AFFAIRE : N RG 05 / 02182
Code Aff. : ARRÊT N BC NP
ORIGINE : DECISION en date du 18 Mai 2005 du Tribunal de Commerce de CAEN-RG no 04 / 5029
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE-SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2008
APPELANTE :
LA SOCIETE INDUSTRIELLE AUTOMOBILE DE NORMANDIE (SIAN)
116 avenue du Mont Ridoudet
76000 ROUEN
prise en la personne de son représentant légal
représentée par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués
assistée de Me Emmanuelle BORDENAVE-MARZOCCHI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
Maître Y..., liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA FALAISE AUTOMOBILE
...
...
représentée par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués
assistée de Me SALMON, avocat au barreau de CAEN
INTERVENANT :
MONSIEUR LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI représenté par Mr Jean-Paul X..., chef de service régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la région Basse-Normandie
6 Rue de Courtonne
14017 CAEN CEDEX
représenté à l'audience par M. Pierrick MENARD,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur CALLE, Président de chambre, rédacteur,
Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,
Madame VALLANSAN, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 21 Octobre 2008
Rapport oral fait par M. CALLE, Président,
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2008 et signé par Monsieur CALLE, Président, et Mme LE GALL, Greffier
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La SA FALAISE AUTOMOBILE, agent Peugeot, contractuellement liée à la SOCIETE INDUSTRIELLE AUTOMOBILE DE NORMANDIE (ci-après SIAN) depuis trente trois ans a vu son contrat résilié par courrier du 23 juillet 2003, à effet au 31 octobre 2003, au motif du non-respect d'un des critères financiers.
Parallèlement, courant 2002, M. C..., salarié de la société FALAISE AUTOMOBILE, qui a eu un temps l'intention de racheter cette société, a démissionné le 31 décembre 2003 et a créé un nouveau garage à FALAISE, la société PLP, laquelle s'est vu attribuer le statut d'agent Peugeot le 6 juillet 2003.
La société FALAISE AUTOMOBILE et son gérant, M. Philippe D..., ont fait assigner par acte du 23 octobre 2004 la SIAN devant le Tribunal de commerce de CAEN aux fins de réparation des préjudices par eux subis en raison des agissements de la SIAN en concurrence déloyale et en rupture brutale et abusive de leurs relations contractuelles.
Par jugement du 18 mai 2005, le Tribunal de commerce de CAEN a :
- dit que la responsabilité de la SIAN n'est pas démontrée au titre de la concurrence déloyale et de l'absence de bonne foi dans l'exécution du contrat,
- dit que la rupture du contrat liant les parties a été brutale et retenu de ce chef la responsabilité de la SIAN,
- dit qu'aucun préjudice n'est retenu au titre de la perte d'exploitation liée à la rupture brutale du contrat,
- condamné la SIAN à payer à la société FALAISE AUTOMOBILE la somme de 80. 000 € au titre de la perte de valeur du fonds de commerce,
- rejeté les autres demandes de la société FALAISE AUTOMOBILE,
- condamné la SIAN à verser à la société FALAISE AUTOMOBILE la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SIAN aux entiers dépens.
La SIAN est appelante de cette décision.
Maître Y... est intervenue en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société FALAISE AUTOMOBILE, suivant jugement du Tribunal de commerce de CONDE SUR NOIREAU en date du 28 juin 2005.
Plusieurs ordonnances du Conseiller de la mise en état sont intervenues dans cette procédure :
* le 5 juillet 2006, enjoignant à la SIAN de communiquer l'audit de M. E..., les photographies prises sur les lieux, les fiches de validation des critères de sélection y compris la fiche de validation GM2,
* le 24 janvier 2007, déboutant Maître Y..., ès qualités, de ses demandes de production par la SIAN d'autres pièces (autres fiches critères de sélection, avis du comité de candidature du pays),
* le 31 octobre 2007, déclarant M. D... irrecevable en son appel, formulé par conclusions du 29 septembre 2006 par lesquelles il réclamait à la SIAN l'indemnisation de ses préjudices personnels. Déférée à la Cour, cette ordonnance a été confirmée par arrêt de la Cour d'appel de CAEN en date du 25 mars 2008.
Le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi (Direction générale de la concurrence) est intervenu sur la procédure.
Par conclusions du 10 septembre 2008, la SIAN demande :
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la rupture du contrat liant les parties avait été brutale, retenu sa responsabilité, et l'a condamnée à payer à la société FALAISE AUTOMOBILE la somme de 80. 000 €, outre 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de confirmer le jugement en ses autres dispositions,
- de débouter la société FALAISE AUTOMOBILE et Maître Y..., ès qualités, de l'intégralité de leursdemandes,
- de donner acte au Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi de l'abandon de sa demande de prononcé d'une amende civile,
- de débouter ledit Ministère de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société FALAISE AUTOMOBILE et Maître Y..., ès qualités, au paiement de la somme de 10. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de les condamner aux entiers dépens, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 29 mai 2008, la société FALAISE AUTOMOBILE et Maître Y..., en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société FALAISE AUTOMOBILE, demandent :
- de dire que la SIAN n'a pas exécuté le contrat d'agent la liant à la société FALAISE AUTOMOBILE de bonne foi,
- de dire que la SIAN a eu une attitude discriminatoire à l'égard de la société FALAISE AUTOMOBILE,
- de dire la rupture des relations commerciales comme brutale, vexatoire, abusive et non justifiée,
- en conséquence, de condamner la SIAN à réparer l'entier préjudice de la société FALAISE AUTOMOBILE,
- de la condamner à payer à Maître Y..., ès qualités, les sommes suivantes :
* 30. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts pour non-exécution du contrat de bonne foi,
* 491. 543, 00 € à titre de dommages et intérêts pour perte de marge correspondant au préavis non alloué,
* 100. 000, 00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 710. 837, 16 € ou 275. 713, 00 € au titre de la perte de valeur du fonds de commerce,
* 120. 000, 00 € au titre de la perte de valeur de l'immobilier,
* 60. 979, 00 € au titre du remboursement CREDIPAR,
- d'ordonner la transmission de l'arrêt à la Commission Européenne en application de l'article 15 du Règlement de l'Union Européenne du 16 décembre 2002,
- en toute hypothèse, de condamner la SIAN à payer à Maître Y... la somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la SIAN aux entiers dépens, avec application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 9 octobre 2007, le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, demande :
- de recevoir le Ministre en son intervention,
- de dire que la rupture des relations commerciales mise en oeuvre par la SIAN vis à vis de la société FALAISE AUTOMOBILE a comporté un caractère brutal, au sens de l'article L 442-6- I- 5o du code de commerce, et constitue à ce titre un trouble à l'ordre public économique,
- de condamner la SIAN au paiement de 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la SIAN aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, la Cour fait référence à leurs dernières écritures respectives.
La clôture de l'instruction a finalement été prononcée le 16 septembre 2008.
SUR CE,
Il est constant que, dans un temps réduit :
* M. C..., qui travaillait au garage agent Peugeot FALAISE AUTOMOBILE est entré en négociation avec celui-ci aux fins de cession à son profit (courant 2002),
* ces négociations n'ayant pu aboutir, M. C... a démissionné (décembre 2003) avec préavis de trois mois (mars 2004),
* M. C... a ouvert le garage PLP avec l'aide de son fils, lequel travaillait à la SIAN (1er avril 2004),
* le garage PLP est devenu agent Peugeot (6 juillet 2004),
* le garage FALAISE AUTOMOBILE a été informé de la résiliation de son contrat d'agent Peugeot (23 juillet 2004) avec préavis de trois mois (31 octobre 2004).
Pour demander indemnisation de ses préjudices, notamment liés à la chute de son chiffre d'affaires et donc à l'absence de bénéfices à compter de 2003, ce qui l'a conduite à la liquidation judiciaire par jugement du 28 juin 2005, la société FALAISE AUTOMOBILE recherche la responsabilité de la SIAN sur trois fondements, d'une part la concurrence déloyale, d'autre part la discrimination dans l'application des critères de sélection, enfin la rupture brutale, sans préavis suffisant, des relations commerciales liant ces deux sociétés.
I Sur la concurrence déloyale
La société FALAISE AUTOMOBILE invoque de ce chef deux motifs de concurrence déloyale : en premier lieu, la " collusion frauduleuse " entre la SIAN et d'abord M. C... puis le garage PLP, avant que celui-ci ne devienne agent Peugeot, en second lieu le non-respect par la SIAN des critères de sélection pour l'attribution du statut d'agent Peugeot au garage PLP.
a) Sur la concurrence déloyale avant que le garage PLP ne devienne agent Peugeot
S'ils peuvent, le cas échéant, concerner M. C... et le garage PLP, les actes de concurrence déloyale allégués ne concernent pas la SIAN, faute de démonstration d'une réelle concertation fautive entre eux et celle-ci.
Il y a lieu de rappeler ici que la concurrence déloyale, telle que l'intimée en développe les éléments, trouve son fondement dans les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil lesquels nécessitent l'existence d'une faute, la preuve du préjudice et la démonstration d'un lien entre l'attitude fautive et le préjudice.
Or, rien ne permet de retenir que la SIAN soit intervenue dans la décision de M. C... de démissionner de la société FALAISE AUTOMOBILE de créer un nouveau garage avec son fils, et de solliciter rapidement le statut d'agent Peugeot, voire d'utiliser le fichier client du garage FALAISE AUTOMOBILE.
C'est d'ailleurs à M. C... et non à la SIAN que la société FALAISE AUTOMOBILE envoyait le 25 septembre 2003 un courrier faisant état de détournement de clientèle que M. C... aurait envoyée vers le garage Peugeot CAEN SUD à IFS. Ce courrier rappelait à M. C... son obligation de loyauté et de secret professionnel.
Il résulte du procès-verbal de constat dressé le 9 juillet 2004 par Maître F..., huissier de justice à CAEN, qu'à cette date le garage PLP, ou même M. C..., ne figurent pas encore sur la liste des agents Peugeot.
S'il ressort de ce même constat d'huissier que M. C... a pris une commande d'un véhicule Peugeot le 6 janvier 2004, et que le garage PLP a pris six commandes de même type en avril, mai et juin 2004, il y a lieu de relever que ces ventes ont pu être réalisées par M. C... et le garage PLP en qualité de
simples intermédiaires, étant précisé que les agents Peugeot ne bénéficient pas d'une exclusivité pour apporter des affaires au concessionnaire, mais qu'au contraire tout garagiste indépendant peut lui aussi le faire.
Le seul fait que les bons de commande correspondants comportent la case " agent " au lieu de " intermédiaires " qui soit cochée, (mais sans indication d'un code agent) constitue une erreur sans conséquence, peut être révélatrice des contacts pris par M. C... avec la SIAN pour que son garage PLP se voie attribuer le statut d'agent Peugeot, mais en toute hypothèse sans conséquence dommageable pour la société FALAISE AUTOMOBILE dès lors que ces documents sont internes aux professionnels Peugeot et ne sont délivrés en copie qu'aux seuls clients concernés, lesquels ajoutent d'ailleurs dans leurs attestations n'avoir passé ces commandes qu'en raison de leurs liens personnels avec M. C....
Ces commandes et ventes sont naturellement reprises dans la liste des résultats des agents datée du 26 août 2004 à la ligne " PLP (C...) ", étant précisé qu'à cette date le garage PLP avait la qualification d'agent Peugeot.
Certes, il résulte des pièces produites que, à l'occasion d'une foire à l'automobile organisée par les garages falaisiens les 17 et 18 avril 2004, le garage PLP, qui existait depuis le 1er avril précédent, était présent et exposait notamment quatre véhicules Peugeot neufs, dépourvus de plaque d'immatriculation.
Toutefois, outre que le panneau " garage PLP spécialiste Peugeot-Volkswagen " utilisé lors de cette foire n'émane pas du concessionnaire SIAN, force est de constater que le garage PLP n'a enregistré le 18 avril 2004 qu'une commande pour un véhicule Partner Zenith qui ne faisait pas partie des véhicules neufs exposés, cette seule commande étant sans incidence réelle sur les problèmes financiers de la société FALAISE AUTOMOBILE qui remontent, comme il sera exposé plus loin, à l'année 2003.
Ainsi, le lien de causalité entre ce prêt prématuré de véhicules neufs par la SIAN au garage PLP avant que ne lui soit attribué le label agent Peugeot et la déconfiture de la société FALAISE AUTOMOBILE n'est pas démontrée.
En conséquence, aucun acte de concurrence déloyale ne peut être retenu à l'encontre de la SIAN antérieurement au 6 juillet 2004, date à laquelle le garage PLP est devenu agent Peugeot.
b) Sur le non-respect des critères de sélection au profit du garage PLP
Le garage PLP s'est vu agréé en qualité d'agent Peugeot par contrat du 6 juillet 2004. Ce contrat comporte en annexe 1 des critères de sélection bien précis.
Il résulte du règlement de la Commission Européenne CE 1400 / 2002 du 31 juillet 2002 que tout garagiste qui remplit et respecte les critères de sélection peut solliciter son intégration à un réseau, en l'occurrence au réseau Peugeot.
La société FALAISE AUTOMOBILE prétend que le garage PLP ne remplit pas le critère GM2 qui exige que le site désigné par le contrat bénéficie " d'une bonne localisation, d'une bonne visibilité et d'une bonne accessibilité ", étant précisé que " la localisation appartienne à une zone de chalandise : flux de voitures ou de piétons, l'appartenance à la marque soit visible depuis les principaux axes routiers, le site soit accessible par une route goudronnée ".
Or, ce critère GM2, dont la constatation doit se faire visuellement, fait partie de ceux dont l'appréciation est confiée à un organisme totalement indépendant, le groupe d'audit C. P. M.
Il résulte des pièces versées aux débats, et notamment de l'audit pratiqué relativement au garage PLP, conforté par un fax de M. G..., directeur de clientèle C. P. M., que dans les cases concernant les points du critère GM2 il est répondu oui, sauf à ajouter sur le second point (la visibilité) qu'un mur doit être détruit, ce qui a fait l'objet d'une fiche de validation comportant d'une part la preuve de la déclaration à la Mairie de cette démolition, accordée le 26 mars 2004, d'autre part le devis pour ces travaux en date du 7 février 2004. Les autres points du critère GM2 n'appelaient aucune fiche de validation.
Ainsi, le respect du critère GM2 par le garage PLP a été constaté par la société C. P. M., organisme vérificateur indépendant de la SIAN. Il ne peut donc pas être fait de reproches à la SIAN d'avoir par la suite accordé au garage PLP le statut d'agent Peugeot.
Au surplus, les constats d'huissier contradictoires versés aux débats par les parties ne remettent pas sérieusement en cause le respect du critère GM2 sauf à ajouter des dispositions non contractuelles, tenant par exemple à la circulation à sens unique de la rue concernée. Il est en réalité constaté, au vu des nombreux plans et photographies produits, en écartant celles qui ont été prises de manière non objective, que la rue Vauquelin où est implanté le garage PLP (qui a d'ailleurs repris les locaux d'anciens garages), est de courte longueur, suffisamment large pour avoir un côté réservé au stationnement, située entre deux voies importantes, la rue de l'Abbatiale et le Boulevard de la Libération, dans une zone de chalandise et de passage avec la proximité notamment de la Poste, d'un bar dit " L'Automobile ", de divers commerces, du forum (espace culturel), et de groupes scolaires, les emblèmes de la marque Peugeot étant suffisamment visibles des rues avoisinantes lorsque l'on se trouve dans l'axe de ladite rue.
Le courrier du maire de FALAISE au garage PLP en date du 18 octobre 2006 n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation. Il y est simplement fait état d'une difficulté liée au stationnement des véhicules du garage dans la rue Vauquelin, une solution devant être trouvée " à court terme " pour ce problème avec, mais seulement " à long germe ", une installation envisagée en zone
commerciale. Il sera signalé que ce courrier note la proximité de la Poste et du Forum et il peut être relevé que la Ville a mis en place une redevance pour l'occupation par le garage PLP d'une dizaine de places sur le domaine public, alors qu'en outre ce garage répond aux critères de sélection relativement au nombre de places de parking client (huit places selon l'audit C. P. M.).
Enfin, la société FALAISE AUTOMOBILE se prévaut de l'absence de validation des critères par le Comité de candidature du pays. Toutefois, si l'intervention de ce Comité est bien prévue dans l'annexe 1 " critères de sélection " du contrat d'agent Peugeot, notamment au titre du critère GM2, force est de constater que cette procédure de validation n'a jamais été mise en place, ni pour le garage PLP ni pour tout autre agent Peugeot y compris le garage FALAISE AUTOMOBILE.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être retenu que le statut d'agent Peugeot ait été attribué au garage PLP, sis en plein tissu urbain, sans qu'il remplisse les critères de sélection contractuellement fixés.
Dès lors, la société FALAISE AUTOMOBILE doit être déboutée de ses demandes au titre de la concurrence déloyale.
II Sur la discrimination dans l'application des critères de sélection
Le contrat d'agent Peugeot liant la société FALAISE AUTOMOBILE à la SIAN est fondé sur le non respect d'un critère financier prévu à ce contrat, le critère GF3 qui impose à l'agent de " disposer d'une situation nette minimale " à savoir : " pour une société de capitaux, la situation nette doit être supérieure ou égale au capital social ".
Se fondant sur les dispositions de l'article L 420-1 du code de commerce, la société FALAISE AUTOMOBILE prétend que les critères de sélection ont été appliquées de manière discriminatoire entre le garage PLP et elle-même.
Il résulte des dispositions de l'article L 420-1 du code de commerce que sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent notamment à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises.
Toutefois, dès lors qu'il a été retenu plus haut que les critères de sélection ont été parfaitement retenus pour la signature d'un contrat d'agent Peugeot entre la SIAN, concessionnaire de la marque, et le garage PLP, la société FALAISE AUTOMOBILE ne peut se prévaloir d'une application discriminatoire, et donc anticoncurrentielle, à son égard d'un critère financier de sélection.
Ainsi, contrairement à ce qu'écrit la société FALAISE AUTOMOBILE, le non-respect relevé à son encontre du critère financier GF3 pour procéder à la résiliation de son contrat d'agent Peugeot ne peut être qualifié de simple " prétexte ", alors qu'en outre elle a reconnu ne pas respecter ledit critère.
Pas plus la société FALAISE AUTOMOBILE ne saurait se prévaloir d'un article du journal Peugeot " Rugir " de janvier 2006 faisant état de ce que 97, 6 % des entreprises répondent au critère de situation nette des affaires positive et de ce que, pour les 2, 4 % restants, tous les cas sont étudiés, avec intervention pour voir celles des entreprises concernées qui pourraient rentrer dans le cadre contractuellement défini. Cette seule observation n'est pas source de pratiques discriminatoires dès lors que rien ne permet de retenir que, après avoir envisagé les moyens de revenir au respect du critère financier en cause, il ne soit pas décidé de la résiliation du contrat avec les agents Peugeot qui persisteraient dans la violation du dit critère. Il n'est ainsi pas démontré que le constat d'agent Peugeot serait maintenu avec des garages ne respectant pas le critère financier GF3, ni d'ailleurs l'un quelconque des autres critères de sélection.
La société FALAISE AUTOMOBILE se prévaut enfin de " discrimination indirecte " sur le fait que la SIAN ne respecte pas elle-même les critères financiers de sélection au titre de son propre contrat de concession.
Il résulte en effet d'un procès-verbal de décisions du 22 juin 2004 de la SIAN que, après avoir constaté que ses capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social, cette société décidait qu'il n'y avait pas lieu à dissolution mais à régularisation de la situation au plus tard au 31 décembre 2006.
Toutefois, outre que cette décision laissait place à une régularisation possible, force est de constater que la SIAN, concessionnaire Peugeot, et la société FALAISE AUTOMOBILE, agent Peugeot, ne sont pas en état de concurrence quand bien même ils sont tous les deux réparateurs agréés. La difficulté financière de la SIAN concerne les rapports entre le constructeur, PEUGEOT AUTOMOBILES, et l'un de ses concessionnaires, liés par contrat de concession, alors que le critère financier de sélection ici en cause concerne les rapports entre le concessionnaire et l'un des agents Peugeot, dont les ventes de véhicules qu'il réalise profitent au concessionnaire qui a lui-même acquis les voitures auprès du constructeur.
Toutes discrimination fondée sur les dispositions de l'article L 442-6- I- 1o du code de commerce ne saurait être retenue que dans le cas où les parties concernées sont dans une situation identique sur le même marché, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Ainsi, la société FALAISE AUTOMOBILE doit être déboutée de sa demande fondée sur une pratique discriminatoire de la SIAN.
III Sur la rupture brutale du contrat d'agent Peugeot
Il résulte des dispositions de l'article L 442-6- I- 5o du code de commerce que, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout commerçant, producteur, industriel ou artisan, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Toutefois, le même texte précise que les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution de l'autre partie de ses obligations.
Le contrat d'agent Peugeot liant la SIAN à la société FALAISE AUTOMOBILE prévoit que l'agent doit respecter en permanence les critères de sélection énoncés à l'annexe 1 (article 1), que chacune des parties pourra résilier sans mise en demeure, de plein droit et immédiatement, le contrat par lettre recommandée avec avis de réception motivée et copie pour le concédant en cas de non-respect par l'autre partie de l'une quelconque de ses obligations essentielles, sans préjudice de tous autres droits et actions au profit de la partie résiliante (article 9 alinéa 1) et qu'il est expressément convenu entre les parties qu'il en sera ainsi en cas de non-respect de l'un quelconque des critères de sélection (article 9 alinéa 2).
Le 30 septembre 2003, la SIAN et la société FALAISE AUTOMOBILE signaient un nouveau contrat d'agent Peugeot à durée déterminée jusqu'au 31 mai 2010. Le même jour, la SIAN remettait au gérant de la société FALAISE AUTOMOBILE un courrier exposant que :
* cette société ne respecte pas " encore " l'ensemble des critères de sélection,
* que cela lui a déjà été signalé,
* que cela a été constaté lors de l'audit de la société C. P. M., et par des contrôles financiers et juridiques internes, dont elle a pu prendre connaissance,
* que cela n'empêche pas la signature le jour même du nouveau contrat d'agent, mais que cela ne vaut pas renonciation à se prévaloir de l'atteinte aux critères de sélection,
* que la situation doit être rétablie et les critères de sélection respectés, certains avant le 31 décembre 2003, et plus spécialement le critère GF3 " disposer d'une situation nette minimale " avant le 31 mars 2004.
Ainsi, dès avant la première commande de véhicule reçue par M. C... en janvier 2004, la société FALAISE AUTOMOBILE connaissait des difficultés d'ordre financier révélées par un audit C. P. M., organisme indépendant, et par des contrôles internes, dont elle a eu connaissance et qui n'ont pas encore trouvé solution à la date du 30 septembre 2003. Pour autant, la confiance entre les deux parties restait de mise puisqu'était dans le même temps signé un nouveau contrat d'agent Peugeot, qui comporte notamment la nécessité pour la société FALAISE AUTOMOBILE de respecter les critères de sélection. Toutefois, il était donné des délais à celle-ci pour retrouver le respect de ces critères. Il peut être précisé que, au bilan établi le 30 septembre 2003, de manière arrondie, la situation nette était négative de 5. 200 € alors que le capital social était de 52. 600 €.
Il y a lieu de signaler que, antérieurement, la société FALAISE AUTOMOBILE avait déjà manqué au respect d'un autre critère financier de sélection, le critère GF4 : exigence d'un fonds de roulement minimum, et ce au vu du bilan établi le 30 septembre 2002, ce qui avait provoqué un échange de courriers en mai 2003 et juillet 2003 aboutissant, pour respecter ce critère, un blocage partiel et temporaire du compte courant.
Concernant le critère GF3 ici en cause, il ressort des pièces produites que la société FALAISE AUTOMOBILE n'avait toujours pas résolu la difficulté à la date du 31 mars 2004 puisque, par courrier du 10 juin 2004, la SIAN lui rappelait ce défaut de respect de ce critère de sélection et soulignait l'absence de plan d'action.
Il y était aussi fait état d'une possible résiliation du contrat d'agent et une mise en demeure était formalisée pour régularisation avant le 30 juin 2004.
Le 28 juin 2004, la société FALAISE AUTOMOBILE a proposé le blocage des comptes courants à hauteur de 50. 000 €.
Cette opération n'aurait pas eu d'effet sur la situation nette de la société FALAISE AUTOMOBILE, laquelle nécessitait une augmentation de capital d'environ même montant, ce que les comptes permettaient.
La société FALAISE AUTOMOBILE n'ayant pas pris les mesures financières qui s'imposaient, la SIAN lui a, par courrier recommandé avec accusé de réception, notifié sa décision de mettre fin au contrat d'agent Peugeot, mais à effet " à titre exceptionnel " au 31 octobre 2004, laissant ainsi à celle-ci un ultime délai pour se mettre en conformité avec l'ensemble des critères de sélection.
Le 29 septembre 2004, par un nouveau courrier à la société FALAISE AUTOMOBILE, la SIAN rappelait à celle-ci qu'elle dispose, à travers ses comptes courants d'associés, des moyens de retrouver les critères financiers de sélection, ce qui en fait pouvait se réaliser par une mise de fonds au moyen de ces comptes courants.
Faute pour la société FALAISE AUTOMOBILE d'y avoir procédé, son contrat d'agent Peugeot s'est trouvé résilié à la date du 31 octobre 2004, générant une situation très difficile pour celle-ci.
La société FALAISE AUTOMOBILE se prévaut, pour demander indemnisation de ses préjudices, de la rupture brutale du dit contrat, sans préavis suffisant prenant en compte la durée des relations commerciales entre les deux sociétés qui a été de trente trois ans.
Toutefois, les conventions légalement formées tiennent, aux termes de l'article 1134 du code civil, lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Le respect des critères de sélection, et donc du critère GF3, sur l'opportunité duquel la Cour n'a pas à se prononcer, est qualifié d'" obligation essentielle " donc suffisamment grave pour générer la résiliation immédiate du
contrat d'agent. Cette disposition, valable, libellée en termes clairs et précis, non susceptible d'interprétation et non contraire au droit communautaire, doit trouver application dès lors que le manquement à cette obligation essentielle du contrat a été plusieurs fois rappelé à la société FALAISE AUTOMOBILE après audit C. P. M. et rapports internes, fait l'objet d'une mise en demeure et que cette société a reconnu cet état de fait en proposant une solution, par ailleurs inadaptée.
Il en résulte que la SIAN n'a pas eu d'attitude fautive envers la société FALAISE AUTOMOBILE alors que le non-respect d'un critère financier de sélection, important eu égard aux relations financières entre agent et concessionnaire, autorisait une résiliation du contrat sans préavis. Il n'y a pas en l'espèce de trouble à l'ordre public économique.
Dès lors, la société FALAISE AUTOMOBILE et Maître Y..., en sa qualité de mandataire liquidateur, ainsi que le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, doivent être déboutés de toutes leurs demandes et le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
IV Sur les autres demandes
Outre que la présente décision la rendrait sans objet, il convient de relever que le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi ne reprend plus sa demande au titre d'une amende civile.
La présente décision n'a pas à être transmise à la Commission Européenne en application de l'article 15 du Règlement de l'Union Européenne du 16 décembre 2002, faute d'intérêt communautaire comme précisé dans le courrier adressé le 28 août 2007 par la Commission Européenne au conseil de la société FALAISE AUTOMOBILE.
Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelante pour ses frais irrépétibles, d'instance et d'appel, pour un montant qu'il est équitable de fixer à 6. 000 €.
Le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, ne formulant de demande de même chef qu'à l'encontre de la SIAN, en sera débouté.
La société FALAISE AUTOMOBILE et Maître Y..., en la qualité susvisée, conserveront la charge des entiers dépens, de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Infirme le jugement rendu le 18 mai 2005 par le Tribunal de commerce de CAEN ;
- Déboute la société FALAISE AUTOMOBILE et Maître Y..., pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société, de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- Déboute le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamne la société FALAISE AUTOMOBILE et Maître Y..., pris en la même qualité, à verser à la SOCIETE INDUSTRIELLE AUTOMOBILE DE NORMANDIE la somme de 6. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la société FALAISE AUTOMOBILE et Maître Y..., pris en la même qualité, aux entiers dépens, de première instance et d'appel, et dit que, pour leur recouvrement, il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
N. LE GALL B. CALLE