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13/11/2008 | FRANCE | N°07/01653

France | France, Cour d'appel de Caen, Ct0037, 13 novembre 2008, 07/01653


AFFAIRE : N RG 07 / 01653 Code Aff. : ARRÊT N BC NP ORIGINE : DECISION en date du 24 Avril 2007 du Tribunal d'Instance de VIRE-RG no 11-06 / 0088 COUR D'APPEL DE CAEN PREMIÈRE CHAMBRE-SECTION CIVILE ET COMMERCIALE ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2008

APPELANT :
Monsieur Guy X.........

représenté par Me Jean. TESNIERE, avoué assisté de Me Pierre BAUGAS, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur Roger X.........

Madame Bernadette X... épouse Z...... ...

Madame Christiane X... épouse A.........

représentés par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF

BALAVOINE LEVASSEUR, avoués assistés de la SCP DOREL LECOMTE MASURE MARGUERIE, avocats au barreau de CA...

AFFAIRE : N RG 07 / 01653 Code Aff. : ARRÊT N BC NP ORIGINE : DECISION en date du 24 Avril 2007 du Tribunal d'Instance de VIRE-RG no 11-06 / 0088 COUR D'APPEL DE CAEN PREMIÈRE CHAMBRE-SECTION CIVILE ET COMMERCIALE ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2008

APPELANT :
Monsieur Guy X.........

représenté par Me Jean. TESNIERE, avoué assisté de Me Pierre BAUGAS, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur Roger X.........

Madame Bernadette X... épouse Z...... ...

Madame Christiane X... épouse A.........

représentés par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués assistés de la SCP DOREL LECOMTE MASURE MARGUERIE, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur CALLE, Président de chambre, rédacteur, Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller, Madame VALLANSAN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 07 Octobre 2008
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2008 et signé par Monsieur CALLE, Président, et Mme ALLAIN, Greffier

M. Guy X... a fait assigner les consorts X... aux fins de fixation de sa créance de salaire différé à hauteur de 111. 349, 33 €.

Les consorts X..., concluant au débouté ou à la réduction de la demande de M. Guy X..., ont formulé eux-mêmes des demandes sur le même fondement à hauteur de 35. 260, 58 € pour Roger X..., 57. 066, 46 € pour Mme Bernadette Z... née X... et 49. 179, 23 € pour Mme Christiane A... née X....
Par jugement du 24 avril 2007, le Tribunal d'instance de VIRE a fixé les créances de salaire différé comme suit, sous réserve de revalorisation :
* pour M. Roger X... 35. 260, 58 €,
* pour M. Guy X... 49. 179, 23 €,
* pour Mme Bernadette Z... née X... 57. 066, 46 €,

* pour Mme Christiane A... née X... 49. 179, 23 €.

Le premier juge a en outre :
- rappelé que le bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire différé peut, dans les limites des dispositions de l'article L 321-17 du code rural, exiger lors du partage des donations le paiement de son salaire,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté M. Guy X... du surplus de ses demandes,
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de M. Guy X....
M. Guy X... est appelant de cette décision.
Par conclusions du 23 septembre 2008, il demande :
- de débouter les consorts X... de l'ensemble de leur argumentation et de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de réformer le jugement sur sa propre créance de salaire différé et fixer celle-ci à la somme de 111. 349, 33 € sous réserve de la revalorisation du SMIC à la date la plus proche du partage,
- de confirmer le jugement sur les créances de salaire différé des consorts X...,
- de dire que, par application des dispositions de l'article L 321-17 du code rural, M. Guy X... pourra exiger des donataires le paiement de son salaire au cas où l'actif successoral ne serait pas suffisant pour le couvrir de ses droits,
- de condamner les consorts X... in solidum à lui payer une somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de les condamner in solidum en tous les dépens avec recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 9 septembre 2008, M. Roger X..., Mme Bernadette Z... née X... et Mme Christiane A... née X... demandent, sur appel incident :
- de réformer le jugement entrepris concernant la demande de salaire différé de M. Guy X...,
- de l'en débouter ou, plus subsidiairement, de dire qu'il ne saurait y prétendre que pour une période de trente mois,
- en tout état de cause, de confirmer le jugement pour le surplus,
- de condamner M. Guy X... à régler à chacun des intimés la somme de 1. 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner M. Guy X... aux entiers dépens, avec recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, la Cour fait référence à leurs dernières écritures respectives.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er octobre 2008.
Le 6 octobre 2008, M. Guy X... a versé aux débats une pièce nouvelle cotée 34, et les consorts X... deux pièces nouvelles cotées 50 et 51.
M. Guy X... demande la révocation de l'ordonnance de clôture.
SUR CE,
I Sur la procédure
Aux termes de l'article 784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue, ce qui n'est pas le cas en l'espèce les attestations produites postérieurement ayant pu être obtenues avant la clôture.
Il n'y a donc pas lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 1er octobre 2008.
En application des dispositions de l'article 783 du même code, les dites pièces doivent être déclarées irrecevables.
II Au fond
Il résulte des dispositions de l'article L 321-13 du code rural que les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes, et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu à paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers.

Le taux annuel du salaire est égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à deux mille quatre vingts fois le taux du SMIC en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance si ce règlement intervient du vivant de l'exploitant.
La loi ne requiert pas que la participation soit permanente et exclusive dès lors qu'elle n'est pas simplement occasionnelle.
Il appartient à celui qui se prétend créancier d'un salaire différé de prouver qu'il remplit les conditions nécessaires à l'attribution de cette créance.
Les créances de salaire différé de M. Roger X..., de Mme Bernadette Z... née X... et de Mme Christiane A... née X... ne sont pas remises en cause et, alors que le premier juge a fait une exacte application de la loi en ce qui les concerne, elles méritent confirmation.
Seule est remise en cause la créance de salaire différé de M. Guy X....
M. Guy X..., né le 21 novembre 1930, a eu dix huit ans le 21 novembre 1948. Sa demande de salaire différé porte sur la période courant du 21 novembre 1948 au 31 décembre 1964.
Toutefois sa créance ne saurait, en application des dispositions de l'article L 321-17 du code rural, excéder dix ans.
Sans tenir compte des témoins qui ont attesté à plusieurs reprises de manière contradictoire, il résulte des attestations régulièrement versées aux débats, avec pièces d'identité, que M. Guy X... a travaillé sur l'exploitation de ses parents dès son plus jeune âge (attestations C..., D..., E..., F...) et malgré son mariage jusqu'en 1964 (attestations G..., F..., S..., E...), que les travaux accomplis par lui étaient fort divers : labours, foins, sarclage, ramassage de pommes (attestation G...), tous travaux selon les saisons (attestations D..., S..., E...), cidre (attestations G..., H...).
Ces attestations concordantes ne sont pas suffisamment combattues par les attestations adverses disant qu'il aurait cessé tout travail chez ses parents lors de son mariage en 1954.
Plusieurs de ces témoins ajoutent que, comme d'ailleurs la plupart des enfants d'exploitants agricoles, il n'était pas rémunéré pour cette participation. Il n'est d'ailleurs allégué par les intimés aucune rémunération.
Il peut être souligné que par acte du 29 mars 1970, M. Camille X... et son épouse ont donné à bail à leur fils Guy un ensemble d'herbages et vergers d'une superficie de 4 ha 89 a en précisant que le preneur a déclaré " bien les connaître les ayant exploités antérieurement avant 1964 ".
Il convient toutefois de tenir compte de la période de service militaire à TUNIS du 28 octobre 1950 au 27 mars 1952, date de sa permission libérale jusqu'à ce qu'il soit retiré des contrôles. Lors de sa libération, il a déclaré se retirer à COULONCES, lieu de la ferme paternelle.
En outre, M. Guy X..., désigné dans son relevé de carrière comme aide familial majeur non salarié de 1952 à 1956 a exercé une activité de chef d'exploitation à compter de 1957.
Par ailleurs, il a été immatriculé au registre des métiers à compter du 1er février 1959 en qualité d'entrepreneur de battage et travaux agricoles.
Si la taille de l'exploitation de M. Guy X... (7 ha) et sa proximité de la ferme de ses parents lui laissait suffisamment de temps pour participer directement et activement à l'exploitation paternelle (24 ha), sans que ce soit de manière purement occasionnelle, en revanche il en est allé autrement lorsqu'il a entrepris son activité de battage et travaux agricoles. En effet, contrairement à ce qu'atteste M. B... selon lequel M. X... n'avait pas de clientèle, il résulte des nombreuses attestations produites par les intimés que cette activité était loin d'être négligeable (attestations I..., J...,
K..., L..., M..., N..., O..., P..., Q..., R..., T...) et que M. X... avait même une aide pour cette activité (attestations U..., P..., Z..., V..., W..., AA.....).
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera retenu que M. Guy X... a travaillé de manière directe, effective et non occasionnelle sur l'exploitation de ses parents, sans être associé aux bénéfices ni aux pertes et sans rémunération, du 21 novembre 1948 au 28 octobre 1950, puis du 27 mars 1952 au 1er février 1959, soit au total cent cinq mois.
La créance de salaire différé correspondante s'établit en conséquence à 97. 430, 55 €, sur la base du SMIC de 8, 03 € au 1er juillet 2005, somme qu'il y aura lieu de revaloriser à la date du partage.
Le jugement sera réformé en ce sens.
III Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dépens de première instance resteront, eu égard à la nature de la cause à la charge de chacune des parties qui les a exposés.
Le jugement entrepris sera également réformé de ce chef.
En revanche, alors qu'il est partiellement fait droit à la demande de M. Guy X..., les dépens d'appel seront à la charge des intimés.
Ces derniers, qui seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, verseront à l'appelant une somme au titre de ses frais irrépétibles d'appel qu'il est équitable de fixer à 1. 500 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ;
- Déclare irrecevables les pièces versées aux débats par les parties postérieurement à l'ordonnance de clôture du 1er octobre 2008 ;
- Réforme le jugement rendu le 24 avril 2007 par le Tribunal d'instance de VIRE, sur le montant de la créance de salaire différé de M. Guy X... et sur les dépens ;
- Dit que M. Guy X... bénéficie d'une créance de salaire différé d'un montant de 97. 430, 55 €, sous réserve de revalorisation au jour du partage ;
- Dit que le paiement de ce salaire s'opérera selon les dispositions de l'article L 321-17 du code rural ;
- Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais et dépens de première instance ;
- Confirme, en ses autres dispositions, le jugement entrepris ;
- Condamne in solidum M. Roger X..., Mme Bernadette Z... née X... et Mme Christiane A... née X... à verser à M. Guy X... la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;
- Condamne les mêmes in solidum aux dépens d'appel, avec recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT

C. ALLAIN B. CALLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Ct0037
Numéro d'arrêt : 07/01653
Date de la décision : 13/11/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Vire, 24 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-11-13;07.01653 ?
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