dans leur version issue de la loi du 20 août 2008, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année, est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut par une convention ou un accord de branche.

Si l'accord collectif du 28 février 2017 produit aux débats par l'employeur contient un chapitre IV relatif aux conventions de forfait en jours sur l'année, cet accord est toutefois postérieur au contrat de travail conclu entre M. [I] et la société DIPA prévoyant un décompte de la durée de travail en forfait jours. Il est donc sans incidence sur le présent litige ;

Par ailleurs, si le contrat de travail du 17 novembre 2008 vise « un accord en vigueur dans l'entreprise », l'employeur ne produit pas aux débats cet accord, n'invoquant même pas son existence ;

Dès lors, faute de justifier qu'à la date du contrat de travail, la possibilité de conclure une convention individuelle de forfait était prévue par un accord collectif accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut par une convention ou un accord de branche, la convention de forfait est nulle ;

Enfin, à supposer que l'accord du 28 février 2017 puisse être considéré comme justifiant à compter de son entrée en vigueur fixée au 1er octobre 2017 l'application du forfait jours prévu au contrat de travail, force est toutefois de constater, comme le soulignent les premiers juges, que les modalités de communication entre employeur et salarié sur la charge de travail de ce dernier, supposant selon l'accord un entretien annuel individuel, ne résultent nullement des entretiens individuels produits aux débats, notamment celui réalisé postérieurement le 7 février 2018 qui ne contient aucun élément utile sur ce point. Les premiers juges ont justement considéré que ces entretiens avaient pour but d'évaluer l'activité professionnelle sans renseigner l'articulation vie professionnelle/vie personnelle, charge de travail et organisation du travail ;

Le salarié peut en conséquence réclamer le paiement des heures supplémentaires éventuellement réalisées ;

IV - Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ;

En l'espèce, le salarié fait état d'heures supplémentaires réalisées sur la période du 1er novembre 2016 au 1er décembre 2019. Compte tenu du litige relatif à l'absence de communication de l'agenda professionnel pour la période du 1er novembre 2016 au 24 septembre 2018, il convient de distinguer les deux périodes ;

1 - sur la période du 24 septembre 2018 au 1er décembre 2019 

Le salarié produit aux débats :

- la copie de son agenda professionnel faisant apparaître les principaux rendez-vous (par exemple salons professionnels) avec les horaires, et sur lequel a été ajouté par le salarié de façon manuscrite des précisions horaires ou de tâches - un décompte dans ses conclusions, semaine par semaine, en précisant pour chaque semaine le nombre d'heures réalisées, après mention des heures réalisées chaque jour du lundi au vendredi, avec mention de l'heure de début et de l'heure de fin ;

Tout d'abord c'est en vain que l'employeur critique l'agenda professionnel au motif qu'il a été imprimé le même jour, soit le 11 octobre 2019 pour la période du 24 septembre 2018 au 10 février 2019, et le 17 janvier 2020 pour la période du 2 septembre 2019 au 29 novembre 2019, et au motif qu'il a été complété avec le même stylo. En effet, s'agissant d'un agenda professionnel électronique, il est logique qu'il ait été imprimé pour être communiqué aux débats, le fait qu'il l'ai été en une ou plusieurs fois n'ayant strictement aucun intérêt, et n'a en tout état de cause aucune incidence sur le contenu de cet agenda, qu'il en est de même concernant les mentions manuscrites, le fait qu'elles aient été opérées en une ou plusieurs fois avec ou pas le même stylo est encore une fois sans incidence sur le contenu lui-même de l'agenda ;

Par ailleurs l'employeur critique le contenu de l'agenda pour les périodes suivantes :

* la période du 24 au 28 décembre 2018, en ce que la copie de l'agenda professionnelle pour cette semaine-là imprimée le 11 octobre 2019 est différente de celle imprimée le 17 janvier 2020, la première mentionnant une semaine consacré à un salon professionnelle, la seconde une semaine consacrée à des tâches administratives (mails, téléphone) ;

Il résulte des pièces produites que la page de l'agenda professionnel correspondant à la semaine du 24 au 28 décembre 2018 a été corrigée de manière manuscrite (tant sur la version imprimée le 11 octobre 2019 produite par l'employeur que sur celle imprimée le 17 janvier 2020 produite par le salarie) la mention 24, 25, 26, 27, 28, 29 et 30 ayant été remplacée par 28, 29, 30, 31, 1, 2 et 3, la feuille correspondant désormais à la semaine du 28 janvier 2018 au 3 février 2019, consacrée au salon professionnelle SHIRA, le salarié indiquant que lors de l'impression de l'agenda, la page du 24 au 28 décembre 2018 est sortie à la place de celle du 28 janvier 2018 au 3 février 2019 ;

Pour autant, il n'en résulte aucune ambiguïté sur les tâches accomplies la semaine du 24 au 28 décembre 2018, celle-ci mentionnant une semaine « Bureau administratif mails + tél » avec un horaire de 8h à 18h du lundi au vendredi », ce qui correspond aux demandes de rappel de salaire formées pour le semaine correspondante ;

Par ailleurs, contrairement à ce qui soutient l'employeur, la page de la semaine du 24 au 28 décembre 2018 corrigée manuellement ne peut correspondre à la semaine du 31 décembre 2018 au 4 janvier 2019, puisque la page de l'agenda professionnel de la semaine du 31 décembre au 4 janvier 2019 n'a fait l'objet d'aucune correction ;

* la période du 4 au 10 février 2019 et la période du 2 au 6 septembre 2019, durant lesquelles le salarié indique avoir travaillé alors qu'il était, selon l'employeur, en arrêt de travail du 3 février 2019 au 3 septembre 2019 ;

Toutefois, cette critique est inopérante puisque les arrêts de travail produits aux débats font état d'un arrêt initial en date du 8 février 2019 (vendredi) jusqu'au 2 septembre 2019 (lundi), l'employeur ayant lui-même au vu du bulletin de salaire de mois de septembre 2019 mentionné un arrêt de travail jusqu'au 1er septembre 2019 ;

Ainsi, pour la période du 24 septembre 2018 au 1er décembre 2019, les éléments présentés par le salarié sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'occurrence, l'employeur ne produit aucun élément en ce sens ;

De même, il ne conteste pas, y compris subsidiairement les modalités de calcul des heures supplémentaires réclamées et des congés payés afférents, soit une somme de 19 849.32 € outre celle de 1984.93 € de congés payés afférents. L'employeur sollicitant le remboursement des jours RTT, il sera statué définitivement sur cette demande ci-après ;

2 - Sur la période du 1er novembre 2016 au 24 septembre 2018

Les premiers juges ont enjoint l'employeur de communiquer au salarié son agenda électronique pour la période litigieuse dans un délai d'un mois sans toutefois surseoir à statuer sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour cette période ;

L'employeur indique qu'il ne peut respecter cette disposition puisque conformément à la règlementation RGPD (Règlement général sur la protection des données), ces données informatiques ont été supprimées ;

Il résulte de l'attestation de M. [K], directeur du système d'information du groupe CEMOI que l'ensemble des données informatiques portant sur la messagerie, l'agenda et l'ensemble des documents numériques des salariés sortis des effectifs est détruit au bout de 12 mois », et que les données de M. [I] ont été supprimées le 31 janvier 2020 , que par courriel du 17 février 2020, soit pendant son préavis, M. [I] a reçu une fiche informatique de clôture de compte informatique lui demandant de retourner cette fiche faute de quoi toutes les données et comptes seront détruits 15 jours après cette date. Au vu du document relatif à la gestion des départs, le salarié a la possibilité notamment d'autoriser son employeur à exploiter les données restantes, faute de quoi le compte est supprimé ;

Toutefois, à les supposer établis, les motifs fondés sur la réglementation RGPD sont sans objet dès lors que le salarié ne demande pas au dispositif de ses écritures d'appel de confirmer le jugement sur ce point, et que l'employeur en demande l'infirmation ;

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a ordonné cette communication ;

Le salarié produit aux débats un calendrier qu'il a reconstitué en utilisant ses décomptes de remboursement de frais, mentionnant des horaires de début et de fin journalier, avec mention d'évènements et le nombre d'heures effectué chaque semaine. Il produit également les notes de frais remises par le salarié pour l'employeur, pour la période concernée ;

C'est en vain que l'employeur critique ce document au motif qu'il s'agit d'une reconstitution réalisée unilatéralement par le salarié, non établie au fur et à mesure des jours travaillés, non communiquée à sa hiérarchie et corroborée par aucun autre élément ;

Ces arguments sont en effet sans incidence dès lors que l'agenda produit en mentionnant des heures précises de début et fin de travail chaque jour, avec mention de la nature des tâches effectuées (évènement, salon, travail de bureau) et le nombre d'heures effectuées chaque semaine, corroboré par les relevés de remboursement professionnels quant aux évènements mentionnés, constitue des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies permettant à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Force est de constater que l'employeur ne produit aucun élément de nature à remettre en cause les heures de travail réalisées ;

Il ne conteste pas davantage, y compris subsidiairement les modalités de calcul des heures supplémentaires réclamées et des congés payés afférents ;

Il convient en conséquence de faire droit à sa demande et de condamner l'employeur à lui régler la somme de 50 515.06 € à titre de rappel des heures supplémentaires, et celle de 5051.50 € de congés payés afférents ;

L'employeur demande enfin que soit déduit les jours de repos supplémentaires, ceux-ci étant, compte tenu de la nullité de la convention de forfait, indus ;

Le salarié ne répond pas sur ce point ;

En l'occurrence, durant les trois années précédant la rupture de son contrat de travail, M. [I] a bénéficié de 49 jours de repos supplémentaires au titre de sa convention de forfait annuel en jours. Dès lors que la convention de forfait a été annulée, le paiement de ces jours est devenu indu et doit être remboursé ;

Une somme de 10 378.40 € correspondant au paiement de ces jours sera donc déduite de la somme réclamée au titre des heures supplémentaires ;

Le montant total des heures supplémentaires (pour les deux périodes) sera fixé à la somme de 59 985.98€ (19849.32 € + 50 515.06 € - 10 378.40 €) ;

Le jugement sera en conséquence infirmé sur le montant des heures supplémentaires accordées au salarié. Celui-ci sera fixé à la somme de 59 985.98 € outre la somme de 5998.59€ au titre des congés payés afférents;

V- Sur la contrepartie obligatoire en repos

En plus des majorations de salaire, les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent ouvrent droit pour le salarié à une contrepartie obligatoire en repos. Lorsque le salarié n'a pas été en mesure, du fait de l'employeur, de bénéficier de sa contrepartie obligatoire en repos, il a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Celle-ci comporte à la fois l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos et le montant de l'indemnité de congés payés afférents audit repos ;

En l'occurrence, au vu des calculs non contredits par l'employeur y compris à titre subsidiaire, le salarié peut prétendre :

- pour la période du 24 septembre 2018 au 29 novembre 2019, à une somme de 5510.88 €, le jugement sera ainsi confirmé ;

- pour la période du 1er novembre 2016 au 21 septembre 2018, à une somme de 20 249.28 € ;

VI- Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Aux termes des dispositions de l'article 8221-5 du code du travail, « est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10, relatif à la déclaration préalable d'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales »;

Pour caractériser l'intention frauduleuse de l'employeur, le salarié fait valoir qu'il avait accès à son agenda professionnel, connaissait son emploi du temps, et n'ignorait pas au vu des entretiens réalisés, sa charge excessive de travail ;

Le salarié indique dans ses écritures qu'il travaillait à son domicile et qu'il faisait beaucoup de déplacements pour assister à des salons ou à des négociations ;

Au vu de la très grande autonomie dont le salarié bénéficiait dans l'organisation de son travail, l'intention de dissimulation de l'employeur n'est pas établie ;

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

VII - Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Le salarié invoque l'absence de contrôle de sa charge de travail, un accident de voiture sur un trajet professionnel le 31 mars 2018 dont l'employeur a été informé, suivi d'un arrêt de travail pour brun out pendant 6 mois ;

L'employeur fait valoir les entretiens individuels mis en place à compter de 2017 durant lesquels le salarié ne s'est jamais plaint de sa charge de travail, observant par ailleurs que l'accident du 31 mars 2018 survenu un samedi est sans lien avec son activité professionnelle ;

Il résulte des décomptes des sommes réclamées au titre des heures supplémentaires que le salarié effectuait régulièrement 40 à 50h par semaine. Ces dépassements hebdomadaires réguliers de la durée légale du travail caractérisent un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité qui sera suffisamment indemnisé par des dommages et intérêts de 5000 €, le jugement étant infirmé quant au montant alloué ;

VIII - Sur les autres demandes

Dès lors qu'il a été fait droit à sa demande principale au titre des heures supplémentaires, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts de 60 000 € pour perte de chance ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées ;

En cause d'appel, la société DIPA qui perd le procès sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 1300 € à M. [I] ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déboute la société DIPA de sa demande d'irrecevabilité fondée sur l'article 910 du code de procédure civile ;

Dit recevable la demande de dommages et intérêts pour perte de chance ;

Confirme le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ce qu'il a ordonné la communication de l'agenda professionnel, sur le montant du rappel de salaire pour les heures supplémentaires et les congés payés afférents, et sur le montant des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant

Dit n'y avoir lieu à ordonner la communication de l'agenda professionnel pour la période du 1er novembre 2016 au 24 septembre 2018 ;

Condamne, après déduction de la somme de 10 378.40 € au titre du remboursement des jours RTT, la société DIPA à payer à M. [I] la somme de 59 985.98 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées du 1er novembre 2016 au 1er décembre 2019 outre la somme de 5998.59€ au titre des congés payés afférents ;

Dit n'y avoir lieu en conséquence à statuer sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts pour perte de chance ;

Condamne la société DIPA à payer à M. [I] la somme de 20 249.28 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

Condamne la société DIPA à payer à M. [I] la somme de 5000 € de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité ;

Condamne la société DIPA à payer à M. [I] la somme de 1300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande aux mêmes fins ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la société DIPA aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00716
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.00716 ?
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