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12/05/2022 | FRANCE | N°21/00615

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 12 mai 2022, 21/00615


AFFAIRE : N° RG 21/00615

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWKP

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTAN en date du 25 Janvier 2021 - RG n° 20/00052









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 12 MAI 2022





APPELANTE :



Société par actions simplifiée NORMASYS pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[A

dresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Mickaël DARTOIS, avocat au barreau de CAEN





INTIMEEE :



Madame [M] [T] [X]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Marc P...

AFFAIRE : N° RG 21/00615

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWKP

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTAN en date du 25 Janvier 2021 - RG n° 20/00052

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 12 MAI 2022

APPELANTE :

Société par actions simplifiée NORMASYS pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Mickaël DARTOIS, avocat au barreau de CAEN

INTIMEEE :

Madame [M] [T] [X]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Marc POISSON, avocat au barreau d'ARGENTAN

DEBATS : A l'audience publique du 07 mars 2022, tenue par Mme PONCET, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller, rédacteur

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 12 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [M] [X] a été embauchée par la SAS Normasys en qualité d'ingénieure d'études à compter du 11 septembre 2007. Elle a été envoyée en mission auprès du client Partecis domicilié à [Localité 2] du 2 mai 2017 au 31 décembre 2017 puis du 2 janvier au 31 décembre 2018.

Placée en arrêt maladie à compter du 22 mai 2018, elle a pris acte de la rupture du contrat aux torts de l'employeur le 1er septembre 2018. La SAS Normasys l'a licenciée le 4 décembre 2018 pour absence injustifiée.

Le 29 novembre 2018, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Argentan pour obtenir le remboursement de frais professionnels, pour voir requalifier sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir des indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement irrégulier.

Par ordonnance du 25 février 2019, le bureau de conciliation a condamné la SAS Normasys à verser à Mme [X] à titre de provision 5 000€ au titre des frais professionnels.

Par jugement du 25 janvier 2021, le conseil de prud'hommes a condamné la SAS Normasys à verser à Mme [X] 36 400€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10 400€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 104,10€ au titre des congés payés afférents, 193,60€ nets au titre des frais professionnels, 2 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné la SAS Normasys à remettre à Mme [X], sous astreinte, une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de paie.

La SAS Normasys a interjeté appel du jugement, Mme [X] a formé appel incident.

Vu le jugement rendu le 25 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes d'Argentan

Vu les dernières conclusions de la SAS Normasys, appelante, communiquées et déposées le 17 septembre 2021, tendant à voir le jugement infirmé, à voir Mme [X] déboutée de toutes ses demandes et à la voir condamnée : à lui rembourser la provision de 5 000€ versée outre une somme de 2 000€ et à lui payer 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

Vu les dernières conclusions de Mme [X], intimée et appelante incidente, communiquées et déposées le 28 juin 2021, tendant à voir le jugement réformé quant aux dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la somme accordée au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, tendant à voir la SAS Normasys condamnée de ces deux chefs à lui verser respectivement 62 000€ et 1 040€, tendant à voir le jugement confirmé pour le surplus, à se voir donner acte de ce qu'elle s'en remet à justice concernant la demande de remboursement de la somme de 2 000€ et à voir la SAS Normasys condamnée à lui verser 2 500€ supplémentaires en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 février 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur le remboursement de frais

Mme [X] indique que la SAS Normasys ne lui a pas remboursé ses frais de mission pour les mois de février à mai 2018 soit, au vu de ses notes de frais, 2 727,05€ pour les frais kilométriques et 5 193,60€ pour les frais autres (nuitées, repas).

La contestation de la SAS Normasys ne porte que sur ces derniers frais puisqu'elle revendique le remboursement de la provision de 5 000€ que le bureau de conciliation l'a condamnée à payer et conteste devoir 193,60€ supplémentaires. Elle soutient ne pas devoir ce remboursement car Mme [X] ne fournit pas de justificatifs de frais.

L'article 10 du contrat de travail prévoit un remboursement 'sur justificatifs des frais d'hébergement, de déplacement, de repas occasionnés dans l'exercice de ses fonctions, ceux-ci devant toutefois voir été autorisés préalablement par son supérieur hiérarchique'. Toutefois, les deux ordres de mission établis pour Mme [X] lors de sa mission auprès de Partecis prévoient le versement de frais calculés selon le tarif URSSAF, en dernier lieu : 15,80€ pour les frais de repas et 56,50€ pour les frais de nuitée en fonction du nombre de jours entiers travaillés. En établissant ce document, l'employeur a donc dérogé aux règles prévues dans le contrat de travail en prévoyant, pour le temps de la mission, un remboursement forfaitaire qu'il a fait dépendre du nombre de jours travaillés et qu'il n'a pas conditionné à la remise de justificatifs.

La SAS Normasys ne saurait donc utilement prétendre ne rembourser que les frais réels justifiés, pour les mois de février à mai 2018, en contradiction avec l'ordre de mission et alors même qu'elle ne justifie aucunement avoir procédé ainsi pendant les 13 premiers mois de cette même mission.

La SAS Normasys sera donc déboutée de sa demande tendant à se voir rembourser la provision de 5 000€ versée en application de l'ordonnance de bureau de conciliation et sera condamnée à verser les 193,60€ restant dus, montant sur lequel elle ne formule aucune observation, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire.

2) Sur la rupture du contrat de travail

Le contrat de travail ayant été rompu par la prise d'acte du 1er septembre 2018, le licenciement prononcé le 4 décembre 2018, après la saisine du conseil de prud'hommes, est sans effet.

Mme [X] reproche à la SAS Normasys d'avoir cessé de lui rembourser ses frais à compter de février 2018 ce qui l'a empêchée de faire face, notamment, au coût de location d'un appartement en région parisienne s'ajoutant au montant du remboursement du prêt contracté pour acheter une maison dans l'Orne.

La SAS Normasys fait valoir que Mme [X] a pris acte sans qu'elle ait eu connaissance de réclamations préalables de la part de la salariée.

Mme [X] produit toutefois de nombreux courriels envoyés à différents services de la société pour transmettre ses notes de frais (23 mars 2018, 11 avril 2018, 1er juin 2018), s'inquiéter de l'absence de remboursement (11 avril, 12 avril, 16 avril, 30 avril). Elle a en outre adressé, le17 avril, à son employeur, en recommandé, une lettre de réclamation qu'elle a envoyée à une adresse qu'elle avait vérifiée au préalable par courriel. Cette lettre n'a pas été réclamée par la SAS Normasys mais Mme [X] lui en a adressé copie par courriel le 30 avril.

La SAS Normasys connaissait donc parfaitement les réclamations de Mme [X] bien avant la prise d'acte. En ne remboursant pas des frais dus représentant un montant significatif chaque mois (1 980,16€ en moyenne entre février et mai 2018 soit 57% de son salaire), la société a manqué à ses obligations. Ce manquement grave a perduré jusqu'à la prise d'acte puisque aucun remboursement n'est intervenu avant la saisine du conseil de prud'hommes. Dès lors, la rupture du contrat de travail était justifiée. Cette rupture produira donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [X] peut prétendre à des indemnités de rupture et à des dommages et intérêts.

' La SAS Normasys ne conteste pas, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire les montants réclamés au titre des indemnités de rupture et alloués par le conseil de prud'hommes. La condamnation prononcée à ce titre sera donc confirmée. Le montant des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis sera rectifié.

' En application de l'article L1235-3 du code du travail, Mme [X] peut prétendre à des dommages et intérêts dont le montant est compris entre 3 et 10 mois de salaire compte tenu d'une ancienneté de 10 ans et 11 mois au moment de la rupture du contrat de travail.

Mme [X] soutient que ce barème doit être écarté car il ne lui assure pas la réparation adéquate à laquelle elle peut prétendre en applications de la convention n°158 de l'OIT.

L'article 10 de cette convention est d'application directe en droit interne. Les dispositions des articles L.1235-3 et L.1235-3-1 du code du travail en réservant la possibilité de réintégration, en prévoyant la possibilité de fixer une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal, montants variables en fonction de l'ancienneté, et en écartant l'application du barème en cas de nullité du licenciement, ne sont pas, en elles-mêmes, incompatibles avec cet article.

Néanmoins, la mise en oeuvre concrète du barème de l'article L. 1235-3 ne saurait créer une atteinte disproportionnée au droit à une réparation adéquate reconnu par la convention précitée.

En l'espèce, Mme [X] fait valoir qu'elle est restée inscrite à Pôle Emploi du 5 septembre 2018 au 29 juillet 2019, elle justifie avoir été indemnisée du 20 février au 29 juillet 2019. Elle indique que, compte tenu de sa situation financière délicate, la CAF a dû lui verser une allocation RSA. Elle justifie effectivement du versement de cette indemnité de septembre 2018 à mai 2019. Elle indique n'avoir retrouvé qu'un emploi à temps partiel que le 29 juillet 2019. Le contrat de travail produit fait état d'un temps de travail de 128,28H mensuelles moyennant un salaire de 2 577€ bruts.

Ces éléments ne permettent pas de considérer que l'application du barème de l'article L1235-3, qui conduit à l'octroi d'une indemnité comprise entre 3 et 10 mois de salaire constituerait une atteinte excessive à son droit à une réparation adéquate.

Compte tenu des renseignements ci-dessus rappelés et des autres éléments connus : son âge (40 ans), son ancienneté (10 ans et 11 mois), son salaire moyen (3 466,67€) au moment du licenciement, il y a lieu de lui allouer 34 666€ de dommages et intérêts.

3) Sur la demande reconventionnelle

Mme [X] ne conteste pas avoir perçu une avance sur commissions de 2 000€. la SAS Normasys est donc bien fondée à en obtenir le remboursement.

4) Sur les points annexes

Les sommes allouées à Mme [X] produiront intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2018, date de réception par la SAS Normasys de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation à l'exception de la somme accordée à titre de dommages et intérêts qui produira intérêts à compter de la date du présent arrêt.

En l'absence de date de dépôt figurant sur ses conclusions demandant pour la première fois le remboursement de l'avance de frais, la somme allouée à la SAS Normasys produira intérêts à compter du 28 septembre 2020, date de la première audience de jugement devant le conseil de prud'hommes.

Les sommes que se doivent les parties se compenseront à hauteur de la plus faible des deux sommes.

La SAS Normasys devra remettre à Mme [X], dans le délai d'un mois à compter de la date du présent arrêt, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifié, un bulletin de paie mentionnant l'indemnité compensatrice de préavis. Le présent arrêt fixant les droits de Mme [X] il n'y a pas lieu de prévoir la remise d'un nouveau solde de tout compte. En l'absence d'éléments permettant de craindre l'inexécution de cette mesure, il n'y a pas lieu de l'assortir d'une astreinte.

La SAS Normasys devra rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage versées à Mme [X] entre la date de la rupture du contrat et la date du jugement dans la limite de trois mois d'allocations.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [X] ses frais irrépétibles. De ce chef, la SAS Normasys sera condamnée au total à lui verser 2 500€ pour ses frais de première instance et d'appel.

DÉCISION

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Normasys à verser à Mme [X] 10 400€ bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 193,60€ nets au titre des frais professionnels

- Y ajoutant

- Dit que la prise d'acte de Mme [X] produit les effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2018

- Réforme le jugement pour le surplus

- Condamne la SAS Normasys à verser à Mme [X] :

- 1 040€ bruts au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2018

- 34 666€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt

- Condamne Mme [X] à verser à la SAS Normasys 2 000€ en remboursement de l'avance de frais consentie, avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2020

- Dit que les sommes que se doivent les parties se compenseront à hauteur de la plus faible des deux sommes

- Dit que la SAS Normasys devra remettre à Mme [X], dans le délai d'un mois à compter de la date du présent arrêt, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifié, un bulletin de paie mentionnant l'indemnité compensatrice de préavis

- Déboute Mme [X] du surplus de ses demandes

- Dit que la SAS Normasys devra rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage versées à Mme [X] entre la date de la rupture du contrat et la date du jugement dans la limite de trois mois d'allocations

- Condamne la SAS Normasys à verser à Mme [X] 2 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne la SAS Normasys aux entiers dépens de première instance et d'appel

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00615
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;21.00615 ?
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