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13/11/2008 | FRANCE | N°08/02073

France | France, Cour d'appel de Caen, Ct0038, 13 novembre 2008, 08/02073


APPELANTS :
Monsieur Guillaume X... Chez M et Mme Roger X...-... 14320 SAINT MARTIN DE FONTENAY

Monsieur Roger X... agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de curateur de son fils Guillaume X...... 14320 ST MARTIN DE FONTENAY

Madame Lucienne Y... épouse X......-14320 ST MARTIN DE FONTENAY

tous représentés par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués tous assistés de Me BOUGERIE, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS 64, Rue Defrance 94682 VINCENNES CEDEX pris en la pe

rsonne de son représentant légal

représenté par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LEC...

APPELANTS :
Monsieur Guillaume X... Chez M et Mme Roger X...-... 14320 SAINT MARTIN DE FONTENAY

Monsieur Roger X... agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de curateur de son fils Guillaume X...... 14320 ST MARTIN DE FONTENAY

Madame Lucienne Y... épouse X......-14320 ST MARTIN DE FONTENAY

tous représentés par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués tous assistés de Me BOUGERIE, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS 64, Rue Defrance 94682 VINCENNES CEDEX pris en la personne de son représentant légal

représenté par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués à la Cour assisté de Me LEJARD, avocat au barreau de CAEN

INTERVENANTS :
Madame Marthe Z...... 14990 BERNIERES SUR MER

Monsieur Christophe A... Chez Melle Anne B...-... 14250 VENDES

représentés par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués assistés de Me VALERY, avocat au barreau de CAEN substitué par Me OLEON

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU CALVADOS Boulevard du Général Weygand-BP 6048-14000 CAEN

non représentée bien que régulièrement assignée
PARTIE JOINTE :
Le MINISTERE PUBLIC pris en la personne de Monsieur le Procureur Général, à qui le dossier a été communiqué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. BOYER, Président de Chambre, Mme BEUVE, Conseiller, M. VOGT, Conseiller, rédacteur,

DEBATS : A l'audience publique du 09 Octobre 2008
GREFFIER : Madame GALAND
ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2008 et signé par M. BOYER, Président, et Madame GALAND, Greffier
* * *
Exposé de la procédure et des demandes
Par arrêt contradictoire en date du 7 mars 2001 devenu définitif, cette Cour, statuant en matière correctionnelle, a, entre autres dispositions, * confirmé le jugement en date du 28 mars 2000 ayant déclaré Mme Marthe Z... et son fils, Christophe A..., ainsi qu'un troisième prévenu (M. Philippe C...), coupables de s'être volontairement abstenus de porter secours à Guillaume X..., personne en péril, « étant précisé que le délit est caractérisé pour les faits commis le 12 septembre 1998 à partir de 8 heures », * condamné solidairement ces auteurs à payer à M. Roger X..., en sa qualité de curateur de son fils Guillaume, une indemnité provisionnelle de 50 000 F (7 622, 45 EUR) à valoir sur la réparation de son préjudice corporel, * sursis à statuer sur le préjudice des époux Roger X..., père et mère de la victime, * donné acte à M. X... de ce qu'il a saisi la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales (la CIVI).

L'arrêt de cette Cour, en date du 2 octobre 2001, réformant partiellement la décision en date du 9 mai 2000 de la CIVI siégeant à Caen, a « dit que Guillaume X... a commis une faute réduisant de moitié son indemnisation », et a lui alloué, assisté de son curateur, une indemnité provisionnelle de 50 000 F (7 622, 45 EUR), tout en confirmant l'organisation d'une expertise médicale sur les plans neurologique (Dr D...) et ophtalmologique (Dr E...).
Par arrêt en date du 10 juin 2004, la Cour de Cassation (2ème Chambre civile), a rejeté le pourvoi formé par M. X..., es-qualité, après avoir relevé que :
« ayant constaté que M. Guillaume X... avait absorbé une quantité importante de boissons alcoolisées et retenu que la chute accidentelle dans l'escalier s'expliquait par son état d'ivresse, la cour d'appel en a justement déduit que ces éléments démontraient que M. Guillaume X... avait, par ce comportement fautif, directement concouru au dommage résultant de l'infraction de non-assistance à personne en danger et souverainement estimé que son indemnisation devait être réduite de moitié ».
Par jugement en date du 7 février 2005, dont appel général interjeté par les consorts X..., la CIVI siégeant au Tribunal de Grande Instance de Caen, statuant également au contradictoire de Mme Marthe Z... (veuve A...) et de M. Christophe A..., intervenants volontaires a, en substance, visant l'article 706-3 du Code de procédure pénale, * alloué à M. Roger X..., en sa qualité de curateur de M. Guillaume X..., la somme de 1500 EUR, au titre de la réparation de son préjudice consécutif à l'infraction de non-assistance à personne en danger imputable à M. Philippe C..., à M. Christophe A..., et à Mme Marthe A..., à compter du 12 septembre 1998 à 8 heures, déduction à faire de la provision déjà reçue et dans la proportion du partage de responsabilité, * alloué à M. Roger X... et à son épouse la somme de 1000 EUR chacun en réparation de leur préjudice moral, * alloué à M. Roger X... en sa qualité de curateur de son fils Guillaume, la somme de 1000 EUR, en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, * rejeté le surplus des demandes, * dit que les dépens resteront à la charge du Trésor Public.

Par arrêt avant dire droit en date du 9 janvier 2007, la Cour a demandé une consultation au Professeur D..., * sur l'existence, la nature et l'étendue d'une contribution du retard de soins à partir de 8 heures à la constitution des séquelles présentées par Guillaume X..., * ou encore, pour savoir s'il résulte médicalement de ce retard de soins une perte de chance certaine d'un moindre dommage, en précisant les raisons, ainsi que la mesure.

Par le même arrêt, la Cour a également demandé à M. Roger X... de justifier de toute somme allouée à son fils au sens de l'article 706-9 du Code de procédure pénale, dépens réservés.
Le rapport, en date du 19 juin 2007, a été déposé le 25.
Les dernières conclusions, auxquelles il est fait exprès référence, ont été régularisées * le 6 décembre 2007 par le Fonds de Garantie des Victimes d'actes de terrorisme et autre infractions, intimé, * le 2 mai 2008 par les consorts X..., appelants, * le 26 mai 2008 par Mme Marthe Z... et M. Christophe A..., intervenants volontaires.

L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état, sans discussion, le 21 février 2008, avec cette précision que M. le Procureur Général, à qui la procédure a été communiquée, a déclaré s'en rapporter le 21 février 2008.

L'affaire a été retirée du rôle sur demande conjointe des avoués à l'audience du 11 juin 2008. Elle a été réinscrite le 2 juillet 2008.

Le Président a fait rapport de l'affaire à l'audience de plaidoiries.
Motivation
Sur l'indemnisation du préjudice subi par Guillaume X...
Selon les dispositions de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, la victime de faits (n'entrant pas dans un autre cadre de solidarité) présentant le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale, selon les règles du droit commun de la responsabilité (Civ. 2, 5 juillet 2006, Bull. no 188 ; Civ. 2, 7 avril 2005, Bull. no 90), des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque ces faits ont entraîné, comme en l'espèce, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois.
À cet égard, M. Guillaume X... peut prétendre à l'indemnisation des conséquences d'une abstention délictueuse subie à compter du 12 septembre 2008 à 8 heures.
Il a été définitivement jugé, sur le fondement du dernier alinéa de l'article précité, que la réparation sera réduite de moitié à raison de la faute de la victime (état d'ivresse expliquant la chute dans l'escalier, à l'origine d'un traumatisme craniofacial qualifié de sévère).
Seront ainsi examinées, selon leur nature, les atteintes à la personne subies par la victime, sans préjudice des dispositions de l'article 706-9 du Code de procédure pénale lorsque les sommes allouées à la victime, ne présentant pas un caractère indemnitaire, ouvrent recours subrogatoire, étant précisé que, par lettre en date du 16 septembre 2002, la CPAM du Calvados n'a fait état que du versement de prestations dites en nature.

Sur l'état de la victime

En substance, le rapport d'expertise du Pr D... (commis par la décision du 9 mai 2000 de la CIVI), permet de retenir que M. Guillaume X... a été victime le 11 septembre 1998 d'un grave traumatisme crânio-encéphalique et facial, dont il a gardé des séquelles neurologiques, neuropsychologiques et sensorielles visuelles sévères, toutes intégralement imputables au traumatisme.
L'incapacité temporaire a été totale jusqu'au 27 juin 2000, date de l'expertise, retenue pour la consolidation, avec un taux d'incapacité permanente partielle fixé à 50 % pour les seules séquelles neurologiques et cognitives, étant précisé que les séquelles visuelles, faisant l'objet d'une expertise séparée (rapport du 20 octobre 2000 par le Dr E...), ont justifié un taux d'incapacité permanente, à la même date de consolidation, de 70 %, de sorte que, par application de la règle de Balthazard, le taux total d'incapacité permanente partielle a été fixé à 85 % par le second expert.
Est en débat la détermination de l'étendue des atteintes à la personne de M. Guillaume X..., imputables à l'infraction ci-dessus spécifiée, sous réserve de la réduction de moitié de l'indemnisation en raison de la faute de la victime.

En effet, le Dr E..., après une deuxième désignation (arrêt de la Cour en date du 7 mars 2001), a conclu :

« Au point de vue ophtalmologique, il est impossible d'affirmer qu'il existe un lien direct et certain entre le retard apporté aux soins et une aggravation des séquelles visuelles, et donc de quantifier la différence entre les séquelles si les soins avaient été apportés dès le 12 / 9 / 1998 à 8 heures, et celles qui seraient exclusivement imputables à une intervention des soins postérieurement à cette heure ».
Par contre, le Dr D..., tant dans son rapport initial que dans celui du 19 juin 2007 (suite à l'arrêt avant dire droit du 9 janvier 2007), retient en premier lieu que le retard apporté aux soins a indiscutablement contribué à aggraver les séquelles du traumatisme.
Puis, après avoir affirmé, sans explication, qu'il était totalement impossible d'évaluer dans quelle proportion ce retard avait contribué à l'aggravation des séquelles, l'expert neurologue a tempéré cette assertion sur laquelle il s'est expliqué, ce qui est plus spécialement discuté par les auteurs de l'infraction, intervenants volontaires.
Le Dr D... indique, en effet, que « bien qu'aucune donnée objective ne permette de la mesurer dans ce cas précis, l'application à celui-ci des données observées dans des cas similaires permet d'estimer à 2 / 9, soit 22 %, la proportion de séquelles imputable au retard de prise en charge ».
Pour arriver à cette conclusion (qui pose aussi une difficulté d'interprétation du fractionnement retenu), l'expert (qui a mené sa discussion sur dossier en présence du Dr F..., conseil du Fonds de Garantie, qui n'a pas émis d'opinion médicale dissidente) énonce précisément que
« D'après l'interrogatoire des témoins Mme Z... était alors seule présente, selon arrêt pénal, une crise d'épilepsie semble avoir eu lieu vers 2H le 12. 09. On peut la considérer comme marquant le moment où a débuté la compression cérébrale, consécutive à la constitution d'un hématome extra-dural-même si une intoxication éthylique aiguë peut, à elle seule, provoquer une telle manifestation. Dans ces conditions, il s'est écoulé 9 heures entre le début de la compression et l'arrivée des secours à 11H. Sur cette période, le délai durant lequel des mesures d'assistance auraient dû raisonnablement être décidées par les personnes qui étaient auprès de la victime est de 2H. En supposant une relation linéaire entre le délai écoulé avant la prise en charge, et la gravité des séquelles, on peut chiffrer à 2 / 9èmes, soit 22 %, le taux d'invalidité séquellaires des lésions cérébrales, imputables à la période incriminée-de 8H à 11H le 12 septembre. »
S'agissant des conséquences morbides de la constitution d'un hématome extra-dural, l'expert, Professeur des Universités et Chef de service de neurochirurgie au CHU de Caen, avait relevé, d'une expérience médicale scientifiquement partagée (« il est toutefois connu, et constamment observé,... »), que « la gravité des troubles neurologiques qui sont la conséquence de la compression, leur degré d'irréversibilité, et la sévérité des séquelles, sont corrélés au délai écoulé entre l'apparition des premiers symptômes et le moment de l'évacuation chirurgicale de l'hématome ».

Contrairement au soutien des auteurs de l'infraction, le dernier rapport du Dr D... * confirme, en l'explicitant, l'existence d'un lien de causalité entre le retard des secours, notamment à partir de 8 heures, et les dommages subis par la victime de leur abstention délictueuse, * ne traduit pas le raisonnement de ce praticien hospitalier « sur des données purement théoriques », mais selon son expérience concrète et son avis autorisé, désormais confrontés aux données essentielles du dossier pénal, dont la lecture n'est pas contestée.

En conséquence, si une récupération intégrale pouvait survenir par traitement chirurgical dans les deux heures suivant la crise comitiale (manifestation retenue de la compression cérébrale), l'état séquellaire se constitue irrémédiablement en aggravation estimée linéaire entre 4 heures du matin (soit deux heures après la crise) et 13 heures environ, heure de l'intervention chirurgicale évacuant l'hématome (audition de Mme X..., sur l'heure d'arrivée au CHU et la présence de son fils au bloc opératoire).
Puisque neuf heures, environ, se sont écoulées entre le début de constitution certaine de séquelles irrémédiables (4 heures) et le seul traitement possible (13 heures), dont trois sont immédiatement imputables à l'abstention délictueuse (à partir de 8 heures, soit très largement après le début de l'aggravation en cours), et peu avant la mise en place, en urgence, du seul traitement approprié, il peut être considéré que le taux de 33 %, constitue l'appréciation la plus adéquate de la part de préjudice imputable à l'infraction (le fractionnement 2 / 9 étant difficilement interprétable).
La prise en compte du dommage sur la base d'une aggravation selon l'écoulement du temps est exclusive de la notion de perte de chance, articulée à tort par les auteurs de l'infraction.
Par contre, l'expert précise aussi que seuls les troubles neurologiques et cognitifs, à l'exclusion, par conséquent, des séquelles d'atteintes périphériques des nerfs optiques (rapport du Dr E...) peuvent être imputés au retard apporté aux soins et à une aggravation des séquelles visuelles. Il est à noter que le taux global d'incapacité permanente partielle de 85 %, doit être distingué entre les séquelles imputables à l'infraction à hauteur de 50 %, alors que les séquelles ophtalmologiques représentent 70 % (rapport Dr E... du 20 octobre 2000).
Sur la base des développements qui précèdent, il convient d'examiner les différents chefs de préjudice invoqués dans l'intérêt de M. Guillaume X..., né le 10 décembre 1976 à Saint-Martin de Fontenay, en suivant l'ordre choisi par l'intéressé, étant observé que, sauf exception, seul le Fonds de Garantie a présenté des observations précises (les auteurs de l'infraction concluent, à titre subsidiaire, au caractère satisfactoire des offres du payeur).
Sur l'indemnisation des atteintes à la personne de M. Guillaume X...
1. Incapacité temporaire totale de travail
Aucune réclamation n'est présentée de ce chef, M. Guillaume X... admettant n'avoir subi aucune perte de revenus pendant la période de l'ITT « puisqu'il s'apprêtait à entamer des études supérieures », selon son curateur.

2. Frais de tierce personne

Le Fonds de Garantie ne discute pas le principe d'une aide journalière de 2, 5 heures, non plus que le calcul du demandeur, faisant application du prix de l'euro de rente viagère (14, 141), ce qui aboutit à une somme de 108 906, 91 EUR (365 jours x 2, 5 heures x 8, 44 EUR de SMIC horaire brut en 2007 x 14, 141)
Sur ce montant, 33 % est imputable au délit ; si la quasi-cécité ne facilite pas la vie de la victime, l'atteinte sévère de ses fonctions neurologiques et cognitives, imputable à l'infraction, suffit à justifier l'indemnisation sur la base demandée. Sur l'indemnisation nominale de 35 939, 28 EUR, le partage par moitié en raison de la faute de la victime aboutit à une somme de 17 969, 64 EUR.
3. Perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle
La situation de la victime, au moment de l'accident, est objectivement connue par la présentation qu'en a donné sa mère, repasseuse-lingère dans une résidence pour personnes âgées, le 13 septembre 1998 (audition par un officier de police judiciaire) :
« Actuellement Guillaume alors âgé de 21 ans qui a échoué au BAC, est à la recherche d'un emploi. Il vit chez nous... J'avais préparé son repas pour le midi, mais il ne l'avait pas pris, cela lui arrive parfois car il se lève assez tard et il ne déjeune pas toujours.... Il devait faire diverses démarches dans CAEN, notamment confirmer son inscription à l'auto-école de Vaucelles à CAEN et son inscription à l'ANPE de CAEN également, agence de Beaulieu ».
M. Guillaume X... pouvait ainsi prétendre obtenir un emploi lui assurant un revenu annuel moyen de l'ordre de 16 500 EUR (selon la pièce, qu'il communique, pour les lignes afférentes aux revenus masculins, moyenné entre les ouvriers et les employés). Le Fonds de Garantie proposait un revenu annuel de 13 200 EUR ; par contre, les parties directement intéressées s'accordent sur l'application d'un taux de 13, 796 EUR au titre de l'euro de rente, ce qui donne donc une somme de 227 634 EUR.
S'il n'y a pas lieu de tenir compte de l'allocation adulte handicapé versée à M. X... (cf, Civ. 2, 14 mars 2002, Bull. no 47), ne peut être écartée l'incidence de sa quasi-cécité, laquelle n'est pas imputable à l'infraction.
Sera en conséquence appliqué un taux réduit d'un tiers, soit 22 %, offert par le Fonds de Garantie, ce qui correspond à une somme de 50 079, 48 EUR, avant application du partage par moitié, soit une indemnisation retenue pour 25 039, 74 EUR.
4. Déficit fonctionnel temporaire
Sous cette désignation, M. X... demande l'indemnisation du préjudice résultant du trouble dans ses conditions d'existence jusqu'à la date de la consolidation, soit pendant presque 22 mois, pour une somme mensuelle de 800 EUR. Le Fonds de Garantie propose une somme mensuelle de 600 EUR, sur la base de 22 %. Il ressort des rapports d'expertise que les séquelles visuelles, qui ne sont pas imputables à l'infraction, ont sensiblement contribué à cette situation, pendant l'apprentissage de nouvelles habitudes de vie en raison de la quasi-cécité L'offre du Fonds apparaît adaptée, soit une somme de 1452 EUR, avant application du partage, ce qui donne une somme de 1452 EUR.

5. Souffrances endurées

Le taux de l'expert sera retenu, sans discussion, soit 5 / 7, imputable exclusivement aux atteintes neurologiques et cognitives. M. X... invoque la jurisprudence actuelle de cette Cour (sans la produire), pour demander une somme de 20 000 EUR, alors que le Fonds de Garantie offre une somme de 9 000 EUR.
Une somme de 15 000 EUR apparaît appropriée, dont 33 % imputable au délit (puisque le taux de 5 / 7 et la quantification écartent déjà les séquelles visuelles), soit une somme de 4950 EUR, avant application du partage, de sorte que l'indemnisation ressortit à une somme de 2475 EUR.

6. Préjudice esthétique « temporaire », auquel la victime ajoutera un préjudice identique mais « permanent »

La distinction, qui n'a pas été introduite pour les souffrances endurées, apparaît quelque peu artificielle. La réclamation totale de M. X..., après application du partage, porte sur une somme de 666, 66 EUR (166, 66 + 500).
L'expert, en n'intégrant que les conséquences de la craniotomie et du déficit moteur, avait évalué ce préjudice à 2 / 7, ce qui n'est pas contesté.
Sur cette base, l'indemnisation sera retenue pour 1200 EUR, soit, après application du partage, une somme de 600 EUR.

7. Déficit fonctionnel permanent

Il s'agit, sous cette désignation, d'indemniser l'incapacité permanente partielle pour les séquelles imputables par leur nature à l'infraction dont le Fonds de Garantie ne disconvient pas que le taux représente 50 %, soit une indemnité potentielle de 150 000 EUR, pour une victime âgée de 23 ans à la date de la consolidation.
Le taux d'incapacité permanente de 50 % écartant les séquelles ophtalmologiques, le taux de 33 % d'imputation à l'infraction proprement dite sera admis, ce qui, après application du partage de responsabilité, conduit à une indemnisation de 25 000 EUR.

8. Préjudice d'agrément

Son importance est indiscutable, en dehors de la quasi-cécité (non imputable) ; dans ce cadre, une somme de 30 000 EUR apparaît adaptée (la réclamation portée à la somme de 50 000 EUR est excessive), en appliquant un taux de 33 % (puisque l'assiette de calcul écarte déjà les séquelles visuelles). Le partage par moitié s'appliquera donc sur une somme de 9 900 EUR, ce qui donne un préjudice indemnisable de 4950 EUR.

9. Préjudice d'établissement

Bien plus que la cécité, les troubles neurologiques et cognitifs ont très sensiblement altéré les chances, encore intactes, de M. Guillaume X... de fonder une famille et de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants susceptibles de survenir de cette union. Le Fonds de Garantie reste silencieux sur ce chef de préjudice, déjà admis par la jurisprudence dans des situations d'atteintes très importantes à la personne, comme en l'espèce. Les auteurs de l'infraction se contentent de soutenir que les consorts X... ne justifient à aucun moment de la gravité d'un préjudice d'établissement.
Une somme de 15 000 EUR réparera ce préjudice spécifique au titre de l'infraction, soit une somme de 7 500 EUR après application du partage.

Sur les préjudices personnels des parents

L'appel ayant été général, les époux X... sont recevables à contester la décision de la CIVI, contrairement à la seule contestation, inopérante à cet égard, du Fonds de Garantie.
Il ne leur est pas contesté que, « victimes par ricochet » ainsi qu'ils se présentent, les époux X..., père et mère de Guillaume, souffrent moralement des conséquences du délit dont leur fils a été victime.
De ce chef, une somme de 7 000 EUR sera la mesure de ce préjudice, pour chacun d'eux, soit deux sommes de 3500 EUR après application du partage.
Par contre, il n'est justifié ni de l'existence de « frais divers générés » par l'état de leur fils, ni, s'ils existent, de ce que dernier ne serait pas en mesure d'y subvenir lui-même.
Sera en conséquence écartée l'invocation d'un « préjudice matériel important », dont se prévalent les époux X..., ce dernier ne reposant sur aucune base certaine.

Sur les autres demandes

Le Fonds de Garantie conservera la charge des dépens, à l'exception de ceux qui seront supportés par les intervenants volontaires (qui restent exposés à l'action récursoire du payeur), sans qu'il y ait lieu, en équité, à quelque indemnisation supplémentaire au titre des frais irrépétibles.
Par ces motifs La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Vu les articles 706-3 et 706-9 du Code de procédure pénale,
Vu les arrêts en date des 7 mars 2001, 2 octobre 2001, 10 juin 2004, 9 janvier 2007,
Vu les rapports d'expertise des Drs D... et E...,
Constate l'intervention volontaire de Mme Marthe Z... et de M. Christophe A..., auteurs de l'infraction dont M. Guillaume X... a été victime,
Réformant la décision du 7 février 2005,
Alloue à M. Guillaume X..., assisté de M. Roger X..., son curateur, en réparation des dommages qui résultent des atteintes à sa personne, les sommes suivantes, après application de la réduction de moitié en raison de la faute de la victime * frais de tierce personne, 17 969, 64 EUR, * perte de gain professionnelle future et incidence professionnelle, 25 039, 74 EUR, * trouble dans les conditions d'existence jusqu'à la consolidation, 1452 EUR, * souffrances endurées, 2475 EUR, * préjudice esthétique, 600 EUR, * déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente partielle), 25 000 EUR, * préjudice d'agrément, 4950 EUR, * préjudice d'établissement, 7 500 EUR,

Alloue à M. Roger X... et à Mme Lucienne Y..., père et mère de Guillaume, en réparation du préjudice moral résultant des conséquences du délit, une somme de 3500 EUR, à chacun d'eux, après application de la réduction précitée,
Déboute les parties de leurs prétentions autres ou plus amples,
Confirme le jugement du 7 février 2005 du chef des frais irrépétibles, et des dépens de première instance,
Dit que le Fonds de Garantie conservera la charge des dépens par lui exposés en appel, et supportera ceux exposés, de même, par les consorts X...,
Dit que les intervenants volontaires conserveront la charge de leurs propres dépens d'appel,
Accorde à la SCP Terrade-Dartois, Avoués, ainsi qu'aux autres SCP d'Avoués, s'il y a lieu, droit de recouvrement direct dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. GALAND J. BOYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Ct0038
Numéro d'arrêt : 08/02073
Date de la décision : 13/11/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Caen, 07 février 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-11-13;08.02073 ?
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