COUR D'APPEL DE CAEN
CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS
----------13 Septembre 2013---------- DOSSIER No 12/ 03474----------
SARL RAVA FRANCE C/ L'ETAT représenté par l'Agence Publique pour l'Immobilier de la Justice (APIJ)
---------- ARRET DU
treize Septembre deux mille treize
APPELANTE
SARL RAVA FRANCE 9 rue Ferdinand Buisson 14280 SAINT CONTEST
représentée par Me Bernard LE TERRIER, avocat au barreau de CAEN
INTIME
L'ETAT représenté par l'Agence Publique pour l'Immobilier de la Justice (APIJ) 30 rue du Château des Rentiers 75013 PARIS
représenté par Me Philippe GRAS (SCP CGCB § associés) avocat au barreau de PARIS
EN PRESENCE DE
M. LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT Direction Régionale des Finances Publiques de Basse-Normandie Service France Domaine 7 Boulevard Bertrand 14034 CAEN CEDEX
représenté par Monsieur Michel X... Administrateur des finances publiques adjoint au service France Domaine
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame PONCET, Présidente de la Chambre des Expropriations désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 21 décembre 2012.
Monsieur BLANCHARD, Vice-président au Tribunal de Grande Instance d'Alençon, Juge titulairede l'Expropriation pour le département de l'Orne, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 4 octobre 2010.
Monsieur RIALLAND, Vice-Président au Tribunal de Grande Instance d'Alençon, Juge suppléant de l'Expropriation pour le département de l'Orne, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 15 novembre 2012.
GREFFIERE :
Madame ANDRE
DEBATS :
A l'audience publique du 27 Mai 2013
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement le treize Septembre deux mille treize par mise à disposition au greffe et signé par Madame PONCET, Présidente et Madame ANDRE, Greffière à laquelle la minute a été remise.
FAITS ET PROCÉDURE
L'Etat a décidé de bâtir un nouveau palais de justice à Caen et projeté de le construire sur le site de la presqu'île. Par arrêtés du 18/ 3/ 11, le préfet a prescrit l'ouverture des enquêtes d'utilité publique et parcellaire. L'acte de déclaration d'utilité publique est intervenu le 29/ 6/ 11. Suite à une erreur concernant le propriétaire de la parcelle LZ17, le premier arrêté de cessibilité a été abrogé et une première procédure en fixation d'indemnités a été annulée. Le 13/ 4/ 12, a été ouverte une enquête parcellaire complémentaire. Un nouvel arrêté de cessibilité a été pris le 2/ 8/ 12 concernant cette parcelle LZ27 incluse dans cette opération et qui s'est avérée appartenir à la SARL RAVA France. L'ordonnance d'expropriation a été rendue le 29/ 8/ 12.
La SARL RAVA France a refusé les propositions d'indemnisation de l'Etat représenté par l'APIJ (Agence Publique Pour l'Immobilier de la Justice). Le juge de l'expropriation du Calvados a été saisi en fixation de l'indemnité, le 22/ 5/ 12 par la SARL RAVA France, le 4/ 6/ 12 par l'Etat. Cette affaire a été renvoyée le 13/ 6/ 12 devant le juge de l'expropriation de la Manche à raison de l'abstention des juges de l'expropriation du Calvados.
Le transport sur les lieux est intervenu le 7/ 9/ 12. Par jugement du 25/ 10/ 12, le juge de l'expropriation a fixé comme suit les indemnités accordées à la SARL RAVA France :-507400 ¿ pour l'indemnité principale d'expropriation-51740 ¿ pour l'indemnité de remploi ;
La SARL RAVA France a interjeté appel de ce jugement le 8/ 11/ 12.
Vu le mémoire des appelants reçu au greffe le 4/ 1/ 13, notifié le 5/ 1/ 13. à l'Etat et à M le commissaire du gouvernement le 6/ 1/ 13 au vu du tampon de réception figurant sur le courrier (pas de date sur l'accusé de réception) tendant au principal à voir fixer l'indemnité à 1471460 ¿, à se voir allouer une indemnité de remploi de 147896 ¿, subsidiairement à entendre ordonner une expertise aux fins d'estimer la valeur de la parcelle expropriée et se voir accorder une indemnité de 10000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais liés à l'instance d'appel, Vu le mémoire de l'Etat intimé reçu le 1/ 2/ 13 au greffe notifié le 4/ 2/ 13 à la SARL RAVA France et le 1/ 2/ 13 à M le commissaire du gouvernement tendant à la confirmation du jugement, Vu les conclusions de M le commissaire du gouvernement reçues le 5/ 2/ 13 au greffe et notifiées le 11/ 2/ 13 à la SARL RAVA France et à l'Etat tendant à la confirmation du jugement.
Vu le mémoire complémentaire de la SARL RAVA France reçu au greffe le 8/ 4/ 13 notifié le 10/ 4/ 13 à l'Etat et à M le commissaire du gouvernement tendant aux mêmes fins et accompagnés de deux nouvelles pièces. Vu le mémoire complémentaire de l'Etat intimé reçu le 6/ 5/ 13 au greffe notifié le 6/ 5/ 13 à la SARL RAVA France et le 7/ 5/ 13 à M le commissaire du gouvernement tendant au rejet des nouvelles pièces produites et demandant à ce que la date de référence soit fixée au 14 et non au 29/ 12/ 09 et reprenant pour le surplus sa demande de confirmation du jugement Vu le deuxième mémoire complémentaire de la SARL RAVA France reçu au greffe le 22/ 5/ 13 notifié le 24/ 5/ 13 à l'Etat et à M le commissaire du gouvernement tendant aux mêmes fins et au rejet de la fin de non recevoir soulevée par l'Etat. Vu le deuxième mémoire complémentaire de l'Etat intimé reçu le 24/ 5/ 13 au greffe notifié le 27/ 5/ 13 à la SARL RAVA France et à M le commissaire du gouvernement tendant aux mêmes fins que précédemment et au rejet des conclusions récapitulatives objet du mémoire complémentaire no2 de la SARL RAVA France.
Par lettres recommandées reçues le 28/ 1/ 13, les parties ont été convoquées à l'audience du 27/ 5/ 13. Les débats se sont déroulés contradictoirement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur les irrecevabilités soulevées par l'Etat
La SARL RAVA France a déposé des mémoires supplémentaires plus de deux mois après la date de l'appel. Ces mémoires ne peuvent donc pas comporter de nouveaux éléments de preuve et ne sont recevables que dans la mesure où ils se bornent à apporter des précisions ou des justifications à l'appui de la demande formée dans le mémoire principal. Tel est le cas des arguments développés dans ces mémoires. Parmi les deux pièces numérotées 29 et 30 jointes au mémoire déposé le 8/ 4/ 13, l'une, la pièce No30 avait déjà été déposée sous le numéro 29 avec le mémoire initial ; en revanche l'autre qui porte le No29 (bien que ce numéro ait déjà été utilisé) et qui est constitué par les notes d'audience d'une autre affaire constitue une pièce nouvelle qui sera donc rejetée des débats.
2) Sur la date de référence
La date de référence à prendre en compte est la date d'approbation de la révision simplifiée du Plan d'Occupation des Sols (POS) soit le 14/ 12/ 09, date à laquelle il est devenu opposable aux tiers et non le 29/ 12/ 2009. Le jugement sera rectifié sur ce point.
3) Sur la qualification de terrain à bâtir
Selon la SARL RAVA France, cette parcelles LZ 27 pour partie expropriée dans le cadre de l'opération de construction d'un nouveau palais de justice devrait recevoir la qualification de terrain à bâtir, selon l'Etat, elle ne remplirait aucune des deux conditions pour ce faire, d'une part parce qu'elle ne serait pas constructible, d'autre part parce qu'elle ne serait pas desservie par un réseau d'assainissement. Le commissaire du gouvernement considère, quant à lui, que la parcelle serait constructible mais ne serait pas desservie par le réseau d'assainissement.
La parcelle est située en zone NAc du POS de Caen. Y sont admises par anticipation au projet de renouvellement urbain des constructions destinées aux équipements publics ainsi que les activités commerciales pouvant contribuer à renforcer leur attractivité. La zone est donc immédiatement constructible (notamment pour y créer des commerces) même si cette constructibilité est limitée.
Il est constant que des réseaux d'eau et d'électricité existent à proximité de la parcelle et que celle-ci est desservie par une voie d'accès. La SARL RAVA France soutient que l'assainissement peut être individuel et avance en outre divers arguments en faveur de l'existence d'un réseau d'assainissement collectif à proximité (existence antérieure de bâtiments industriels sur la parcelle, existence à proximité de logements et de commerce nécessairement desservis, existence d'un réseau rue Victor Hugo au droit de la parcelle LZ18).
Si le POS permet en théorie un assainissement individuel, cette solution se heurte, en fait, aux réalités géologiques et aux règles posées par le règlement d'assainissement de Caen la mer. En effet, l'affleurement non contesté de la nappe phréatique sous le site interdit l'installation d'un dispositif d'évacuation par le sol et l'absence de réseau d'eau pluviale ne permet pas un rejet vers le milieu hydraulique superficiel. Faute de pouvoir recourir à un assainissement individuel, l'existence d'un réseau d'assainissement collectif à proximité doit être établi.
L'Etat produit un plan daté du 28/ 5/ 2004 mentionnant le passage d'un réseau d'assainissement au niveau du rond-point situé au sud de la presqu'île. Sur un second plan daté de février 2011- soit après la date de référence-portant sur l'état du réseau d'eau usée sont tracés quelques mètres de réseau dans la partie sud de la rue Victor Hugo. Ces plans établissent qu'il n'existait pas, au 14/ 12/ 09, de réseau à proximité de la parcelle LZ27 bordée par les rues Dumont d'Urville et Berthelot situées au nord de la rue Victor Hugo. La SARL RAVA France ne justifie que les bâtiments que supportait son terrain étaient raccordés à un réseau d'un assainissement collectif et la présence de logements commerces et bâtiments divers à proximité de la parcelle ne permet pas d'en déduire, s'agissant de surcroît d'édifices anciens, que ceux-ci soient aux normes et raccordés à un réseau collectif d'assainissement.
De surcroît, alors qu'elle conteste les plans produits par l'Etat et notamment l'état d'avancement des travaux d'assainissement qui y sont mentionnés, la SARL RAVA France n'a pour autant pas cru utile de solliciter par application de l'article 138 du code de procédure civile ni en première instance ni en appel qu'il soit ordonné à la ville de Caen ou à Caen la Mer de produire des documents qui lui auraient permis de vérifier ce point, notamment le procès-verbal de réception des travaux d'assainissement effectués rue Victor Hugo, ce qui aurait permis de dater ces travaux et de vérifier qu'ils ne s'étendaient pas au-delà de cette rue. Elle n'a pas non plus demandé de mesures d'instruction sur ce point. Dès lors, rien ne confirme que les tracés que la SARL RAVA France a, de son propre chef, fait figurer en rouge sur son plan coté 29 (puis 30 lors de sa deuxième production) et qui représenteraient, selon elle, le réseau d'eaux usées, soient conformes à l'existant, de surcroît, à l'existant au 14/ 12/ 09.
Faute d'éléments contredisant les plans produits par l'Etat, il ressort de ceux-ci qu'aucun réseau d'assainissement n'existait à proximité de la parcelle litigieuse à la date de référence ; cette parcelle ne peut donc être qualifiée de terrain à bâtir.
3) Sur la valeur du terrain
Les parties ne font que reprendre sur ce point devant la cour les moyens et les termes de comparaison déjà évoqués en première instance. En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en rejetant la demande d'expertise et en fixant l'indemnisation à 100 ¿/ m2 soit à 507400 ¿. Le jugement sera confirmé sur ce point ainsi que le montant de l'indemnité de remploi calculée selon les taux usuels (51740 ¿).
4) Sur les points annexes
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL RAVA France ses frais irrépétibles de première instance. En effet, agir en justice lui a permis d'obtenir une indemnité supérieure (507400 ¿) à celle que leur proposait l'Etat (431290 ¿). Il lui sera alloué de ce chef 2000 ¿. En outre, en application de l'article L13-5 du code de l'expropriation, les dépens de première instance sont à la charge de l'expropriant. Le jugement sera également réformé en ce qu'il a mis ces dépens à sa charge. Il serait pareillement inéquitable de laisser à la charge de l'Etat qui a dû supporter une instance d'appel alors qu'il n'a émis aucune critique sur le jugement qui a été confirmé, les frais liés à cette instance d'appel, la SARL RAVA France sera condamnée à lui verser 1000 ¿ à ce titre. La SARL RAVA France sera en outre condamnée aux dépens de l'instance d'appel.
DÉCISION
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
- Rejette des débats la pièce numérotée 29 jointe au mémoire déposé le 8/ 4/ 13 par la SARL RAVA France-Confirme le jugement en ce qu'il a fixé les indemnités dues par l'Etat représenté par l'APIJ à verser à la SARL RAVA France :-507400 ¿ à titre d'indemnité principale-51740 ¿ à titre d'indemnité de remploi-Réforme le jugement pour le surplus-Condamne l'Etat à verser à la SARL RAVA France 2000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais liés à l'instance devant le juge de l'expropriation-Condamne la SARL RAVA France à verser à l'Etat 1000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais liés à l'instance d'appel-Condamne l'Etat aux dépens de première instance et la SARL RAVA France aux dépens de l'instance d'appel