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05/05/2022 | FRANCE | N°21/00306

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 05 mai 2022, 21/00306


AFFAIRE : N° RG 21/00306

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVV3

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 24 Décembre 2020 - RG n° F19/00121









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 05 MAI 2022





APPELANT :



Monsieur [I] [K]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté par Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN


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INTIMEE :



Association DE LA MONNAIE NORMANDE CITOYENNE L'Association de la Monnaie Normande est représentée par son Président agissant poursuites et diligences,

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me AP...

AFFAIRE : N° RG 21/00306

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVV3

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 24 Décembre 2020 - RG n° F19/00121

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 05 MAI 2022

APPELANT :

Monsieur [I] [K]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

Association DE LA MONNAIE NORMANDE CITOYENNE L'Association de la Monnaie Normande est représentée par son Président agissant poursuites et diligences,

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me APERY, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 24 février 2022, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 05 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

L'association 'La monnaie Normande Citoyenne', l'association AMNC, a pour objet l'émission et la gestion de la monnaie normande citoyenne ;

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 6 mars 2018, M. [I] [K] a été engagé par l'association AMNC en qualité de directeur de l'association moyennant une rémunération brute forfaitaire de 3350 €, outre une prime de résultat, et la durée et la gestion du temps de travail correspondant à une équivalence annuelle de 214 jours travaillés ;

Il a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 28 août 2018 jusqu'au 14 septembre 2018 puis du 18 septembre au 22 octobre 2018 ;

Entre temps, le 5 septembre 2018, le président de l'association, M. [X], a indiqué se « mettre en retrait de l'association » ;

M. [K] a adressé à M. [X] président de l'association, le 6 septembre 2018, une demande de rupture conventionnelle, a été convoqué à cette fin le 7 septembre et un protocole de rupture conventionnelle a été signé le 17 septembre 2018 entre M. [K] et M. [X] moyennant le versement d'une indemnité de rupture de 27500€ ;

Le 18 septembre 2018, M. [X] a démissionné de ses fonctions de président de l'association AMNC ;

Par lettre du 21 septembre 2018, l'association AMNC a notifié à M. [K] la dénonciation et rétractation du protocole d'accord pour rupture conventionnelle ;

Le 1er octobre 2018, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement pour le 10 octobre suivant et a été licencié par lettre recommandée du 17 octobre 2018 pour faute ;

Se plaignant de harcèlement moral, de la légitimité de la rupture de son contrat et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, il a saisi, le 12 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Caen lequel par jugement rendu le 14 décembre 2020 a :

- dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

- dit que le harcèlement moral ne peut être retenu ;

- dit que M. [K] était informé de la portabilité de ses droits ;

- dit que les frais professionnels ne sont pas justifiés ;

- condamné l'association à lui payer la somme de 3350 € net au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et celle de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [K] de ses autres demandes ;

- condamné l'association aux dépens ;

Par déclaration au greffe du 2 février 2021, M. [K] a formé appel de cette décision qui lui avait été notifié le 8 janvier 2021 et dont la notification ne figure pas au dossier de première instance ;

Par conclusions remises au greffe le 21 avril 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de CAEN en date du 24 décembre 2020 en ce qu'il a condamné l'association AMNC, à payer à M.[K] la somme de 1.200,00 € au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile,

- l'infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- dire et juger recevables les demandes de M. [K]

- dire et juger nul le licenciement de M. [K],

- condamner, en conséquence, l'association AMNC, à lui payer les sommes suivantes :

- 15.000,00 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 6.700,00 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 670,00 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,

- 27.500,00 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, à défaut, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.000,00 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour absence de portabilité des régimes de mutuelle et de prévoyance santé,

- 614,05 € à titre de remboursement des frais professionnels exposés,

- 1.800,00 € d'indemnité pour frais irrépétibles exposés en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- dire que les sommes à caractère salarial produiront intérêts à compter de la convocation des parties à la première audience du Bureau de conciliation et d'Orientation intervenue le 18 mars 2019,

- ordonner la capitalisation des intérêts échus annuellement, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil,

- dire que les sommes indemnitaires produiront intérêts à compter de la décision à intervenir,

- condamner l'association AMNC, succombant à la procédure, à supporter les entiers dépens de l'instance ;

Par conclusions remises au greffe le 13 juillet 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, l'association de la monnaie normande citoyenne (MNC) demande à la cour de :

-infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de CAEN en ce qu'il a condamné l'AMNC au paiement de la somme de 3.350 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il a débouté M. [K] de l'ensemble de ses autres demandes ;

- Statuant à nouveau ;

- débouter [K] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner [K] à payer à l'association concluante une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

MOTIFS

I - Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Selon l'article L.1154-1 du même code, le salarié a la charge a la charge de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Le salarié invoque une dégradation de ses conditions de travail dès le mois de juin 2018, par la remise en cause de ses attributions par le conseil d'administration de l'association et la mise en place d'un tutorat constitué de quatre référents en charge de son suivi, alors qu'il disposait d'une large délégation de pouvoirs, des mises en cause personnelles et des agissements visant à le déstabiliser et la confiscation de ses clés ordinateur et matériel professionnel sans autre formalité, précisant sur ce dernier point qu'il a dénoncé le droit de retrait qu'il n'a jamais entendu exercer le 17 septembre 2018 ;

L'employeur fait valoir qu'à l'expiration de la période d'essai, M. [K] s'est comporté comme dirigeant seul l'association et n'ayant aucun compte à rendre aux membres du bureau à l'exception de son président, que le suivi de ses actions correspond à l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur, ce en application de l'article 23 des statuts et de sa délégation de pouvoir, aucune remise en cause de ses attributions n'est intervenue et aucun terme dénigrant ou insultant n'a été utilisé ;

1) Sur la remise en cause de ses attributions et les propos tenus à son encontre

Il est produit aux débats :

-Le relevé de décision du 3 août 2018 du bureau de l'association, réuni pour « redéfinir et les priorités d'intervention et les processus de mise en 'uvre », après avoir constaté : « un besoin de consolidation et de développement du Rollon à [Localité 5], un besoin de rassurer les partenaires et notamment la Région sur l'avancée du projet, un besoin de trouver des solutions pour assurer le développement par C-Réél et un besoin de structurer et prioriser les interventions de l'équipe technique », a pris les décisions suivantes :

« Prioriser le développement [Localité 5], la transmission des éléments de suivi à la Région et notamment les conditions de mise en place du prêt à taux zéro, et la mise en place d'une stratégie de mobilisation et d'animation d'un réseau de bénévoles et de personnes ressources « ;

« Ces éléments feront l'objet d'une lettre de mission au Directeur en précision du profil de poste. Il lui est demandé de nous faire des propositions de développement sur ces trois points de façon hebdomadaire « ;

« Pour ce faire, sont nommés comme référents pour le bureau : [G] [B], secrétaire : suivi du Directeur pour rédaction et transmission des éléments de bilan, [L] [N], trésorier : suivi du Directeur pour la mise en place du plan de trésorerie et du besoin de financement. Suivi du lien au prestataire C-réél ; [A] [Y] : suivi du Directeur pour une stratégie de mobilisation et d'animation d'un réseau de bénévoles et de personnes ressources ; [P] [D] : suivi du Directeur pour optimisation du planning de représentations publiques et mise en place d'un suivi communication » ;

Cette décision du bureau a été prise par un vote à l'unanimité des personnes présentes soit M. [X], président, Mme [M], M. [B], M. [N], M. [Y] (par téléphone) et M. [D] ;

- des échanges de courriels le 12 août 2018 entre le président et les membres du bureau à propos des termes employés « suivi du directeur », le président estimant que « le directeur n'a qu'un chef devant lequel il rend compte : le président » et que « tel qu'il est rédigé, le compte rendu indique que [I] a cinq chefs et ce n'est simplement pas possible pour un fonctionnement normal' ;

- un courriel du 20 août 2018 du M. [X] aux membres du bureau leur indiquant que « la mise en cause du directeur qui fait son maximum mais qui a montré qu'il avait besoin d'aide ne peut pas continuer, les critiques ou mises en garde ou pressions nuisent à la sérénité de notre travail et de nos relations ». M. [X] précise dans son message que « la nouvelle organisation avec ses référents sous le contrôle du président est un point positif qui nous amènera à plus d'efficacité à la condition que les référents se comportent comme des appuis positifs au directeur et non pas comme des chefs » ;

- un relevé de décision du bureau du 27 août 2018 en présence de M. [X], Mme [M], M. [B], M. [N], M. [Y] et M. [D] (représenté), en présence également de M. [K] . Deux des points à l'ordre du jour concernaient :

* « Eclaircissement du rôle des référents : le président demande de modifier le compte rendu du 3 août 2018 en ces termes « suivi du Directeur » par « suivi avec le Directeur », ce qui n'est pas accepté par le vote ;

* Bilan des actions AMNC/Directeur : il est mentionné : « demande de Mme [M] d'avoir le contact par territoire, des personnes contactées. Le Directeur annonce qu'il y a des fiches prospects et qu'il les transmettra sur format PDF. Demande de [G] [B] d'avoir un reporting des actions terrain par fiche action. Il est demandé au Directeur de s'appuyer davantage sur les administrateurs » ;

- un courriel de M. [K] à M. [X] du 28 août 2018 expliquant qu'il avait entendu à plusieurs reprises que son action avait été inutile, qu'il était ni compétent ni professionnel, que le bureau a décidé de le démettre d'une partie de ses fonctions de le mettre sous tutelle et de l'écarter de toute prérogative de manager. Il conclut que cette situation le place dans « une situation d'humiliation et de détresse morale lourde », et qu'il souhaite se mettre en retrait en attendant un avis médical qu'il aura à 16h aujourd'hui » ;

- par courriel du même jour à 21h49, M. [X] a indiqué aux membres du bureau que « faisant suite à la réunion d'hier, je vous informe que [I] m'a signifié ce matin utiliser son droit de retrait. Par ailleurs son médecin lui a prescrit un arrêt de travail allant de ce jour jusqu'au mercredi 5 septembre inclus « ;

- un procès-verbal de réunion du conseil d'administration du 17 septembre 2018 en présence de M. [X], Mme [M], M. [N], Mme [S], M. [B], M. [R], M. [C], M. [Y] et M. [H]. M. [K], présent en début de séance s'est retiré à la suite d'un vote du conseil d'administration (opposition de M. [X]) afin qu'il puisse être débattu de la situation administrative du Directeur sur le point de savoir s'il était en arrêt de travail et en droit de retrait. Le conseil d'administration a donné mandat au bureau, en ce qui concerne M. [K], de : « recevoir dès ce jour M. [K] pour lui demander de clarifier sa situation administrative à savoir s'il réfute être en droit de retrait et le cas échéant, de restituer les outils de travail le temps de la procédure pour ne pas bloquer le fonctionnement de l'association. Dans le cas contraire, il est demandé à M. [K] de se mettre au travail dès le 18 septembre 2018 sous responsabilité des membres du bureau. »

Enfin, il résulte de ce procès-verbal qu'après avoir été informé de la signature de la rupture conventionnelle avec M. [K], le conseil d'administration a décidé de ne plus maintenir sa confiance au président, et a convoqué un conseil d'administration pour le 25 septembre suivant pour appel à candidature et élection du nouveau président ;

- un courriel du 18 septembre 2018 de M. [K] à M. [Y] où il indique « avoir été en arrêt maladie et uniquement en arrêt maladie à compter du 28 août, renouvelé le 4 septembre jusqu'au 14 septembre. Reprise effective le lundi 17 septembre, jour où vous avez retiré mon ordinateur de travail et l'accès à mon bureau » ;

- une attestation de M. [X] du 4 mars 2019 indiquant que certains membres de l'association ont harcelé, agressé régulièrement et parfois humilié M. [K], en lui donnant des ordres écrits en contradiction absolue avec son contrat de travail. Il indique notamment que Mme [M], représentante de la Région, « n'a pas arrêté de l'agresser, de remettre en cause son implication, sa sincérité et sa probité, de lui donner des ordres malgré mes mises en garde, en opposition avec le fait que l'association devait être totalement indépendante de son financeur exclusif », précisant que les mails internes à l'association étaient systématiquement transmis aux services de la Région malgré mes oppositions. Il évoque également l'attitude de M. [D] qui a critiqué de manière répétée le travail de [I] devant des personnalités extérieures à l'association et d'en faire copie au personnel de la Région, ce qui est une humiliation évidente pour lui ;

-------

Le contrat de travail de M. [K] mentionne qu'il exerce la fonction de directeur de l'association en référence à la fiche de poste (non annexée au contrat), et que conformément aux statuts et réglements de l'association, il est placé sous l'autorité du président ;

Il a reçu une délégation de pouvoirs le 23 avril 2018 pour l'essentiel en matière de droit du travail et obligations en matière d'hygiène et de sécurité, mais également, pour « préparer les travaux du bureau et participer à ses réunions », la délégation précisant que « le directeur rend compte au bureau du fonctionnement des activités et de leur évolution. Il propose au bureau les orientations d'activité et options budgétaires annuelles et veille à l'exécution des décisions arrêtées par le bureau » ;

Selon l'article 23 des Statuts de l'association, le bureau, élu par le conseil d'administration parmi ses membres, « supervise et contrôle la gestion courante de l'association, le conseil d'administration définit les orientations de l'association et a plein pouvoir pour la gestion de l'association et la réalisation de l'objet social. Le président qui représente l'association veille à la mise en 'uvre des décisions arrêtées par le conseil d'administration et le bureau ;

La fiche de poste de M. [K] n'est pas produite aux débats ;

Au vu de ces éléments, la décision prise le 3 août 2018 par le Bureau de l'association, en accord avec le président de celle-ci, s'agissant d'une décision prise à l'unanimité, ne constitue nullement une modification des attributions de M. [K]. Il s'agit en effet d'une priorisation de certaines actions à entreprendre, relevant des pouvoirs du bureau conformément à l'article 23 précité et ne conduisant à aucun retrait ou modification des attributions de M. [K] dont il ne précise d'ailleurs pas lesquelles.

Par ailleurs, la nomination de quatre référents chargés du « suivi du Directeur » par domaine n'est pas en soi modificatrice des attributions de M. [K]. En effet, la mise en place de référents a été également votée par le président de l'association, celui-ci estimant même dans son courriel du 20 août précité que cette nouvelle organisation était positive, et rappelant en outre que l'objectif de la réunion du bureau était d'aider et d'accompagner [I] compte tenu du fait qu'il avait trop de charges de travail et de lui définir des priorités (courriel du 13 août 2018 de M. [X]) ;

S'il est vrai que le président a souhaité modifier les termes de suivi « du » Directeur par suivi « avec », ce qui a été refusé par les autres membres du bureau, ce fait n'a aucune incidence sur le fait qu'il demeure placé sous l'autorité du président ;

Sur les propos insultants, humiliants ou déstabilisants tenus à l'encontre du salarié par des membres du conseil d'administration, ceux-ci ne résulte d'aucun élément ou pièce autre que l'attestation de M. [X]. Or, outre que cette dernière décrit des comportements généraux de certains membres du conseil d'administration sans décrire de faits précis, elle ne peut, compte tenu du conflit existant entre lui et le conseil d'administration, et plus particulièrement les membres du bureau, ayant conduit à un vote de défiance, avoir un caractère suffisamment probant faute d'être corroboré par d'autre éléments ;

Dès lors, ni le retrait des fonctions ni les propos insultants, humiliants ou déstabilisants ne sont pas établis ;

2) Sur la reprise du matériel de travail

Il résulte de l'attestation de Mme [T], engagée en qualité d'assistante administrative et comptable de l'association le 20 août 2018 et pour une durée de 9 mois, dont l'employeur n'explique pas en quoi son attestation ne serait pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, que le 17 septembre 2018, les membres du conseil d'administration à la suite d'une réunion, ont récupéré le matériel de travail de M. [K], « prétextant qu'il n'avait pas le droit d'être ici sans accord de la médecine du travail et nous ont demandé de partir » ;

L'employeur ne conteste d'ailleurs pas la matérialité des faits, expliquant que cette demande de restitution était motivée par l'exercice de M. [K] de son droit de retrait ;

Or, alors qu'il avait été informé de l'exercice du droit de son droit de retrait par le salarié le 28 août précédent, l'employeur n'avait cependant pas jugé utile de reprendre le matériel de travail et n'apporte aucun élément expliquant la nécessité d'opérer cette reprise au moment du second arrêt de travail ;

Ce fait est donc établi ;

Si les arrêts de travail pour maladie produits aux débats ne comportent aucune mention particulière quant à leur cause, les conclusions du médecin du travail à la suite de la visite de pré-reprise du 19 novembre 2018 indiquent que le salarié « risque de ne pouvoir reprendre ni son poste ni un autre dans l'entreprise » ;

Toutefois, le fait unique de reprise du matériel du travail dans les circonstances rappelées ci-avant, même associé aux éléments médicaux produits, est insuffisant pour faire présumer d'un harcèlement moral ;

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts ;

II - Sur le licenciement

Au vu de ce qui précède, la demande de nullité du licenciement, fondée sur le harcèlement moral subi, sera rejetée ;

En ce qui concerne la demande de voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient au préalable d'observer que le salarié ne reprend pas devant la cour la motivation retenue par les premiers juges pour considérer le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

La lettre de licenciement est motivée par « altération du lien de confiance et de loyauté » et vise les éléments suivants :

- insuffisance de la réalisation de la monnaie « Le Rollon » sur le territoire de [Localité 5] :

La lettre reproche au salarié l'absence de propositions opérationnelles au directeur de cabinet de la ville de [Localité 5] et « l'interdiction faite à notre sous-traitant C-REEL de démarcher sans votre accord les élus intercommunautaires de ce même bassin de vie ».

Toutefois, à le supposer établi, ce premier reproche relève de l'insuffisance professionnelle et n'a aucun caractère fautif ;

Concernant le second reproche, un courriel de M. [J] du C-REEL du 22 juillet 2018 indique que M. [K] leur avait indiqué que C-REEL ne pouvait prendre contact directement avec les communautés de commune ou mairies ; Ce point n'est pas contesté par le salarié qui indique sans l'établir qu'il a agi conformément aux directives du chef de cabinet du président de la Région et de Mme [M] également élue de la région. Toutefois, l'employeur n'indique pas en quoi ce fait peut être considéré comme fautif ;

- la décision de modifier sans accord la contribution par habitant

Par courriel du 12 juillet 2018, M. [K] a proposé à une collectivité de revoir à la baisse le montant de la cotisation fixée de 0.05 centimes par habitant vivant sur le territoire. Contrairement à ce qu'il soutient, le salarié ne démontre pas par la production des grilles tarifaires de mars et avril 2018 qu'il avait une latitude pour réduire la cotisation à 0.03 centimes, ces grilles mentionnant toutes le montant de 0.05 centimes. Ce grief est donc établi ;

- l'absence de remise des fiches prospects

L'employeur ne démontre pas avoir réclamé au salarié ces fiches prospects avant le 27 août 2018 à l'occasion de la réunion du bureau. Aucun reproche ne peut donc être fait au salarié sur ce point puisqu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 28 août 2018 ;

- pose de congés sans validation

Ce grief n'est pas établi puisque le salarié justifie que ces congés de 2018 ont été validés par un courriel du président de l'association par un courriel du 2 juillet 2018 ;

- avoir dit à un administrateur qu'il n'avait pas à examiner son travail

Le salarié, dans un courriel adressé le 20 août 2018 à M [D], membre du conseil d'administration et de son bureau, lui a indiqué « je ne suis pas salarié de l'association, j'en suis le directeur », et plus loin dans le même message, « tu n'as pas à examiner mon plan » ;

Toutefois, compte tenu de la rédaction du contrat de travail, du litige entre les membres du conseil d'administration, le président de l'association et le salarié, dans lequel ce mail s'inscrit, ces propos ne caractérisent aucun refus du salarié de se soumettre au pouvoir de l'employeur. Ce grief ne sera donc pas retenu

- absence de fourniture des comptes rendus et pièces jointes des réunions de bureau et de conseil d'administration

L'employeur indique que le salarié avait l'obligation de conserver et de remettre tous les actes délibératifs lorsque la demande lui en était faite. Toutefois, il n'invoque et à fortiori ne justifie d'aucune demande en ce sens au salarié qui n'aurait pas été satisfaite ;

Ce grief n'est pas établi ;

Ainsi, seul le grief lié à une mauvaise application de la politique tarifaire est établi. Toutefois, en l'absence d'autres éléments relatifs notamment aux conséquences de cette décision pour l'employeur, la sanction de ce grief par un licenciement apparaît disproportionnée ;

Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse ;

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, le salarié peut prétendre, au vu de son ancienneté et de la taille de l'entreprise, à une indemnité maximale correspondant à un mois de salaire brut ;

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 3350 €;

Le jugement sera confirmé ;

Le salarié peut également prétendre à une indemnité compensatrice de préavis. L'employeur s'y oppose au motif que le salarié n'a pas été dispensé de son préavis. Toutefois, ces éléments sont inopérants dès lors que le licenciement est considéré sans cause réelle et sérieuse ;

Il convient en conséquence de lui allouer une somme de 6700 € correspondant à deux mois de salaire outre les congés payés afférents de 670 €, ces montants n'étant pas contestés y compris subsidiairement ;

III - Sur les autres demandes

- Sur les dommages et intérêts pour absence de portabilité des régimes de mutuelle et de prévoyance santé

Si la lettre de licenciement ne donne effectivement aucune information à ce titre, le salarié ne démontre toutefois pas le préjudice qu'il en a concrètement subi ;

Il convient par confirmation du jugement de rejeter sa demande ;

- sur le remboursement des frais professionnels

Le salarié demande une somme de 354.05 € correspondant au coût de cartouches d'encre pour son imprimante personnelle.

Toutefois il ne démontre pas qu'il était conduit à devoir utiliser son imprimante personnelle pour imprimer des documents professionnels ;

Il demande également le remboursement d'une somme de 260 € correspondant à l'utilisation après son départ de son compte Facebook du Rollon et de ses coordonnées bancaires ;

Si le salarié produit des relevés de son compte bancaire mentionnant trois débits en décembre 2018 d'un montant total de 260 €, il n'établit pas en revanche d'une part que ces débits proviennent du compte Facebook du Rollon et d'autre part et en tout état de cause qu'il a utilisé sa carte bancaire personnelle pour des dépenses de ce compte professionnel ;

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes ;

- sur les intérêts, dépens et indemnités de procédure

Les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes

Les dommages et intérêts alloués porteront intérêt à compter du jugement ;

Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées ;

En cause d'appel, l'association AMNC qui perd le procès sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 1300 € à M. [K] ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 24 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Caen en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

Condamne l'association AMNC à payer à M. [K] la somme de 6700 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 670 € au titre des congés payés afférents ;

Condamne l'association AMNC à payer à M. [K] la somme de1300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande aux mêmes fins ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;

Les dommages et intérêts alloués porteront intérêt à compter du jugement ;

Dit que les intérêts se capitaliseront quand ils seront dus pour une année entière ;

Condamne l'association AMNC aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00306
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;21.00306 ?
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