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15/07/2014 | FRANCE | N°13/02100

France | France, Cour d'appel de Caen, Reparation a raison d'une detention provisoire, 15 juillet 2014, 13/02100


PROCEDURE DE REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION PROVISOIRE AUDIENCE DU 15 JUILLET 2014

ENTRE le requérant : Monsieur Mario X..., né le 1er avril 1961 à ABBEVILLE (80) demeurant...

Non comparant, représenté par Me AGNES, avocat au barreau de CAEN ET L'agent judiciaire de l'Etat, direction des affaires juridiques, bureau du droit civil, 6 rue Louis Weiss 75013 PARIS représenté par Maître VIGNON, avocat au barreau de Caen

Composition lors des débats : Président : Monsieur ROUGHOL, Premier Président Ministère Public : M. COULON, Avocat Général Greffier : Mme

ANDRE Débats : A l'audience publique du 1er avril 2014 Décision : prononcée pub...

PROCEDURE DE REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION PROVISOIRE AUDIENCE DU 15 JUILLET 2014

ENTRE le requérant : Monsieur Mario X..., né le 1er avril 1961 à ABBEVILLE (80) demeurant...

Non comparant, représenté par Me AGNES, avocat au barreau de CAEN ET L'agent judiciaire de l'Etat, direction des affaires juridiques, bureau du droit civil, 6 rue Louis Weiss 75013 PARIS représenté par Maître VIGNON, avocat au barreau de Caen

Composition lors des débats : Président : Monsieur ROUGHOL, Premier Président Ministère Public : M. COULON, Avocat Général Greffier : Mme ANDRE Débats : A l'audience publique du 1er avril 2014 Décision : prononcée publiquement le 15 JUILLET 2014, par mise à disposition au greffe de la Cour, délibéré initialement fixé au 27 MAI 2014 et prorogé à ce jour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signée par M. ROUGHOL, Premier Président et par Mme ANDRE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Le 8 octobre 2008, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Caen a mis en examen M. Mario X..., domicilié à ... (Eure), des chefs de vols en bande organisée et de tentative de vol en bande organisée. Le même jour, le juge des libertés et de la détention de Caen a ordonné son placement en détention provisoire. Par ordonnance du 8 janvier 2009, le magistrat instructeur l'a libéré sous contrôle judiciaire avec interdiction de se rendre dans le département du Calvados. Il a effectué trois mois et trois jours de détention provisoire à la maison d'arrêt de Caen. Par ordonnance du 28 décembre 2012, le juge d'instruction de Caen a prononcé un non lieu à son profit. Cette décision est définitive. M. X... a déposé au greffe le 24 juin 2013 une requête aux fins d'indemnisation de sa détention provisoire. Il explique qu'il a toujours travaillé, qu'il s'était dernièrement mis à son compte pour pratiquer l'élagage, l'abattage et le ramonage dans le secteur de Lisieux et d'Honfleur, et que sa détention pendant trois mois suivis de quatre ans d'interdiction de paraître lui a fait perdre la confiance de toute sa clientèle. Il chiffre ce préjudice matériel à 70. 000 €. Il fait état des visites hebdomadaires en prison de sa concubine, qui parcourait chaque fois 360 km aller et retour, ainsi que du paiement de charges pour son entreprise, et chiffre ce préjudice matériel complémentaire à 10. 000 €. M. X... expose qu'il menait une vie de famille normale avec sa concubine et leur dernier fils à charge, et que sa détention a mis sa famille dans un désarroi d'autant plus important que sa concubine était en mauvaise santé. Elle a sombré dans une dépression sévère, et la voir souffrir avec une telle intensité n'a pu qu'aggraver sa propre souffrance. Lui-même invoque l'humiliation due à son incarcération alors qu'il était innocent. Il se déclare encore anxieux et sous Lexomil. Il sollicite 40. 000 € en réparation de son préjudice moral. Il demande enfin 4. 000 € pour ses frais de procès non compris dans les dépens. L'Agent Judiciaire de l'Etat conclut au débouté des demandes pour la perte de revenus et le préjudice matériel complémentaire, faute de justificatifs. Pour le préjudice moral, il ne reconnaît comme indemnisable que le syndrome dépressif intrinsèque à la détention, mais pas celui de la compagne de M. X..., et offre 4. 500 €. Il propose enfin 1. 000 € d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Le procureur général admet la recevabilité de la requête. Il conclut à l'absence de réparation des conséquences d'une interdiction de paraître dans le Calvados, car celle-ci ne résulte pas de la détention provisoire mais du contrôle judiciaire. Il précise qu'il aurait suffi à M. X... de produire ses avis d'imposition 2007 à 2009 pour justifier d'une perte de revenus. Il conclut au débouté du préjudice matériel. Sur le préjudice moral, le procureur général propose 5. 000 € d'indemnité en précisant que l'état de santé de la concubine de M. X... ne constitue pas un préjudice direct ouvrant droit à indemnisation. Il propose enfin 1. 000 € pour l'application de l'article 700 du Code de procédure civile. M. X... réplique que les autres pièces pouvant justifier ses préjudices sont dans le dossier pénal, que la justice peut consulter.

MOTIFS DE LA DECISION : Les considérations suivantes motivent la décision du premier président.
I - Sur la recevabilité de la requête. L'article 149 du code de procédure pénale dispose que la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée par une décision de non lieu ou de relaxe devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

Aux termes des dispositions combinées des articles 149-1 et 149-2 du même code, le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle a été prononcée la décision de non lieu ou de relaxe est saisi par voie de requête dans le délai de six mois du jour où cette décision est devenue définitive.
En l'espèce, M. X... a bien saisi le premier président territorialement compétent dans le délai de six mois du prononcé de la décision de relaxe. Sa requête est donc recevable.
II - Sur la réparation sollicitée.
Il résulte des éléments du dossier que M. X... a été détenu provisoirement pendant 93 jours, à l'âge de 47 ans.
A - Sur le préjudice matériel. La perte de revenus indemnisable ne peut être constituée que de revenus perçus dans des conditions licites, perdus du fait de l'incarcération, et non de la période d'interdiction de paraître qui lui a fait suite, mais qui relève d'une décision distincte de contrôle judiciaire n'ouvrant pas droit à réparation dans le cadre de la présente procédure. Des pièces versées aux débats, il ressort simplement que M. X... a été imposé à la taxe professionnelle, pour une activité de bonneterie, lingerie et fleurs localisée à Prouville (Somme), à hauteur de 518 € en 2008, et de 547 € en 2009. Il a aussi reçu du Régime Social des Indépendants en Picardie un appel de cotisations de 576 € au titre du 4e trimestre 2008. Cette activité professionnelle n'a aucun rapport avec celle dont il se prévaut dans sa requête, et n'est pas exercée dans la même région. D'autre part, ces documents ne sont pas de nature à établir quelque perte de revenus licites que ce soit pendant la courte période de l'incarcération de M. X.... En l'absence de pièces justificatives relatives à l'existence et à l'étendue du préjudice matériel allégué, le requérant ne peut qu'être débouté. De même, et du fait de la nature civile de la présente procédure, il n'appartient pas au premier président de se substituer à M. X... dans l'administration de la preuve qui lui incombe en allant lui-même vérifier dans un dossier pénal ou dans les archives de l'administration pénitentiaire la réalité des visites de sa concubine pendant sa détention. L'ensemble de la demande au titre du préjudice matériel sera donc rejeté.

B - Sur le préjudice moral. Le préjudice moral de M. X... réside dans le fait même de son incarcération à l'âge de 47 ans et pour la première fois. Même s'il n'est pas allégué que cette détention ait été subie dans des conditions anormales, elle lui a néanmoins causé par elle-même un préjudice dont il lui est dû réparation. Il ressort d'ailleurs d'un certificat du docteur Y..., médecin généraliste à Alizay (Eure), en date du 19 mars 2014, que M. X... présente depuis sa détention provisoire des manifestations paniques (crises d'angoisse majeure) traitées par Lexomil. Mais il ne saurait être indemnisé du préjudice indirect allégué comme provenant du retentissement de son incarcération sur la santé de Mme Z..., qui ne constitue pas pour lui un préjudice personnel. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'allouer à M. X..., dont le préjudice moral réside essentiellement dans le fait même de son incarcération et dans la privation de vie de famille qui en est résulté, une indemnité de 10. 000 €.

C - Sur les frais de procès.
Il serait inéquitable de laisser M. X... supporter seul la charge des frais de défense qu'il a dû engager pour son indemnisation. Une indemnité de 1. 000 ¿ lui sera donc accordée.
DECISION : PAR CES MOTIFS :

Le premier président, Statuant en audience publique par ordonnance contradictoire susceptible d'appel,

Vu les articles 149 à 150 et R 26 à R 40-1 du code de procédure pénale, Reçoit M. Mario X... en sa requête. Rejette ses demandes d'indemnité en réparation de préjudices matériels. Fixe à 10. 000 € (dix mille euros) l'indemnité allouée en réparation de son préjudice moral.

Lui alloue une indemnité de 1. 000 € (mille euros) pour ses frais de procès non compris dans les dépens. Met les dépens à la charge du Trésor Public. Rappelle que cette ordonnance est exécutoire de plein droit à titre provisoire même en cas d'appel, et que le paiement de la réparation est à la charge des comptables directs du Trésor.

Prononcé à Caen, le quinze juillet deux mille quatorze et signé par le premier président et le greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Reparation a raison d'une detention provisoire
Numéro d'arrêt : 13/02100
Date de la décision : 15/07/2014
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2014-07-15;13.02100 ?
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