La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2022 | FRANCE | N°21/00234

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 05 mai 2022, 21/00234


AFFAIRE : N° RG 21/00234

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVP5

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 24 Décembre 2020 - RG n° F 19/00400









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 05 MAI 2022





APPELANTE :



S.A.R.L. [K] CONSEIL IMMOBILIER agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.


[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Jérémie PAJEOT, substitué par Me LEFEBVRE, avocats au barreau de CAEN





INTIME :



Monsieur [P] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Repré...

AFFAIRE : N° RG 21/00234

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVP5

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 24 Décembre 2020 - RG n° F 19/00400

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 05 MAI 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. [K] CONSEIL IMMOBILIER agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, substitué par Me LEFEBVRE, avocats au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [P] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Claire VOIVENEL, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 24 février 2022, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller, rédacteur,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 05 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

M. [U] a été embauché à compter du 1er janvier 2018 par la société [K] conseil immobilier en qualité de négociateur immobilier, statut VRP non cadre.

Il a indiqué par lettre du 26 juillet 2018 donner sa démission avec effet au 18 août 2018.

Par lettre du 27 juillet 2018, la société [K] conseil immobilier a répondu accepter la réduction du préavis au 18 août, levé la clause de non-concurrence et rappelé à M. [U] qu'il bénéficiait d'un droit de suite sur les affaires résultant de son travail pendant une durée de 6 mois.

Le 26 septembre 2018, M. [U] a mis la société [K] en demeure de lui payer les commissions sur un certain nombre d'affaires qu'il énumérait.

Estimant n'avoir pas été réglé de la totalité de ce qui lui était dû, il a, le 22 juillet 2019,

saisi le conseil de prud'hommes de Caen aux fins d'obtenir un rappel de salaire, des dommages et intérêts pour harcèlement moral, voir juger nulle sa démission et obtenir une indemnité pour licenciement nul.

Par jugement du 24 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Caen a :

- dit que la démission doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse

- condamné la société [K] conseil immobilier à payer à M. [U] les sommes de :

- 18 525 euros à titre de commissions

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que les intérêts au taux légal des commissions courent à compter de la signification du 3 octobre 2018 pour les ventes effectuées par acte authentique avant cette date et à compter de la vente par acte authentique pour les autres commissions au delà du 3 octobre 2018

- ordonné à la société [K] conseil immobilier de remettre à M. [U] un bulletin de paie et une attestation pôle emploi conformes au jugement

- débouté M. [U] du surplus de ses demandes

- débouté la société [K] conseil immobilier de ses demandes

- condamné la société [K] conseil immobilier aux dépens.

La société [K] conseil immobilier a interjeté appel de ce jugement, en celles de ses dispositions ayant requalifié la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'ayant condamnée au paiement des sommes précitées et déboutée de ses demandes.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 7 février 2022 pour l'appelante et du 21 juillet 2021 pour l'intimé.

La société [K] conseil immobilier demande à la cour de :

- à titre principal, annuler le jugement et statuer à nouveau, débouter M. [U] de ses demandes et lui ordonner de rembourser les condamnations.

- à titre subsidiaire infirmer le jugement,débouter M. [U] de ses demandes et lui ordonner de rembourser les condamnations.

- en tout état de cause, condamner M. [U] à lui payer les sommes de 2 405,70 euros au titre des amendes, 3 000 euros au titre de l'amende civile, 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonner à l'employeur de remettre sous astreinte les documents de fin de contrat conformes et les bulletins de paie et de régulariser les cotisations dues auprès des diverses caisses de protection sociale.

- dire ce que de droit sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail.

M. [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a limité à 1 000 euros l'indemnité pour harcèlement moral et à 1 000 euros l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamner la société [K] conseil immobilier à lui payer les sommes de 10 000 euros pour harcèlement moral, 33 530 euros pour licenciement nul et subsidiairement 5 588 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonner la remise sous astreinte d'un bulletin de salaire et d'une attestation pôle emploi.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 février 2022.

SUR CE

1) Sur la nullité du jugement

L'appelante soutient que le conseil de prud'hommes a violé le principe du contradictoire en requalifiant la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu'il ne lui était demandé que de la déclarer nulle pour vice de consentement.

Il résulte des termes du jugement que le conseil de prud'hommes était saisi d'une demande tendant à voir dire nulle la démission et à voir dire qu'elle produit les effets d'un licenciement nul, M. [U] ayant d'une part allégué un vice du consentement et d'autre part un harcèlement moral précédant la rupture.

Les premiers juges ont retenu un contexte de violence morale qui conduisait à 'remettre en cause cette démission qui n'a pas été donnée librement et à la requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse'.

En requalifiant en licenciement sans cause réelle et sérieuse la démission, les premiers juges ont tiré cette conséquence du contexte de violence morale qu'ils retenaient et qui avait bien été débattu contradictoirement quant à lui, de sorte que s'agissant de tirer simplement les conséquences d'une situation dont tous les éléments avaient été débattus contradictoirement ils n'étaient pas tenus de soumettre cette conséquence à un nouveau débat contradictoire, la question des conséquences de la violence morale en termes de rupture ayant été elle aussi dans le débat.

Il n'y a donc pas lieu au prononcé de la nullité du jugement.

2) Sur le rappel de commissions

Le contrat de travail stipulait que M. [U] percevait des 'commisions sur les compromis directement signés par son intermédiaire d'un montant de 30% du chiffre d'affaires afférent s'entendant du chiffre d'affaires hors taxes afférent à la vente et effectivement encaissé par la société après promesse ou compromis réitéré devant notaire ou assimilé'.

Il stipulait en outre qu'en cas de rupture du contrat de travail, M. [U] bénéficierait d'un droit de suite concernant les commisions qu'il aurait perçues dans le cas où le contrat de travail n'aurait pas expiré sous deux conditions cumulatives : ces affaires devraient être la 'suite et la conséquence du travail effectué par lui pendant l'exécution de son contrat de travail', elles devront avoir été réalisées dans la durée du droit de suite (6 mois).

- Vente [O]-[V]

Les pièces produites par M. [U] établissent qu'il était en contact dès août 2017 avec M. [V] intéressé par l'achat d'un appartement et en contact avec M. [B], locataire d'un bien appartenant à M. [O], que le 27 février 2018 il a écrit au notaire pour convenir d'une date de signature d'une promesse de vente d'un bien situé [Adresse 1], que le 5 mars 2018 il a transmis au notaire prix de vente, numéro de mandat signé le 22 février 2018 et passeport de M. [V].

M. [U] verse en outre aux débats un mail adressé le 10 mars 2018 par Mme [K] gérante à M. [L] de l'étude de notaires Fatome aux termes duquel, à cette date Mme [K] indique qu'elle n'est pas intervenue pour indiquer à M. [U] le bien en vente ni pour lui donner des coordonnées de M. [O], qu'il s'est débrouillé tout seul et n'a bénéficié d'aucune aide ni renseignement de sa part, qu'elle a aperçu M. [O] lui déposant des clés et conclut 'je n'ai pas moi-même géré ce dossier, je préfère qu'il vous rencontre directement'.

Cependant, une attestation de M. [V] est produite par la société [K] aux termes de laquelle celui-ci fait état de difficultés rencontrées avec M. [U] qui l'ont conduit à ne plus vouloir travailler avec l'agence (il a découvert que le notaire était en possession d'une proposition différente de celle qu'il avait transmise et que sa signature avait été falsifiée) avant qu'il accepte finalement de renouer avec elle et de régulariser avec Mme [K] un mandat de recherche.

Dans un sms évoqué au titre du harcèlement moral M. [U] indiquait 'j'ai conscience de la merde et de la responsabilité juridique pour [E] et [V] et çà je m'en excuse'.

Le mandat de recherche a été signé le 22 février avec Mme [K], c'est à elle que M.[V] a envoyé par mail le 5 avril un accord pour l'achat.

En cet état, le compromis n'a pas été signé dans des conditions ouvrant droit à commission pour M. [U].

- Vente [G]/[T] et [Y]/[G]

M. [U] produit un certain nombre de mails attestant de ses échanges avec l'étude de notaires chargée de ces ventes et du fait que Mme [K] lui retransmettait nombre de mails émanant de cette étude.

La société [K] oppose que c'est en réalité M. [W] [H], stagiaire, qui s'est occupé de ces ventes, ce dont attestent ses initiales sur un tableau de suivi des compromis.

Cependant, elle admet elle-même qu'aucune commission n'a été versée à M. [H] parce qu'il était en stage et ce dernier atteste qu'en sa qualité de tuteur M. [U] est la seule personne qui s'est occupée de la transaction et l'a gérée de A à Z en sa collaboration, visant expressément les transactions susvisées.

En cet état, la commission est due à M. [U], soit les sommes de 1 625 et 3 000 euros

- Vente K&L/ [J]

M. [U] expose exactement que cette vente figurait sur le tableau des affaires en cours établi à son nom le 22 août 2018, il produit des SMS établissant ses contacts avec le locataire du bien appartenant à Mme [K] et avec l'acquéreur, la société [K] reconnaît que 'Mme [K] a demandé à M. [U] de trouver un acquéreur ce qu'il a fait', par SMS Mme [K] a demandé à M. [U] de préparer le compromis pour son appartement, M. [U] indique que son nom figurait sur le compromis et la lettre de notification du délai de rétractation que la société [K] s'abstient de produire aux débats et force est de relever que sur ces points la société [K] se contente de conclure 'il n'y a donc aucune commission due à M. [U]' sans autre explication.

Il sera donc fait droit à la demande de ce chef, soit une somme due de 1250 euros

- Vente [M]/[S]

La société [K] produit certes un mail de Mme [S] indiquant que la société [K] l'a orientée au cours de plusieurs rendez-vous vers l'acquisition d'appartements à [Localité 4], que seuls Mme [K] et Mme [X] sont intervenues sur ce dossier et qu'elle n'a à aucun moment rencontré M. [U] ni sollicité ses conseils.

Cependant, M. [U] expose exactement que cette vente figurait sur le tableau des affaires en cours établi à son nom le 22 août 2018 et signé par lui-même et l'agence faisant mention d'un compromis en date du 13 septembre 2017 et d'un acte authentique prévu le 30 septembre 2018 et produit aux débats des échanges de mails avec lui-même afférents à ce dossier.

Le document présenté par la société [K] comme une attestation de Mme [D] datée du 1er mars 2019 aux termes de laquelle cette dernière indique qu'à ce jour le mandat de vente du groupe [M] n'est toujours pas régularisé, que beaucoup de points n'étaient pas finalisés en décembre 2018 quand elle a commencé à travailler sur ce dossier, n'est en fait qu'un document dactylographié et non accompagné de pièce d'identité, dès lors dépourvu de force probante pour contredire les mentions du tableau signé.

Il sera fait droit à la demande portant sur la somme de 3 500 euros.

- Vente [I]/[F]

À la demande en paiement est opposé le fait que la vente aurait été signée et facturée le 5 février 2019, soit postérieurement au délai de 6 mois du droit de suite.

Le contrat de travail stipulant que 'le droit de suite court à compter de l'expiration du contrat pour une durée de 6 mois', il en résulte qu'il court du 18 août 2018.

Étant admis que la vente a été signée le 5 février 2019, la commission est due pour le montant réclamé non contesté, soit une somme de 2 000 euros.

- Vente SCI Maison du verre/[A]

Il ressort des pièces produites par la société [K] elle-même que la vente est intervenue le 31 janvier 2019.

Il s'ensuit qu'elle est intervenue dans le délai du droit de suite et que la commission est due, soit une somme de 2 700 euros

- Acquisition SCI Marchel

L'existence d'une vente impliquant la SCI Marchel et l'encaissement d'un quelconque honoraire sont contestés par la société [K] qui soutient que l'attestation de Mme [R] produite pour en justifier n'est pas signée.

Force est de constater que tel est effectivement le cas de ce document dactylographié en conséquence non probant.

Cependant, M. [U] verse également aux débats une pièce 60 consistant en les premières pages d'un acte de vente à la SCI Marchel en date du 31 octobre 2018 faisant mention d'une rémunération de 2 400 euros versée à l'agence [K], pièce qui n'appelle aucune observation de cette dernière, de sorte qu'il sera fait droit à la demande, soit une somme de 700 euros.

Il résulte de ce qui vient d'être exposé un droit à commissions de 14 775 euros et le jugement sera en conséquence infirmé sur le montant accordé.

3) Sur le harcèlement moral

M. [U] soutient avoir subi des agissements de harcèlement moral ayant altéré sa santé et ayant consisté en refus arbitraire et réitéré de lui régler son salaire, reproches sur le fait même d'avoir à le lui régler, retrait de sa carte d'abonnement au parking, remarques et jugements sur sa vie privée et sur sa façon d'élever sa fille, reproches déplacés et incessants, menaces, propos insultants, humiliants à toute heure.

Il verse aux débats :

- un échange de SMS du 14 avril faisant suite manifestement à d'autres échanges non produits puisque M. [U] répond 'et non je ne me sers pas de ma fille' ce à quoi Mme [K] répond effectivement que si, un échange s'en suivant sur ce point, Mme [K] indiquant à M. [U] qu'il se sert d'elle quand il a des 'merdes', qu'il ne veut pas se l'avouer, qu'un enfant a besoin de son père, qu'il devrait se prendre en mains, jouer avec elle, s'intéresser à elle et pas seulement quand il en a besoin

- un SMS de Mme [K] du 14 avril à 3h08 'je pense à tout le mal que je me donne depuis 20 ans et que tu n'as pas l'air de comprendre que tu vas finir par perdre tout. Bref je ne dors pas. Çà me rend malade. Je suis allée voir quelqu'un pour m'enlever mes souffrances', ce propos suivant l'affirmation que M. [U] n'était pas aller voir Mme [JS], ni M. [E] contrairement à ce qui lui avait été demandé

- un SMS non daté de Mme [K] 'tu m'écoeures. Je peux t'appeler. Ou tu ne vas pas me répondre '

- un échange de SMS non daté : Mme [K] indique notamment 'tu m'écoeures' 'Tu uses les gens [P]' 'Mais vraiment pour qui te prends-tu '', 'tu fais tout pour me mettre à bout', 'je pense surtout que tu t'es bien moqué de moi depuis le départ...et c'est toi-même qui m'a dit que tu avais pensé trop à tes comm. Et c'est toi-même qui a toujours besoin d'argent. Tu n'es plus logique dans aucun de tes propos ni tes actes. Çà suffit les conneries', 'tes vices commencent à te faire défaut'. Au cours de cet échange M. [U] fournit des explications, dit aimer son métier et ses clients, en avoir marre que Mme [K] pense cela de lui

- un échange de SMS non daté : Mme [K] écrit à M. [U] 'tu te comportes comme un connard. Tu as foutu ta vie en l'air c'est ton choix. Tu sors tu fais de la merde c'est ton choix. Mais putain aies du respect pour les gens qui t'ont aidé...je te souhaite de vivre avec un connard les mêmes choses que tu me fais subir' et M. [U] répond 'tu ne te rends pas compte, c'est du harcèlement et du stress ! C'est ingérable de bien faire çà va jamais' et Mme [K] répond 'nou, ouvre les yeux. Et dis moi dans ce cas quand tu vas tenir tes obligations... je m'aperçois que tu as eu plein de messages reste mort... et tu arrives le matin quand tu veux...'

- un SMS de Mme [K] répondant à M. [U] qu'il ne veut plus être son problème ni rentrer dans une guerre 'et moi je préférerai être en clientèle que gérer ta merde... et franchement aujourd'hui c'est le cadet de mes soucis de savoir si tu prends les choses bien ou non... tu mérites juste le mépris'

- un SMS de Mme [K] : 'faut arrêter avec tes heures. Pas de licenciement mon gars et tu le sais bien. Tu dégages comme un grand. Avec des couilles.... et la drogue au travail aussi si tu veux... j'adore faire chier c'est un délice'

- des SMS de Mme [K] demandant à M. [U] à quelle heure il arrive au bureau, lui indiquant qu'à 9h27 il devrait être arrivé depuis longtemps, s'il arrive ou pas, la simple lecture des ces messages n'établissant pas que les reproches étaient injustifiés, M. [U] répondant notamment à l'un d'eux 'oui j'arrive là excuse moi je pensais que c'était fermé'

- le témoignage de Mme [Z], responsable pôle gestion, affirmant que durant la période où elle a travaillé avec M. [U] elle a pu être témoin d'agressivité verbale, de propos humiliants et reproches incessants de Mme [K] à l'égard de ce dernier ; cependant ce témoignage est contredit par celui de Mme [N] affirmant que Mme [Z] lui avait présenté Mme [K] comme une personne très humaine ce qu'elle a elle-même constaté ; Mme [Z] a été elle-même en contentieux avec la société [K] et les attestations croisées ont fait l'objet de plaintes pour dénonciation calomnieuse de sorte qu'en cet état le témoignage de Mme [Z] ne saurait être considéré comme un élément probant

- le témoignage de M. [H] stagiaire, faisant état de pressions verbales et psychologiques outrancières subies par M. [U] et lui mais le seul fait précis qu'il décrit étant relatif à sa personne et non à celle de M. [U]

- une plainte déposée par M. [U] pour dénigrement

- un certificat médical faisant état de la constatation d'un état d'agitation anxieuse à la date du 8 juin 2021, soit plusieurs années après les faits supposés

Cet exposé étant fait, il convient de relever qu'il n'est pas contesté que la relation salariale s'est inscrite dans le contexte suivant : M. [U] avait sa propre agence immobilière qui a été placée en redressement judiciaire puis liquidation judiciaire en décembre 2017, il s'est trouvé en outre en instance de divorce avec d'importantes dettes et Mme [K] a voulu l'aider.

Ainsi, par un mail en date du 26 mars 2018, M. [U] reconnaît un parcours de vie personnelle tortueux qu'il évoque, reconnaît la commission d'un faux et indique à Mme [K] 'je te dois cette vérité et j'espère que mes écrits seront interprétés à la hauteur du respect que j'ai pour toi et je m'excuse encore pour me retrouver sur ton chemin et te générer des problèmes dont tu n'as pas besoin bien au contraire. Sache que l'intérêt que tu me portes, tes mots justes même si ne se voit pas ont été et le seront pour moi bénéfiques même si injustement pour toi tu n'en récoltes pas les fruits au contraire'.

Quelque soit le vocabulaire grossier employé par Mme [K], il n'en demeure pas moins que les messages s'inscrivaient dans cette relation teintée de liens personnels dont atteste le tutoiement des protagonistes et le contexte (la situation personnelle de M. [U] était connue de Mme [K] non parce que celle-ci s'était immiscée dans sa vie privée mais parce que M. [U] s'était ouvert de son parcours de vie, M. [U] avait commis un faux qu'il avait reconnu et sur lequel Mme [K] avait accepté de passer).

Une partie des messages s'inscrivait par ailleurs dans un contexte d'absences de M. [U] à son poste.

Il n'est pas avancé d'autres éléments et il sera en cet état jugé que M. [U] ne présente pas de faits laissant supposer un harcèlement moral.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point.

4) Sur la démission

Un échange de SMS établit que M. [U] a indiqué à Mme [K] 'j'ai conscience de la merde et de la responsabilité juridique pour [E] et [V] et çà je m'en excuse. Je suis prêt à accepter licenciement sur ces erreurs', ce à quoi Mme [K] a répondu qu'elle n'acceptait pas le licenciement, M. [U] a répondu 'j'ai compris [DG]' et Mme [K] a répondu 'demain matin rendez-vous à 9h dans le bureau de [C]'.

Il n'est fait état d'aucun autre élément sur les conditions de l'entretien ayant précédé la remise d'une lettre de démission (ainsi rédigée : 'je fais suite à notre entretien de ce jour et vous prie de bien vouloir accuser réception de ma démission à la date de ce jour') et en cet état un vice du consentement n'est pas établi.

Le raisonnement du salarié à l'appui de sa demande étant de soutenir que la démission est nulle pour vice du consentement et produit les effets d'un licenciement nul car intervenue dans un contexte de harcèlement moral, il s'ensuit que la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse sera rejetée.

5) Sur la demande de remboursement des amendes

La société [K] soutient qu'elle a découvert après le départ de M. [U] que celui-ci avait dissimulé de nombreuses amendes de stationnement reçues au titre du véhicule mis à sa disposition et jamais réglées.

Elle produit bordereau de situation des amendes et condamnations pécuniaires émanant de la trésorerie [Localité 3] amendes, un mail de l'assistante de direction en date du 11 décembre 2018 indiquant à M. [U] qu'il semblerait que certaines amendes n'ont pas été réglées pendant la période où il avait la voiture de fonction, mail auquel M. [U] a répondu 'en ce qui concerne les contraventions c'est normal que je les règle' et un document présenté comme une attestation de M. [K], père de Mme [K], ayant géré l'agence en l'absence de Mme [K] pour raisons de santé et exposant que M. [U] a lui a indiqué qu'il était responsable et assumerait financièrement les contraventions.

Le contrat de travail stipulait la mise à disposition d'un véhicule de fonction, l'engagement du salarié de régler toutes les contraventions imputables à son propre fait et la remise d'une carte d'abonnement à un parking de la ville.

M. [U] ne saurait ainsi sérieusement soutenir 'qu'aucun élément ne permet de considérer qu'il avait un véhicule de fonction' et il ne soutient d'ailleurs pas que le contrat n'a pas été respecté sur ce point puisqu'il admet avoir utilisé le véhicule visé dans le bordereau des amendes et ne conclut à un non-respect du contrat de travail qu'au regard de la remise d'une carte d'abonnement.

Il ne soutient pas par ailleurs qu'une autre personne utilisait le véhicule litigieux dans le même temps qu'il était mis à sa disposition et si le témoignage de M. [K] est contestable dans sa forme (dactylographié et non signé), le mail du 11 décembre 2018 a bien été écrit par M. [U] et traduit sans équivoque une conscience de devoir régler les contraventions.

Il s'ensuit le bien-fondé de la demande de remboursement.

Il résulte de ce qui vient d'être exposé une absence d'abus du droit d'agir en justice et la société [K] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau,

Condamne la société [K] conseil immobilier à payer à M. [U] les sommes de :

- 14 775 euros à titre de rappel de commissions

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute M. [U] du surplus de ses demandes.

Condamne M. [U] à rembourser à la société [K] conseil immobilier la somme de 2 405,70 euros.

Déboute la société [K] conseil immobilier du surplus de ses demandes.

Condamne la société [K] conseil immobilier à remettre à M. [U], dans le délai de deux mois de la signification du présent arrêt, un bulletin de salaire conforme au présent arrêt.

Condamne la société [K] conseil immobilier aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M. ALAINL. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 21/00234
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;21.00234 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award