AFFAIRE : N° RG 19/00865
N° Portalis DBVC-V-B7D-GJAX
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ALENCON en date du 21 Décembre 2018 - RG n° 21500093
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 3
ARRET DU 12 MAI 2022
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MAYENNE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par M. [G], mandaté
INTIMEE :
Société [4]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne-Laure DENIZE, substitué par Me BODSON, avocats au barreau de PARIS
DEBATS : A l'audience publique du 10 mars 2022, tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
Mme ACHARIAN, Conseiller,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 12 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne d'un jugement rendu le 21 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Orne dans un litige l'opposant à la [4].
FAITS et PROCEDURE
Le 11 juillet 2014, Mme [N] a complété une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une épitrochléite droite.
Le certificat médical initial du 19 juin 2014 fait état d'une épitrochléite du coude droit et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 18 juillet 2014.
Le 30 octobre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne (la caisse) a pris en charge cette tendinopathie des muscles épitrochléens du coude droit, inscrite au tableau 57 des maladies professionnelles relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, au titre de la législation professionnelle.
Des arrêts de travail ont été prescrits à Mme [N] jusqu'au 30 juin 2015.
La société a contesté la durée des arrêts de travail devant la commission de recours amiable.
En l'absence de décision, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'un recours contre la décision implicite de rejet.
Par jugement avant dire droit du 30 mars 2018, le tribunal a ordonné une expertise médicale judiciaire sur pièces confiée au docteur [S], à charge pour lui de rechercher si l'épitrochléite déclarée le 11 juillet 2014, sur la base d'un certificat médical du 19 juin 2014, doit être considérée comme consolidée au 16 juillet 2014 ou au 30 septembre 2015 voire à une autre date.
Par jugement du 21 décembre 2018, ce tribunal a déclaré inopposable à la société [4] la prise en charge de la pathologie de Mme [N] suivant la décision du 21 février 2017 de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne et rappelé que la procédure est sans frais.
Par ordonnance du 5 juillet 2019, la présidente du pôle social du tribunal de grande instance d'Alençon a rectifié le jugement du 31 décembre 2018 comme suit :
'Déclare inopposable à la [4] la prise en charge de la pathologie de Mme [N] après le 16 juillet 2014 au titre de la maladie du 19 juillet ( en réalité juin ) 2014"
au lieu de
'déclare inopposable à la société [4] la prise en charge de la pathologie de Mme [N] suivant la décision du 21 février 2017 de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne '
Par déclaration du 4 mars 2019, la caisse a interjeté appel de cette décision.
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Il convient à ce stade de préciser que le 15 décembre 2014, Mme [N] a complété une seconde déclaration de maladie professionnelle au titre d'une épicondylite droite, laquelle fait référence à une date de première constatation médicale au 16 juillet 2014.
Cette date correspond à un certificat médical de prolongation d'arrêt de travail au titre d'une épicondylite droite 57B.
Le certificat médical initial du 13 janvier 2015 fait état d'une épicondylite et d'une épitrochléite à droite - 57B et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 30 janvier 2015.
Le 20 avril 2015, la caisse a pris en charge cette tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit, inscrite au tableau 57 des maladies professionnelles relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, au titre de la législation professionnelle.
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Aux termes de ses conclusions après expertise n° 2 en date du 14 décembre 2021, déposées et soutenues oralement à l'audience par son représentant, la caisse demande à la cour :
A titre principal:
- de lui accorder le bénéfice de ses précédentes écritures,
- d'infirmer le jugement déféré,
- de déclarer opposable à la [4] la prise en charge de l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits au titre de la maladie professionnelle du 19 juin 2014 déclarée par Mme [N],
- de rejeter la demande d'article 700 du code de procédure civile,
- de débouter en conséquence l'employeur de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire:
- d'annuler l'expertise médicale judiciaire du 4 juin 2018 en raison de son caractère incertain,
- de nommer un nouvel expert médical judiciaire,
- d'ordonner une nouvelle expertise médicale judiciaire sur pièces afin de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de Mme [N] suite à sa maladie professionnelle du 19 juin 2014.
Par conclusions reçues au greffe le 8 octobre 2021, soutenues oralement à l'audience par son conseil, la [4] demande à la cour:
- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,
Y faisant droit,
A titre principal: sur la confirmation du jugement et la fixation de la date de consolidation au 16 juillet 2014 et l'inopposabilité à l'égard de la société [4] des arrêts de travail postérieurs à cette date :
¿ constater qu'aux termes des conclusions claires, précises et circonstanciées du rapport d'expertise, le docteur [S] considère que la consolidation doit être fixée au 16 juillet 2014 et qu'au - delà les arrêts de travail postérieurs au 16 juillet 2014 ne sont plus rattachables à la maladie professionnelle du 19 juin 2014 déclarée par Mme [N],
¿ constater que devant la cour, la caisse ne verse aucun élément nouveau pour critiquer le jugement,
En conséquence,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé la consolidation de la maladie professionnelle du 19 juin 2014 à l'égard de la société [4] au 16 juillet 2014 et qu'il a déclaré inopposables les arrêts de travail pris en charge par la caisse au- delà de cette date,
En tout état de cause,
- débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la caisse à verser à la société [4] la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé aux conclusions pour un exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR
Les premiers juges ont retenu qu'il résulte tant du rapport de l'expert que du jugement qui s'approprie les conclusions expertales que l'épitrochléite du coude droit déclarée par Mme [N] le 11 juillet 2014, sur la base d'un certificat médical initial du 19 juin 2014, doit être considérée comme consolidée au 16 juillet 2014.
Seule est en litige l'imputabilité des soins et arrêts pris en charge au titre de cette pathologie.
Le docteur [S] a été désigné par le tribunal des affaires de sécurité sociale par jugement du 30 mars 2018, avec pour mission notamment de déterminer la date de consolidation de l'épitrochléite droite déclarée le 11 juillet 2014 par Mme [N].
Dans son rapport, il reprend les différents certificats médicaux versés au dossier.
Il relève que le certificat médical initial du 19 juin 2014 a porté le diagnostic d'une épitrochléite du coude droit, que celui du 16 juillet 2014 ne fait plus mention de cette épitrochléite mais d'une épicondylite droite (même type d'affection sur le côté externe du coude), que les deux certificats suivants des 27 août et 26 septembre 2014 ne mentionnent plus l'épicondylite droite mais qu'à partir de celui du 22 novembre 2014 jusqu'à celui du 29 avril 2015, les deux maladies sont mentionnées conjointement.
Il conclut son rapport en ces termes:' Le CMI porte le diagnostic de syndrome d'épitrochléite droite. Dans le cas de Mme [N], on ne connaît ni la symptomatologie initiale, ni le traitement appliqué. L'apparition d'une seconde affection [épicondylite], totalement différente de celle signalée initialement ne peut pas lui être associée.
On supportera l'hypothèse que l'épitrochléite droite n'était plus symptomatique à la date du 16 juillet 2014 et à ce titre fixe une consolidation au 16 juillet 2014.'
Les conclusions de l'expert reposent donc sur une hypothèse. Elles ne peuvent donc être retenues.
En l'espèce, le certificat médical initial du 19 juin 2014 établi au titre de l'épitrochléite du coude droit a prescrit un arrêt de travail à Mme [N] jusqu'au 18 juillet 2014.
Il est constant que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète soit la consolidation de l'état de la victime et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, soit celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie soit d'une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.
En conséquence, la présomption d'imputabilité s'applique.
En outre, il convient d'ajouter que trois arrêts de travail prescrits du 16 juillet 2014 au 31 août 2014, du 27 août 2014 au 30 septembre 2014 et du 25 septembre 2014 au 31 octobre 2014, l'ont été au seul titre de l'épicondylite droite, tout en faisant référence à une date de première constatation médicale le 19 juin 2014, ce qui correspond à l'épitrochléite.
Les arrêts de travail prescrits du 22 novembre 2014 au 30 juin 2015 l'ont été au titre des deux pathologies: épicondylite et épitrochléite .
Dans une note du 7 novembre 2017, le médecin conseil de la caisse souligne que les deux pathologies, épitrochléite et épicondylite, sont distinctes mais peuvent être concomitantes,que Mme [N] a été traitée de son épitrochléite droite par deux infiltrations en septembre et en décembre 2014 par la mise au repos, des séances de kinésithérapie et de mésothérapie, que les examens complémentaires effectués le 10 septembre 2014 ont confirmé le diagnostic d'épitrochléite et la persistance de cette pathologie à cette date.
Il conclut que la date de consolidation au 16 juillet 2014 n'est basée sur aucune preuve médicale et que la consultation spécialisée du 3 septembre 2014 ainsi que l'échographie du 10 septembre 2014 prouvent que cette pathologie a fait souffrir Mme [N] de nombreux mois, que malgré cela , elle a repris son travail à un poste aménagé le 2 février 2015 jusqu'au 30 septembre 2015, date de la consolidation de la maladie professionnelle.
En outre, par une note du 6 août 2018, le médecin conseil de la caisse mentionne que le tableau clinique de Mme [N] en rapport avec l'épitrochléite du coude droit reconnu en maladie professionnelle n'est pas stabilisé en date du 16 juillet 2014.
Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, il est manifeste que les soins et arrêts prescrits à Mme [N] jusqu'au 30 septembre 2015 sont imputables à la maladie épitrochléite du coude et qu'ils sont donc opposables à la [4].
Le jugement déféré, qui s'est fondé sur les conclusions de l'expert qui reposent sur une hypothèse, sera donc infirmé.
La [4] qui succombe supportera les dépens d'appel et sera déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déclare opposables à la [4] les conséquences financières de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de la maladie du 19 juin 2014 déclarée le 11 juillet 2014 par Mme [N], et ce jusqu'au 30 septembre 2015,
Condamne la [4] aux dépens d'appel,
Déboute la [4] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX