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28/04/2022 | FRANCE | N°19/02440

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 3, 28 avril 2022, 19/02440


AFFAIRE : N° RG 19/02440

N° Portalis DBVC-V-B7D-GMOB

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES en date du 26 Juin 2019 - RG n° 14/00021









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 28 AVRIL 2022





APPELANTE :



S.A.S. [5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Laurence LAUTRETTE, substitué par Me Magali DELTEIL,

avocats au barreau de PARIS





INTIMEE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE HAUTE PROVENCE

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par M. [Z], mandaté





DEBATS : A l'audience publique du 07 ...

AFFAIRE : N° RG 19/02440

N° Portalis DBVC-V-B7D-GMOB

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES en date du 26 Juin 2019 - RG n° 14/00021

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 3

ARRET DU 28 AVRIL 2022

APPELANTE :

S.A.S. [5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence LAUTRETTE, substitué par Me Magali DELTEIL, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE HAUTE PROVENCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par M. [Z], mandaté

DEBATS : A l'audience publique du 07 février 2022, tenue par Mme ACHARIAN, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de Chambre,

Mme ACHARIAN, Conseiller,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 28 avril 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société [5] d'un jugement rendu le 26 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Coutances dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence.

EXPOSE DU LITIGE

M. [C] [I], salarié de la société [5] (la société), précédemment dénommée Société [6], depuis le 2 juillet 2008 en qualité d'agent décontaminateur, a complété une déclaration de maladie professionnelle le 4 février 2014 mentionnant un 'cancer du poumon', constaté médicalement pour la première fois le 4 novembre 2013, et accompagnée d'un certificat médical initial du 6 janvier 2014 mentionnant l'apparition d'une 'ADP cervicale Dte le 04/11/13 [illisible] à la découverte d'une lésion néoplasique du poumon droit avec envahissement [illisible] et cervical'carcinome non à petites cellules. Patient exposé aux radiations ionisantes cat.A (décontamination)'.

Le 1er juillet 2014, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence (la caisse) a notifié à M. [I] la prise en charge de la pathologie 'cancer broncho-pulmonaire primitif par inhalation inscrite au tableau n°6 : affections provoquées par les rayonnements ionisants' au titre de la législation sur les maladies professionnelles.

La société a contesté cette prise en charge devant la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté son recours par décision du 18 novembre 2014.

Par requête du 22 décembre 2014, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche d'un recours à l'encontre de cette décision.

Selon jugement du 26 juin 2019, le tribunal de grande instance de Coutances, auquel le contentieux du tribunal des affaires de sécurité sociale a été transféré depuis le 1er janvier 2019, a :

- déclaré recevable la requête de la société,

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse du 18 novembre 2014 sur le bien fondé de la reconnaissance par la caisse, le 1er juillet 2014, du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [I],

- débouté la société de toutes ses demandes,

- condamné la société aux dépens.

La société a interjeté appel de cette décision par déclaration du 1er août 2019, le jugement lui ayant été notifié le 11 juillet 2019.

Par dernières conclusions déposées le 25 janvier 2022, soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société demande à la cour :

- de lui déclarer inopposable la décision de la caisse du 1er juillet 2014 pour non-respect des dispositions légales et réglementaires,

- d'infirmer le jugement déféré,

- de rejeter la demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 24 janvier 2022, soutenues oralement à l'audience par son représentant, la caisse demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré,

- de débouter la société de toutes ses demandes,

- de condamner la société à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera renvoyé aux conclusions pour un exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

La société développe plusieurs moyens au soutien d'une demande tendant à l'inopposabilité à son égard d'une décision de prise en charge d'une pathologie au titre de la législation professionnelle.

Ces moyens sont tirés à la fois du non-respect du principe du contradictoire et de l'absence d'exposition du salarié au risque professionnel considéré.

La caisse, dans ses écritures, fait valoir que le premier moyen est soulevé pour la première fois en cause d'appel mais, s'agissant d'un moyen, il est de nature à être développé en tout état de cause et il convient de rappeler que l'inopposabilité de la prise en charge de la maladie professionnelle considérée est la prétention, qui a été soumise à la commission de recours amiable, si bien qu'elle n'est pas nouvelle et que les premiers juges en ont été également saisis.

Les deux moyens développés par la société seront donc examinés par la cour.

I- Sur l'inopposabilité tirée du manquement de la caisse à son obligation d'information

L'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable au litige, dispose que 'le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1°) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire,

2°) les divers certificats médicaux,

3°) les constats faits par la caisse primaire,[...]

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants-droit et à l'employeur ou à leurs mandataires.'

L'article R. 441-14 du même code prévoit que, 'dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime, ses ayants-droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.'

La société fait valoir que la caisse ne lui a pas transmis l'intégralité des documents sur lesquels elle a fondé sa décision de prise en charge, notamment les certificats médicaux d'arrêt de travail.

La caisse indique qu'ils se trouvaient à disposition de la société durant le délai de consultation du dossier et relève qu'il importe peu qu'un dossier incomplet ait été communiqué à l'employeur, les certificats litigieux étant par ailleurs sans incidence sur la décision de prise en charge et insusceptibles de faire grief à l'employeur.

Il ressort des pièces produites qu'à la suite d'un courrier prorogeant le délai d'instruction de la demande de prise en charge au titre professionnel de la pathologie déclarée par M. [I] et d'une enquête diligentée par la caisse, l'organisme payeur a informé l'employeur par courrier du 10 juin 2014 de la clôture de l'instruction, du nom de l'affection considérée, de la date à laquelle elle entendait prendre sa décision et l'a invité à prendre connaissance des pièces du dossier dans un délai courant jusqu'au 1er juillet 2014.

A la demande de la société, la caisse lui a adressé par courriel les pièces du dossier que l'employeur prétend incomplet.

Or, il résulte des éléments précédemment énumérés que la société se trouvait en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et de faire valoir ses observations avant la décision de prise en charge, peu important l'envoi d'une copie incomplète du dossier, les certificats médicaux de prolongation des arrêts de travail ne constituant en outre pas des éléments de nature à établir le caractère professionnel d'une pathologie et l'appelante n'établissant pas que ces documents ne se trouvaient pas à sa disposition pour consultation dans les locaux de la caisse.

Dans ces conditions, la procédure d'instruction, qui n'est pas autrement critiquée, doit être déclarée contradictoire.

II- Sur l'inopposabilité tirée de l'absence d'exposition du salarié au risque considéré

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable au litige, dispose qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Pour détruire cette présomption, il appartient à l'employeur d'établir que l'affection litigieuse a une cause totalement étrangère au travail.

Par courrier du 1er juillet 2014, la caisse a notifié à la société une décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie 'cancer broncho-pulmonaire primitif par inhalation inscrite au tableau n°6 : affections provoquées par les rayonnements ionisants' dont souffrait M. [I].

La société conteste non pas que M. [I] ait effectué des tâches relevant de la liste indicative des travaux mentionnée au tableau n°6 mais que celui-ci ait été exposé au risque décrit par le tableau, ce dernier ayant été doté d'équipements de protection individuelle.

Au titre du contrat de travail du 23 mai 2008, M. [I] a été engagé par la société [6] (devenue [5]) en qualité d'agent décontaminateur dont les fonctions 'couvrent principalement : [...] la réalisation d'opérations de démantèlement en milieu hostile et nucléaire, l'assainissement radioactif de matériels ou de cellules en bâtiment.'

Dans le cadre de l'enquête administrative diligentée par la caisse, M. [I] a indiqué que, depuis juillet 2008, il réalisait des 'travaux de décontaminage et démantèlement de locaux sur le site du CEA de Cadarache' et que 'ces travaux sont effectués au contact de produits radioactifs ou autres substances émettant des rayonnements'.

En outre, la fiche d'exposition établie par la société [6] le 12 juin 2013, signée par le salarié, précise que celui-ci est exposé de façon habituelle ou permanente à des rayons multiples.

Enfin, le récapitulatif de carrière adressé par la société à la caisse le 2 juin 2014 mentionne que, dans le cadre des activités d'assainissement, M. [I] effectuait 'le retrait de matière nucléaire à l'aide de produits chimiques acides et/ou basiques. L'opérateur frotte les surfaces contaminées avec des chiffonnettes imbibées de produit décontaminant de façon à transférer la contamination'.

Si ce récapitulatif souligne qu'une tenue d'intervention était fournie au salarié, ce que celui-ci confirme durant l'enquête administrative, l'employeur, alors que la condition des tâches effectuées énumérées par le tableau n°6 est remplie et non contestée, n'établit pas que la pathologie dont souffre M. [I] a une cause totalement étrangère au travail, peu important par ailleurs que ce dernier ait été fumeur, ce qui n'est de surcroît pas démontré.

Dans ces conditions, les conditions du tableau n°6 sont réunies.

Il ressort de tous ces éléments que la décision en date du 1er juillet 2014 de prise en charge par la caisse de l'affection déclarée par M. [I] le 4 février 2014 est opposable à la société.

Le jugement déféré sera ainsi confirmé.

III- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie succombante, la société sera condamnée aux dépens d'appel, le jugement déféré étant par ailleurs confirmée sur ce point.

La société sera également condamnée à verser à la caisse la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré,

Condamne la société [5] aux dépens d'appel,

Condamne la société [5] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 3
Numéro d'arrêt : 19/02440
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;19.02440 ?
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