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12/05/2022 | FRANCE | N°21/00642

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 12 mai 2022, 21/00642


AFFAIRE : N° RG 21/00642

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWNO

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 25 Janvier 2021 - RG n° 19/00140









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 12 MAI 2022



APPELANT :



Monsieur [R] [C]

[Adresse 1]



Représenté par Me Sophie CONDAMINE, avocat au barreau de CAEN





INTIMES :

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Maître [E] [T] Es-qualité de mandataire liquidateur de la SARL D DEMOISELLE

[Adresse 3]



Représenté par Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN



Association AGS CGEA de ROUEN

[Adresse 2]



Représentée par Me ...

AFFAIRE : N° RG 21/00642

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWNO

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 25 Janvier 2021 - RG n° 19/00140

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 12 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [R] [C]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sophie CONDAMINE, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Maître [E] [T] Es-qualité de mandataire liquidateur de la SARL D DEMOISELLE

[Adresse 3]

Représenté par Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN

Association AGS CGEA de ROUEN

[Adresse 2]

Représentée par Me Xavier ONRAED, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 28 février 2022, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 12 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Selon contrat de travail à durée déterminée à effet du 19 avril 2016, suivi d'un contrat à durée indéterminée à effet du 1er juin 2016, M. [R] [C] a été engagé par la société D. DEMOISELLE en qualité de serveur niveau 1, échelon 3 de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants ;

Par jugement du 11 avril 2018, le tribunal de commerce de Caen a prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl D. DEMOISELLE ;

Par lettre du 23 avril 2018 remise en mains propres, Maître [T] en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sarl D DEMOISELLE a proposé à M. [C] le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle, puis par lettre recommandée du 26 avril 2018, a prononcé son licenciement pour motif économique et impossibilité de reclassement ;

Estimant n'ayant pas été rempli de ses droits et que la rupture de son contrat est irrégulière, il a saisi, le 20 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Caen lequel par jugement rendu le 25 janvier 2021 a :

- dit que la rupture du contrat de travail est pour cause réelle et sérieuse ;

- renvoyé M. [C] à calculer la somme due au titre des heures supplémentaires dans la limite de la demande formée avec un décompte plus approprié ;

- fixé au passif de la liquidation les sommes suivantes : 1055.65 € au titre des congés payés indûment déduits et 700 € à titre d'indemnité de procédure ;

- condamné la Sarl D DEMOISELLE prise en la personne du mandataire liquidateur à remettre à M. [C] une attestation Pole Emploi, le reçu pour solde de tout compte et un bulletin de salaire sous astreinte de 20 € par jour de retard au plus 30 jours après la notification du jugement ;

Par déclaration au greffe du 3 mars 2021 , M. [C] a formé appel de cette décision qui lui avait été notifié le 8 février précédent ;

Par conclusions remises au greffe le 31 mai 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [C] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions contraires aux présentes,

- et statuant à nouveau,

- dire et juger M. [R] [C] recevable et bien fondé en ses demandes,

- Constater, outre son caractère manifestement abusif, l'absence de cause réelle et sérieuse s'attachant à la rupture du contrat de travail de M. [R] [C];

- en conséquence,

- fixer la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL D.DEMOISELLE à hauteur des sommes suivantes :

- 4.995,12 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 499,51 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 14.975 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 7.768,76 € bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires non rémunérées ;

- 776,87 € bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférente ;

- 14.985,36 € nets au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail partiellement dissimulé ;

- 2.500 € à titre de dommages et intérêts indemnisant le préjudice résultant du non-respect au repos quotidien ;

En tout état de cause,

- condamner Maître [E] [T], ès qualités de Mandataire liquidateur de SARL D.DEMOISELLE, à indemniser M. [C] de ses frais de défense à hauteur de 2.000 € nets sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

-Déclarer commun et opposable au FNGS - CGEA territorialement compétent le jugement à intervenir ;

- ordonner l'établissement de bulletins de paie et de documents de fin de contrat qui seront établis en considération de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 80 € par jour de retard ;

- dire que les sommes à caractère de salaire porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes et, pour les autres sommes, à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir. ;

- en tant que de besoin, condamner la SARL D.DEMOISELLE au paiement de l'ensemble des sommes précitées ;

- débouter Maître [E] [T],, ès qualités de Mandataire liquidateur de la SARL D.DEMOISELLE, ainsi que le FNGS ' CGEA, de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

Par conclusions remises au greffe le 15 juillet 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, Maître [T] ès qualités demande à la cour de :

- recevoir Me [T], ès-qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société D DEMOISELLE en son appel incident.

- voir, en conséquence, infirmer partiellement le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Caen en ce qu'il a :

- renvoyé M. [R] [C] à calculer la somme due au titre des heures supplémentaires dans la limite de sa la demande formée avec un décompte plus approprié ;

- fixé en conséquence au passif de la procédure collective de la SARL D DEMOISELLE les sommes suivantes, soit :

° 1.055,65 € au titre des congés payés indument déduits.

° 700 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamné la SARL D DEMOISELLE, prise en la personne du mandataire liquidateur, à remettre à M. [C], une attestation pôle emploi, le reçu pour solde de tout compte et un bulletin de salaire sous astreinte e 20 € par jour de retard au plus tard 30 jours après la notification du jugement;

- débouté le mandataire liquidateur de sa demande reconventionnelle et du surplus de ses demandes ;

- condamné la SARL D DEMOISELLE, prise en la personne du mandataire liquidateur, aux entiers dépens ;

Statuer à nouveau,

- débouter M. [C] de sa demande relative au paiement d'heures supplémentaires ;

-Confirmer pour le surplus le jugement entrepris en ses dispositions non contraires aux présentes et notamment en ce qu'il a été dit que la rupture du contrat de travail de M. [C], reposait sur une cause réelle et sérieuse de licenciement économique ;

- voir, en conséquence, déclarer recevable mais non fondé l'appel inscrit par M. [C], et le débouter de ses demandes tendant à voir :

- constater, outre son caractère manifestement abusif, l'absence de cause réelle et sérieuse s'attachant à la rupture du contrat de travail de M. [C],

- fixer, en conséquence, la créance de M. [C], au passif de la liquidation judiciaire de la SARL D DEMOISELLE à hauteur des sommes suivantes :

° 4.995,12 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

° 499,51 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

° 14.975 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

° 7.768,76 € bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires non rémunérées.

° 776,87 € bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférente.

° 14.985,36 € nets au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail partiellement dissimulé.

° 2.500 € au titre de dommages et intérêts indemnisant le préjudice résultant du non-respect au repos quotidien.

- débouter M. [C], de ses demandes tendant à la condamnation de Me [T], ès-qualité de mandataire à la liquidation judiciaire, au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- voir, subsidiairement, réduire l'ensemble des demandes, fins et prétention de M. [C], revêtant un caractère indemnitaire.

- voir condamner M. [C], au paiement d'une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe le 12 juillet 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, l'UNEDIC Délégation AGS-CGEA de Rouen demande à la cour de :

A titre principal

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déclare le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il renvoie M. [C], à calculer la somme due au titre des heures supplémentaires dans la limite de la «demande formée avec un décompte plus approprié» ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre du travail dissimulé ;

- confirmer le jugement en ce qu'il débouté le salarié de sa demande au titre du repos quotidien ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a déboute le salarié de ses demandes indemnitaires au titre de l'indemnité de préavis et des dommages et intérêts en raison du prétendu préjudice subi du fait des circonstances de la rupture ;

Statuant à nouveau

- débouter le salarié de sa demande relative au paiement des heures supplémentaires ;

A titre subsidiaire

- réduire le montant de la réparation octroyée au titre du droit au repos quotidien aux éventuels éléments objectifs prouvés et quantifiés ;

- réduire considérablement le montant de la réparation octroyée au titre des dommages et intérêts pour en réparation du préjudice subi en raison des circonstances ayant entouré le licenciement ;

En tout état de cause :

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA dans les seules limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du Code du Travail et des articles D.3253-4, D.3253-2 et D.3253-5 du Code du Travail, les seules créances garanties étant celles découlant de l'exécution du contrat de travail ;

MOTIFS

I - Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement verbal

Le salarié estime qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal, l'employeur lui ayant demandé de ne plus revenir sur son lieu de travail, ne lui a pas versé son salaire de mars 2018 et le salarié n'a pu accéder à l'entreprise, les locaux de la brasserie étant fermés et le déménagement étant en cours ;

Pour considérer qu'il a été verbalement licencié le 21 mars 2018 par un appel téléphonique de son employeur, le salarié produit aux débats :

- une déclaration de main courant du 25 mars 2018 faisant état d'un appel de son employeur alors qu'il était en congés, l'informant de l'état de cessation des paiements de la société et lui demandant de ne pas revenir travailler le vendredi suivant, l'avisant qu'il était en congés payés. Le salarié s'est également plaint de menaces de son employeur lorsque, après avoir été prévenu que l'employeur vidait son établissement, avait contacté le tribunal de commerce ;

-Une lettre qu'il a adressé à son employeur le 30 mars 2018, dans laquelle il fait état de son appel téléphonique, l'informant de sa disponibilité pour reprendre son travail, et terminant son courrier par les termes suivants : « si vous souhaitez pas que je réintègre mon poste vous devez engager une procédure de licenciement à mon encontre » ;

- une attestation de M. [J], salarié de la Sarl D DEMOISELLE, indiquant que M. [X] (gérant de la société) l'a appelé, est venu le voir chez lui pour lui dire qu'il fermait l'établissement l'accompagnant jusqu'au restaurant pour qu'il puisse prendre ses affaires, et lui a demandé de ne rien dire aux autres salariés, qu'il le ferait lui-même ;

- une attestation de M. [V], salarié, qui témoigne du déménagement de l'établissement, et indique « le patron m'informe qu'il arrête toute activité et qu'il contactera mes collègues pour les prévenir » ;

Ces éléments sont insuffisants pour établir la réalité d'une communication téléphonique le 21 mars 2018 de l'employeur ayant verbalement licencié M. [C]. En effet, s'ils établissent que l'employeur avait pris la décision de fermer son entreprise et avait demandé à ses salariés de rester en congés payés, sans qu'une date précise ne puisse être déduite des témoignages produits, ils sont toutefois insuffisants pour caractériser à ce stade une intention de les licencier. D'ailleurs, les termes employées par M. [C] dans sa lettre du 30 mars et cités ci-avant démontrent que l'employeur ne l'avait pas informé de son licenciement et que le salarié, en restant à disposition de son employeur, considérait lui-même que son contrat de travail était toujours en cours ;

Il convient par confirmation du jugement de débouter M. [C] de ses demandes en lien avec un licenciement verbal ;

Sur le licenciement pour motif économique

La lettre de licenciement du 26 avril 2018 vise la liquidation judiciaire de l'entreprise et sa cessation définitive d'activités, l'ordonnance du juge commissaire du 23 avril 2018 autorisant les licenciements, conduisant à la suppression de tous les postes de travail et à l'impossibilité de tout reclassement ;

Le salarié fait valoir que les méthodes de gestion et les irrégularités commises par l'employeur sont à l'origine des difficultés économiques, rappelant qu'il n'a pas hésité à abandonner ses salariés et à déménager avant même l'ouverture d'une procédure collective ;

Maître [T] fait valoir qu'aucune attitude frauduleuse de l'employeur n'est démontrée, rappelant que la société a été confrontée à des difficultés économiques depuis 2016 conduisant à la mise en place d'un plan de redressement qui n'a pu être respecté, les difficultés économiques étant incontestablement liées à l'état de cessation des paiements fixé au 26 mars 2018 ;

Le CGEA ajoute que les fautes invoquées ne sont pas établies, rappelant que les fautes de gestion ne peuvent en tout état de cause constituer une faute ou une légèreté blâmable de nature à écarter la réalité du motif économique ;

En l'espèce, la Sarl D DEMOISSELLE, suite à une procédure de redressement judiciaire, a bénéficié d'un plan de redressement le 15 mars 2017. M. [X], gérant de la société, a effectué une déclaration de cessation des paiements le 9 avril 2018, invoquant une baisse du chiffre d'affaires et l'absence de trésorerie suffisante. Dans son jugement du 11 avril 2018, le tribunal de commerce a fixé la date de la cessation des paiements au 26 mars 2018, a prononcé la résolution du plan et a ouvert une procédure de liquidation judiciaire, avec poursuite de l'activité jusqu'au 11 mai 2018 ;

Ces éléments caractérisent l'existence de difficultés économiques, ce d'autant que dans son rapport du 13 mai 2018 remis au tribunal de commerce, le commissaire-priseur relève que le loyer commercial est très élevé et que la cuisine nécessite une rénovation et de nouveaux investissements ;

M. [C] ne produit aucun élément ou pièce de nature à caractériser une faute de l'employeur ou sa légèreté blâmable en rapport avec la liquidation judiciaire. Il se limite en effet à invoquer le déménagement des locaux et l'abandon des salariés sans expliquer en quoi ces faits auraient une incidence sur les difficultés économiques, étant en tout état de cause relevé que le rapport du commissaire-priseur démontre que l'ensemble du matériel professionnel était présent dans les locaux ;

Il sera par confirmation du jugement débouté de sa demande tendant à dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

II - Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ;

Il résulte du contrat de travail que M. [C] travaillait sur la base de 39 heures par semaine ;

Le salarié estime avoir effectué des heures supplémentaires à compter de juillet 2017, et décrit ses tâches de serveur et responsable d'une salle comme suit : arrivée à 10h, pause déjeuner de 11h15 à 11h45, fin de service entre 14h15/14h30 (parfois plus tard), reprise de poste à 17h30 jusque tard le soir puisque les clients étaient acceptés jusqu'à 22h ;

Il produit un document manuscrit notant mois par mois à compter de juillet 2017, ses heures de début et de fin de travail, sans indiquer les jours et sans distinguer les semaines, ainsi qu'un décompte calculant les heures effectuées semaine par semaine, et mentionnant la déduction d'une heure par jour travaillé au titre de la pause repas (30 minutes le midi et 30 minutes le soir), ce décompte réclame des heures pour la période de juillet à mars 2018 ;

Ces documents sont suffisamment précis quant aux heures que le salarié prétend avoir effectué et permettent à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail réalisées, d'y répondre ;

A ce titre le mandataire liquidateur produit aux débats des documents intitulés planning Salle semaine, correspondant aux plannings de janvier 2017 à mars 2018 qui mentionnent les salariés présents et ceux en repos, et les horaires de travail identiques pour chacun, soit le matin de 10h à 14h30 et le soir de 18h à 23h avec une pause repas midi et soir de ¿ d'heure chacune ;

Certains plannings sont signés par les salariés, dont M. [C], soit pour la période litigieuse, les plannings des semaines à compter du 3 juillet 2017 jusqu'au 3 septembre 2017 ;

Or, ces plannings correspondent à l'emploi du temps pour chaque semaine et pour chaque salarié, mentionnant les mêmes horaires de début et de fin de travail, et, comme l'indique justement le salarié, ne peuvent donc être considérés comme des relevés d'heures effectuées. Ils ne sont donc pas de nature à remettre en cause les documents produits par le salarié. Il en est de même des témoignages écrits de trois salariés qui attestent avoir été payés des heures effectuées mais qui ne visent aucune période précise et n'évoquent pas la situation de M. [C] ;

Enfin, c'est en vain que l'AGS - CGEA invoque l'absence de demande préalable de l'employeur, l'accord de l'employeur pour l'exécution d'heures supplémentaires peut être en effet tacite, alors même en outre au vu de la nature de l'activité et de la taille des locaux, l'employeur ne pouvait ignorer les horaires réels du salarié ;

Le salarié est donc en droit de réclamer les heures supplémentaires effectuées, soit pour 2017, 92 heures rémunérées à 25% et 235.25 heures rémunérées au taux de 50%, et pour 2018, 40 heures rémunérées à 25% et 34 heures rémunérées à 50%. Les modalités de calcul n'étant pas discutées y compris à titre subsidiaire, il convient de faire droit à la demande du salariée et de fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 7794.45 € au titre du rappel de salaire sur les heures supplémentaires et celle de 779.44 € au titre des congés payés afférents ;

III - Sur les autres demandes

- Sur les dommages et intérêts pour non-respect des repos quotidiens

Le salarié se fonde sur l'article 21.4 de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants selon lequel « le temps de repos entre 2 jours de travail est fixé pour l'ensemble du personnel à 11 heures consécutives et 12 heures consécutives pour les jeunes de moins de 18 ans. » ;

En l'espèce, l'examen des horaires de travail réalisés par le salarié démontre qu'il terminait la plupart du temps son travail au-delà de 23h pour reprendre le lendemain à 10h30, et avait alors un temps de repos inférieur à 11h ;

Ces manquements, par leur régularité, justifient l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 2500 € ;

- Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Aux termes des dispositions de l'article 8221-5 du code du travail, « est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10, relatif à la déclaration préalable d'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales » ;

En l'occurrence, l'employeur ne pouvait ignorer compte tenu de la taille de l'établissement et de l'organisation du travail la réalisation d'heures supplémentaires, si bien que le non paiement de celles-ci et l'absence de délivrance des bulletins de paie correspondants sont nécessairement intentionnels ;

Il convient de faire droit à la demande et de fixer l'indemnité pour travail dissimulé à la somme de 14 985.36 € qui sera fixé au passif de la liquidation judiciaire ;

-Sur la somme de 1055.65 € au titre des congés indûment déduits

L'employeur critique le jugement au motif que le salarié a perçu son salaire pendant la période de congés payés, seul un éventuel préjudice fondé sur l'obligation qui lui a été faite de se voir imposer des congés pourrait être invoqué ;

Le salarié ne répond pas sur ce point ;

Il résulte du jugement que le tribunal a accordé une somme de 1055.65 € correspondant à 11 jours de congés indûment déduits, motivant sa décision sur le non-respect par l'employeur de l'article D3141-5 du code de travail, puisqu'il a placé d'office le salarié en congés payés dans lui indiquer la date de fin de congés ;

Le bulletin de salaire de mars 2018 mentionne que le salarié était en congés du 16 au 18 mars puis du 23 au 31 mars. Il est constant que cette dernière période correspond à une décision de l'employeur de placer le salarié en congés payés. Toutefois, il résulte du même bulletin de salaire que le salarié a perçu une indemnisation congés payés de 1056.21 € pour la période.

Le salarié a donc été indemnisé et n'invoque par ailleurs et à fortiori ne justifie d' aucun préjudice en lien avec ce placement d'office en congés ;

Le jugement sera infirmé sur ce point ;

- Sur la remise des documents

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant ;

- Sur les dépens et les indemnités de procédure

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmés;

En cause d'appel, les dépens d'appel fixés au passif de la liquidation judiciaire ainsi qu'une indemnité de procédure de 1500 € . Maître [T] ès qualités sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 25 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ce qu'il a accordé à M. [C] une somme de 1055.65 € au titre des congés payés indûment déduits, sauf en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et des demandes subséquentes (dommages et intérêts et indemnité pour travail dissimulé) et sauf en ce qu'il a assorti d'une astreinte la remise de documents de fin de contrat ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Déboute M. [C] de sa demande de 1055.65 € au titre des congés indûment déduits ;

Fixe la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la société Sarl D. DEMOISELLE les sommes suivantes :

- 7794.45 € au titre des heures supplémentaires

- 779.44 € à titre de congés payés afférents

- 2 500 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte au droit au repos

- 14 985.36 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé

- 1500 € à titre d'indemnité de procédure ;

Déclare l'AGS CGEA Ile de France tenue pour ces sommes dans les termes des articles L3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles ;

Condamne Maître [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société D. DEMOISELLE à remettre à, dans le délai de deux mois de la signification du présent arrêt, un bulletin de salaire par année conforme au présent arrêt.

Dit n'y avoir lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat - y compris ceux listés par les premiers juges - d'une astreinte ;

Fixe les dépens d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la société.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00642
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.00642 ?
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